- mar. 16 janv. 2018 19:44
#31216
Le sommeil était venu sans qu'il ne l'ait vraiment souhaité. Sûrement était-ce à cause de ce film à l'eau de rose, déjà vu un certain nombre de fois, ou bien la sensation procurée par cette situation si agréable. Mais la nuit fut courte. Et le réveil difficile. A vrai dire, il se demandait s'il était réellement réveillé. Le stress de ce qui pouvait se passer dès à présent avait fait toile au fond de ses entrailles. Il n'avait fallu que quelques heures pour les chaînes de la peur s'immiscent autour de chacun de ses membres, et finissent de l'immobiliser dans sa crainte. Et s'ils avaient tort ? Si aujourd'hui était son dernier jour ? Non ... Il ne préférait pas y penser. Ne pas l'imaginer, pas l'accepter.
C'est donc un Prince plus fatigué au lever qu'il ne l'était au coucher qui émergea. En une nuit le fardeau d'un moment déterminant de sa vie venait de s'abattre, et avec lui l'impression de n'avoir jamais dormi de toute une vie. Les gestes furent lents, et lourds. Ses mains avaient-elles été si lourdes avant ? Impossible à dire. Pas plus que son ventre n'accepterait quoi que ce soit, à cet instant. Helera avait beau s'activer, de son côté, lui en était incapable. Les gestes de tous les jours étaient devenus une obligation qu'il se refusait presque à faire. Se lever. S'habiller. Passer cette botte, et serrer cette ceinture. Avait-il au moins l'excuse de la maladie ? Ou de la douleur ? Aucunement. Seul son esprit était en train de résister, de vouloir marcher à contre-courant du destin présumé. C'est pour cela qu'il ne pensait pas. Qu'il n'y avait rien. Pas même d'envie, pas même de résistance mentale. Son corps avait voulu se vider de toute réflexion pour ne pas avoir à subir une énième fois ce combat de convictions, ce combat entre la résistance acharnée de ses peurs, et le volontarisme dangereux d'un cerveau à bout. Non, il valait mieux être un automate, une coquille vide qui se mettrait là où on lui dirait d'aller, et qui ne dirait rien.
La seule pointe d'existence qui lui restait encore fut cet instant de doute, une fois prêt. Une Helera affublée de sa propre veste, vision si réconfortante en temps normal mais qui aujourd'hui l'attendait. Pourtant, son regard s'était perdu sur un triangle de tissu noir, sans qu'il ne sache pourquoi cela explicitement. Ce qu'il représentait. La nuit passée était un songe trop frais pour qu'il ose s'y référer, et pourtant l'objet lui paraissait important. Symbolique. Ce n'était pas quelque chose qu'il s'expliquait, pas plus attaché que cela aux souvenirs, alors que celui-ci finissait dans sa poche. La Grise avait beau sourire, avait beau tenter de lui redonner un peu de couleurs, elle n'eut droit qu'à quelques réponses automatiques, quelques baisers sans trop d'envie, et un sourire en réponse au sien. L'instant d'après, déjà, ils furent partis, main dans la main. Il ne pouvait pas s'empêcher de la serrer. De lui faire comprendre, à chaque pas qui les rapprochait de son autel sacrificiel, qu'il n'était pas prêt. Qu'il ne fallait pas qu'elle parte. Qu'il ne le faisait que pour elle. Tant de mots, tant de choses qu'ils ne s'étaient pas dits, maintenant. Les soirées passées à discuter, les journées à faire n'importe quoi, tout ça pour se cacher la vérité sourde et évidente. Alors il lui serrait la main. Pour ne pas qu'elle lache. Pour ne pas qu'elle s'éloigne. Un instant, avant d'entrer, ses yeux se perdirent sur elle, mais il était déjà trop tard pour l'apprécier. Pour perdre du temps à simplement l'admirer. Le cercle les attendait, et les saluait. Une inclinaison de la tête formelle, à chacun d'eux, suffit à ouvrir les hostilités. Il n'y avait plus aucune sérénité tirée de ce vide mental. Plus d'assurance dans ces gestes dictés par sa compagne. Le souffle irrégulier, les choses étaient devenues pesantes malgré elles. Les regards, l'assemblée qui était redevenue soudainement si inconnue, et la froideur de cette pièce n'offrant aucune vue sur l'extérieur.
Mourir loin de sa planète, quelle horrible chose. Il aurait du y rester, pour voir une dernière fois l'envol des bêtes au Printemps, quittant Cinnagar pour des contrées plus agréables à vide plus au sud sur le continent. Eux et leurs passages en grand nombre, symboles d'un renouveau tant attendu pour tant de gens, et d'un regard à porter désormais vers Koros, le soleil au centre de leurs univers. Sa chaleur si douce, et si agréable l'été, dans les Jardins du Palais ... N'importe quoi. Vraiment n'importe quoi. Quelle est cette vision soudaine ? Elle n'a pas de sens, pas plus qu'il n'apprécie de regarder le monde de la sorte.
