S'il était bien une chose que Nan'la ne s'attendait pas le moins du monde à voir ce soir là sur son holo personnel, dans sa chambre au sein de la flotte qu'elle commandait, c'était cette vidéo notifiée comme étant envoyée par le BSI. Postée quelques heures plus tôt sur l'holonet républicain, elle avait été jugée semble-t-il comme importante à visionner par l'Amirale. Curieuse de voir ça, elle lança le visionnage. Et vit tout du début à la fin. Resta silencieuse un bon quart d'heure. Puis relança le visionnage. Encore. Et encore. Et encore. Et n'en croyait pas ses yeux.
Hayley, en vie? Comment? Près de 20 ans s'étaient écoulés depuis que sa jumelle avait quitté le domaine familial sur Kuat pour se perdre dans ses bas-fonds. Elle se souvenait bien de cet officier qui était venu leur annoncer à son père et elle qu'on avait retrouvé des vêtements déchirés et maculés de sang portant ses empreintes digitales et génétiques. Pas de corps, mais aucun doute n'avait été possible, elle avait été tuée, avalée par la vermine qui peuplait les profondeurs de tout les mondes impériaux.
Le chagrin avait été total pour la jeune fille d'alors car malgré les conflits qui animaient leur fratrie, notamment cette dispute lors de la visite du Prince Althar quelques mois avant le drame, elle aimait sa sœur, c'était normal non? Pourtant, faisant preuve de la détermination si caractéristique chez la progéniture du vieux Curwee (dont elle n'avait jamais rien su), elle avait utilisé ce chagrin pour en faire une force. Elle en avait fait un moteur pour devenir quelqu'un de meilleur, pour faire quelque chose d'utile et pour servir quelque chose de plus grand qu'elle.
Cela l'avait faite tenir durant les années à l'académie puis sur le terrain de penser qu'Hayley, ou qu'elle put être si tant est qu'on put croire à ce genre de superstitions, approuva ses choix de se détacher de Père pour forger sa propre route. L'Empire englobait alors tout et c'était tout naturellement qu'elle s'était donc dirigée vers l'Empire, visant la Marine. Le machisme et le sexisme régnant l'avaient presque rendue folle mais encore une fois, cette féroce volonté de prouver qu'elle valait plus que les autres l'avait portée en avant.
Même après la débâcle d'Endor, cette certitude de continuer sa route pour toutes les deux avait été là. Toute sa vie avait reposé sur la culpabilité et la honte de n'avoir pas su protéger et écouter sa sœur dont le mal-être au sein du domaine R'izzan avait toujours été perceptible. Et à présent, voilà qu'elle apprenait qu'elle était vivante. Sa première réaction aurait été de sauter de joie mais elle n'en fit pourtant rien. Il y eut des larmes qui coulèrent librement, autant de joie que de tout autre chose.
Hayley était devenue une Jedi. Et pire encore, elle avait combattu l'Empire aux côtés des Rebelles pour les aider à installer leur anarchique République qu'elle servait à présent. Elle avait tué des citoyens impériaux innocents assurément, tout comme elle avait tué des soldats. Qui sait combien de sang elle avait sur les mains. Hayley, Hayley, ma pauvre sœur, comment as-tu pu, qu'est-ce qui t'es arrivé pour que tu deviennes un tel monstre? Tu avais pourtant entendu les histoires sur les Jedi et leurs crimes à la fin de la Guerre des Clones.
Comment avait-elle pu? Ses propos n'avaient aucun sens, elle parlait sur la vidéo comme une vraie illuminée membre d'une secte reconnue comme ayant perpétré des crimes contre l'ordre établi jadis. Nan'la sentait maintenant la rage lui mordre le cœur plus durement que jamais auparavant dans toute sa vie. Hayley était devenue l'ennemie, c'était aussi simple que ça. Et pourtant...
Elle était sa jumelle et sa seule famille encore en vie. Il ne lui restait plus rien en dehors de sa loyauté à l'Empire. Pouvait-elle cracher sur les merveilleux souvenirs de leur enfance, sur cette petite peste rousse qui, à leurs 13 ans, avait à cœur de lui voler son maquillage pour en barbouiller les statues de Père en sachant à quel point cela l'énerverait? Pouvait-elle vraiment vouloir souhaiter la mort d'Hayley?
