- lun. 4 févr. 2019 22:15
#35048
ACTE I
Questionnement d'identité
Marchant telle une âme en peine dans les ruelles obscures de la ville, la Chiss semblait regarder le vide. Tout individu, bruit, odeur semblait avoir disparu. Seul le vent froid lui fouettant le visage lui permettait de garder un pied dans la réalité. Tel un automate silencieux faisant sa besogne, la bleue marcha, jusqu'à atteindre une cantina. Lieu qu'elle répugnait habituellement, mais, celui-ci était spécial. Les humains n'étaient pas les bienvenus et cela la ravissait à merveille. Sans décrocher un seul mot au barman, elle lui lança une poignée de crédit qu'il réceptionna à la volée ; tout en lui lançant une bouteille d'alcool bon marché. Montant une à une les innombrables marches de cet établissement miteux, la jeune femme s'enferma dans la chambre qui lui était réservée. Une chambre de cantina, tout ce qu'il y avait de plus misérable dans ce bas monde. Un mobilier usé, un lit en ruine, des draps souillés, une chaise bancale. Peu importe, cela lui conviendrait amplement. Laissant son corps fatigué s'écrouler sur la chaise, l'agente dé-bouchonna la bouteille avant de prendre une première gorgée. Le goût était infect. Mais après plusieurs gorgées, ce goût qui l'avait jadis répugné finissait par lui convenir. Lorsque les sens se mirent à faiblir, lorsque la tête se mit à tournoyer et que l'esprit n'était plus qu'un précipice béant d'où s'écoulaient des pensées fugaces ; la Chiss se sentit en paix.
Dans un état amorphe, les yeux fixant la bouteille vide gisant au sol. Les barrières mentales que s'efforçait de dresser l'agente tombèrent enfin. Laissant un flot d'émotions se déverser telle l'eau se déversant après la rupture d'un barrage. Et de ces émotions ambivalentes sortit quelque chose ou plutôt quelqu'un. Au pied du lit auprès duquel gisait la bouteille, une forme humanoïde prit forme.
La Chiss ne répondit rien. Jusqu'à ce que son cerveau fasse le lien. Cette voix, elle semblait provenir de loin, son esprit n'arrivait pas à mettre un nom sur celle-ci, mais elle se souvenait de sa profession. Sa voix était faible, ses lèvres sèches ; une fine goutte de sueur lui traversant les vertèbres vint la faire frissonner.
Docteur Aukhyns
Après ces mots Aukhyns s'évapora tout comme les effets de l'alcool. En cas d'aide, la jeune femme savait chez quellle porte toquer. Le bon Docteur avait fait ce qu'il avait pu, il ne restait plus qu'à sa patiente de faire le reste du travail. Un travail laborieux, mais nécessaire.
La pierre ne sait pas pourquoi le burin la fend ; l'acier ne sait pas pourquoi la flamme le brûle.Lorsque ta vie est fendue et brûlée, remercie le destin pour ses épreuves qui ont forgé ton être.
Questionnement d'identité
Marchant telle une âme en peine dans les ruelles obscures de la ville, la Chiss semblait regarder le vide. Tout individu, bruit, odeur semblait avoir disparu. Seul le vent froid lui fouettant le visage lui permettait de garder un pied dans la réalité. Tel un automate silencieux faisant sa besogne, la bleue marcha, jusqu'à atteindre une cantina. Lieu qu'elle répugnait habituellement, mais, celui-ci était spécial. Les humains n'étaient pas les bienvenus et cela la ravissait à merveille. Sans décrocher un seul mot au barman, elle lui lança une poignée de crédit qu'il réceptionna à la volée ; tout en lui lançant une bouteille d'alcool bon marché. Montant une à une les innombrables marches de cet établissement miteux, la jeune femme s'enferma dans la chambre qui lui était réservée. Une chambre de cantina, tout ce qu'il y avait de plus misérable dans ce bas monde. Un mobilier usé, un lit en ruine, des draps souillés, une chaise bancale. Peu importe, cela lui conviendrait amplement. Laissant son corps fatigué s'écrouler sur la chaise, l'agente dé-bouchonna la bouteille avant de prendre une première gorgée. Le goût était infect. Mais après plusieurs gorgées, ce goût qui l'avait jadis répugné finissait par lui convenir. Lorsque les sens se mirent à faiblir, lorsque la tête se mit à tournoyer et que l'esprit n'était plus qu'un précipice béant d'où s'écoulaient des pensées fugaces ; la Chiss se sentit en paix.