Non. Cette fois, ils y étaient. Elle lui faisait face, signifiant là les adieux définitifs pour tous les deux. Nul besoin de préciser ce qu'il croit qui va arriver. Ce qui peut se passer. Et ce qui risque certainement d'avoir lieu. Le sombre spectre est là, derrière lui, une main sur son épaule. Lui, pourtant, est dans les bras de la Grise, dans un ultime refus. Un ultime baiser, une dernière passion qui le rappelle à la réalité. La chaleur, dans ce qu'elle a plus belle et de plus vivante, et sûrement ce qu'elle représente de plus précieux. Elle non-plus ne veut pas le lâcher. Pas cette fois. Cette résistance invisible pour tous les autres, mais bien palpable entre eux avec ses lèvres qui refusent de s'éloigner. Un adieu ... et un espoir. Une résistance, et un abandon. Mourir en la tenant dans ses bras, une dernière fois, avant de quitter ce monde. Ces grands yeux bleus dont il n'arrive pas à décrocher le regard, et cette joue qu'il caresse d'une main, pour en repousser les cheveux. Déjà il est temps.
Quelques mots soufflés finalement. La nuit les avait entendu, la première, mais pas avec cette sincérité. Sobre, et bien ancré dans la réalité, cette fois leur valeur était tout autre. Ils étaient une certitude rassurante. Il s'efforça de lui sourire, sans envie, une dernière fois. Il fallait se placer, maintenant, face à l'assemblée. Pourtant, au fond de lui, il savait combien il aurait dû lui dire plus. Lui dire tout ce qu'il y avait à dire, ce qu'il n'avait pas eut le temps de faire encore, ou même ses volontés pour l'avenir. Lui dire de refaire sa vie, de trouver quelqu'un à sa hauteur, de l'inciter à vivre pour elle ... Ou juste lui demander de ne pas l'oublier. Aussi égoïstement que cela puisse paraître, c'est ce qu'il espérait. Lui dire que lui ne l'oublierait pas, si elle en faisait autant. Quel idiot ... quel idiot. Il n'osa pas vraiment regarder le cercle autour de lui, la boule au ventre déjà bien trop grande pour son corps amaigri. Comme Helera semblait le faire, il croisa les jambes, aussi inconfortable que cela fut, et resta silencieux. Il y était. Déjà.
Tout était arrivé trop vite. Comme s'il avait accepté il y a à peine 5 minutes, comme s'il n'avait jamais imaginé que cette scène aurait lieu. Qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Quelle magie ? Les mots de Loran n'y changeait rien, tout juste servirent-ils à accélérer le poul du Prince qui était au bord de la panique. Pourquoi accepter ça, pourquoi s'infliger ça ... qu'est-ce qu'il va se passer ? Pourquoi personne n'a voulu le dire ? Il ne peut pas mourir comme ça, pas ici ... Les yeux clos, l'humain cherchait à cacher autant que possible la tempête d'émotions négatives qui bataillaient en lui à cet instant. Avec réussite ou non, ce n'était pas lui qui pourrait le dire. Non. Lentement, l'air s'alourdit. La tension qui n'était qu'une invention de son corps quelques minutes plus tôt commençaient à se faire sentir dans l'air. Les choses commencent. Elles arrivent. Les choses qui .. qui viennent le tuer. Lentement, il fit rouler sa tête sur ses épaules, dans l'espoir de faussement penser à autre chose.
