L'Astre Tyran

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Cette vaste structure somptueuse et intimidante fut construite sur un monolithe naturel surplombant la cité de Ravelin, capitale de Bastion. Elle héberge les appartements et bureaux de l'Empereur, ainsi que la salle où se déroulent les séances plénières du Grand Conseil des Moffs. Réceptions officielles et cérémonies militaires ont lieu régulièrement dans son enceinte.
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By Harlon Astellan
#33820
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Bastion, 10 heures du matin
Palais Impérial


Les deux gardiens s'en trouvaient quelque peu perplexes. Dansant d'un pie sur l'autre, presque à sautiller dans leurs bottines en plastoïde, sans trop savoir où se mettre. L'armure blanche seyante jurait sur le modèle courant de part les larges bandes bleues qui leur fracassaient tête et membres. Des épaules jusqu'aux mains, des hanches jusqu'aux pieds, on les voyait de loin arriver sous cette armure qui les classait au-dessus de ce qui existait en dehors. La porte massive n'était pas gardée que par ces deux hommes aujourd'hui. Un peu plus loin, ils voyaient des silhouettes malaisantes qui ajoutait à leur désarroi.

On devrait intervenir tu crois pas ?
Surtout pas ! On sera mort dans la seconde...


Les deux Gardes de Bastion s'associèrent finalement à cette théorie. Les Gardes Rouges, en face d'eux, immobiles pour de bon et silencieux comme les allées tombales de Makem Te auraient fait d'eux deux une nuée de trous fumants le temps d'un battement de coeur. Leur réputation n'avait rien d'une rumeur de soldats. Ces êtres faisaient peur, pour de vrai. Aussi valait-il mieux rester immobile et attendre que l'Empereur sorte. Ca tempêtait depuis une dizaine de minutes déjà. Quand la poussière retomba, l'Empereur sortit. Le visage fermé, sa peau aussi rose qu'avant, il fit signe rapidement à ses gardes de lui emboîter le pas. Les deux gardes en auraient soupiré... c'était une responsabilité en moins tout d'un coup.




L'Empereur était furieux. Le Conseil Impérial n'avait plus de chef à lui imposer. Harlon devait donc présider lui-même. Et certains avaient eu le culot de lui rappeler qu'un Grand Vizir avait la tâche de le décharger des affaires courantes liées à la politique intérieure et étrangère. Ils n'avaient aucunement tort. Mais hors de question de reprendre Fanrel. L'homme n'avait justifié de rien, et Harlon avait été catégorique sur son envie de ne plus le revoir. Il lui avait redonné le titre de Grand Moff, c'était déjà un acquis à ne pas négliger.

Mais il fallait un Grand Vizir. Mais qui ?

Je dois me présenter au domicile d'un Conseiller ce soir, n'est-ce pas ?
Oui Sire. Le Conseiller Visra organise une soirée à l'occasion de l'anniversaire de sa fille aînée.
Drôle d'obligation... à quelle heure ?
Hmm, c'est à...
Non oubliez, je m'en souviens maintenant. C'est quand j'en aurais envie.





La soirée était venue péniblement. Les affaires courantes pouvaient attendre en apparence, mais en fait requéraient un temps dédié à chacune d'elle pour le bon fonctionnement de l'état. C'était fatigué et un peu blasé qu'Harlon s'était rendu dans une propriété trop grande à son goût pour fêter l'anniversaire d'une gosse pourrie gâtée qui ferait les pires horreur durant sa vie passée à se sentir supérieure parce que papa était Conseiller à la Cour Impériale. A l'intérieur, la sécurité était assurée par des troupiers en noir cachés dans les alcôves. Harlon avait demandé un audit discret de ce personnel, voir s'il n'allait pas dans un guet-apens. Apparemment non. Son arrivée fut accueillie par des applaudissements et des genoux à terre.

En habile politicien, Harlon leva une main en souriant, ordonnant silencieusement que chacun ne se gêne pas pour lui.

Sire ! Mais... je ne vous attendais pa..plus...


Le Conseiller, un homme qui donnait l'idée de ce qu'était une tortue sans carapace et avec un corps moins large, l'accueillit avec de grands yeux parcourus d'étonnement.

