La marche sur la colonie d'oeufs rares ne portait qu'un fruit à l'amertume palpable. Le pire émotionnel semblait évité, mais l'Empereur ne savait que trop quel genre d'explosif avait enclenché sa minuterie dans le ventre d'Eli. Il aurait pu choisir de passer outre, comme il en faisait une habitude, mais pour autant, il se sentait une soudaine obligation de tenir compte de ce qui pouvait retourner l'esprit de l'Arkanienne. Il ne mettait aucun compte de cet échec éphémère sur celui de sa propre virilité, mais sur celui d'une manifestation trop classique de la pudeur féminine dont on parlait comme d'une légende. L'incident passé, il fallait maintenant se comporter en adultes responsables, ce qu'ils étaient même lors de tout acte d'expression purement physique par ailleurs. Pourquoi, alors, ce malaise si présent ? Qu'est-ce qu'une décharge de testostérone, qu'une coulée de sueur dans le creux des reins pouvait occasionner qui justifie une douche brûlante ?
« Je m'en prenais à repenser à tout un tas de choses... » commença-t-il, critique et peu amène. Son ton tranchait l'air avec l'assurance portée par ceux qui n'attendent aucune protestation -
« Et il m'en vint à penser... tu n'as jamais songé à une thérapie ? » Mais la dernière chose de son souhait étant de paraître plus brusque qu'il n'acceptait de l'être, il rajouta doucement :
« Non pas que je te pense en phase requérant des soins psychiques... mais tu sembles porter sur tes épaules un poids que nul, pas même moi, ne semble digne de l'écouter de ta part. Peut-être qu'un individu dont le métier est d'être détaché et analytique pourrait t'aider à aller mieux. Et accepter ce qui t'inspires une telle auto-flagellation. »Il s'en sentirait incompris. On l'y penserait capricieux que cela n'aurait rien de particulièrement étonnant. Mais concevait-on son envie de voir son amie aller mieux ? Que s'il suggérait une thérapie, c'était moins pour lui que pour elle ? Non, on ne le concevrait pas. Comme à l'accoutumée. Et cela-lui importait-il vraiment, ce que les gens en pensaient ? Mais la prendre à ce genre de question ciblée après son habillage avait le mérite d'offrir un spectacle particulier. La texture satinée d'un pyjama blanc qui épousait à la perfection son corps svelte et taillé par un grand maître inspira à l'Empereur une nouvelle vague de désir primal, lui donnant envie d'elle.
Ne sois pas une bête voyons !« Je dors là ? » lui demanda-t-elle, comme si la question semblait ouverte.
L'Empereur la savait à double sens. Il n'aurait pas suffit d'un cerveau apte à la prise de contrôle sans effusion de sang d'un gouvernement galactique - ou, à en croire des gens sans notion de géopolitique, "demi-galactique" ou "tiers-galactique" puisque l'intitulé devait mentionner moins l'étendue des obédiences que la superficie relative - pour en savoir le sens. Désignant le lit d'un menton baissé, dans cette posture d'animal battu, elle désignait tout aussi bien les quatre murs qui fermaient leur cercle au monde froid et neigeux d'Arkania.
« Et bien, s'il le faut je peux envisager de dormir sur le canapé... » rétorqua-t-il, un brin pince-sans-rire,
« Mais nous sommes deux adultes. On peut fort bien dormir ensemble sans avoir à se comporter indécemment l'un envers l'autre. »Elizabeth prit l'initiative de désigner son côté de leur nid de non-amour, mettant à mal une tradition vieille comme l'existence des couples. L'Empereur était lui aussi maintenant en tenue de nuit, une chemise cintrée en coton noir uni peigné, ainsi que d'un pantalon assorti. L'ensemble ne portait aucune marque mais respirait le luxe et les frais sans justification. Le sommeil aussi avait des différences manifestes entre celui des riches et des pauvres. Cela tenait parfois dans ce dans quoi l'on se laissait aller pour dormir.