Mais la douleur arriva bien vite. Trop, peut-être, à son goût, mais c'était déjà trop tard. Les énergies à l'oeuvre autour de lui parurent soudainement éveiller au fond de son crâne un mal contenu trop longtemps, et des souvenirs trop violents pour qu'il n'accepte de les garder en mémoire. Trop tard. Ses traits s'étirèrent en même temps qu'il luttait pour ne pas crier, les dents serrées à s'en casser la mâchoire. Son esprit, lui, à l'inverse, ne se gênait plus pour gémir sa peine à s'en arracher le cerveau. Cette sensation inexplicable, cette impression que son crâne va exploser, c'était à rendre fou. Si près de lui, il ne pourrait pas supporter ça longtemps. Plus maintenant, plus après toutes ces fois. Le souffle court, il se courbe peu à peu face à la pression qui s'exerce, face au poids que prend cette bulle dans son esprit. Si seulement elle n'était qu'une création de son esprit, si seulement ... Quasiment prostré, le visage enfoui entre ses coudes repliés dont les mains tiraient ses cheveux, il refusait la confrontation. Tout Prince qu'il était, certaines choses le dépassaient sans qu'il n'y ait besoin d'en dire plus. Seul, perdu, au bord du précipice, son ennemi venait d'apparaître. Et lui de disparaître dans sa douleur et tout ce qu'elle lui infligeait au fond de lui, quitte à le rendre totalement dément. Il avait beau lutté, rien n'y faisait. Sans même s'en rendre compte ses joues s'étaient humidifiées tout autant que ses lèvres ne résistaient plus aux manifestations sonores de sa souffrance. Quelque chose le surplombait. Quelque chose de bien présent depuis quelques temps au fond de lui, et qui aujourd'hui prenait vie face à lui. Quelque chose prêt à parler, alors que lui ne veut pas l'écouter. Ses cheveux deviennent le champs de bataille de cette résistance acharnée qui fait pitié à voir. D'avant en arrière, il s'est résigné. Et il refuse.
Quoi qu'il puisse dire. Quoi qu'il invente, ou proclame. Quoi qu'il pense pouvoir lui faire comprendre sur tous ceux présents aujourd'hui ... les seuls à l'être. Les uniques membres venus lui tendre une main. Ses larmes n'en finissaient plus. La mort ... la mort s'il partait. Est-ce .. est-ce que c'était vrai ? Helera lui aurait dit, Loran lui aurait dit ... Cette mort si terrible qu'il craignait plus que tout à cet instant. Cette peur froide qui vous glace le sang, tout autant qu'elle vous enferme dans son bloc aux températures négatives. Combien de temps pourrait-il supporter encore ces mots, mêlés à cette douleur ? Plus que jamais ils étaient acérés, tailladant son esprit avec une profondeur inégalée. Leia ... Leia ... Celle qu'il avait perdu à cause de cette putain de maladie ... Celle qu'il aurait dû épouser ... celle qui lui fit perdre goût à la vie ... Ces semaines, ces jours, cette espèce de dépression, et la fin de ses espoirs. Pourquoi vivre quand toute la Galaxie se rit de vous ? Pourquoi vivre quand ce qui vous faisait battre vous tourne le dos pour partir avec un homme dont elle ne vous a jamais parlé ? Pathétique Prince naïf ... Cette plaie béante au fond de lui n'était pas encore refermée. Pas plus que ne l'était ce vertige ressenti le jour où il avait du prendre les rênes du pouvoir. Oh que non, plus jamais ça. Plus jamais ce sentiment, ces regards, cette impuissance ... cette in-préparation qui lui avait fait si mal. Jamais il ne serait prêt à régner. Jamais il n'en serait capable. Et jamais il ne pourrait lui succéder. Bon à rien. Leia ... même toi tu m'as abandonné ... Ce constat terrible, et cette évidence-même. Il en avait tant souffert que tout ce que pouvait essayer de lui dire le Sith lui paraissait bien anodin à côté des quelques images qui restaient au fond de lui. Quelques souvenirs, quelques sensations, et cette douleur, tant physique que sentimentale. Cette évidence que tout c'était éteint, des semaines plus tôt. Même lui. Même son appétit. Il n'avait fallu que ..
Que .. que elle ... Son monde, et ce qui l'entourait, lui paraissait bien loin, mais au fond de lui Althar savait bien que les choses étaient difficiles pour tout le monde. Pour eux aussi, tout autour, trop affairé et à parler pour pouvoir l'aider pour l'instant. Il était seul, encore, et toujours mais .. mais .. Une volonté de sa Grise ... une demande ... Ils arriveraient ... Sans quitter sa position prostrée, cette boule qu'il était désormais, tout replié sur lui-même dans son chagrin, il rassembla des ultimes forces pour résister. Bien sûr qu'il pouvait le faire, bien sûr qu'il y avait une seule et unique chose capable de lui faire espérer une toute dernière fois, un dernier instant, un dernier baiser ... Leia avait été balayé quelques heures plus tôt. Elle et la honte qu'elle lui avait infligé, elle et son malheur. Quelqu'un d'autre ... résister ... pour elle ...
N'était-ce pas vrai ? Cette forme translucide, aussi vivante qu'elle se prétendait être, n'était personne. Seulement la mort.