Bien sûr conseiller Visra... pour rien au monde n'aurais-je manqué l'anniversaire de votre fille...
Adha, non ! Bien sûr que non... Mais avez-vous été présentés ?
Je ne crois...


On lui présenta.

... pas.


Adha fêtait ses 16 ans. Mais elle aurait pu en avoir plus d'une vingtaine. Des jambes ciselées, une taille de guêpe fermée par un corset sophistiqué, bombant la poitrine couverte par une crinière rousse tressée, en accord avec des lèvres rouge sang et des yeux bleu clairs. Tâches de rousseur légères autour du nez et une dose certaine de maquillage. Une future reine de beauté.

Votre Majestée Impériale...
Damoiselle Visra... Enchant...


Il s'interrompit, prenant sa main et lui offrant un baise-main entendu.

... Charmé.


Le père parut mal à l'aise. La fille gloussa. Visiblement elle avait reçu son cadeau d'anniversaire.

Sire, j'ai fait venir des artistes qui vont certainement...
Allons, Conseiller... qu'est-il besoin de saltimbanques en si délectable compagnie ?
Waaaah...
Me feriez-vous l'honneur de m'accompagner ?


Il prit la main de la jeune anniversairée et partit vers les buffets d'alcools légers. Le Conseiller partit en sens inverse, en gardant un oeil chargé de haine sur l'Empereur. Sa femme finit par capter son oeil et par aller le voir.

Tu en fais une tête ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
Adha fait les beaux yeux devant Astellan... et devine comment il prend ça.
Avec bienveillance ?
Bah, pour sûr ! Il doit bander sous sa tenue cet enfoiré...
Mais enfin qu'est-ce que tu vas t'imaginer ! C'est pas le...
Pas le genre ? Regarde les un peu !


Harlon riait avec Adha autour d'un verre de mousseux novanien, visiblement à l'aise l'un avec l'autre. Visra serra le poing et les dents.

Regarde-le, ce sale porc... Elle est mineure ! Il veut se taper une mineure ! MA FILLE EN PLUS !
Tu crois ?
Si je crois ? Dans dix minutes il a la main dans sa culotte !
Mais non...
Tu le connais vraiment pas ! Il a du baiser toutes les filles majeures de Bastion...
Du coup il se fait les mineures ?
C'EST PAS MARRANT !


Le couple hôte vit le duo Empereur-Adha partir derrière un paravent, plongeant une portion de la maison inoccupée par la soirée dans la pénombre. La dernière image des Visra furent leur fille qui posait vite ses mains sur la boucle de ceinture d'Harlon... sans qu'il ne semble se débattre.

C'est trop ! J'enrage, et je vais aller lui planter un couteau dans le ventre !
NON ! Laisse faire surtout !
Laisse faire ? LAISSE FAIRE ? Parce que tu cautionnes en plus ?
C'est légal depuis ce soir après tout... et puis...
Et puis quoi ?
Imagine que l'Empereur soit un peu manche et nous ponde un gamin... un bâtard... On pourrait faire chanter le scandale politique et le forcer à épouser Adha.


Poings encore serrés, Visra sembla moins prompt à intervenir tout d'un coup.

... Adha devient impératrice...
Exact.
L'enfant héritier de l'Empire...
Exact...
Et nous beau-parents de l'Empereur.
Exact.


Il desserra le poing.

J'espère que tu sais ce que tu fais...





Une demie-heure après, c'était le moment de revenir à la soirée.

C'était ta première fois.
Oui...
Tu te débrouilles plutôt bien.
Il y a des holovids... Mais je ne risque pas d'être enceinte ?
Des holovids mais pas de cours d'éducation sexuelle... Pfff, non, aucun risque.
Parce que je prends pas la pilule...
Non vraiment, je t'assure. De cette façon, on ne prend aucun risque.
Vous m'avez fait mal à un moment...
Désolé. Mais tu n'as rien dit sur le coup.
Non... c'est passé assez vite.
Si tu as besoin de quelque chose de ma part, maintenant ou par la suite...
On verra. Je vais retourner m'amuser... c'est mon anniversaire après tout !
J'espère que tu as apprécié mon cadeau.
Il était royal, votre Majestée !


Harlon sortit bien après en toute discrétion, testostérone redescendue à un niveau moindre, prêt à tout pour avoir de quoi manger. Il enfourna un petit sandwich fourré et but un coup de soft.