A s'installer, Harlon décida de laisser les rapports pour une nuit. Il aurait pu passer une nuit à observer les mimiques et autres psycho-manifestations du chat sauvage qu'il avait prit au collet juste à l'opposé de sa literie. Le menton plongé dans les genoux ramenés à elle, dans son ensemble satin-ivoire, on aurait pu la confondre avec une petite fille en pleine crise de mélancolie propre aux jeunes filles entrant petit à petit dans une réalité qui n'incluait aucun prince charmant.
Tu fais mine d'être là songeait-il.
Mais si je te touchais, tu sursauterais comme un lapin en plein repas. La présence de l'Empereur, si elle intimidait le commun des mortels et une majorité non négligeable de ses propres ouailles, n'avait jamais porté atteinte au bien-être de celles qui avaient partagé sa couche, fût-ce le temps d'une soirée.
« Quelle est la plus belle planète que tu aies visitée ? Je n'ai pas beaucoup voyagé... » finit-elle par placer, brisant un silence qui menaçait de durer trop longtemps, avant qu'il ne se contraigne à le briser.
« Oh, je ne saurais dire... » enchaînait-il, essayant de rassembler assez de souvenir pour donner une réponse décente.
« Peut-être... tu trouveras ça ironique... Mais je garde un bon souvenir d'un voyage universitaire sur Alderaan. Le temps d'un semestre pour l'histoire diplomatique moderne. » Ironique en effet.
« J'ai voyagé, mais je n'ai jamais pleinement profité de mes voyages. C'était toujours pour quelque chose que je m'y rendais... Études, club d'échecs, diplomatie, et maintenant tournées d'inspection... Ne ferais-tu pas mieux de revenir vers le centre du lit ? Tu vas en tomber à te jucher sur l'arête ! » ria-t-il en tapotant le lit à côté de lui.
« Tu as voyagé où, toi-même ? Reste-t-il une destination que tu fantasmes ? Planète ou climat ? L'Empire est riche de décors pour ses habitants et ceux qui en désirent les visiter. »La bête sauvage à portée d'yeux avait un besoin urgent de se dérider. Si le malaise grandissait à l'idée de dormir aux côtés d'un homme, il serait toujours temps de lui souhaiter bonne chance pour la suite avec sa planète. De la patience, l'Empereur en avait, mais pas pour tout non plus. Il vivrait avec les caprices qui passaient, pas ceux pour lesquels elle pourrait à son tour faire des concessions.
« Viens là. » Il la tira à lui d'un geste doux, passant son bras par-dessus son épaule.
« Connais-tu ce livre ?.. Non ? Rien d'étonnant. Et pourtant, il mériterait de l'être. » Il posa le livre sur son torse, le tenant d'une main.
« Souffre d'en écouter un passage. »Il tourna une page et commença.
« L'homme acquiert ses connaissances et choisit ses actes par la pensée, un processus qui ne lui est pas donné par la nature. L'homme a donc le pouvoir de se détruire par ses actes. Ce qu'il a fait au cours de la plus grande partie de son histoire. Un être vivant qui considérerait ses moyens de survie comme mauvais ne survivrait pas. Une plante qui s'acharnerait à détruire ses racines, un oiseau qui se rognerait les ailes ne survivraient pas longtemps... »
Les réveils de l'Empereur se faisaient sous l'augure d'une sonnerie qui allait crescendo. Pratiquement décibel par décibel, que le bruit soit progressif. D'insonore à perceptible en plus d'une minute, son médecin lui avait prescrit cette technique pour éviter que son sommeil ne stoppe brutalement. Un maître horloger, commissionné à prix d'or par le secrétariat de l'Empereur, avait refusé la construction d'un appareil personnalisé. Son retrait du marché et son remplacement par son plus talentueux apprenti, plus jeune de corps de 40 ans mais plus jeune d'expérience d'à peine 10 ans avait fourni dans les délais cet appareil sans égal dans la Galaxie entière. Les réveils brutaux avaient affecté son humeur, et il sursautait parfois de peur devant les bruits trop soudains, prêt à bondir et à dégainer son arme sur la menace la plus proche.