Cela semble si évident, et pourtant c'est si dur à prononcer. A rassembler. Ces mots, ces idées, cette futile résistance ... Gagner du temps, ou juste offrir une ultime défense face à son funeste sort. Sa petite voix, cachée contre ses cuisses, entre ses bras, paraissait si fragile. Si anodine. Comme s'il n'était plus rien. Cette douleur qui bat ses temps et tout son crâne n'a pas cessé. Pas même en parlant, pas même en essayant de se concentrer. Est-il encore conscient ? Il se sent si fatigué, et si perdu ... que reste-t-il pour lutter ? Après cette vie ? Ces mois ? L'image du tombeau volant, du DSI, et de ce qui s'y trouva lui vint rapidement à l'esprit. Non, plus jamais ça ! Plus jamais ! Un nouveau sanglot, celui de l'homme brisé. Si fatigué, il veut juste lâcher, juste mourir, abandonner, qu'on le libère enfin ... Cette protestation ne peut même pas le convaincre lui-même. Pourquoi fait-il tout ça déjà ? Pourquoi s'inflige-t-il ça ? Ces secondes paraissant des heures, cette capacité mentale qui diminue à chaque instant qui passe ...
Alors .. lâcher prise face à celui qui n'hésite pas à le piquer au vif ? A le mettre face à sa destinée ? Avoir survécu si longtemps, s'être laissé vivre jusqu'à maintenant, pour ça ? Pour ce moment de défaitisme et de déliquescence ? Il est si difficile d'ignorer tous les signaux de son propre organisme, si difficile de de lutter contre la douleur omniprésente dans laquelle il est désormais baigné. Comment ne pas paniquer face à l'évidente fin annoncée ? Face à l'irréprescible envie de lâcher prise ? Tout son corps cherche la solution. Tout son esprit noyé cherche à trouver la seule possibilité de mettre fin à cette folie. Lui, humide de larmes et de terreur, marqué du sceau de la dernière peur. Que reste-t-il de cette tentative ? Des raisons qui l'ont amené à venir là ? A faire ça ? Il n'aurait pas du la perdre du regard, pas du lui lacher la main. Elle est si loin ... ou bien lui-même est-il trop loin ? Où est-il, encore, si ce n'est recroquevillé dans les tréfonds de son être ? Que reste-t-il, là au fond, pour lui ? Que peut-il espérer dans cette grotte sombre en passe de se refermer au fur et à mesure que ses murs se rétractent ? Il ne sait plus ... comme depuis quelques jours, il ne sait plus ... Sauf ... cette voix. Cette très lointaine musique, ce souvenir si frais, si délicat. Une toute petit mélodie, un son auquel se rattraper. Dans un élan de désespoir, lorsqu'il l'avait rencontré, elle s'était risqué à chanter un de ces chants qui lui sont étrangers. Un filet de voix auquel se raccrocher, une cordelette infime et lumineuse au milieu de ces idées de plus en plus obscures. Cette fine pointe de lumière, qui l'avait apaisé une fois, essayait de le faire une seconde fois. C'était impossible, clairement, mais .. mais ...
Une dernière prise. Un dernier feu, au milieu d'un monde où la nuit était tombé. Ne restait qu'à courir. S'en rapprocher. Partir dès maintenant et espérer qu'il ne s'éteigne pas avant qu'il n'y soit. Ses larmes n'en finissaient plus de pleuvoir sur cette plaine où à chaque pas la lumière mourrait petit à petit. La berceuse, encore, un peu, juste un peu, courir, y arriver. Si toute cette séance de spiritisme était d'une complexité sans borne pour tout le monde, elle restait pour lui le défi d'une vie. Une ultime tentative du Sith pour vaincre ce qu'il restait de ses murailles mentales. Encore un peu pour finalement voir ce que les flammes dessinent ... Que renferme cette mélopée si aigüe ? Que peut donc animer une dernière fois la lumière vacillante d'un être ? Un sourire. Un simple sourire.
Et l'énergie du désespoir ... Pour un sourire et une dernière tentative. Parce qu'il est toujours bon de confronter à la Force un Prince naïf sans lui apprendre à maîtriser ses émotions. Que vaut la mort face à l'amour ? Que vaut une raison de pleurer si on en a une de se battre ? Son corps froid et rabougri, contemplant la flamme qui le réchauffe, se pose bien la question. Que vaut un prétendu Dieu lui-même ? Que vaut la vie si elle est dictée par un monstre qui n'existe pas ? Bien sûr qu'il est un Dieu, bien sûr qu'il n'est pas un serviteur sans âme ! Il est quelque chose pour elle. Il n'est pas un Prince, ou un bon à rien quelque conque. Il est quelque chose à ses yeux, et si elle ne fait rien pour le sauver, c'est lui qui la rejoindra ... Un simple sourire sur ce visage féminin. C'est lui qui se lèvera pour que tout cela s'arrête. Un instant de plus, une flamme en plus, et il agira. Oh oui, le loup au pied du mur est le plus dangereux ne dit-on pas ... ?