Tout se passe BIEN, votre Majestée ?
Diable ! Vous m'avez fait peur... Oui tout se passe bien, merci Conseiller.
Y a pas d'quoi. Bonne soirée.
... Merci...


Quoi ? C'était légal après 16 ans ! Harlon avait rédigé la loi lui-même. Il vadrouilla dans la soirée, saluant les gens, croisant deux ou trois fois Adha - qui lui passait la main sur le devant du pantalon à chaque fois - et d'autres gens de la Cour Impériale. Parler boulot, Empire, économie... Il prit un peu ses distances à un autre buffet. Il lui fallut un pâté de foie pour s'apercevoir qu'il y avait déjà quelqu'un qu'il n'avait pas encore vu déjà au buffet.

Bonsoir monsieur.
Hmm ? Oh, bonsoir.


Harlon interrompit son pâté. Il avait bien entendu ? Ou plutôt... n'avait-il pas bien entendu ?




Bonsoir...?
Hmm ?
Vous pensez ne rien oublier ?
... hmmm, non... je ne... crois pas.
Vous savez qui je suis ?
Un invité ?


On avait à faire à un comique.

Mais encore ?
Non, j'en sais rien.
Vous habitez Bastion et vous ne savez pas qui je suis ?
Non.
Et bien, vous êtes du genre exceptionnel vous.
Relativement.
Et qui êtes-vous, vous ?
Elias. Elias Serrano.
Elias Serrano... ça ne me dit rien.
Et bah voilà, on est deux comme ça.


Harlon ricana.

Je suis Harlon Astellan.
Hm hm.
Ca ne vous évoque rien ?
Vaguement.
Je suis l'Empereur Galactique.
Ah bon.


En définitive, c'était rafraîchissant de voir quelqu'un qui ne le connaissait pas.

En quoi ça consiste ?
De ? D'être Empereur ?
Oui.
Et bien, je représente un million de systèmes au niveau galactique, leurs dirigeants, leurs armées, leurs cultures, je rédige des lois et...
Ca doit être pénible.
... Oui.
Ca demande de la stratégie ?
Oh... oui. Pour discerner les ennemis des amis, savoir où et quand frapper...
Avec de bonnes ouvertures, par son seul intellect...
... Oui, en effet.


Harlon n'avait pas observé bien l'homme. Costume cravate, cheveux courts un peu ras, visage banal et distant malgré le petit sourire qui le parait. Des mains qui semblaient douces. Mais il remarquait... l'assiette était compartimentée. Il avait séparé toutes les saveurs dont il profitait. Des manières de surdoués.

Vous êtes invité pourquoi, monsieur Serrano ?
Le Conseiller Visra est un ami.
Ami ? Lui déteste à peu près tout le monde, à commencer par sa propre famille ?
Tout arrive.
Ami comment ?
Par le biais de sa fondation.


L'homme s'était retourné pour la première fois vers Harlon. Il comprenait maintenant. Fondation... la fondation de Visra donnait à une seule association non gouvernementale...

Je vois.
Vous voyez ?
Oui je vois.
Sire !


Les deux hommes se tournèrent vers Visra, et son rictus perpétuel.

Je vous que vous avez fait connaissance avec mon bon ami, Elias Serrano. Si vous voulez bien m'accompagner, ma fille Adha aimerait que vous coupiez son gâteau... Elle m'a dit que vous étiez un expert en... crème.
Bien sûr, bien sûr Conseiller ! Je vous suis. Navré cher monsieur, mais ce fut un plaisir...
Vous m'en devez une, Astellan.
Cela va de soit. Bonne soirée.


Et toute la soirée durant, Harlon n'eut de pensée que pour cet homme. Elias Serrano... Il avait soudain eu une idée. Avant de se coucher, il avait donné ses ordres... Trouver les coordonnées de Serrano.

Et le faire venir au palais.




L'heure était matinale. Une vieille habitude pour les deux parties. L'un et l'autre étaient frais. Jaugeant l'autre de sa hauteur personnelle. Harlon était en haut de ses marches, l'autre en haut de son égo. Costume lourd, cheveux coiffés pour ce qu'il fallait les coiffer, le regard d'acier posé sur Harlon. Un badge de visiteur à la poche pectorale. Les gardes trouvaient cet homme perplexe. Son dossier était clair. Aucun danger possible. Mais son origine laissait chacun perplexe.

