A bord de l'Executor« Amiral ? » Tour de bottes, un regard curieux, et un demi-tour sec.
« Oui capitaine ? » Se pressant autour d'une console coincée dans un bord près d'une porte à ouverture losange, l'Amiral flanqué d'un lieutenant de frégate auquel il sortait d'entretien laissa le capitaine lui présenter son rapport préliminaire.
« Les éclaireurs viennent d'envoyer un message subspatial à notre destination. Il semblerait que la voie soit dégagée jusqu'à la destination. » L'Amiral hocha la tête, gravement d'abord, puis avec lenteur ensuite... imperceptiblement, il se pencha sur le côté et jeta un oeil sur la fosse de commandement. Au loin, devant la baie vitrée, drapée d'atours somptueux et armurés comme un Mandalorien, se tenait immobile une figure qui dirigeait la mission. L'Empereur Astellan, gargouille des Titans, campé sur ses deux bottes, les mains croisées dans le dos, son dos aussi imposant que l'était son visage. L'Amiral s'assura de la distance les séparant, jaugeant le temps qu'il aurait pour dire ce qu'il avait à dire.
« L'Executor n'est pas un jouet ! Il le prend comme si il n'avait sa place nulle part ailleurs ! - Oui Amiral. » Il faudrait s'en contenter. Personne ne savait qui pensait quoi au sujet de l'Empereur. Combiend e partisans il comptait dans son entourage, et combien d'ennemis. Ni combien était de l'un en se faisant passer pour l'autre. Fort des dissensions grandissantes au sein de son Empire à son endroit, l'inondation d'espions fidèles avait donné lieu à un jeu de mailles politisantes de plus en plus épais. Il retrouvait les premières palpitations qui l'avaient fait gouverneur, et il commençait de l'apprécier. Se tenir au pouvoir devenait un défi autrement plus complexe sur la durée que simplement s'en emparer.
Son troisième oeil acheva de la convaincre de regagner ses appartements. L'Amiral tenta de fuir, prétextant nonchalamment d'avoir une occupation ailleurs - ce qui était probable - mais la vitesse du pas de l'Empereur l'ancra à cette console, devant laquelle l'Empereur passa sans les regarder. Sans s'en rendre compte, de nombreux enseignes baissant la tête en le voyant passer. Mettre genou à terre relevait d'une étiquette qui était écourtée dans l'armée, par besoin de plus de flexibilité. Mais même l'Amiral trouvait encore naturel de baisser les yeux quand passait Astellan.
« Quand serons-nous sur place, capitaine ? - A cette vitesse et sans compter les éventuelles complications d'un voyage prolongé... environ trois jours, Amiral. »L'Empereur, maintenant, méditait. Sa cabine, on la nommait sur les vaisseaux "Cabine Amirale". Dévolue aux personnes de haut-rang, l'Executor contenait rarement un officier dont le rang le plus élevé était Amiral. Pelleaon dirigeait ce vaisseau. Personne, amis comme ennemis, internes ou externes, ne pouvait douter de la sincérité et de la probité du vieil impérial. Son honneur, sa sagesse et son aura en faisant un médiateur de toutes les ambitions. Il logeait dans une cabine qui n'était seconde en luxe que de celle-ci. De part et d'autre d'une passerelle avancée sur le vaisseau, leurs quartiers donnaient une vue gigantesque sur le vide spatial. Les photons des étoiles brossées en nuages brumeux aux mille teintes de bleu terminaient d'achever la vue, la rendant inutile, voire dangereuse pour les rétines. Les voyages intersidéraux requéraient la levée des filtres polarisant pour éviter que le personnel aux abords des verrières s'en trouvent aveuglés. L'Empereur s'était doté d'un luxe holographique, et avait fait placer aux pourtours de ses vitres des diffuseurs de paysages reposants. Plaines de Naboo comme vu d'un immeuble en bordure de Theed, les sables fins de feue Scarif vus de l'antique tour des archives militaires, tout pouvait se livrer à lui, avec même une ambiance sonore qui aurait fait douter les oreilles des plus fins ingénieurs du son. Il avait voulut, étrangemment, une vue plongeante sur les mers agitées de Kamino. Le bruit de la pluie l'aidait à s'apaiser.
« PUIS-JE VOUS SERVIR A BOIRE, EMPEREUR ? » Un bref regard de travers.
« Sers moi une infusion de menthe poivrée. Justement sucré. » De renvois en assassinats, les serviteurs qui au début se pressaient sous ses fenêtres préféraient maintenant les esquiver, de peur d'en être jeté ou d'en recevoir un morbide déchet. En désespoir de trouver un compagnon de caprices, il s'était fait une raison et avait fait construire un droïde majordome, un modèle cher et finement exécuté. Des modules complémentaire se déclenchaient à sa demande, ou à défaut, il restait simple serviteur. Jamais un raté, jamais un mot que l'Empereur lui-même n'ait pas demandé. Ses services, robotiques et impersonnels, correspondaient jusqu'à lors à tout ce qu'il avait jamais demandé.
« Active ton module de confidence. » Le droïde accusa réception et revint vite avec un sachet trempant dans l'eau bouillante, une dose ajustée de sucre en pot sur le côté, une cuiller en or plongée dans le tas de cristal pour se servir avec élégance. Le module de confidence était sans risque : la mémoire vive du droïde s'effaçait après la désactivation du module, sans possibilité de la stocker en mémoire morte ou en mémoire de stockage.
« Je m'en vais épouser une Monarque bientôt. » Le droïde ne bronchait jamais, juste tournant la tête de temps à autre, comme pour rappeler qu'il n'était inerte que de programmation.