Dans un état amorphe, les yeux fixant la bouteille vide gisant au sol. Les barrières mentales que s'efforçait de dresser l'agente tombèrent enfin. Laissant un flot d'émotions se déverser telle l'eau se déversant après la rupture d'un barrage. Et de ces émotions ambivalentes sortit quelque chose ou plutôt quelqu'un. Au pied du lit auprès duquel gisait la bouteille, une forme humanoïde prit forme.
Regardez dans quel état vous êtes Ariès...
La Chiss ne répondit rien. Jusqu'à ce que son cerveau fasse le lien. Cette voix, elle semblait provenir de loin, son esprit n'arrivait pas à mettre un nom sur celle-ci, mais elle se souvenait de sa profession. Sa voix était faible, ses lèvres sèches ; une fine goutte de sueur lui traversant les vertèbres vint la faire frissonner.
Docteur Aukhyns
Docteur...
Je...
Sa gorge était nouée, son cerveau noyé par l'alcool n'arrivait pas à composer avec ce qu'il se déroulait sous ses yeux.
Que...Que...Que faites-vous là ? Je...je croyais que vous aviez disparu.
C'est exact. Mais il faut croire que l'alcool que vous avez ingéré en quantité a eu raison de la prison dans laquelle vous m'avez retenu.
La Chiss ria jaune. L'alcool la faisait délirait, tout ceci se passait dans sa tête. Elle savait pourtant, cela semblait si réel. Le Docteur Aukhyns qui siégeait en face d'elle ne riait pas, bien au contraire sa mine était grave.
Que se passe-t-il ma chère ?
Vous n'êtes pas une soûlarde,vous n'avez pas l'habitude de boire. Pourquoi vous poser ici et ingurgiter ce poison bon marché ?
Je...Je ne sais pas Docteur.
Bien sûr que vous le savez. Vous êtes beaucoup trop saoul pour vous en rendre compte, voilà tout. Vous savez Ariès, lorsqu'on boit sans modération comme vous venez de le faire. C'est qu'il y a forcément une raison. Une raison vous pousse à faire cela. Une citation dit qu'un individu se saoule pour oublier un problème, pour noyer sa tristesse ou bien sa colère. Il espère être suffisamment minable pour ne plus sentir ce qui l'atteint. Et dans votre cas... Je pencherai pour la tristesse.
Quelque chose vous accable Ariès mais quoi ?
C'est...C'est un problème qui va au-delà de vos compétences Docteur...
Comment pourrais-je le savoir si vous ne me dites quel est ce problème ?
L'agente sembla réfléchir, elle rassemblait le peu d'esprit qui lui restait pour répondre à cette unique question. De toute évidence elle n'était pas en état de faire plus.
Qui suis-je Docteur ?
Vous êtes Ariès, une Ariès un peu aviné, mais vous êtes toujours la même.
Sa voix était emplie de tristesse, implorante même. La Chiss semblait épuisée, au bord de la rupture.
Non... Je ne suis pas moi Docteur.... Je ne suis personne...
Je ne sais pas qui je suis, je ne sais plus qui je suis. Quand mon regard croise mon reflet je... Je ne me reconnais pas... Je suis une étrangère.
Votre esprit est entrain de se briser Ariès. Vous lui en demandez trop.
D'une part vous essayez d'enfouir un passé traumatisant qui a marqué votre esprit au fer blanc. Tout en essayant de vous créer une nouvelle vie. Vous ne pouvez pas d'un côté détruire, enfouir et de l'autre bâtir, créer.
Ces deux choses sont des opposées, vous ne pouvez pas faire cela même temps. Il vous faut finir une tâche avant d'en commencer une autre. Le défi que vous essayez de relever est hors de porté de l'humain, que vous soyez Chiss ou non.
Que dois-je faire ? Que dois-je faire Docteur ?
Je ne peux vous donner de réponse Ariès. Votre cas est particulier.
Aukhyns soupira avant de se masser les tempes.
Ariès... Écoutez-moi attentivement.
