L'Astre Tyran

[Mira Qemi]

Metalorn, la planète industrielle de la Bordure Médiane. Mira Qemi préférait l'appeler la planète poubelle, et ce n'était pas qu'à cause de la pollution qui y régnait. La contrebandière y associait de mauvais souvenirs et ne voulait pas y remettre les pieds. C'était sans compter sur le Soleil Noir, rancunier au point de lui remettre la main dessus après quatre ans de cavale. Forcée de rentrer sur son monde natal pour une mission dont elle ne tirerait aucun profit, elle était placée sous la surveillance des hommes à la botte d'un étrange gangster qui lui avait mis le couteau sous la gorge sur Tatooïne. Faute de nom, elle le surnommait "L'homme à la moustache", alors que son gang l'appelait simplement "Boss" ou "Chef".
Cela faisait deux jours qu'ils collaboraient à l'élaboration d'un plan d'infiltration, terrés dans une planque du Soleil Noir dans une vieille tour d'habitations. Il y avait toujours quelqu'un pour la garder, même quand elle prenait l'air sur l'étroit balcon de l'appartement.


D'ici, on discernait la pointe de la Flèche, surnom de la tour qui dominait l'IRDM, l'Institut de Recherche en Droïdes de Metalorn. C'était Mira qui avait accompli l'exploit de s'y introduire et y voler un projet secret, quatre ans plus tôt, et ses ravisseurs voulaient qu'elle réitère cet exploit. Mais les circonstances étaient bien différentes aujourd'hui : d'abord, l'Empire avait renforcé la sécurité du laboratoire et comblé les failles, humaines et matérielles, qui avaient permis à la jeune femme d'accomplir cette prouesse. Ensuite, et surtout, sa sœur jumelle (la véritable Mira) ne travaillait plus à l'institut. La tâche semblait insurmontable... Mais si elle renonçait, le Soleil Noir le lui ferait payer très cher. Son compagnon de contrebande, pilote et meilleur ami (par défaut), Hueren Yago, était prisonnier de l'organisation. Et quelque part, c'était un peu sa faute... Voire complètement, même si elle ne serait jamais assez mature pour le reconnaître.

- Vous ne pouvez pas me lâcher cinq minutes ?, demanda Mira, penchée par dessus la rembarre. Si ça continue, je vais me plaindre à vos RHs. On est à deux doigts du harcèlement, vous et moi.

L'homme à la moustache venait de sortir sur le balcon, une cigarette à la main. Il ordonna au Weequay qui surveillait leur invitée de les laisser et alluma sa clope avant de se rapprocher d'elle. Séparés de juste deux pas, elle pouvait sentir d'ici l'odeur du tabac (du Corellien, devina-t-elle) qui camouflait le léger parfum qu'il avait l'habitude de porter. Toujours propre sur lui, aussi calme qu'éloquent, le moustachu était une classe au-dessus des malfrats qu'elle avait côtoyé toute sa vie. S'il n'avait encore jamais manifesté de colère, il émanait toujours de lui une sorte de rage maîtrisée, comme une tempête qui pouvait déferler sur la mer d'un coup, sans prévenir. Et si cela devait arriver, Mira ne voulait pas être de sortie à ce moment-là !


- Nos prestataires n'ont pas la permission de déposer des plaintes officielles à la direction, répondit-t-il sur le même ton sarcastique qu'elle avait employé. Encore moins celles qui ont un abandon de poste dans leur C.V.
- Touché. Mais vous parlez de Ranni, pas de moi !, précisa-t-elle en lâchant la rembarre pour lui faire face, souriante mais toujours sur ses gardes. Et pourtant, vous m'avez embauchée sans entretien. Tel que je le vois, ça veut dire que je suis la seule à pouvoir accomplir ce que vous me demandez de faire. Je mérite bien une petite compensation, non ?
- La seule capable... ou la seule disponible, suggéra le moustachu en agitant la main, dissipant la suggestion saugrenue de son otage. Pour l'instant, je ne suis pas très impressionné par vos progrès. Votre plan sera-t-il prêt à temps ?

La voleuse de renom croisa les bras, blessée par ce manque de foi manifeste. S'il y avait bien une chose qui lui réussissait toujours, c'était les cambriolages de haute voltige. C'était même sa passion, là où la contrebande n'était qu'une couverture. Enfin, façon de parler, car en général on préférait des métiers honnêtes pour blanchir son argent !

- Avec les délais que vous me donnez... Et après avoir étudié vos rapports... Il y a plus de gardes que quand j'y travaillais, plus de caméras...
- Sans oublier la présence de l'Empire, à l'institut et dans les rues de la capitale. Et je n’évoquerai même pas la surveillance aérienne.
- J'ai grandi ici, je vous rappelle !, lança-t-elle avec un clin d’œil. On aura pas de mal à s'échapper, si c'est ce que vous craignez. Là où ça sera un peu plus compliqué, c'est pour l'infiltration proprement dite.
- Je vous ai trouvé le meilleur slicer du Soleil Noir. Ce n'est pas suffisant ?
- Il va bien falloir... Si les plans qu'il nous a dégotés ne sont pas à jour et que je finis capturée par l'Empire, je serais au regret de devoir abandonner mon poste.

Là-dessus, elle prit congé du moustachu, ce qui signifiait retourner auprès de ses hommes de main aussi malodorants qu'ils étaient mal lunés, en particulier le Weequay. Celui-ci l'attendait, posté dans le salon avec son visage toujours grimaçant. Était-ce sa peau fripée et déformée qui lui donnait toujours cet air ahuri ?
Mira s'installa en tailleurs devant la table basse où s'amassaient tablettes et bloc de données. Elle s'en saisit d'un au hasard et le parcourut distraitement, préoccupée par autre chose.

Non seulement elle devait s'introduire dans l'institut, dérober pour la seconde fois du matériel très cher et très protégé, échapper à la sécurité du laboratoire et celle de l'Empire, mais en plus il fallait qu'elle assure ses arrières vis-à-vis du Soleil Noir. Mira avait une cible sur la tête, et dès qu'elle ne leur serait plus d'aucune utilité, celle-ci allait briller de mille feux. Elle ne donnait alors pas cher de sa peau ! Il lui fallait une assurance de côté. Mais comment élaborer un second plan à l'insu de ses hôtes alors que ceux-ci ne la laissaient même pas aller au petit coin sans poster quelqu'un derrière la porte ?!
Mira poussa un profond soupir et se replongea dans ses préparations...

[Mira Qemi]

Le plan se précisait lentement mais sûrement. Monsieur Moustache avait réquisitionné le meilleur slicer du Soleil Noir, un certain Qyrlia Nètir. Ce dernier n'était pas facile à vivre : il dormait jusque très tard dans la matinée, parfois même jusqu'en milieu d'après-midi, et passait ses nuits sur son terminal holographique. Mira l'entendait taper furieusement sur son clavier à travers le mur de sa modeste chambre, si on pouvait appeler une pièce aussi petite ainsi (et c'était certainement le cas dans les studios étudiants les plus abordables de Coruscant). La contrebandière avait habituellement le sommeil tranquille et s'endormait facilement, contrairement à sa sœur qu'un rien pouvait garder éveillée toute une nuit, mais là... C'était dur, très dur.

Cela faisait deux heures qu'elle se retournait sur sa couchette, incapable de fermer l’œil. Une exclamation de joie de son voisin la fit sursauter, et elle se leva furieusement, emportant avec elle son oreiller afin de lui rendre une petite visite amicale. Dans le couloir, elle croisa l'imperturbable Weequay, adossé au mur les bras croisés. Elle l'ignora royalement et ouvrit la porte de la chambre d'à côté avant de lancer à la cantonade :

- Toc toc, c'est juste pour te dire très gentiment que tu commences cordialement à me casser les reins et d'autres organes internes que la décence m'empêche d'énumérer, est-ce que tu voudrais pas arrêter cette douce mélodie ? S'il te plaît ?

Mira n'avait pas attendu l'autorisation du slicer pour entrer dans sa chambre. En pyjama, fatiguée, elle avait des cernes aux yeux et deux bonnes insultes dans sa besace. Avant qu'elle ne puisse envoyer la première ("Espèce de mynock décérébré"), Qyrlia lui envoya une canette de RedGizka, saveur eXtrême (enrichie en gélatine de gizka) qu'elle attrapa au vol.

- Tu tombes bien toi, j'ai réussi à pirater le trajet des patrouilles, déclara le hacker sans se retourner, le cul vissé sur un gros coussin. Je suis en train de lancer des analyses pour trouver le meilleur moment où passer.
- Et tu peux pas faire ça en plein jour ?

Lasse, elle s'installa à côté de lui en ouvrant la boisson. Il y avait assez de sucre pour donner du diabète à un Hutt, constata-t-elle à la première gorgée, mais le goût était tolérable. Qyrlia montra du doigt les petits points ronds qui se déplaçaient le long du plan de l'institut, laissant des pointillés derrière eux. "Si j'avais eu ça il y a 4 ans, ça m'aurait bien simplifié la vie", pensa-t-elle en se gardant bien de le dire, ne voulant pas trahir accidentellement son identité ; officiellement, c'était Ranni qui avait infiltré l'institut, or là, elle était encore sous l'identité de sa sœur Mira. Même si l'homme à la moustache avait ses doutes.