C'est donc un Prince plus fatigué au lever qu'il ne l'était au coucher qui émergea. En une nuit le fardeau d'un moment déterminant de sa vie venait de s'abattre, et avec lui l'impression de n'avoir jamais dormi de toute une vie. Les gestes furent lents, et lourds. Ses mains avaient-elles été si lourdes avant ? Impossible à dire. Pas plus que son ventre n'accepterait quoi que ce soit, à cet instant. Helera avait beau s'activer, de son côté, lui en était incapable. Les gestes de tous les jours étaient devenus une obligation qu'il se refusait presque à faire. Se lever. S'habiller. Passer cette botte, et serrer cette ceinture. Avait-il au moins l'excuse de la maladie ? Ou de la douleur ? Aucunement. Seul son esprit était en train de résister, de vouloir marcher à contre-courant du destin présumé. C'est pour cela qu'il ne pensait pas. Qu'il n'y avait rien. Pas même d'envie, pas même de résistance mentale. Son corps avait voulu se vider de toute réflexion pour ne pas avoir à subir une énième fois ce combat de convictions, ce combat entre la résistance acharnée de ses peurs, et le volontarisme dangereux d'un cerveau à bout. Non, il valait mieux être un automate, une coquille vide qui se mettrait là où on lui dirait d'aller, et qui ne dirait rien.
- C'est peut-être cela le plus triste dans cette histoire. Un Prince sans volonté. Fatigué. Lourd. Incapable de vouloir affronter une épreuve, incapable de lever le menton alors même qu'il est l'incarnation de l'autorité. Rien. Nada. Un humain comme un autre, aussi laid que toute la masse. Pathétique.
La seule pointe d'existence qui lui restait encore fut cet instant de doute, une fois prêt. Une Helera affublée de sa propre veste, vision si réconfortante en temps normal mais qui aujourd'hui l'attendait. Pourtant, son regard s'était perdu sur un triangle de tissu noir, sans qu'il ne sache pourquoi cela explicitement. Ce qu'il représentait. La nuit passée était un songe trop frais pour qu'il ose s'y référer, et pourtant l'objet lui paraissait important. Symbolique. Ce n'était pas quelque chose qu'il s'expliquait, pas plus attaché que cela aux souvenirs, alors que celui-ci finissait dans sa poche. La Grise avait beau sourire, avait beau tenter de lui redonner un peu de couleurs, elle n'eut droit qu'à quelques réponses automatiques, quelques baisers sans trop d'envie, et un sourire en réponse au sien. L'instant d'après, déjà, ils furent partis, main dans la main. Il ne pouvait pas s'empêcher de la serrer. De lui faire comprendre, à chaque pas qui les rapprochait de son autel sacrificiel, qu'il n'était pas prêt. Qu'il ne fallait pas qu'elle parte. Qu'il ne le faisait que pour elle. Tant de mots, tant de choses qu'ils ne s'étaient pas dits, maintenant. Les soirées passées à discuter, les journées à faire n'importe quoi, tout ça pour se cacher la vérité sourde et évidente. Alors il lui serrait la main. Pour ne pas qu'elle lache. Pour ne pas qu'elle s'éloigne. Un instant, avant d'entrer, ses yeux se perdirent sur elle, mais il était déjà trop tard pour l'apprécier. Pour perdre du temps à simplement l'admirer. Le cercle les attendait, et les saluait. Une inclinaison de la tête formelle, à chacun d'eux, suffit à ouvrir les hostilités. Il n'y avait plus aucune sérénité tirée de ce vide mental. Plus d'assurance dans ces gestes dictés par sa compagne. Le souffle irrégulier, les choses étaient devenues pesantes malgré elles. Les regards, l'assemblée qui était redevenue soudainement si inconnue, et la froideur de cette pièce n'offrant aucune vue sur l'extérieur.
Mourir loin de sa planète, quelle horrible chose. Il aurait du y rester, pour voir une dernière fois l'envol des bêtes au Printemps, quittant Cinnagar pour des contrées plus agréables à vide plus au sud sur le continent. Eux et leurs passages en grand nombre, symboles d'un renouveau tant attendu pour tant de gens, et d'un regard à porter désormais vers Koros, le soleil au centre de leurs univers. Sa chaleur si douce, et si agréable l'été, dans les Jardins du Palais ... N'importe quoi. Vraiment n'importe quoi. Quelle est cette vision soudaine ? Elle n'a pas de sens, pas plus qu'il n'apprécie de regarder le monde de la sorte.