Une forme allégée de syndrome Post-Traumatique lui avait-t-on dit. Ca passerait sûrement loin des combats. Renatasia, son seul combat, était déjà loin. Mais son souvenir lui restait collé aux bottes. Ankylosé, la nuque engourdie et lourde, il s'assit sur le bord du lit avant d'éteindre le réveil d'un coup sec. Le bouton d'arrêt avait une inspiration des horloges de maîtres des échecs, et supportait les coups mêmes violents et énervés. Un bref coup d'oeil derrière lui montrait une reine endormie, sans une position totalement improbable. Contrairement à lui, la vie à deux dans un lit n'était pas une sérieuse habitude. Elle avait asticoté Harlon toute la nuit, se tordant dans tous les sens possibles, en bonne pratiquante du lit double pour une personne. Sa jambe avait parfois percuté le nez de l'Empereur sans qu'il ne comprenne comment c'était physiquement possible. Même la bouche entre-ouverte dans l'obscurité, les cheveux en bataille, les bras et les jambes étendus comme pour former un swastika ne la rendaient pas moins désirable. Mais c'était encore trop tôt pour tout ça. Au pied du lit, l'Empereur se leva, tendit les bras, et se laissa tomber pour commencer ses exercices.
Il réceptionnait le petit-déjeuner quand la Reine se réveilla.
« Bien dormi, Majestée ? » demanda-t-il, un brin taquin.
« Je n'aurais su penser que tu étais une telle furie le sommeil venu. Après cette dépense, tu dois avoir faim. » Le plateau était d'une triste banalité, avec une technologie anti-grav qui le faisait flotter au-dessus du lit, des gyroscopes microscopiques assurant l'absence de possibilité qu'il se renverse.
« Mange ! Ce n'est pas engageant... » désignant les aliments dispersés, comme issus d'une ration de soldat,
« Mais c'est bon et nourrissant. Peut-être un peu trop salé pour toi, si jamais dis-le moi, je te ferai mener autre chose. » Il resta avec elle le temps qu'ils mangent. Personne n'évoqua plus avant la soirée passée ni la nuit. Qu'y avait-il à évoquer ? Il ne regrettait rien. Et, il s'en persuadait, elle non plus.
Il fila ensuite à la douche, reprenant son cycle de douche froide, rapide et tout ce qu'il y avait d'efficace. Prendre du temps sous un jet brûlant n'était pas son quotidien. S'habillant ensuite d'une chemise noire, d'un pantalon ample en lin doublé en soie naturelle, de ses bottes et d'une ceinture large, il se contenta d'un gorgerin d'apparat en mailles dorées, inspiré de ses décorations autrefois gagnées par l'effort et les larmes. La matinée serait couverte par le travail.
Et il s'en révélerait bien plus formidable en si belle compagnie. Troquant l'ivoire si austère, Elizabeth était passé à un registre plus affirmé, sous l'aube d'une robe sanguine qui épousait formes et envie d'écraser l'assemblée.
« Elizabeth... tu es ravissante en rouge. » Il s'en voulait mortellement sérieux. Si le rouge semblait dépeindre sur un ciel gris parcheminé de sa planète, elle n'en serait que plus authentique encore. C'était l'Elizabeth telle qu'il voulait la voir.
« Non, pas ravissante... Sublime. » Il se fit même la réflexion qu'il n'avait jamais connu plus belle femme qu'à cet instant précis.
« Nous pouvons travailler ici. Les services m'ont notifié la transmission du dossier. »Harlon n'avait suivi que de loin la lutte d'influence auprès de ce dossier. Les Renseignements exigeaient le dossier en raison de son caractère doublement extérieur : attentat en terre étrangère, de la part d'agents étrangers. Le Bureau, lui, revendiquait la partie intérieure, en arguant que l'attaque avait ciblé des intérêts impériaux de premier ordre. Harlon avait fini par joindre le dossier aux Renseignements. Le Bureau était trop fanatisé pour être efficace dans ce contexte, et les informateurs des Renseignements étaient plus étendus, mieux implantés et mieux formés à l'infiltration et au recrutement de sources tierces.