- Wow ! Ok, c'est impressionnant, fut-elle forcée d'admettre. Mais ne crie pas victoire trop vite. S'ils ont renforcé la sécurité, ils alternent sûrement leurs routes aléatoirement.
- C'est jamais vraiment aléatoire. Mon programme inspecte les rondes des 10000 derniers cycles, s'il y a la moindre répétition, le moindre schéma inconscient qui se répète, il le trouvera.
- Peut-être, mais je préfère me fier à mon intuition d'abord. Enfin bon... Merci, ça va sûrement m'être utile. Après un petit silence, elle demanda naïvement : Et tu serais pas capable de pirater directement le projet qu'on recherche ? Avec ses moyens, le Soleil Noir devrait pouvoir reproduire le matériel et les composants de l'institut, si on trouvait leurs plans ?
- Ouais... Mais depuis l'incident d'il y a quatre ans, répondit-il en lui adressant un regard pour la première fois, peut-être curieux de trouver dans son expression un indice sur son identité, leurs travaux les plus importants sont gardés dans un endroit coupé des communications externes. D'après les plans, il y a trois candidats potentiels : le dernier étage de la Flèche, la rotonde. Ou alors, le laboratoire 17, au niveau 32, ou le labo 4, au moins deux.

Mira examina les lieux en question sur le plan holographique de l'institut. Divisé en 60 étages et trois sous-sols, couvrant une superficie d'environ 95 000 m2 et culminant à 300 mètres de haut, l'IRDM était un des bâtiments les plus imposants de Metalorn City, et pourtant pas le plus prestigieux.

- Quand je travaillais encore là-bas, mon bureau était quelques étages sous le sommet, expliqua l'usurpatrice. De là, c'était facile de s'échapper en vaisseau. S'ils ont appris de leurs erreurs, soit ils auront concentré leurs défenses là-haut, soit le projet aura été déplacé au niveau intermédiaire, donc le labo 17.
- Pourquoi pas en bas, ou carrément dans les sous-sols ?
- Aussi proche des entrées ? Pas question, c'est trop risqué. Alors qu'à 150 mètres de haut, si quelqu'un arrive à voler quelque chose, il aura la même distance à parcourir, quelque soit la direction, pour s'échapper. Et je n'aimerai pas être à la place de cette personne.

C'était là, elle en était certaine. En tout cas, c'était la possibilité qui l'embêtait le plus ! La main sur le menton, la voleuse réfléchissait sur le meilleur moyen de s'enfuir. C'était sa principale préoccupation depuis deux jours. Les ascenseurs n'étaient pas une option car on pouvait facilement les bloquer, voire les contrôler, depuis le poste de sécurité. A moins qu'elle n'y fasse un détour au préalable pour installer une backdoor pour Qyrlia...
Et restait la plus grosse question : fallait-il fuir par les airs ? les souterrains ? ou, au mépris le plus total du bon sens, sortir au rez-de-chaussée les mains dans les poches et disparaître dans la rue ? Et après tout ça, comment ne pas se faire zigouiller par le Soleil Noir ?!

- Bon, demain, tu vas faire du repérage. Il y a encore trop d'inconnues et ça ne me plaît pas.
- Pardon ?! Je mets pas les pieds sur le terrain moi !
- Je voudrais bien m'y coller mais avec mon joli minois, je pense que le premier vigile venu va me demander gentiment de le suivre. Et tronche de Weequay n'est pas fait pour ce genre de mission. Et alors ne parlons pas des autres gros bras au service de Monsieur Moustache-
- De qui ?
- Du boss, se corrigea Mira. Soudain, ce fut l'épiphanie : Ou alors... Ou alors ? Ou alors on envoie le boss. C'est faisable, tu crois ?

4 jours restants avant l'opération

[Mira Qemi]

- Et donc vous espérez que je vais faire votre travail à votre place ?

Mira était allée faire part de son idée au chef de gang, dans le bureau qu'il avait aménagé dans la plus grande chambre de la planque. Inquiet de son audace, le Weequay se tenait fermement derrière elle, les mains sur les épaules. Faisant tout son possible pour faire comme si de rien n'était, la contrebandière se justifiait auprès de l'homme à la moustache tandis que celui-ci, les mains jointes, la regardait avec une expression insondable.

- Habituellement c'est moi qui ferait le repérage, mais là c'est compliqué. Si quelqu'un me reconnaît... Et puis, si je rôde autour de l'institut avec ma clique de gardes du corps, ça fera suspect !
- Mes hommes ont déjà fait bien assez de repérage, et Qyrlia apporte son soutien en tant qu'opérateur. N'êtes vous pas satisfaite ? Je croyais que vous étiez la meilleure, rappela-t-il alors que l'emprise de son homme de main se renforçait sur son épaule.
- Vous pourriez dire à Bobo-les-mains-baladeuses qu'il n'a pas besoin de me coller au train comme ça ?
- Mon nom c'est Gürg, marmonna le Weequay.
- Oh, c'est qu'il sait parler, en plus. Ou grogner, en tout cas.
- Je n'irai pas sur place. Envoyez plutôt le slicer et sortez de mon bureau, je n'ai pas le temps pour ces sottises.
- Qyri a bien trop peur de la lumière du soleil pour sortir et vos hommes de main sont aussi visibles que des rancors au milieu d'une boutique de porcelaine. Vous voulez récupérer la puce Zéro, oui ou non ? Dans une mission comme ça, les chances de succès diminuent de 40% si on ne fait pas correctement le repérage, et je suis désolée mais le travail de vos gars ne m'inspire pas confiance. Et oui, je tire cette statistique de mon chapeau, mais-
- Bon sang !, s'exclama le malfrat, une ride d'exaspération sur le front.

En l'entendant hausser le ton pour la première fois, les yeux et la bouche de Mira s'ouvrirent bien grand. Mais le visage du Moustachu était revenu à son aussi impassibilité habituelle, et déjà il reprenait de sa voix de toujours, comme si rien ne s'était passé, au point que la jeune femme douta avoir vraiment vu un changement. Il se leva de son fauteuil en claquant des doigts, ce que Gürg interpréta comme l'ordre de la lâcher, puis contourna le bureau pour se mettre au niveau de la voleuse. Celle-ci, malgré ses 1m80, devait lever la tête pour soutenir son regard.

- Très bien, si vous êtes la seule à pouvoir faire le repérage et que les autres sont incapables de vous accompagner sans attirer l'attention, on a pas le choix. Vous allez y aller, ça c'est sûr, et c'est moi qui vous surveillerait.
- Oh ? La contrebandière ne s'attendait pas à ce qu'il cède, ni à ce qu'il fasse cette proposition. Ok, ça ira. Mais trouvez-moi une perruque blonde ou de la teinture... Et d'autres vêtements... Il est hors question que je mette les pieds là-bas sans déguisement. Et on a perdu assez de temps comme ça, je veux qu'on y aille cet après-midi.
- Gürg va s'occuper d'acheter ce qu'il faut, faites-lui une liste. Maintenant si madame veut bien libérer mon bureau, j'ai du travail, conclut le Moustachu en la poussant délicatement vers la sortie.

Jetés dans le couloir comme des enfants trop chahuteurs, l'Humaine et la Weequay entendirent le clic de la serrure magnétique retentir immédiatement après que la porte ne se referme sur eux. Ils se regardèrent un instant avant que Mira ne lui tire la langue et ne parte en direction du salon. "Je vais la lui faire, sa fichue liste", marmonna-t-elle en agitant les bras.
Quelques heures plus tard, l'alien revenait les bras chargés de vêtements, de maquillage et autres accessoires.

- C'est pas trop tôt, lança la contrebandière en levant les yeux au plafond. Mais... Mais... C'est pas du tout les marques que j'ai demandé ?? Ces produits sont plein de glutéïdes, pauvre cloche !, cria-t-elle en agitant un spray devant le pauvre Gürg. En fait, elle s'en fichait éperdument, mais faire semblant de s'indigner comme ça lui procurait un malin plaisir qui éclipsait un peu la frustration de ces derniers jours.
- Euh, 'ai pas trouvé, désolé...
- Bon ben on fera avec. Tu veux pas poser tout ce bazar, au lieu de chanceler comme un bantha avec tes bras chargés ? Tu me donnes le mal de mer.

Gürg était peut-être aussi joli que bavard, mais au moins il faisait de vrais efforts. Elle aurait pu le trouver sympathique... S'il n'était pas là dans le seul but de lui coller aux basques à longueur de journée. Mira sélectionna quelques échantillons parmi tout ce que lui avait apporté le gaillard puis se rendit à la salle de bain pour se préparer. Dans la vie de tous les jours, elle ne faisait jamais de grands efforts de présentation, en petite partie car elle se préférait au naturel, et en grosse partie parce qu'elle n'avait jamais pris plaisir à la mode et tout ce qu'il y avait autour. Mais quand il s'agissait de jouer un rôle dans le cadre d'une mission, elle était plus concentrée encore qu'une maquilleuse avant un gros spectacle.