Vous savez, une rupture est semblable à un miroir brisé. Il vaut mieux le laisser brisé que de se blesser en tentant de le réparer. Dans votre cas c'est votre vie et votre personnalité qui sont symbolisées par ce miroir. Vous tentez de voir qui vous êtes, vous tentez de vous discerner dans votre reflet. Mais celui-ci est fragmenté en un millier de morceaux. Et vous...Vous tentez de recoller les morceaux tant bien que mal. Hélas... Vous rajoutez à ces morceaux, d'autres morceaux de verres. En vous entêtant à créer une nouvelle vie, un nouveau miroir qui lui aussi est brisé. Vous essayez de recoller des morceaux incompatibles.
Et vous vous retrouvez ici, seule, dans une chambre miteuse d'une cantina. À vous demandez qui vous êtes. Qui vous auriez pu être dans l'Ascendance et qui vous serez au sein de l'Empire.
L'humain sortit une cigarette de sa poche, l'alluma et inspira profondément avant de faire jaillir une épaisse fumée de ses narines.
Vous avez raison sur un point Ariès.
Vous n'êtes personne. Vous ne pouvez pas considérer votre vie antérieure à l'Empire comme une vie passée, une vie achevée. Non, cela ne marche pas comme ça. Vous devez l'accepter, en faire une partie intégrante de vous. Vous vous êtes fait une armure de glace. Vous avez usé de votre froideur, de votre dédain et de votre mépris vis-à-vis de l'espèce humaine pour vous la confectionner. Défense diablement redoutable je dois le concevoir.
Mais seulement contre les attaques extérieures. Cette cotte de maille ne vous est d'aucune utilité contre vous-même. C'est pour quoi cette défense s'avère être votre plus grande faiblesse. Je ne vous demande pas de ne plus mépriser les humains. Vous avez vos raisons et je les respecte. Mais laissez-moi vous donner un conseil. N’oubliez jamais qui vous êtes ; car le monde ne l’oubliera pas. Faites-vous-en une armure, et nul ne pourra l’utiliser pour vous blesser.
Comment faire Docteur ? Comment puis-je me forger une armure avec ce que je suis ?
Je n'ai pas la solution ma chère. C'est à vous de la trouver. C'est à vous de recoller les morceaux et les bons. Et de faire en sorte que votre reflet soit le plus net possible.
Mettez fin à vos illusions, votre fanatisme ne vous sauvera pas Ariès. Il camoufle seulement ce que vous ne voulez voir, mais vous devez être consciente d'une chose. Si vous continuez dans cette direction... Le jour viendra où ce que vous redoutez le plus arrivera.
L'on vous poignardera dans le dos Ariès. Peut-être pensez-vous le contraire, mais ce sera le cas. Vous serez exclue, vous serez seule, vous serez renié. Tout ce que en quoi vous avez cru s’effondrera, votre monde idyllique s'effondrera. Et vous serez pour le restant de vos jours un miroir brisé et jamais plus vous ne pourrez vous voir. Vous resterez fragmenté pour l'éternité.
L'image du Docteur semblait se troubler et faiblir. Les sens de la Chiss revenaient peu à peu, l'alcool perdait de ses effets.
J'ai bien peur que mon temps soit écoulé Ariès. Souvenez-vous de ce que vous ait dit. Appliquez-les. Mais sachez que ce ne sera pas une route de plaisante et que lors de ce combat vous serrez seule. Car ce combat doit être mené seul et celui-ci déterminera qui vous êtes vraiment. Je vais bientôt retourner dans la cellule dans laquelle vous m'avez emprisonné il y a de cela plusieurs mois. Et j'ai bien peur de ne pouvoir revenir à moins que vous mit autorisiez.
Voyez-vous à quel point je suis faible ? J'avais juré de vous garder prisonnier et voilà que je viens implorer votre aide...
Qu'ai-je fait pour en arriver là ?
Chaque chose en son temps ma chère. Nous répondrons ensemble à toutes ces questions le moment venu. Si vous avez besoin de moi, vous savez quoi faire.
Mais par pitié Ariès faites en sorte que vous ne soyez plus ces éclats de verre.
Après ces mots Aukhyns s'évapora tout comme les effets de l'alcool. En cas d'aide, la jeune femme savait chez quellle porte toquer. Le bon Docteur avait fait ce qu'il avait pu, il ne restait plus qu'à sa patiente de faire le reste du travail. Un travail laborieux, mais nécessaire.