« L'INFORMATION N'A CIRCULE DANS AUCUN CERCLE DE CE VAISSEAU CES SIX DERNIERS JOURS. »L'Empereur leva les yeux aux cieux.
« Je le sais. Tout le monde l'ignore. » Il humecta son infusion et décida qu'il était temps de retirer le sachet et rajouter le sucre.
« Tant mieux. » Le mariage était révélé, mais il n'en ferait aucun esclandre. Placer ses tueurs auprès des représentants d'un Empire non-mixte avait été assez compliqué pour ne pas créer d'émeutes dans les populations les plus souverainistes.
« Elle abandonna tantôt son trône. Elle vient à moi, sans couronne, sans famille... juste avec ses souvenirs et ses blessures. » Il s'expliquait parfaitement les pluies de Kamino.
« Aurait-elle tout abandonné par amour ? S'est-elle privée de tout ce qui la composait pour simplement me rejoindre, sans garantie de voir un seul jour de paix à mes côtés ? » Il but une gorgée. Encore brûlant. Il passa outre.
« L'aurais-je fait ? Je lui ai proposé. Mais j'aurais esquivé la chose. On n'abandonne point une chance pareille quand elle nous est donnée. Non. Elle espère plus. » Il reposa sa tasse en soucoupe, et la laissa à la surface de sa table basse.
« Dois-je lui accorder plus ? Plus qu'une planète, je lui offre un Empire. Mais en sera-t-elle une cheffe ? Non. Elle ne serait jamais que la putain d'un tyran. » Cette perspective le remplissait de colère froide.
« Je me dois de lui offrir la grandeur. Une place réelle. A mes côtés, main dans la main, mais autonome. Vivre ensemble un maximum, et diriger ensemble sans empiéter l'un sur l'autre. » Il avait des options en tête. Tout un programme. Pour gagner du temps avec sa promise, il aller devoir pactiser avec les ténèbres. Vendre son humanité sur l'autel du Dieu Machine.
« VOUS FEREZ CE QUE VOUS DICTE VOTRE COEUR. » Il ne répondit rien immédiatement. Il fallait qu'il trouve quelque chose de cinglant à répondre. Qu'il fasse l'élogieux portrait de sa candeur et de sa mièvrerie.
« Finalement... » commença-t-il,
« ... c'est peut-être la seule chose qui méritait d'être entendue. »
Son oeil transperçait les chairs. Il se voyait nu à travers ses vêtements. Il s'imaginait tel qu'il apparaîtrait à l'appel du coeur.
« LES HUMAINS SE VÊTENT DE BLANC EN MARIAGE, COMME LE VEUT LA TRADITION. » Aussi Harlon s'admirait-il en blanc. Les épaules carrées, une fourragère le liant à sa médaille gouvernementale. Il imposait encore le respect, mais il détestaitr cette figure de blanc, surchargée et... obsolète.
« Quelle tradition humaine t'apparaît comme représentative pour l'affirmer ? » Le droïde répondit bien assez vite.
« LA HAUTE NOBLESSE DU NOYAU POURSUIT LA TRADITION DU MARIAGE AUX HABITS BLANCS. » Harlon roula des yeux. Il abandonna ses vêtements, jetant l'uniforme de test au loin, sans pudeur devant le droïde, les muscles roulant sur sa peau tannée par les ultraviolets des neiges qu'il visitait trop souvent ces derniers temps.
« Donne-moi mon tabard. Va me trouver une fourragère platine, et un surcol amidonné. » L'image faisait de lui une sorte de jeune guerrier en pleine parade, doublé d'un lanceur de sort maléfique.
« Enlève le col, et ajoute deux épaulières noires à liserai d'or. » Il commençait alors de ressembler à quelque chose.
« Apporte-moi une jupe de lattes. Cuir de Rancor. » Le Hangar Amiral, un hangar privé situé à une vingtaine de mètres de ses appartements, un lieu d'escapade rapide pour les très hauts gradés, avait du laisser une des deux places de vaisseau à une navette Sentinelle chargée de vêtements. Chaque style allait en cinq nuances colorées, blanc, gris, noir, marron foncé et crème, chacun contenant ses variations selon la nature de l'objet. On dénombrait encore 67 bas différents, 55 chausses, 284 hauts et 1395 accessoires. Si l'on comptait les couleurs, les possibilités d'habillage dépassaient le nombre d'étoiles cartographiées par les astrologues de ces dix derniers millénaires. Une précaution qui ne venait même pas de l'Empereur, mais de son intendant au Palais. Le commerce de luxe marchait du tonnerre lors de ces périodes. Les vêtements en trop resteraient propriétés de l'Empereur. Le commerçant avait honoré sa commande à grand renforts d'emplois supplémentaires, et il était maintenant à 'labri du besoin financier jusqu'à la retraite de ses arrières petits enfants.
« Assorti la jupe d'une ceinture large. Noire, boucle en argent terni. » La boucle frappait le cimier impérial en pleine rosace, une base d'argent massif accueillait des nuances d'ivoire et d'obsidiennes pour faire ressortir le symbole qu'il porterait fièrement.
« C'est parfait. » Il était parfait. Austère comme jamais, il respirait la Force et le pouvoir. Un col monté sous son cou même, des épaulières qui le rendaient encore plus large, un tour de lattes qui claquaient ses bottes, sur un bas gris qui éclipsait ses jambes et ramenaient à son torse bombé. L'Empereur serait presque à nu, mais encore ivre de puissance.
« Et ainsi se maria-t-il, et connut-il la paix... »