Deux bonnes heures plus tard, elle émergea de la salle de bain sous une toute nouvelle apparence, celle d'une bonne citoyenne innocente. Il lui avait suffit d'une teinture blonde, de quelques produits capillaire et d'un bon coup de peigne, de verres de contact et d'un peu de maquillage. Juste à temps pour son rendez-vous avec Monsieur Moustache ! Fidèle au poste, Gürg l'attendait juste derrière la porte et en la voyant sortir, il cligna des yeux à plusieurs reprises comme si son cerveau n'arrivait pas à calculer l'image qu'elle lui renvoyait. Amusée, Mira lui fit signe de l'accompagner au bureau du grand patron. La porte était ouverte, et l'occupant de la pièce était en train d'enfiler une veste lorsqu'il les vit débouler chez lui.

- Bien, allons... En voyant la transformation de Mira, il ne put réprimer un haussement de sourcil. ... zy.
- Ne soyez pas impressionné, ce n'est qu'une de mes nombreuses compétences.
- Bien sûr, je ne suis pas surpris qu'une " scientifique " de votre renommée dispose de tels talents.

Quelques minutes plus tard, le couple improbable était en route vers les beaux quartiers de la ville, où se trouvait l'institut...

[Mira Qemi]

Depuis que Mira avait été arrachée de force à Tatooïne avec Hueren , son compagnon dont elle n'avait plus de nouvelles depuis, elle avait passé tout son temps enfermée dans le repaire du Soleil Noir dans les basfonds de Metalorn City. Cette petite virée en ville était une bonne excuse pour prendre l'air, même si elle doutait que son partenaire ne le voit de cet œil-là. Au volant de leur landspeeder, le Boss conduisait en silence, concentré sur la route.

- Au fait... Vous allez finir par me donner votre nom ?
- Vous êtes bien placée pour savoir qu'un nom seul ne veut rien dire, répondit-il sans quitter la route des yeux.
- Ok, mais j'aimerais vous appeler autrement que "le boss". Ce n'est pas bon pour votre égo sur le long terme.
- Très bien, alors appelez-moi Kars, dit-il enfin après un petit moment de silence.

Elle doutait que ce soit son vrai nom mais c'était toujours mieux que Monsieur Moustache, même si ce surnom allait sûrement rester.
Le speeder doubla un camion de marchandises et s'engagea sur leur sortie. Ils étaient officiellement dans Metalorn City intramuros, où Mira avait passé les quinze premières années de sa vie. Le menton posé sur le poing, elle regardait les bâtiments défiler par la fenêtre. Les façades étaient à la fois curieusement familières et très différentes de son souvenir. Il y avait plus de propagande impériale que lorsqu'elle était enfant, notamment des hologrammes de recrutement à chaque coin de rue.
Arrêtés à un feu, elle aperçut trois stormtroopers en train de patrouiller sur un trottoir. Les civils passaient à côté d'eux la tête basse, évitant soigneusement de se faire remarquer.

- Est-ce que vous pouvez obtenir des détonateurs thermiques ?
- Je croyais que votre modus operandi exigeait la plus grande discrétion.
- Oui... Et des diversions plus grandes encore, ajouta la passagère en regardant un convoi impérial posté à un coin de rue. Prenez à droite.
- Je croyais qu'on allait à l'institut ?
- Oui, mais pas exactement par où vous pensez.

Suivant les instructions de la native de Metalorn, Kars s'engagea dans des ruelles de plus en plus étroites et mal entretenues, loin des grandes avenues de la capitale. Mira connaissait bien ces quartiers dépravés, pour s'y être baladée plus d'une fois quand elle était adolescente. Loin de la lumière du soleil mais surtout des yeux du public, les habitants les plus pauvres et les aliens sans papiers s'y agglutinaient dans des ghettos. La police passait rarement ici, et pourtant c'était systématiquement sur cette population qu'elle commettait le plus de violences. Ils se garèrent dans un parking souterrain peu fréquenté, puis la jeune femme entraîna son comparse à l'extérieur. On aurait dit deux touristes en vadrouille, avec leurs sac à dos bien remplis contenant bouteilles d'eau, lampes torche et autres babioles. Après une petite randonnée urbaine d'une vingtaine de minutes, elle s'arrêta devant une bouche de métro condamnée et recouverte de tags.

- Autrefois, il y avait une ville sous la ville. Plein de tunnels reliés par un réseau de trains antigrav qui permettaient aux habitants d'aller facilement partout dans MetaCity, expliqua-t-elle en dévissant un petit panneau proche de l'entrée. C'était comment déjà... Ah, oui !

Après avoir connecté quelques fils, un petit déclic se fit entendre et la porte vrombit en se soulevant, lâchant un petit nuage de poussière au passage. Une fois de l'autre côté, elle prit soin de la refermer derrière elle.

- Quand j'étais gamine, je venais jouer au Sabacc ici, dans le territoire des Veks Rouges. Mais les guerres de gang et les altercations avec la police, puis avec l'Empire, ont fini par les chasser du coin. Attention où vous mettez les pieds...
- Et moi qui pensait que vous vouliez juste un prétexte pour vous amuser en ville...

Ils passèrent un portique cassé depuis longtemps et empruntèrent un petit escalier, puis un couloir. Enfin, ils arrivèrent sur le quai d'une station qui n'avait pas vu de passagers depuis très longtemps. Les écrans de pubs étaient cassés et les bancs vandalisés. Éclairés seulement par leurs lampes individuelles, ils descendirent du quai et s'engagèrent dans le tunnel plongé dans le noir.

- Voilà pourquoi on fait du repérage. Je doute que Qyri puisse nous faire un état des lieux de ces souterrains depuis sa chambre qui pue la boisson énergisante.
- Je l'admets, Qemi. Mais pourquoi est-ce qu'on est là ? Vous espérez vous échapper avec la puce en passant par ici ?
- Oui, mais pas à pied. C'est assez large pour faire passer des swoop bikes ou même un speeder. Le problème c'est que certains passages sont condamnés au permabéton. Mais si on plaçait quelques charges à des endroits stratégiques, on doit pouvoir déblayer un chemin sans que tout ne s'effondre. Écoutez, dit-elle en s'arrêtant brusquement, l'index levé vers Kars. C'est moi qui y risque gros ici, d'accord ? M'échapper en ville avec tous ces convois impériaux, très peu pour moi. Et fuir par les airs ? Il y a 4 ans, avec un seul escadron, d'accord. Mais aujourd'hui, je n'y crois pas une seconde. Non, c'est notre meilleure chance.
- En admettant que je nous fournisse des swoop bikes à temps. Comment allez-vous passer de l'IRDM aux souterrains ?

Avec un sourire malicieux, Mira reprit la marche, les mains jointes dans le dos.

- Et comment pensez-vous que Ranni ait infiltré la tour la dernière fois ?

Cette réponse partielle sembla suffire au Moustachu, qui n'insista pas. La voleuse espérait qu'il allait jouer le jeu et se débrouiller pour obtenir ce qu'elle demandait. Si le Soleil Noir était incapable d'acquérir des motojets sur Metalorn, capitale industrielle, alors leur réputation était bien usurpée !
Guidée par ses souvenirs (et par le GPS qu'elle consultait de temps à autre), Mira les fit passer par des recoins un peu tordus pour contourner les passages condamnés qu'elle avait mentionné plus tôt. Pour retrouver leur chemin plus facilement au retour, ils jetèrent des bâtons lumineux sur leur chemin. Il leur fallut un peu plus d'une bonne heure pour arriver à destination, une station abandonnée à 600 mètres de l'institut. Et dire qu'au même moment, à la surface, s’afféraient civils et patrouilles de police ou de l'Empire ! Retrouvant son chemin, elle emprunta un ancien tunnel de maintenance qui les rapprocha encore plus de la tour.

- Bon, je suis satisfaite. J'avais peur qu'ils aient découvert cet endroit mais on dirait que personne n'est passé ici depuis des années, dit-elle en frottant une porte de service poussiéreuse.
- Et comment on se rend à la tour d'ici ?
- Il y a un gros compacteur de déchets hors service un peu plus loin. Attention, ça sent un peu mauvais, alerta Mira en tournant une grosse manivelle sur une porte anti-explosions.

Une odeur de moisi les assaillit immédiatement alors qu'ils entraient dans le compacteur. Kars resserra sa cravate et retroussa ses manches mais ne manifesta pas son dégoût, contrairement à sa comparse qui eut un haut le cœur. Elle se pinça le nez d'une main et désigna une ouverture un peu plus haut de l'autre côté :

- Bous boyez là-bas ? C'est bar là que je bais monter !

Maintenant, elle en était sûre : la voie était dégagée, personne n'avait réussi à identifier le passage qu'elle avait emprunté pour infiltrer les lieux la dernière fois. Était-ce risqué de passer au même endroit ? Peut-être, mais faute de temps, c'était peut-être encore la meilleure option. Le duo retourna sur ses pas, non pas sans refermer la porte derrière eux.
Le trajet de retour se fit en silence, toujours dans la pénombre, et se révéla plus rapide que l'aller grâce aux bâtons disséminés un peu partout pour leur indiquer la voie. Une fois dehors, ils prirent une bonne bouffée d'air frais - du moins, aussi frais que le permettait la pollution ambiante.