Non. Cette fois, ils y étaient. Elle lui faisait face, signifiant là les adieux définitifs pour tous les deux. Nul besoin de préciser ce qu'il croit qui va arriver. Ce qui peut se passer. Et ce qui risque certainement d'avoir lieu. Le sombre spectre est là, derrière lui, une main sur son épaule. Lui, pourtant, est dans les bras de la Grise, dans un ultime refus. Un ultime baiser, une dernière passion qui le rappelle à la réalité. La chaleur, dans ce qu'elle a plus belle et de plus vivante, et sûrement ce qu'elle représente de plus précieux. Elle non-plus ne veut pas le lâcher. Pas cette fois. Cette résistance invisible pour tous les autres, mais bien palpable entre eux avec ses lèvres qui refusent de s'éloigner. Un adieu ... et un espoir. Une résistance, et un abandon. Mourir en la tenant dans ses bras, une dernière fois, avant de quitter ce monde. Ces grands yeux bleus dont il n'arrive pas à décrocher le regard, et cette joue qu'il caresse d'une main, pour en repousser les cheveux. Déjà il est temps.
- « Je .. je t'aime. »
Quelques mots soufflés finalement. La nuit les avait entendu, la première, mais pas avec cette sincérité. Sobre, et bien ancré dans la réalité, cette fois leur valeur était tout autre. Ils étaient une certitude rassurante. Il s'efforça de lui sourire, sans envie, une dernière fois. Il fallait se placer, maintenant, face à l'assemblée. Pourtant, au fond de lui, il savait combien il aurait dû lui dire plus. Lui dire tout ce qu'il y avait à dire, ce qu'il n'avait pas eut le temps de faire encore, ou même ses volontés pour l'avenir. Lui dire de refaire sa vie, de trouver quelqu'un à sa hauteur, de l'inciter à vivre pour elle ... Ou juste lui demander de ne pas l'oublier. Aussi égoïstement que cela puisse paraître, c'est ce qu'il espérait. Lui dire que lui ne l'oublierait pas, si elle en faisait autant. Quel idiot ... quel idiot. Il n'osa pas vraiment regarder le cercle autour de lui, la boule au ventre déjà bien trop grande pour son corps amaigri. Comme Helera semblait le faire, il croisa les jambes, aussi inconfortable que cela fut, et resta silencieux. Il y était. Déjà.
Tout était arrivé trop vite. Comme s'il avait accepté il y a à peine 5 minutes, comme s'il n'avait jamais imaginé que cette scène aurait lieu. Qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Quelle magie ? Les mots de Loran n'y changeait rien, tout juste servirent-ils à accélérer le poul du Prince qui était au bord de la panique. Pourquoi accepter ça, pourquoi s'infliger ça ... qu'est-ce qu'il va se passer ? Pourquoi personne n'a voulu le dire ? Il ne peut pas mourir comme ça, pas ici ... Les yeux clos, l'humain cherchait à cacher autant que possible la tempête d'émotions négatives qui bataillaient en lui à cet instant. Avec réussite ou non, ce n'était pas lui qui pourrait le dire. Non. Lentement, l'air s'alourdit. La tension qui n'était qu'une invention de son corps quelques minutes plus tôt commençaient à se faire sentir dans l'air. Les choses commencent. Elles arrivent. Les choses qui .. qui viennent le tuer. Lentement, il fit rouler sa tête sur ses épaules, dans l'espoir de faussement penser à autre chose.
Mais la douleur arriva bien vite. Trop, peut-être, à son goût, mais c'était déjà trop tard. Les énergies à l'oeuvre autour de lui parurent soudainement éveiller au fond de son crâne un mal contenu trop longtemps, et des souvenirs trop violents pour qu'il n'accepte de les garder en mémoire. Trop tard. Ses traits s'étirèrent en même temps qu'il luttait pour ne pas crier, les dents serrées à s'en casser la mâchoire. Son esprit, lui, à l'inverse, ne se gênait plus pour gémir sa peine à s'en arracher le cerveau. Cette sensation inexplicable, cette impression que son crâne va exploser, c'était à rendre fou. Si près de lui, il ne pourrait pas supporter ça longtemps. Plus maintenant, plus après toutes ces fois. Le souffle court, il se courbe peu à peu face à la pression qui s'exerce, face au poids que prend cette bulle dans son esprit. Si seulement elle n'était qu'une création de son esprit, si seulement ... Quasiment prostré, le visage enfoui entre ses coudes repliés dont les mains tiraient ses cheveux, il refusait la confrontation. Tout Prince qu'il était, certaines choses le dépassaient sans qu'il n'y ait besoin d'en dire plus. Seul, perdu, au bord du précipice, son ennemi venait d'apparaître. Et lui de disparaître dans sa douleur et tout ce qu'elle lui infligeait au fond de lui, quitte à le rendre totalement dément. Il avait beau lutté, rien n'y faisait. Sans même s'en rendre compte ses joues s'étaient humidifiées tout autant que ses lèvres ne résistaient plus aux manifestations sonores de sa souffrance. Quelque chose le surplombait. Quelque chose de bien présent depuis quelques temps au fond de lui, et qui aujourd'hui prenait vie face à lui. Quelque chose prêt à parler, alors que lui ne veut pas l'écouter. Ses cheveux deviennent le champs de bataille de cette résistance acharnée qui fait pitié à voir. D'avant en arrière, il s'est résigné. Et il refuse.