En définitive, la question ne se posait finalement pas, songea-t-elle amèrement. Famille ou pas famille, Hayley ou pas, elles étaient dans des camps opposés et chacune ne se laisserait pas rallier à l'ennemi. Nan'la ne pouvait plus croire qu'elles étaient sœurs ni qu'un jour elles pourraient se revoir sans qu'il n'y ait de méfiance et d'hostilité entre elles. Pourtant, pour autant qu'elle eut pu le vouloir, elle ne parvint pas à souhaiter qu'il lui arriva le pire.
L'Amirale envoya un rapport le lendemain matin au BSI avant de se présenter sur le pont, le Commissaire déjà présent sur la passerelle comme chaque jour. Le maintien de la demoiselle était impeccable tout comme son uniforme et ses manières. Pourtant, personne qui ne la fréquentait pas depuis longtemps n'aurait pu manquer de déceler le léger tremblement de ses mains ni cette lueur de douleur dans son regard. La vérité était un éclat de glace qui, planté dans le cœur, transperçait bien plus aisément et profondément qu'aucun sabre laser n'aurait jamais pu le faire.
A ce rapport étaient joints les relevés demandés par le Commissaire. Y figuraient tout ce qu'elle avait expliqué au Commissaire avec en plus les projections théoriques sur la source des échos fantômes localisés durant les innombrables patrouilles. Ces échos, fallait-il le noter, dataient pour les plus anciens de quelques 5 ans auparavant, peut-même plus si on partait du principe qu'il y en avait qui avaient pu échapper aux patrouilles. Le Noyau Profond après tout, avant Endor, avait été très peu fréquenté par ordre de l'Impératrice.
Qui pouvait dire si l'activité ne datait pas de plus loin encore?
Ces échos provenaient vraisemblablement de l'intérieur du Noyau Profond, de cette zone toute proche du cœur de la galaxie, là ou le danger pour qui s'approchait était incommensurable en plus d'être incroyablement imprévisible. Mais les archives y mentionnaient des mondes qui avaient même pour certains été colonisés par l'Empire. Prakith et Byss pour ne citer qu'eux. Peut-être en existait-il d'autres encore que nul ne connaissait. Il serait bien difficile en tout cas d'en établir une cartographie complète, sans même parler des trajets sécurisés. Difficile, mais pas impossible.
Au Bureau de la Sécurité Impériale,
Moi, Nan'la R'izzan, Amirale du Noyau Profond et servante de l'Empire, certifie avoir vu la vidéo que vous m'avez envoyé. C'est avec la plus grande tristesse que je me dois de confirmer que la femme interrogée sur Corellia est bien ma sœur jumelle, Hayley R'izzan, que j'avais crue morte 20 ans auparavant. Je ne peux que déplorer son choix d'avoir trahi l'Empire et rejoint la Rébellion et les Jedi.
Je suis également consciente de ce que ce lien de parenté implique. J'accepte tout châtiment que vous pourriez m'infliger, je suis prête à renoncer à mon grade et ma place dans la Marine. Je regrette que mes états de services puissent être noircis par ce triste événement. Jusqu'au bout loyale à l'Empire.
Aucune demande de pardon glissée subrepticement dans son rapport. Nan'la savait qu'il n'y en aurait aucun et elle n'était de toute façon pas un de ces pleurnichards à constamment implorer et faire de la lèche. Elle assumait ses fautes, qu'elles aient été volontaires ou non et de son fait ou non. Dans l'attente d'un quelconque jugement, elle continuerait de faire son devoir envers l'Empire. Car le devoir à présent, c'était tout ce qu'il lui restait.
Le suspect fut appréhendé exactement à 13h07 heure locale au sein du Palais de Serenno. Une des nombreuses patrouilles de traque le repéra alors qu'elle fouillait les sous-sols du bâtiment, il était affairé sur un étrange appareil dans une pièce inoccupée du 3e sous-étage. Il résista férocement, blessant même un des Troopers avant d'être neutralisé d'un tir paralysant. Les ordres avaient été clairs, capturer vivant. On le confia aux Renseignements ainsi que l'appareil.
Une analyse de l'appareil révéla que c'était un engin explosif improvisé et artisanal, d'une conception tout à fait élégante malgré le fait qu'il avait visiblement été conçu bien loin des standards. Le sapeur-concepteur responsable de sa fabrication avait été très ingénieux et retors. Après une enquête approfondie, une reconstitution des événements avait été établie, à peu près fiable.