- Vous aurez vos swoops. Je vais placer plusieurs hommes à la station de l'institut. On ne va rien laisser au hasard, je ne veux pas que quelqu'un vous attrape juste à la sortie. Et, il se garda de le dire, il ne voulait surtout pas qu'elle s'enfuit avec son trésor de guerre. Au fait, quelque chose m'échappe. Pourquoi vouliez-vous vous déguiser ? On a presque pas été à la surface.
- D'abord, parce qu'on est jamais trop prudent. Le monde est petit, quelqu'un aurait pu me reconnaître même dans le speeder... Ensuite, parce que vous allez m'inviter au restaurant. J'en ai marre de manger les sandwiches mal préparés de votre Gürg, et je pense que notre escapade d'aujourd'hui prouve que je suis à la hauteur et que je tiens ma parole. J'aurais pu m'enfuir une dizaine de fois, là-dessous.
- Et laisser votre ami mourir ? Je ne vous crois pas.

Kars observa Mira intensément, les yeux légèrement plissés. L'usurpatrice soutint ce regard une dizaine de secondes avant qu'il ne renonce à la percer à jour et ne se remette en marche, imperturbable.

- Où on va ?
- Manger un morceau. Je croyais que c'est ce que vous vouliez. Vous venez ?
- ... J'arrive, répondit-elle, ravie mais surprise que son petit caprice ait fonctionné.

3 jours restants avant l'opération

[Mira Qemi]

Le plan se précisait. Les efforts combinés de Mira, Qyrlia et des autres hommes de main du Soleil Noir avaient éclairci les détails les plus essentiels sur les forces ennemies et leur territoire. En étudiant les plans de l'IRDM, ils avaient défini le chemin le plus idéal et plusieurs alternatives au cas où les choses ne se passaient pas comme prévues. Le but était d'aller du compacteur d'ordures à un poste de sécurité afin d'y déposer un programme d'intrusion conçu par le slicer. De là, elle devait se rendre au laboratoire 17, au 32e étage, et y dérober la puce.
Ils allaient passer à l'acte la veille de la présentation officielle à l'Empire, dans la nuit. Pour faire diversion, la contrebandière avait suggéré de faire exploser plusieurs convois impériaux juste au moment où elle s'emparerait de la précieuse technologie Metalornienne, afin de créer chaos et panique en ville. Pendant que l'ennemi enverrait des troupes dans les rues, les membres du Soleil Noir iraient accueillir Mira dans les souterrains de la capitale. Même si elle avait des poursuivants aux trousses, ils leur échapperaient facilement à bord de leur swoops.

- Une fois la mission accomplie, on se retrouve au point de rendez-vous A, à 80 kilomètres de Metalorn City. Là-bas, une navette viendra nous chercher. Ne repassez pas par la planque, elle sera de toute façon vidée de toute trace de notre séjour, expliqua le chef. Ne manquez pas le rendez-vous, il n'y aura pas d'autre transport et on vous abandonnera sur place, compris ?

Cela leur laissait un peu moins de trois jours pour réviser les détails du plan et dégager un chemin à coup d'explosifs dans le réseau souterrain. Laissant cette partie du plan aux malfrats, Mira passait le temps qu'il lui restait à mémoriser les trajets des patrouilles et les chemins à emprunter pour éviter les caméras. Sur place, elle n'aurait que son fidèle blaster DL-18 pour se défendre, que Kars allait lui rendre temporairement pour l'occasion. Elle n'avait pas peur de devoir se battre mais si les conditions le permettaient, la voleuse espérait faire un "ghost run", comme on disait dans le milieu : s'introduire sans altercation ni alarme.

-
Il était passé minuit et Mira était allongée sur le dos dans sa chambre, un datapad entre les mains, lorsqu'un Qyrlia paniqué fit irruption chez elle.

- J'ai inter-intercepté une transmission im-impériale, articula-t-il à grand peine. Le Gouverneur a décidé de faire annuler la-la démonstration de la puce Zéro ! L'Institut a reçu l'ordre de remettre ses travaux au BSI, ils attendent une navette qui doit arriver dans cinq heures !

Mira se redressa et fit craquer les os de ses doigts, un sourire mi-inquiet, mi-excité au visage. Que serait une mission soigneusement planifiée sans un élément perturbateur de dernière minute ? Les deux jeunes gens se rendirent au bureau de Kars, qui convia d'urgence tous ses hommes. A quinze dans le bureau, Mira, Qyrlia, Kars, Gürg et le reste des membres du Soleil Noir (sans compter ceux qui étaient de corvée "ménage du métro"), la petite bande était bien serrée. Le boss relata la trouvaille du slicer avant de demander un état des lieux sur le déblaiement des tunnels.

- Si on fait ça à la bourrin, ça sera OK dans trois heures, grogna le Weequay.
- Tu es sûr ? Si je déboule dans les tunnels et qu'il n'y a personne pour m'y retrouver avec un moyen de transport, c'est moi qui vais finir sur Kessel, pas toi.
- Ouais, je suis sûr !
- J'ai... J'ai besoin d'encore un peu de temps pour finir mon programme d'intrusion..., bafouilla le hacker.
- On a pas ce luxe, Qyri. Tu viens avec moi, tu vas finir ton joujou en cours de route. Et ne me fait pas croire qu'importer du code te demande une concentration intense, j'ai vu comment tu "travaillais".
- Bon. Gürg, prenez quatre hommes avec vous. Récupérez tout ce qu'il reste en explosifs et mettez-vous en place en attendant mon signal. Raslat, Miïns, vous restez derrière pour nettoyer la planque. N'oubliez rien, faites brûler ce que vous ne pouvez pas emporter ! Qyrlia, venez avec moi et ceux qui restent, on va escorter Madame jusqu'au compacteur d'ordures. Allez ! Exécution !

2 heures, 46 minutes restants avant l'opération

[Mira Qemi]

Prêts ou non, les agents du Soleil Noir et leur collaboratrice forcée durent se mettre en mouvement. Mira n'eut que le temps d'enfiler sa combinaison noire avant de rejoindre Qyrlia et deux autres membre du groupe à qui elle n'avait encore jamais adressé la parole (un Gran armé d'un fusil blaster et une Twi'lek équipée d'une armure lourde et d'une vibrohache qui n'avait pas l'air de plaisanter) pour monter à bord du speeder de Kars tandis que les cinq derniers malfrats, menés par Gürg, prenaient un second véhicule. Les deux appareils prirent la route ensemble mais se séparèrent rapidement, celui du chef prenant la direction de la station abandonnée d'hier tandis que l'autre se rendait vers le quartier d'affaires de Metalorn City où ils avaient reçu l'instruction d'attendre le bon moment pour créer une diversion en faisant exploser quelques Impériaux, attirant l'attention de ceux-ci loin de l'Institut. La contrebandière se félicita d'avoir fait elle-même le repérage, sans quoi la décision soudaine du Gouverneur aurait peut-être tout fichu en l'air. Elle se surprit à repenser à sa sœur, qui lui avait dit jadis qu'elle pouvait être brillante lorsqu'elle faisait des efforts.

- Boss, vous pouvez ralentir, j'ai le mal des transports et c'est encore pire quand j'ai les yeux sur un écran... Oooh..., pleurnicha Qyrlia, une main sur la bouche et l'autre sur le clavier de son terminal portable.

Si c'était ça le meilleur slicer du Soleil Noir, alors l'organisation ne valait rien face aux grands de cette galaxie, comme par exemple le groupe de hackers HADES, songea Mira.
Kars ne prit pas la peine de ralentir. Ils en avaient pour plus d'une heure et demi de route avant d'arriver à leur point d'entrée, et encore une à crapahuter dans les tunnels jusqu'à l'objectif.

- Qemi, on vous escorte jusqu'à l'entrée. A partir de là, vous vous débrouillez seule sur le terrain, on garde le contact par comlink. Nous allons sécuriser un point d'évacuation. Des renforts arriveront avec nos swoop bikes à temps pour l'extraction.

Ils auraient pu arriver plus vite en grillant quelques priorités mais la règle numéro un lorsqu'on commettait était de ne pas en commettre un autre. Se faire interpeller par un véhicule de police pour un phare arrière cassé était une erreur de bleu qui avait coûté leur carrière à beaucoup de malfrats très prometteurs.
Malgré l'heure, il y avait bien quelques personnes qui traînaient encore dans ce quartier mal famé, mais personne ne leur chercha des ennuis.



Cette fois-ci, ils se garèrent plus près de leur destination afin de s'épargner 20 minutes de marche, et accessoirement éviter d'attirer l'attention en se baladant armés jusqu'aux dents.
S'assurant qu'aucun badaud ne se trouvait dans les parages, le groupe déverrouilla l'ancienne bouche de métro et s'engouffra à l'intérieur. Qyrlia était encore en train de tester son programme, traînant derrière eux tandis qu'ils éclairaient le chemin. Comme ils empruntaient des détours, ils ne croisèrent pas l'équipe de démolition chargée de leur créer une sortie pour plus tard.

- Tenez. En espérant que vous n'en n'aurez pas l'utilité, chuchota Kars en rendant à Mira son vieux blaster. Celle-ci le rangea à sa ceinture, soulagée de retrouver son arme. Vous avez gagné ma confiance, mais pas encore mon respect.