Quoi qu'il puisse dire. Quoi qu'il invente, ou proclame. Quoi qu'il pense pouvoir lui faire comprendre sur tous ceux présents aujourd'hui ... les seuls à l'être. Les uniques membres venus lui tendre une main. Ses larmes n'en finissaient plus. La mort ... la mort s'il partait. Est-ce .. est-ce que c'était vrai ? Helera lui aurait dit, Loran lui aurait dit ... Cette mort si terrible qu'il craignait plus que tout à cet instant. Cette peur froide qui vous glace le sang, tout autant qu'elle vous enferme dans son bloc aux températures négatives. Combien de temps pourrait-il supporter encore ces mots, mêlés à cette douleur ? Plus que jamais ils étaient acérés, tailladant son esprit avec une profondeur inégalée. Leia ... Leia ... Celle qu'il avait perdu à cause de cette putain de maladie ... Celle qu'il aurait dû épouser ... celle qui lui fit perdre goût à la vie ... Ces semaines, ces jours, cette espèce de dépression, et la fin de ses espoirs. Pourquoi vivre quand toute la Galaxie se rit de vous ? Pourquoi vivre quand ce qui vous faisait battre vous tourne le dos pour partir avec un homme dont elle ne vous a jamais parlé ? Pathétique Prince naïf ... Cette plaie béante au fond de lui n'était pas encore refermée. Pas plus que ne l'était ce vertige ressenti le jour où il avait du prendre les rênes du pouvoir. Oh que non, plus jamais ça. Plus jamais ce sentiment, ces regards, cette impuissance ... cette in-préparation qui lui avait fait si mal. Jamais il ne serait prêt à régner. Jamais il n'en serait capable. Et jamais il ne pourrait lui succéder. Bon à rien. Leia ... même toi tu m'as abandonné ... Ce constat terrible, et cette évidence-même. Il en avait tant souffert que tout ce que pouvait essayer de lui dire le Sith lui paraissait bien anodin à côté des quelques images qui restaient au fond de lui. Quelques souvenirs, quelques sensations, et cette douleur, tant physique que sentimentale. Cette évidence que tout c'était éteint, des semaines plus tôt. Même lui. Même son appétit. Il n'avait fallu que ..
Que .. que elle ... Son monde, et ce qui l'entourait, lui paraissait bien loin, mais au fond de lui Althar savait bien que les choses étaient difficiles pour tout le monde. Pour eux aussi, tout autour, trop affairé et à parler pour pouvoir l'aider pour l'instant. Il était seul, encore, et toujours mais .. mais .. Une volonté de sa Grise ... une demande ... Ils arriveraient ... Sans quitter sa position prostrée, cette boule qu'il était désormais, tout replié sur lui-même dans son chagrin, il rassembla des ultimes forces pour résister. Bien sûr qu'il pouvait le faire, bien sûr qu'il y avait une seule et unique chose capable de lui faire espérer une toute dernière fois, un dernier instant, un dernier baiser ... Leia avait été balayé quelques heures plus tôt. Elle et la honte qu'elle lui avait infligé, elle et son malheur. Quelqu'un d'autre ... résister ... pour elle ...
- « Vas-t-en ... tu n'existe pas ... tu n'es personne ... tu sors juste de mon esprit ... tu n'existes pas ... tu n'as même pas de nom ... »
N'était-ce pas vrai ? Cette forme translucide, aussi vivante qu'elle se prétendait être, n'était personne. Seulement la mort.
- « Tu me gâches tellement la vie ... tu m'as tout gâché ... vas-t-en .. s'il te plait ... je t'en supplie ... laisses moi ... laisses moi ... pourquoi moi .. hein ... pourquoi m'infliger ça ... tu vas .. disparaître ... partir ... me laisser ... »
Cela semble si évident, et pourtant c'est si dur à prononcer. A rassembler. Ces mots, ces idées, cette futile résistance ... Gagner du temps, ou juste offrir une ultime défense face à son funeste sort. Sa petite voix, cachée contre ses cuisses, entre ses bras, paraissait si fragile. Si anodine. Comme s'il n'était plus rien. Cette douleur qui bat ses temps et tout son crâne n'a pas cessé. Pas même en parlant, pas même en essayant de se concentrer. Est-il encore conscient ? Il se sent si fatigué, et si perdu ... que reste-t-il pour lutter ? Après cette vie ? Ces mois ? L'image du tombeau volant, du DSI, et de ce qui s'y trouva lui vint rapidement à l'esprit. Non, plus jamais ça ! Plus jamais ! Un nouveau sanglot, celui de l'homme brisé. Si fatigué, il veut juste lâcher, juste mourir, abandonner, qu'on le libère enfin ... Cette protestation ne peut même pas le convaincre lui-même. Pourquoi fait-il tout ça déjà ? Pourquoi s'inflige-t-il ça ? Ces secondes paraissant des heures, cette capacité mentale qui diminue à chaque instant qui passe ...