Ignotus et ses mystérieux alliés - plus pour longtemps une fois que les interrogateurs se mettraient au travail - avaient en fait réussi à faire passer chaque composant de la bombe à travers les inspections et autres détecteurs aux entrées du Palais un par un. Chaque tout petit morceau avait été amené séparément au sous-sol. Lentement mais surement. Cela avait dû prendre des mois voire des années pour y arriver et cela en disait long sur la patience des conspirateurs.
Ensuite de quoi, le traître avait tout assemblé, profitant de ses périodes de pauses chaque jour, discrètement. On avait découvert qu'un ordre émis par l'intendant du Palais 3 mois plus tôt interdisait à quiconque de s'aventurer au 3e niveau des sous-sols pour cause de réorganisation des espaces. Une prétention bien fumeuse, l'intendant avait été découvert pendant la fouille. Son corps reposait sur son bureau, les yeux grands ouverts, la gorge tranchée. La lame avait été déposée sur le bureau, on avait retrouvé une lettre de suicide dans laquelle le mort avouait son crime, arguant qu'il l'avait fait par la faute de lourdes dettes de jeu. Il prétendait qu'un anonyme avait fait pression sur lui en échange de l’exonération de ses dettes.
Une catastrophe avait été évitée de peu. Si le Palais avait explosé, les morts auraient été nombreuses et l'image du pouvoir impérial aurait été écornée. Bien que les conspirateurs n'avaient pas prévu le fait que l'Empire avait coupé les communications avec l'extérieur, réduisant donc en partie la menace. Bon travail soldats.
Les inspections sur tout l’armement de défenses terrestres planétaires ne donnèrent - heureusement? - rien de notable. Enfin, il y avait bien ça et là quelques traces de bidouillages et de tentatives de sabotage mais un rapide examen d'ingénieurs impériaux avait permis d'établir que les tentatives n'avaient rien donné. En vérité, on n'avait tout simplement pas véritablement accordé d'importance à saboter les défenses. Mais pourquoi? Au nom de quoi pouvait-on bien dédaigner une pareille tâche?
La réponse la plus plausible aurait été la suivante: une diversion. Mais pour cacher quoi et à qui? De deux choses l'une, soit il y avait anguille sous roche, soit les enquêteurs n'avaient pas saisi quelque chose dans tout ça. Mais la réponse, au final, viendrait peut-être comme tant d'autres de la bouche de l'exécuteur arrêté. Nul doute que les interrogateurs étaient impatients de converser avec le traître. Ils devaient surement en
mourir d'excitation.
La quasi totalité des mercenaires accepta bien volontiers l'offre de rejoindre le drapeau impérial. Il faut dire qu'entre ça et la balle dans la tête, la plupart des gens avaient tendance à vite faire leur choix. Le problème, c'était 1) de les motiver à retourner travailler pour ces anonymes qui, de toute évidence, leur collaient une trouille de tout les diables, 2) qu'ils n'avaient tout simplement aucun moyen de contacter lesdits anonymes. On les avait payé grassement à l'avance par le biais de comptes privés aujourd'hui fermés et on leur avait indiqué qu'une fois leur tâche achevée, le contrat serait terminé, au revoir.
Un agent des Renseignements eut la brillante idée de les faire examiner par des psychologues confirmés, un par un. On fit alors une découverte intrigante: les mercenaires avaient subi un psycho-endoctrinement afin d'oublier de manière inconsciente tout souvenir sur les visages, motivations et détails quelconques concernant leurs employeurs. L'ennemi disposait donc de moyens pointus pour couper les liens pouvant l'incriminer. Chou blanc sur ce terrain donc.
Les corps des Sith révélèrent majoritairement ce que le corps de l'assassin infiltré au sein de l'Executor et abattu par le Protecteur Jax avait jadis révélé, c'est-à dire relativement peu de choses. En revanche, on découvrit des traces dans leur estomac et tubes digestifs d'une substance curieuse, théoriquement des comestibles tout simples. Toutefois, après recherche dans la base de données d'après les données, on ne trouva aucun équivalent dans tout l'Empire. Le produit, s'il était manufacturé, ne l'était pas dans le coin.