Environ une heure plus tard, le tunnel de maintenance visité la veille était enfin en vue. Le groupe s'arrêta devant la porte de service, et Mira souffla un bon coup en ouvrant celle-ci. Qyrlia lui tendit son programme d'intrusion, une sorte de carte bourrée de processeurs collée à une prise similaire à celles que les droïdes mécano utilisaient pour se brancher aux ordinateurs.

- C'est ici qu'on se sépare. On a un peu d'avance mais ce n'est pas une raison pour traîner. Le BSI arrive dans 3 heures.
- C'est bon, à partir d'ici c'est moi qui gère. Merci Qyri, tu t'es surpassé.
- C'est vrai ?
- Pas vraiment, mais ça fera le taf. On se revoit dans pas longtemps !, lança-t-elle en s'engouffrant dans le couloir.

L'opération commence

[Mira Qemi]

C'était à coup sûr la partie la moins plaisante de cette infiltration : marcher à travers les détritus du compacteur et escalader les débris afin d'accéder au conduit par lequel l'IRDM jetait autrefois ses déchets. Avec tous ces objets tranchants et rouillés, l'obscurité allait d'inconvenante à carrément dangereuse pour Mira. Celle-ci tâtonna dans le noir, se frayant un chemin pas à pas, les bras tendus en avant. Elle finit par atteindre l'autre côté de la pièce et commença à empiler des carcasse de droïde et autres morceaux de machines industrielles afin de prendre de la hauteur. Quelques fastidieuses minutes plus tard, elle était enfin à portée du conduit.

- C'est maintenant que ça se complique, marmonna-t-elle, le bout de la langue coincé entre les dents.

En équilibre précaire, la voleuse prit une grande inspiration et sauta avec toute la force de ses jambes. Elle parvint à s'accrocher au bord du conduit du bout de ses doigts, et se hissa douloureusement à l'intérieur. Sa petite cabriole aurait été impossible à quelques centimètres près, ce qui lui faisait une raison supplémentaire d'être heureuse de mesurer 1m80.
Et maintenant, une ascension particulièrement pénible l'attendait. Il y a quatre ans, il lui avait fallut un peu moins de 20 minutes pour atteindre l'autre bout, au meilleur de sa forme. Une goutte de sueur coula le long du front de Mira, qui réalisait seulement maintenant que non seulement les circonstances extérieures étaient plus compliquées que la dernière fois, mais qu'elle avait en plus manqué quelques séances d'entraînement ces derniers mois.

Comme elle le craignait, il lui fallut s'y reprendre à plusieurs fois pour réussir à prendre ses repères et entamer sérieusement sa montée. Quand tout ce bazar serait terminé, direction la salle de gym, se jura la voleuse !
Avec presque cinq minutes de retard par rapport à son dernier record, elle s'extirpa, haletante, dans la salle de maintenance hors service du dernier sous-sol. Elle dut d'abord dévisser la plaque qui bloquait la sortie, soulagée que personne n'ait eut la présence d'esprit de la souder depuis son dernier passage.
Pendant ce temps, du côté de Kars et son groupe...

- Équipe Besh, équipe Dorn, au rapport, demanda-t-il à travers son comlink.
- Ici Leader Besh, progressons à bon rythme. On a terminé presque 60% du travail et on a encore assez de charges.
- Leader Dorn, on est bloqués par des gravats plus solides que prévus. Il y a du duracier là-dedans, ça nous ralenti.
- Vous serez dans les temps ?
- Oui, on va faire ce qu'y faut.
- Équipe Cresh, vous êtes en position ?
- Ici Gür-Enfin, euh, je veux dire ici leader Cresh. Parés.
- Restez en attente. Terminé.

Les équipes de démolition progressaient à un rythme acceptable, le groupe de diversion était en place à la surface, et les swoops devaient arriver dans l'heure. Pour l'instant, l'opération se déroulait sans accro. Kars rangea son communicateur et retourna auprès de Qyrlia, qui projetait un plan holographique de la tour avec un petit point clignotant pour Mira.
Ce n'est qu'à ce moment que le chef remarqua qu'un des sacs de munitions que le Gran était chargé de transporter était ouvert... Il se rapprocha de son sous-fifre avec un sourire crispé.

- Un problème, boss ?
- Tu étais en charge de l'armement, n'est-ce pas ?
- Euh... Oui, admit le non-humain, soudain très inquiet.

L'homme à la moustache attrapa brusquement le sac et l'ouvrit entièrement avant de le retourner pour en vider le contenu. Quelques blasters et des blocs d'énergie tombèrent avec quatre détonateurs thermiques qui roulèrent à ses pieds. En voyant ces derniers, le Gran eut un élan de panique et recula, rattrapé par son employeur qui l'attrapa fermement au col. Sa comparse Twi'lek et le slicer, tous deux à quelques mètres, retenaient leur souffle, crispés.

- Quand on a une VOLEUSE parmi nous, on SURVEILLE l'inventaire ! Il manque un détonateur, sombre imbécile !
- Je-Je-Je suis désolé, patron, j'ai merdé ! Je, ça se reproduira plus, pardonnez-moi !
- Cette mission est trop importante pour se permettre des erreurs pareilles, répliqua Kars en dégainant de sa main libre un vibropoignard qu'il alluma aussitôt avant de le coller au cou de son homme de main étourdi. Je crois que tu ne réalises pas tous les enjeux.
- Pitié ! Ayez pitié !, couina l'alien à trois yeux alors que les vibrations de l'arme entaillaient doucement sa chair, la cautérisant immédiatement par la chaleur avant de tailler à nouveau dans un cycle infernal. La douleur devait être insoutenable.

Kars le relâcha sans ménagement, et il tomba à la renverse avant de se prendre les mains au cou. Sa respiration était aussi forte que celle de son supérieur, revenu à son calme légendaire, était faible. Ce dernier remit son poignard à l'intérieur de sa veste puis rangea le matériel éparpillé pendant par terre que le Gran se remettait de sa terreur. Comme si de rien n'était, il lui tendit le sac, soigneusement fermé.

- Fais attention maintenant, dit-il avec un sourire innocent.

Au-dessus de leurs têtes, Mira émergeait hors de la salle de service, satisfaite d'en avoir enfin terminé avec cette première partie de l'opération. Elle essuya de la poussière qui s'était collée sur sa combinaison, vérifia que son pistolet blaster et le détonateur thermique qu'elle avait subtilisé à ses camarades étaient toujours bien à sa ceinture, et se remit en marche.



- J'ai atteint le sous-sol. Qyri, tu vas devoir me guider jusqu'à l'avant-poste de sécurité.
- ... Ou-Oui, je m'y mets...
- Quelque chose ne va pas ?, demanda la voleuse, qui se doutait déjà de ce qui perturbait son frêle ami.

Elle avait délibérément laissé le sac entrouvert sachant que Kars allait tomber dessus. C'était un moyen de lui dire "Je vais me défendre" et de faire monter la pression. Lorsqu'elle redescendrait victorieuse, la puce Zéro en sa posséssion, le lieutenant du Soleil Noir aurait intérêt à négocier correctement. S'il espérait pouvoir la descendre facilement, il se trompait : Mira était prête à tous les emporter dans une immense déflagration, elle compris, s'il commettait l'erreur de la sous-estimer !

[Mira Qemi]

La malfaiteuse leva le poignet pour consulter le minuteur qu'elle y avait fixé. Le temps pressait ; s'ils avaient encore environ 3 heures devant eux avant que la navette du BSI n'arrive sur Metalorn, il était fort probable que le personnel du laboratoire soit déjà en train de préparer le matériel. Suivant les indications du slicer, Mira se rendit à l'escalier le plus proche en esquivant les quelques caméras disséminées un peu partout. La sécurité n'était pas la plus renforcée par ici, à priori, mais elle joua tout de même de prudence en faisant des pauses fréquentes au lieu de tenter le trajet en une fois.
Elle s'engouffra dans une cage d'escalier et dévala les marches deux par deux. Emprunter l'ascenseur était hors de question car cela déclencherait tout un tas d'alertes au poste de sécurité ! Il fallait d'abord se rendre là-bas, au vingtième niveau, et installer le programme d'intrusion de Qyrlia.

- Continue comme ça, il te reste seulement douze étages à monter !
- Facile à dire pour toi, marmonna-t-elle dans son comlink.

A l'approche de son étage, elle ralentit la cadence et longea les murs, les sourcils froncés par la concentration. La porte n'était plus qu'à trois pas, mais une caméra circulaire l'attendait de l'autre côté. Elle n'avait qu'un créneau de trois secondes pour ouvrir, sortir, refermer derrière, et se dissimuler avant d'être prise dans son faisceau. En prévision, le hacker avait piraté les schémas techniques de la caméra et calculé le meilleur moment pour passer, à la seconde près ; pour s'aider, Mira avait installé sur son datapad un petit compteur qui faisait des cycles de trois secondes, en rouge puis en vert. Quand c'était au vert, c'était sa fenêtre d'action. En rouge... C'était l'échec assuré.

- Tu es prête ?