Alors .. lâcher prise face à celui qui n'hésite pas à le piquer au vif ? A le mettre face à sa destinée ? Avoir survécu si longtemps, s'être laissé vivre jusqu'à maintenant, pour ça ? Pour ce moment de défaitisme et de déliquescence ? Il est si difficile d'ignorer tous les signaux de son propre organisme, si difficile de de lutter contre la douleur omniprésente dans laquelle il est désormais baigné. Comment ne pas paniquer face à l'évidente fin annoncée ? Face à l'irréprescible envie de lâcher prise ? Tout son corps cherche la solution. Tout son esprit noyé cherche à trouver la seule possibilité de mettre fin à cette folie. Lui, humide de larmes et de terreur, marqué du sceau de la dernière peur. Que reste-t-il de cette tentative ? Des raisons qui l'ont amené à venir là ? A faire ça ? Il n'aurait pas du la perdre du regard, pas du lui lacher la main. Elle est si loin ... ou bien lui-même est-il trop loin ? Où est-il, encore, si ce n'est recroquevillé dans les tréfonds de son être ? Que reste-t-il, là au fond, pour lui ? Que peut-il espérer dans cette grotte sombre en passe de se refermer au fur et à mesure que ses murs se rétractent ? Il ne sait plus ... comme depuis quelques jours, il ne sait plus ... Sauf ... cette voix. Cette très lointaine musique, ce souvenir si frais, si délicat. Une toute petit mélodie, un son auquel se rattraper. Dans un élan de désespoir, lorsqu'il l'avait rencontré, elle s'était risqué à chanter un de ces chants qui lui sont étrangers. Un filet de voix auquel se raccrocher, une cordelette infime et lumineuse au milieu de ces idées de plus en plus obscures. Cette fine pointe de lumière, qui l'avait apaisé une fois, essayait de le faire une seconde fois. C'était impossible, clairement, mais .. mais ...
Une dernière prise. Un dernier feu, au milieu d'un monde où la nuit était tombé. Ne restait qu'à courir. S'en rapprocher. Partir dès maintenant et espérer qu'il ne s'éteigne pas avant qu'il n'y soit. Ses larmes n'en finissaient plus de pleuvoir sur cette plaine où à chaque pas la lumière mourrait petit à petit. La berceuse, encore, un peu, juste un peu, courir, y arriver. Si toute cette séance de spiritisme était d'une complexité sans borne pour tout le monde, elle restait pour lui le défi d'une vie. Une ultime tentative du Sith pour vaincre ce qu'il restait de ses murailles mentales. Encore un peu pour finalement voir ce que les flammes dessinent ... Que renferme cette mélopée si aigüe ? Que peut donc animer une dernière fois la lumière vacillante d'un être ? Un sourire. Un simple sourire.
Et l'énergie du désespoir ... Pour un sourire et une dernière tentative. Parce qu'il est toujours bon de confronter à la Force un Prince naïf sans lui apprendre à maîtriser ses émotions. Que vaut la mort face à l'amour ? Que vaut une raison de pleurer si on en a une de se battre ? Son corps froid et rabougri, contemplant la flamme qui le réchauffe, se pose bien la question. Que vaut un prétendu Dieu lui-même ? Que vaut la vie si elle est dictée par un monstre qui n'existe pas ? Bien sûr qu'il est un Dieu, bien sûr qu'il n'est pas un serviteur sans âme ! Il est quelque chose pour elle. Il n'est pas un Prince, ou un bon à rien quelque conque. Il est quelque chose à ses yeux, et si elle ne fait rien pour le sauver, c'est lui qui la rejoindra ... Un simple sourire sur ce visage féminin. C'est lui qui se lèvera pour que tout cela s'arrête. Un instant de plus, une flamme en plus, et il agira. Oh oui, le loup au pied du mur est le plus dangereux ne dit-on pas ... ?
Rhedatt Fanrel // Althar Fanrel Keto
Famille Royale d'Impératrice Têta - Héritier éternel.
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