Ainsi c'est là que vous habitez.
Que je dirige.
Que vous bougez vos pions...
Et que je gère les Rois et les Reines.
J'aurais du le deviner.


Harlon se leva et descendit les marches d'une traite.

Il vous plaît ?
Comme toujours.


Une table. Deux chaises confortables. Et au centre...

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Un damier. 8 cases par 8. 32 pions. Blancs et noirs. Style Staunton. Bois Wookiee, petit luxe personnel. Une pendule mécanique sur le bord. Le tout posé au centre du Grand Hall Impérial. Harlon avait tenu des réunions au sommet à cet endroit. Il avait convié un inconnu qui ne le connaissait pas pour une partie.

Monsieur Serrano, je vous prie...


Deux mains, un roi blanc dans l'une, roi noir dans l'autre. Serrano pointa la main droite. Il hérita des noirs.

J'espère que vous savez jouer...


Serrano ne répondit rien. Les deux hommes se serrèrent la main, remplirent leur fiche de jeu, et Harlon put commencer. Ouverture en d4, posture défensive classique, et frappa son côté de la pendule. Réponse en Cf6. Un original. Harlon continua sur c4... pour une réponse en e6.

...





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20 minutes. Il avait fallut 20 minutes à Harlon pour se payer une belle prise. Fxh5, au sacrifice au tour prochain de sa pièce latérale. Mais la force du cavalier valait bien le sacrifice d'une pièce rapportée comme le fou. Le jeu semblait en valoir la chandelle. Harlon gagnait ses parties rapidement d'ordinaire. Un quart d'heure suffisait. En 20 minutes, il ne frappait que pour la 12ème fois.

Vous jouez...
Chut.
Mais enfin je...
Silence !


Harlon ne dit plus rien. En effet, on ne parlait pas pendant le jeu. Ni après. Avant tout au plus. Comme attendu, il sacrifia son fou, pour le bien commun. La partie se poursuivait bien...




Tic-tac-tic-tac-tic-tac

La suite s'était corsée. Débarrassés tous deux de leurs cavaliers et de leurs tours, il ne restait aux belligérants qu'une poignée de pions, une reine et des fous diagonalement opposés. A son 35ème coup, Harlon avait du rapatrier son fou loin d'une Reine menaçante, à défaut d'une protection passive suffisante. A son 38ème, il avait réussi à sécuriser son fou en c1 derrière sa Reine, bienveillante en c3, contre une ennemie coriace en b1. Un mouvement du Roi l'avait porté en e2. Pour un Re5. Harlon commençait à douter.

Tic-tac-tic-tac-tic-tac

Après 3 minutes d'attente, il se décida. Jouer Re3.

Serrano restait impassible. Fermé comme jamais. Sans un regard vers Harlon. Sans nécessiter trois minutes... Rc2. Harlon réagit vite. Rd2. B3. Il fallait qu'il se protège. Qu'il puisse repartir à l'attaque.

Rd4.

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Fd3.

Trois minutes. Il fallut réaliser. C'était sans issue. Harlon se leva et serra la main de son adversaire.




Je n'avais encore jamais été vaincu.


Les échecs étaient son domaine privilégié. Et pourtant...

Pour autant, je n'en suis pas déçu. J'avais dans l'idée que vous étiez un Maître de grand talent...


Serrano ne répondait toujours rien.

Elias Serrano... vous êtes un citoyen de Nez Peron. Votre intellect vous a mené aux premiers rangs intergalactiques du sport le plus noble qui soit. Mais surtout, ils vous ont mené devant moi.

Vous n'êtes pas noble. Ni politicien. Ni même issu de l'armée. Mais vous êtes un homme patient. Au sang froid. Talentueux, et fin stratège. Vous avez su placer vos pions... voir les menaces, et en devenir une à mon insu.


La réaction fut à la hauteur de ce qu'Harlon espérait. Serrano entrouvrit la bouche. Quelque chose lui disait maintenant que l'Empereur avait un dernier coup à jouer. Un de ceux qu'on ne voyait pas venir.

Elias Serrano. J'aimerais faire de vous mon Grand Vizir.
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