L'humaine ne prit pas la peine de répondre, concentrée uniquement sur la tâche à venir. L'écran passait d'une couleur à l'autre pendant qu'elle rassemblait son courage. C'était simple, ouvrir une porte, la refermer, et courir à l'angle d'un couloir : un jeu d'enfant ! Elle avait déjà fait pire quand elle faisait du vol à l'étalage. Mais cette fois, c'était différent... Si elle partait millième de seconde trop tôt, la caméra ferait sonner une alarme silencieuse et elle serait rapidement encerclée par un tas de gardes. Si Qyrlia avait fait une erreur ou si le schéma était obsolète, elle se jetait dans la gueule du loup.
Déjà dix cycles étaient passés, et le point qui représentait Mira n'avait pas bougé d'un iota sur l'interface holographique que surveillait Qyrlia. "Ne réfléchit pas, vas-y", tentait-elle de se convaincre. Son opérateur allait lui demander ce qui n'allait pas lorsque, sans un mot, elle s'élança, la respiration coupée et le cœur qui battait plus faiblement que celui d'un moine en pleine méditation.

Telle une danseuse en transe, la jeune femme effectua le numéro qu'elle redoutait tant, une prestation incroyable et dont personne ne serait jamais témoin si elle la réussissait. Elle ne vit même pas la caméra qui la terrifiait tant, n'ayant d'yeux que pour l'angle si rassurant qui, à seulement cinq mètres d'elle, promettait abri et sécurité - cinq mètres qui, en ces circonstances, lui semblaient faire des kilomètres. Et puis, trois secondes terriblement longues plus tard, elle était à l'abri du danger, retenant le soupir de soulagement qu'elle méritait tant, de peur de se faire repérer.

- Ensuite ?, demanda-t-elle sans perdre une seconde de plus.
- Wow... Ensuite, tu prends le couloir de gauche, droite, droite, puis la deuxième porte du couloir. Tu as trois minutes avant que le garde termine sa ronde.

Elle avait mémorisé par cœur les plans et les quinze schémas possibles de patrouille mais c'était réconfortant d'entendre la voix d'un allié lui rappeler ce qu'il fallait faire. Sur cette si bonne lancée, se sentant des ailes lui pousser, elle reprit son infiltration. Une bonne minute plus tard, elle s'arrêta brièvement dans un placard ménager, conformément au plan qu'elle avait monté avec son acolyte afin de laisser passer le garde qui était censé veiller sur cet étage.

- Normalement, la première relève de nuit était il y a deux heures, il n'y en aura pas d'autres avant une heure, rappela Qyrlia à l'autre bout du comlink. La procédure veut qu'il y ait deux personnes au poste. Neutralise les et branche moi pour que je prenne le contrôle.

Il y a quatre ans, la procédure ne demandait qu'un seul vigile ; elle avait pu s'en débarrasser avec un rayon paralysant. Mais ce soir, à deux, la lenteur du rayon ne lui laissait pas la possibilité de l'utiliser. Il fallait tirer pour tuer ! Mira dégaina son blaster avant de sortir du placard, son arme pointée droit devant elle, avançant à pas de louve. La jeune femme préférait ne pas faire de victimes si la situation le permettait mais si c'était impossible, il ne lui était pas difficile de se résoudre à prendre une vie. Son palmarès ne s'élevait qu'à sept victimes en douze ans de crimes, un chiffre assez bas qui ne changeait qu'exceptionnellement. Or, cette nuit était exceptionnelle...
Arrivée devant la salle des vigiles, Mira pressa furieusement le bouton d'ouverture et se jeta à l'intérieur, telle un prédateur bondissant sur sa proie.

Un laser rouge fusa de son canon, puis un autre, et le bruit sourd de deux corps qui s'effondraient raisonna dans la pièce. Le tout n'avait pas duré plus longtemps que son tour de cache-cache d'un peu plus tôt, mais ce jeu là était autrement plus mortel...
Mira n'était pas particulièrement douée en duel, mais prendre l'ennemi par surprise et l'éliminer d'un tir à la tête, elle savait faire. Dégageant le premier cadavre tombé sur un clavier, la tueuse de sang froid consulta les écrans de sécurité pour vérifier que tout allait bien. Inconscient du drame qui venait de se jouer, un humain patrouillait tranquillement l'étage. Même chose dans le reste de la tour. Elle brancha l'appareil que le hacker du Soleil Noir lui avait confié, et celui-ci lui confirma la bonne transmission des données.

- Ok, la sécurité de l'IRDM est entre mes mains, se réjouit-il. Laisse-moi confirmer où se trouve l'objectif...

Les écrans de contrôle, dirigés à distance, faisaient défiler tout un tas de dossiers et de fichiers dont les noms ne lui disaient rien. Il y avait des décennies de recherche à fouiller, et même le programme d'intrusion de Qyria semblait lutter pour trouver ce qu'ils étaient venus chercher.

- Bon sang, je ne vois aucune mention de la puce Zéro et du projet. Ils ont du renforcer la sécurité et crypter les recherches les plus confidentielles.
- ... Hum. Fais une recherche à... "Gizka".
- Pardon ?
- Fais ce que je te dit.

Quand elles étaient petites, sa sœur (la véritable Mira) avait un faible pour cet animal pathétique au point d'en avoir des peluches, des posters, et autres babioles. Malheureusement, leurs parents n'avait jamais accepté de lui en offrir un vrai... Et c'était d'ailleurs pour lui faire plaisir et régler cette injustice que Ranni (la Mira usurpatrice dont nous suivons les déboires depuis quelques jours) en avait lâché toute une petite famille à l'école !

- Oh ! OK, j'ai trouvé une mention dans un vieux fichier. On est bons, c'est bien au 32e niveau, labo 17, à la R&D ! Tu peux prendre un turbo-élévateur, je vais régler les permissions pour te laisser passer sans danger.
- Je compte sur toi, Qyri.
- J'ai téléchargé sur ton datapad tous les codes d'accès. Tu peux y aller.

Ne se laissant pas attendrir par la nostalgie et les souvenirs de sa jumelle, Mira abandonna le poste et les deux victimes innocentes qu'elle y laissait. "Neuf", songea-t-elle avec un peu de culpabilité, mais sans regrets. Dans cette galaxie, c'était eux ou moi.
Suivant son guide à distance, elle emprunta le chemin le plus court pour aller à l'ascenseur et monter. La partie "vol" de la mission était bientôt terminée.

- Hum... Il y a quelque chose qui cloche dans les données que je reçois... Mais je n'arrive pas bien à comprendre...
- J'ai l'habitude de travailler solo, tu peux me laisser 5 minutes si tu as besoin d'investiguer.
- Ouais, ça serait mieux. Ouais.
- Je vous rappelle que le BSI arrive dans 2 heures.

C'était la première fois que le boss se joignait à l'opérateur pour leur parler. Lui qui était déjà si difficile à cerner en temps normal l'était encore plus à travers un comlink. Avait-il déjà réalisé que Mira lui avait volé un détonateur thermique ? Aucun moyen de le deviner dans sa voix. Et dans l'immédiat, le plus important était de finir ce pourquoi elle était venue car, comme il le signalait très justement, l’horloge continuait de tourner !
Elle entra dans l'ascenseur et pressa le bouton. La paroi de la cage était en verre et donnait vue directement sur Metalorn City, encore endormie à cette de la nuit. Collée à la vitre alors que les étages défilaient, elle profita de ce bref répit avant la dernière ligne droite. Un petit "Ding !" indiqua qu'elle était enfin arrivée à destination. Là, elle traversa un couloir, puis s'arrêta devant une porte blindée : le laboratoire 17.

- J'y suis. Qyri, est-ce que j'ai ton go ? Les communications sont bloquées à partir de ce point, je te rappelle...

L'objet tant convoité était si proche, elle en bouillait d'impatience !

- ... Oui, tu peux y aller, mais fais vite. On a plus que 47 minutes avant la relève.
- Dès que vous reprenez contact, ce sera notre signal pour la diversion.
- Ok. Qemi, terminé.

Grâce aux permissions transmises sur son datapad, Mira n'eut aucun mal à désactiver les mesures de sécurité du laboratoire et y entrer comme si elle avait toujours travaillé là-bas. C'était plus vaste que ce à quoi elle s'attendait... Et surtout plus vide. Lors de sa dernière visite, les labos grouillaient de machines et d'ordinateurs. On aurait dit qu'un ouragan était passé et avait tout vidé sans laisser de traces sur son passage !



Un mauvais pressentiment lui fit frissonner l'échine mais elle ne s'arrêta pas pour autant. La voleuse dégaina son blaster et explora les lieux à la recherche de l'espace Recherche et Développement, où la puce Zéro l'attendait supposément. Le lieu en question finit par lui apparaître derrière une grande baie vitrée où s'entassaient des caisses de stockage. Pas vraiment rassurée, elle approcha la porte en restant sur ses gardes, puis activa l'ouverture. Une fois de l'autre côté, Mira s'agenouilla sur un des coffres et constata qu'un mince filet de poussière s'était accumulé dessus. Surprise, elle actionna l'ouverture et découvrit des pièces de rechange de droïde. Pas encore vaincue, elle se précipita sur une autre boîte, puis une autre, et encore une autre : à chaque fois, même constat. Bientôt, il n'en resta plus qu'une... La gorge serrée, elle entreprit de l'ouvrir. Encore des pièces détachées en vrac !

- Qyrlia, parle-moi. Qyr... Ah, oui, c'est vrai.

