- ven. 2 févr. 2018 13:26
#31460
De la maison, il ne restait que des cendres volatiles. Le feu avait tout dévoré, absolument tout. Les poutres de bois, les cloisons de plâtre, le mobilier, la décoration, les indésirables. De leur corps, il ne restait pas même les os ni les dents. Cette seule pensée procura à Isabo un frisson d’effroi. Depuis le portail de fer noir, elle observait le personnel du muséum extraire les oeuvres de la galerie. Cette annexe de la maison avait survécu à l’incendie grâce à la redondance des systèmes de sécurité. Les flammes obscures avaient bien tenté d’y entrer, mais l’épaisseur des murs, les vitres coupe-feu ignifugées, le revêtement inert de la toiture, et la présence du gaz incombustible, plaçant ainsi en surpression la galerie chérie, avaient repoussé les intruses. Quand les soldats du feu avaient tiré la porte du bâtiment, ils avaient découvert un environnement hostile, tout aussi mortel que le feu, et un extraordinaire entassement de sculptures, de peintures, de vases et de bijoux. Daerenth était un fou.
- « Tu pourrais garder tout ça. »
D’un hochement de tête négatif, la rouquine répondit silencieusement à la suggestion de son amie arrivée la veille sur Dargul. Après sa mésaventure sur Ziost, Mya n’avait pas tardé à reprendre contact avec Isabo. Certaines choses se devaient d’être dites et entendues. L’Humaine avait accepté les explications, posant parfois des questions. Ce qui lui importait réellement, était d’avoir retrouvé Mya, et son empreinte dans la Force ne mentait pas. Même si la Mirialan avait radicalement changé, elle était de nouveau elle-même. Le reste n’avait pas vraiment d’intérêt. Et quand s’était posé la question d’Helera, Isabo avait haussé les épaules. Je ne sais pas.
La rouquine traversa le jardin pour jeter un oeil à l’inventaire qui s’étalait sur des centaines de lignes. L’huissier les faisait lentement défiler à mesure qu’on sortait les pièces d’art et qu’on les emballait dans les caisses de transport. L’homme s’intéressa un instant à la propriétaire des lieux.
- « Il y en a pour des millions … C’est un geste généreux. »
La jeune femme lui offrit un triste sourire. Elle ne voulait plus de tout ça. Cette collection était un boulet qu’elle trainait depuis des années. À quoi bon s’accrocher à toutes ces antiquités, son grand-père y avait déjà dédié toute une vie, c’était bien assez. Le muséum de la Principauté en ferait bien meilleur usage, c’était certain. Isabo fit demi tour, invitant Mya à la suivre.
- « J’ai rendez-vous au palais, tu m’accompagnes ? »
Un signe positif, les deux femmes quittèrent le jardin abandonné. La rouquine avait loué les services d’un taxi qui se présenta à l’heure. En voyant arriver le speeder, la gamine tenta un trait d’humour.
- « Pas de cargo cette fois. »
Pour seule réponse, elle obtint une moue désapprobatrice.
Le palais, construit sur l’une des collines de la ville, toisait la capitale de sa hauteur. La place qu'il surplombait était noire de monde. Une foule hétérogène et sans discipline qui se mouvait sans règle au gré des envies individuelles. Le peuple était cordialement invité à éprouver l’élégance et le raffinement des moulures de la blanche façade. Point d’intérêt touristique que le duo féminin n’aperçut même pas. En effet, le taxi déposa ses clientes à quelques pas de l'entrée administrative, devant laquelle s’étirait une longue file de plaignants. Isabo s’identifia auprès du représentant de la sécurité et on la fit entrer sans patienter.
Dans la salle d’attente du secrétariat principal, Isabo trépignait. Les minutes s’écoulaient lentement et l'heure du rendez-vous était déjà depuis longtemps dépassée. Finalement, on vint la chercher, elle seule, sans son accompagnant. Mya attendit une longue heure, réfléchissant au déroulement prochain de ses affaires. Les choses s’avéraient plus complexes qu’elle ne l'aurait cru et il lui faudrait des mois encore pour mettre la main sur l’objet de ses désirs. Un soupir discret, cette pensée la travaillait jour et nuit. La rouquine revint finalement, l'air fatigué. Elle expliqua rapidement que son entrevue avec la Princesse s'était réduit à un entretien avec le secrétaire de la Princesse. Il ne fallait pas rêver, la demoiselle n'avait pas que ça à faire. Mais au moins, Isabo avait, pour sa grande générosité, obtenu quelque récompense. Elle l’agitait désormais sous le nez de la Mirialan.
Mademoiselle Isabo Daerenth
reçoit en ce jour l’honorable titre de
Comtesse et Protectrice des Arts Darguléens.
Suivait tout un tas de documents variés, des certificats, des reconnaissances, et un acte de propriété. Un manoir, dans un quartier côté, pas tout à fait chic, mais plaisant et au cachet indéniable. La petite Daerenth, en se débarrassant de son fardeau, en avait gagné un autre, bien plus reluisant à ses yeux, et qui lui accorderait tout le loisir de mener à bien son projet.