L'Astre Tyran

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By Helera Kor'rial
#32671
La porte lentement s’ouvrit, sans grincement, sans bruit. Le vernie qui devait y être accroché n’était plus, s’effritant sous la main. Une odeur de pin s’échappa de l’endroit, comme une maison forestière en plein milieu d’une forêt de conifères. Le couleur qui suivait n’était pas éclairé plus que par la fenêtre du fond, d’où filtraient quelques rayons de soleil. Sur le sol, le parquet ancien était marqué par sa vie, des coups, du sang, des pleurs et toute la morosité qui allait avec. Après ce couloir, il y avait cette pièce, unique, tout aussi sombre. Un fauteuil, sur lequel était assis une femme, où ce qu’il en restait. Ses yeux rouges suivaient du regard.

« Cela fait longtemps que tu n’es pas venu. On aurait pu croire que tu m’avais oublié, après tout ce que tu m’as fait. »

« J’avais des choses à faire, pardonne moi. Une vie à construire, des projets à concrétiser. »

« As-tu réussi ? »

« Si je suis là … »

Un gloussement s’échappa de l’être aux cheveux noirs ondulant.

« On n’a que ce que l’on mérite. »

« Je suppose … »

Elle fit claquer sa langue et croisa bras et jambes. Son regard ne fixait plus que l’interlocuteur.

« Comment te sens-tu, au final ? Qu’est-ce que cela fait ? »

« Mal, comme tu peux t’en douter. Un malaise s’est installé, né de la frustration, de l’impression d’abandon, de la solitude … Je me sens effroyablement seul désormais. »

« Pourquoi tu ne pars pas ? »

« Tu me demandes cela sachant pertinemment ce qui t’arriverait ? Non, je suis accroché ici, emprisonné dans … »

« Cette addiction ? Par ta volonté, j’ai fini droguée, cultivatrice de souffle. Tu as voulu créer une addiction en moi, mais ce n’était que le reflet de ta propre dépendance. Tu ne peux pas partir, non pas parce que tu as des accroches, mais juste parce que tu ne peux pas te passer de ta dose. T’en rends tu comptes ? »

« Oui. »

« Et c’est tout ? »

« Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Que je vais changer ? Tu sais très bien que je ne change pas, je n’y arrive pas. Tout autant que l’évolution que je promets, à moi et à d’autres, de mettre en place. Ou est-ce que j’en suis désormais ? Je reviens au point de départ, et je n’ai gagné que des doutes durant mon voyage. Je ne sais plus quoi faire, et personne à qui le dire. »

« Tu m’as moi. »

« Toi ce n’est pas pareil. Ton avis ne sera pas différent du mien. Et puis … Je crois que je n’accepterai même pas l’avis des autres, en réalité. Plus maintenant. »

« On y vient, alors. Ce sujet qui te taraude depuis quelques jours. Regrettes-tu au moins ? »

« Etrangement non. Pas l’action en elle-même. Je regrette cependant l’orage qui en a découlé et l’état dans lequel cela m’a plongé. J’ai l’impression de revivre une ancienne période de ma vie, quelques années auparavant, quand tout m’a été enlevé. Quand j’ai dû me battre corps et âme pour garder un peu d’intégrité à travers l’humiliation que l’on me faisait subir. Et toute cette colère … »

« Je n’existais pas à l’époque. »

« Je n’étais pas prêt pour te créer… »

« Mais donc personne ne t’as floué, personne n’a tenté de t’enlever quoi que ce soit, ou encore ne t’a posé de conditions, pourquoi est-ce que tu reviens dessus ? C’est incomparable entre ces deux époques. »

« Je sais, et pourtant … Le sentiment d’abandon reste le même. »

« Depuis toujours tu te focalises dessus, mais vient-il de toi ? Ou est-ce que c’est un malaise par procuration que tu as hérité ? »

« Je ne sais pas … »

« C’est bien le problème. Ce qu’il s’est passé ne doit pas altérer ce que tu es, tu n’as rien fait de mal. Tu as juste tenté de te mêler de ce qu’il ne te regardait pas. Tu as tenté d’apporter une vision et tu t’es brûlé les yeux. »

« Ce n’est pas normal. Pourquoi est-ce que personne n’a essayé de me soutenir dans ma démarche ? Pourquoi est-ce que j’ai dû encore me battre pour tenter de me faire comprendre ? Ca n’a aucun putain de sens. C’est de l’hypocrisie quand on voit à quel point il faut miser sur la coopération. »

« Non, ce sont des mots. Tu l’as toujours su, tu t’en es toujours douté. C’est une image, rien de plus, de la communication. Tu me fais rire. »

« Oui et bien tu ris bien toute seule. »

« Tu me fais rire d’être là, alors que tu pourrais juste rien n’en avoir à faire. Et continuer ton chemin. »

« Seul ? »

« Seul. Tu l’as toujours été. On ne viendra pas te soutenir, garde toi ce fait pour dit et arrête de te plaindre. Tu n’avances pas avec les autres, tu avances devant eux. Tu ne te bas pas, tu les laisses te traverser. Et merde, laisse les pas envahir ce que tu es, ni t’enfermer dans ta propre confusion. Sers toi de ta rage à travers moi. »

« Peut-être … Et pour ... »

« Oublie. Avance. Tu as bien vu comment ça s’est passé. Tu es sur le fil du rasoir désormais, et comme à chaque fois, des camps ont été formés. Tu te retrouves seul contre la masse, et bien tant pis. Fais le dos rond. L’hypocrisie t’as toujours réussi. »

« Mais je n’ai pas envie de le faire … »

« As-tu le choix ? On te fera sauter si tu bouges. »

« Oui … Est-ce que tu as peur de la fin ? »

« Autant que toi, j’y suis effrayée comme de la mort. Je me demande juste ce que l’on fera après. »

« Moi de même. J’ai peur d’avoir créé des fantômes plus que … que des lignes. »

« Le temps nous dira si tu as raison ou pas. »

« Merci. »

« De quoi ? »

« De m’avoir écouté. »

« Je n’avais pas le choix. »

« Je sais. Merci quand même. »
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