Son monde s'effondrait. Que lui restait-il à faire ? Revenir les mains vides et se faire sommairement exécuter par Kars ? Rester là, à attendre qu'on vienne la chercher ? Frustrée, elle donna un grand coup de pied dans une tête de droïde qui vola à plusieurs mètres de là. Elle allait retourner sur ses pas lorsque, un à un, des volets blindés s'abattirent de chaque côté de la baie vitrée. Pas au bout de ses peines, elle se précipita sur la porte d'entrée, mystérieusement verrouillée. Son passe ne fonctionnait plus, elle était faite comme un rat whomp !

- Merde. Merde. Murglark ! C'est pas possible !

Qui l'avait piégée ? Le Soleil Noir, l'Institut, l'Empire ? Son idiotie, pour la punir de son insolence ? Sa propre sœur, pour se venger d'avoir volé sa vie ? Mira avait la tête qui tournait et voyait flou. Dans une fiction, des applaudissements ironiques et une voix aurait surgis des haut-parleurs les plus proches pour se moquer et lui expliquer dans quels beaux draps elle s'était fourrée. Malheureusement, rien de tout ça dans le monde réel !

- Vous m'aurez pas vivante !, cria-t-elle à un ennemi imaginaire en pointant le bout de son arme sur sa tempe.

Aucune réaction, seulement le bruit de sa respiration. Couverte de sueur, les cheveux en vrac et collés au front, elle laissa retomber son bras le long de son corps, puis se mit en position latérale de sécurité, les yeux fermés. Grelottante, la voleuse professionnelle offrait un bien misérable spectacle à quiconque ne la regardait pas. Tout à coup, elle sentit sous sa hanche un objet inhabituel. Le détonateur thermique qu'elle avait "emprunté" pour négocier sa sortie saine et sauve ! D'un bond, elle se redressa.

- Comment ça marche, ce truc ?

Il s'agissait d'un modèle à noyau de baradium N-20, bien qu'elle l'ignorait. Dans les 20m² de pièce, elle n'aurait pas beaucoup de marge pour échapper au souffle de l'explosion ; il fallait bien calculer son coup. Elle empila d'abord quelques caisses pour s'en faire une protection improvisée. Pas très sûre de son coup, elle examina le détonateur et les différents contrôles qu'il offrait. Si elle baissait trop l'intensité, le blindage risquait de supporter l'explosion. Mais si elle la montait au-delà d'un certain seuil, elle y passerait à coup sûr !

- Bon, foutue pour foutue...

Sans cérémonie, Mira s'agenouilla derrière sa couverture de fortune et régla le détonateur à 60% de sa puissance maximale. Elle examina l'objet une dernière fois, puis pressa le bouton d'activation sans le relâcher. Une lumière rouge et un bip inquiétants confirma que l'arme était bien en état de marche. De toutes ses forces, elle l'envoya de l'autre côté de la pièce...

[Mira Qemi]

A genoux derrière sa couverture, Mira eut juste le temps de se mettre les mains sur la tête avant que le détonateur thermique n'explose. Les effets de la déflagration se firent sentir immédiatement. Dans un vacarme assourdissant, des débris volèrent dans tous les sens au-dessus de sa tête alors qu'elle était projetée contre le mur avec les caisses derrière qui la protégeaient. De violents acouphènes l'accablèrent tandis que la température de la pièce montait brusquement et qu'il faisait soudain clair comme en plein soleil. Même les yeux fermés, elle devinait le feu qui dansait autour d'elle. Quand tout se fut arrêté, la pyromane amateur se releva, le cœur qui battait la chamade, et constata l'ampleur des dégâts.

Il y avait un énorme trou dans les volets en duracier, là où le détonateur l'avait percuté. Le verre qui était de l'autre côté avait éclaté dans toutes les directions. Des éclats de métal fondus gisaient par terre. Des bureaux en flammes continuaient de brûler, dégageant une chaleur qui devenait insupportable. Une partie de l'étage du dessus s'était effondré, et le feu se propageait aux bouts de faux-plafond qui étaient ainsi découverts. Heureusement, la plupart des matériaux utilisés dans le labo étaient résistants au feu, à défaut de supporter la détonation d'explosifs tels que celui qu'elle avait employé.

L'intégrité de la tour ne semblait pas compromise mais la malfrat se doutait que son "évasion musclée" n'était pas passée inaperçue ! Alors que son ouïe commençait à revenir, elle distingua une alarme incendie par-dessus le crépitement des flammes et les débris qui se décrochaient du plafond.
Empruntant l'ouverture qu'elle avait créé en évitant soigneusement de toucher les bords encore brûlants, Mira se précipita vers la sortie au pas de course.

Techniquement, Mira était désormais une terroriste ! Laissant les conséquences pour plus tard, elle glissa son passe piraté sur la porte du laboratoire, priant pour que cet accès n'ait pas été bloqué lui aussi. Par chance, ou par négligence de la part de son adversaire invisible, la jeune femme avait encore les droits suffisants. Cette fois, elle ne prit pas la peine de refermer derrière elle. Son blaster dans une main, le comlink dans l'autre, elle hurla :

- Quelqu'un me reçoit ?! Fonçant à l'ascenseur le plus proche, elle se répéta plusieurs fois avant de recevoir enfin une réponse inespérée.
- Mir-...-, on -...- feu ennem-...-, criait Qyrlia par dessus des tirs de fusil. Où es-tu ?!
- Je descends ! C'ÉTAIT UN PIÈGE !
- Qemi, nous -...- -...- Est-ce que tu -...- puce Zér-...-
- Kars ? KARS ?, hurla-t-elle dans le micro. Constatant que c'était vain, elle rangea l'appareil en lâchant un juron à personne en particulier : Fils de Plonktonk !

Quelque part, ce n'était pas plus mal. Elle avait prévu de mentir au sujet de la puce Zéro afin que son équipe continue de se battre en attendant qu'elle arrive à leur niveau, mais puisque les communications étaient dans les choux, ce n'était même plus nécessaire. Mira savait que Kars ne battrait pas en retraite avant qu'elle arrive... En tout cas, elle essaya de s'en convaincre. Elle préférait encore les rejoindre les mains vides et improviser une bonne raison de l'épargner plutôt qu'arriver à la station souterraine et tomber sur la sécurité de l'IRDM, ou pire, sur l'Empire.
Le turbo-élévateur n'était plus qu'à dix pas. Elle se jeta sur le bouton d'appel et le pressa furieusement. Forcément, il s'ouvrit immédiatement car personne ne l'avait emprunté après tout à l'heure. La porte allait se refermer lorsqu'elle vit deux gardes en uniforme de l'Institut et trois stormtroopers débouler d'un couloir.

- Elle est là !, signala l'un d'entre eux avant qu'une pluie de lasers ne s'abatte sur l'ascenseur.

Celui-ci entama sa descente à grande vitesse alors qu'elle entendait leurs pas précipités de l'autre côté de la porte. Cette fois, il s'en était fallut de vraiment très peu. Elle était encore au 17e niveau lorsque la cabine freina brusquement, la bousculant contre une paroi, avant de s'immobiliser totalement entre le 9e et le 10e. Mira retrouva son équilibre et tira sur la plaque au plafond pour se dégager un chemin, avant de se hisser au travers. Elle entendait des gens forcer l'ouverture du 9e niveau avec des torches-laser. Sans leur laisser le temps d'arriver, la voleuse sauta sur une échelle de secours et tenta de battre le record galactique de vitesse de descente. Une douzaine d'étages au-dessus d'elle, une porte s'ouvrait sur deux stormtroopers qui lui tirèrent dessus immédiatement. Ni une, ni deux, elle décida de se laisser glisser jusqu'en bas. Ses mains ne furent épargnés que grâce à ses gants en cuir, déchirés sous l'effet de la friction.

- Pas -...- -...-rdre, on ne tiendra -...-temps !
- ATTENDEZ ENCORE UN PEU, JE SUIS BIENTÔT AVEC VOUS !!!

Rien ne prouvait que la bande du Soleil Noir avait reçu son message mais cela ne changeait rien à la situation. Son seul salut était avec eux et les swoop bikes qui les attendaient. De retour dans la salle de maintenance d'où elle était arrivée plus tôt, Mira dévissa à nouveau la plaque du conduit à déchets industriels (regrettant de ne pas l'avoir gardé ouverte) et sauta à l'intérieur sans penser aux conséquences. Quelques secondes plus tard, elle tombait violemment dans un tas de pièces détachées et autres décombres, protégeant son visage du mieux qu'elle pouvait avec ses coudes. Ses bras ensanglantés, les jambes sous le choc et des bleus et la rage au ventre, elle ne tenait encore que grâce à l'adrénaline.
Titubant aussi vite que le lui permettaient ses jambes, la blessée refit tout le chemin jusqu'au quai de la station abandonnée.



Un terrible spectacle s'offrait à elle : à couvert derrière cinq motojets (dont deux n'étaient plus que des épaves) , Kars, Qyrlia et trois malfrats encore en état de se battre tenaient toujours tête à un groupe de stormtroopers, postés de l'autre côté du quai derrière des piliers. Des cadavres de membres du Soleil Noir (mélange des équipes Besh, Dorn, et des renforts qui avaient apporté les motos) côtoyaient ceux des policiers qui étaient intervenus avant que les forces Impériales n'arrivent en renfort. Quand ces derniers virent surgir Mira sur la plateforme opposée, l'un d'entre eux tendit son bras dans la direction et donna l'ordre de l'abattre. Reprenant ses esprits, elle effectua une glissade pour traverser le quai, passant juste au-dessous des tirs, et tomba au milieu de la station, sur le dos.

- Couvrez-moi !, ordonna le boss.

Le Gran se redressa pour tirer une salve sur les stormtroopers pendant que Kars aidait Mira, légèrement sonnée, à se redresser.

- ON DÉCAMPE !
- GRENADE !, hurla un soldat ennemi alors qu'on leur envoyait un détonateur thermique.
- A COUVERT !

Il la traîna jusqu'à un des swoops encore en état et la prit en passagère pendant que les autres survivants montaient sur les deux autres. Une première moto démarra avec la Twi'lek et Qyrlia qui la chevauchaient, suivie d'une de celle de Kars et Mira, puis la dernière, avec un peu de retard le temps que le Gran monte dessus. Malheureusement, il prit un tir perdu à l'épaule et lâcha son pilote, tombant en arrière alors que l'appareil accélérait brusquement.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?! demanda la jeune femme, par-dessus les vrombissements du moteur.
- C'était un piège ! Je n'ai pas encore recollé tous les morceaux du puzzle mais quand j'aurais compris, le responsable va le regretter très amèrement, répondit le chef, furieux comme elle ne l'avait encore jamais vu. Mais ils nous ont sous-estimé. Ils ne s'attendaient pas à ce qu'on fasse exploser leur petits soldats en ville.

Alors la diversion avait été utile, finalement. Mais, comme le disait très justement l'homme à la moustache, il fallait encore tirer au clair tout ce qui s'était passé. De toute évidence, l'ennemi les attendait... C'était certainement pour ça que le laboratoire avait été entièrement vidé avant son arrivée. Si ça se trouve, il était même hors service depuis plus longtemps que ça, et ne servait que d'appât.

- Tu as la puce ?
- J'ai carrément récupéré tout ce qu'il y avait au lab' !, mentit-elle par omission.
- Bon. Équipe Cresh, on vous retrouve au point de rendez-vous, ordonna-t-il à Gürg travers son comlink. Ryoyleth, Jaxx, vous prenez le point d'évacuation 1 et 2, je prends le 3.

Les pilotes respectifs des deux autres swoops (la Twi'lek qui embarquait Qyrlia, et l'humain qui était en binôme avec le Gran avant que celui-ci ne soit laissé pour mort) acquiescèrent sur la radio. La première bifurqua dans le tunnel de droite à la prochaine intersection, tandis que le second les suivit encore deux minutes avant de décrocher dans une autre direction.
Ils en eurent encore pour dix minutes dans le réseau souterrain avant d'émerger à la surface, dans un terminal désaffecté.

Pendant ce temps, à la station de l'Institut...

Le criminel Gran était allongé contre un mur, menotté, les mains dans le dos, laissé inconscient par sa mauvaise chute. Le personnel de l'Empire s’afférait à trier les cadavres des malfrats d'un côté et ceux des forces de l'ordre de l'autre pendant qu'on traitait les blessés. Les bras dans le dos, un Chiss en uniforme noir observait les ravages causés par la bataille qui s'était jouée un peu plus tôt.

- Monsieur, nous avons intercepté les responsables des attentats en ville, lui rapporta un jeune officier.
- Parfait. Préparez-les, je veux les interroger au plus vite. Qu'en est-il des rescapés qui se sont enfuis à moto ?
- Toutes nos troupes sont à leur recherche. Metalorn City a été placée en état d'alerte maximale.
- N'oubliez pas que si leur lieutenant nous échappe, alors cette opération sera un échec. Je VEUX qu'on capture cet homme, agent. Peu importe les moyens qu'il faut donner.
- Oui, monsieur.
- Et qu'on fasse identifier la femme qui nous échappé au laboratoire !

Les yeux plissés, le Chiss mit fin à la conversation, lançant un regard perçant en direction du tunnel plongé dans le noir d'où s'étaient échappés le chef et ses sous-fifres. Il frotta délicatement la peau de son visage, affligé d'une terrible et vieille brûlure, souvenir d'une mission qui avait un goût d'inachevé.
L'agent sénior du BSI ordonna à son subordonné de prendre la suite des opérations ici afin qu'il puisse remonter poser quelques questions "brûlantes" à ses nouveaux prisonniers...

- Il est temps que le Soleil Noir comprenne qu'il ne peut agir impunément en territoire Impérial.

[Mira Qemi]

Les bras autour de la taille de Kars, Mira était soulagée de voir le bout du tunnel. Ils émergèrent dans un vieux terminal abandonné où s'entassaient des hover-trains qu'on avait désossé pour récupérer les matériaux précieux qui les composaient. La motojet traversa ce cimetière de métal plongé dans un silence macabre, prenant la direction du point de rendez-vous, à 80km de Metalorn City, empruntant de vieilles routes industrielles qui ne voyaient défiler que des véhicules automatiques qui transportaient marchandises et matières premières.

- Équipe Cresh, vous me recevez ?

Son comlink resta inactif, faute d'interlocuteur pour lui répondre. L'équipe de diversion était soit trop occupée pour prendre la parole, soit dans l'incapacité de le faire. Dans le deuxième cas, mieux valait qu'ils soient morts ; c'était un destin préférable à la torture que leur infligerait le BSI.

- Ryoyleth ? Là non plus, personne ne vint rompre le silence. Jaxx ?
- E chu ta, marmonna la passagère, trop bas pour couvrir le vent et le moteur de l'appareil. Bon sang, j'espère que Qyri a survécu !
- Pas si c'est pour finir prisonnier. Un slicer du Soleil Noir entre les mains de l'Empire serait... inconvenant.

Il n'exprimait aucune émotion vis-à-vis du sort de ses subordonnés. S'il avait de la peine pour eux, il se gardait bien de le montrer.

- Que va-t-il se passer maintenant ?
- Le Soleil Noir a perdu sa cellule de Metalorn, admit-il après quelques secondes. Il n'y a plus que moi ! Mais je reste Vigo. Je reconstruirai ce que l'Empire m'a pris. Grâce à la technologie qu'on leur a volé.
- ... Oh, à propos..., hésita la voleuse. Elle voulait attendre le bon moment pour avouer sa faute mais ce moment n'arriverait pas. Autant en finir au plus vite ! Je... Je suis désolée, mais le laboratoire était vide à mon arrivée. Il n'y avait plus rien.
- Plus rien, répéta l'homme. Bordel, Qemi ! Pourquoi tu ne l'as pas dit plus tôt ?!
- Parce que j'avais peur que vous battiez en retraite sans moi !
- Mes soldats sont morts pour gagner du temps, POUR TOI ! PARCE QUE TU AVAIS LA PUCE ! Tu vas me dire que ta vie vaut plus que tout mon clan ?!
- On peut voir ça plus tard, non ?! J'en ai marre de crier par-dessus ce boucan ! Et d'abord, depuis quand on se tutoie ?!
- Je ne sais pas ce qui me retient de te laisser crever sur le bord de la route, avoua le pilote avant de resserrer son emprise sur le guidon et accélérer brutalement.
- AVEC OU SANS MOI, TON PETIT CLAN ÉTAIT CONDAMNÉ ! Tu n'as pas encore pigé que l'Empire a tout orchestré pour vous faire tomber ?!

Certes, Mira n'avait aucune preuve de ce qu'elle avançait. Mais en rétrospective, la façon dont tout leur avait été offert sur un plateau de beskar (les plans de l'IRDM que Qyrlia avait piraté, la communication que le gang avait intercepté, et certainement bien d'autres choses encore) était très suspecte. D'accord, le Soleil Noir avait de très bons services de renseignement, et pour avoir vu un de leur meilleurs hackers à l’œuvre, elle était forcée de le reconnaître. Mais tout de même, toute cette opération sentait le coup fourré.

- Je suis sûre que vous étiez dans leur collimateur depuis longtemps ! Peut-être depuis quatre ans, quand Ravin a volé la puce originelle !

Pour une fois, il ne lui rétorqua, peut-être trop fier pour admettre qu'il y avait une part de vérité là-dedans. Le Roi privé de son fief n'était plus qu'un homme à présent ; il ne valait pas plus que la misérable contrebandière qu'il avait entraîné dans cette aventure. Mais cette dernière n'était pas encore tirée d'affaire, et elle se demandait comment il allait lui faire porter le chapeau. Quelqu'un devait payer, et Mira était un bouc-émissaire tout indiqué... Elle serra l'homme un peu plus fort, comme si elle avait peur qu'il ne la pousse sur la route. Il sentit peut-être son inquiétude car il reprit une vitesse moins dangereuse, avant de briser le silence oppressant qui s'était installé.

- Je ne vais pas te tuer. J'ai encore besoin de toi. Tu sais piloter, j'imagine ?
- D'habitude c'est plutôt Hueren qui pilote, mais je suis à l'aise à ce rôle, oui. D'ailleurs, quand est-ce que je pourrais le revoir ? A la base, c'est quand même pour le libérer que je bosse avec vous.
- Pas encore. Déjà, qu'on se mette en sécurité, tu veux ?