« Ils doivent me faire un rapport ce matin » crut-il bon d'ajouter.
« J'espère qu'ils auront quelque chose à nous présenter. Mais je gage qu'ils auront fourni un travail irréprochable. Sens-toi libre d'intervenir et de poser des questions. » rajouta-t-il, sans mentionner que les hommes à voir devraient d'abord recevoir un discret assentiment de sa part, des fois que la question soit classée Secret-Défense.
Le datapad n'en était pas un. L'écran était large de presque un mètre, un pied le reliait à la table basse, et trois caméras frontales rendraient une image en couleur en relief criante dans une salle de réunion des Renseignements. Harlon entra son code digital à 10 chiffres, passa son doigt dans l'angle inférieur droit de l'écran, et la connexion commença. Elizabeth pouvait voir la mécanique interne de l'Empire marcher en direct. Liaison qui se sécurisait en direct. les équipes impériales dans les pièces en bas lançaient une série de protocoles sévères qui rendrait la ligne quasi inviolable. Aucun pare-feu n'était éternellement à l'abri d'un pirate avec de la patience et du talent. Mais les contre-mesures rendaient la ligne impossible à pirater en moins de 10 minutes. Ce que ne durait jamais aucun entrevue de ce genre.
Finalement, l'image, à quelques grésillements au début, finit par se stabiliser.
« Empereur Astellan. - Asseyez-vous messieurs. » Chacun s'était levé pour saluer l'Empereur, mais maintenant se rasseyaient. Trois hommes d'âge mûr regardaient l'Empereur, chacun avec un écran loin derrière l'holoprojection d'Harlon, pour bien se souvenir des points à aborder, à défaut d'avoir des datapad à proximité. Tout appareil électronique était prohibé dans cette pièce.
« Je vous présente la Monarque d'Arkania, Elizabeth Civicius. » La présenter semblait ridicule. Ces hommes étaient aux Renseignements.
« Monarque Civicius, voici les directeurs du Secteur Plexus, le directeur du Bureau des Analyses, et le directeur du Bureau des Opérations. » les présenta-t-il un par un. Un Triumvirat qui tenait l'ensemble des savoirs internes et externes concernant ou impliquant l'Empire. La somme cumulée de pouvoirs aurait donné le vertige à une majorité de parlementaires en mal d'influence.
« Allez-y messieurs. - Merci votre Majestée. L'acier fournit, connu sous le nom d'alliage Plaxacier hybridé avec divers composants ferreux trouve son origine dans trois entreprises productrices. - Le Bureau des Analyses a repéré des investissements massifs dans l'une de ces entreprises, Hoersh Kessel Drive, après qu'un changement ultra-majoritaire de Conseil d'Administration. - Un rachat par les Sith ? - Nous enquêtons sur cette possibilité. » conclut le troisième.
« Des agents sont envoyés dans ces entreprises pour y être embauchés à divers échelons, au minimum à N-3 par rapport à la direction. Les légendes sont toutes prêtes. - Nous avons envoyé une notification aux Services Arkaniens et au Septième Bureau pour qu'ils gèrent la situation de leur côté. - Bonne initiative. Nos deux agences doivent travailler ensemble plus souvent. Quoi d'autre ? - Malheureusement, c'est bien tout pour l'instant, votre Majestée. Tant que nos agents envoyés sur place n'ont pas fait leur rapport définitif... » s'excusa-t-il, comme s'il pouvait brusquer les astres pour que le temps accélère à la demande de l'Empereur.
« Inutile de vous excuser, messieurs. Vous avez fait un excellent travail. Monarque ? Avez-vous quelque chose à rajouter ?.. Messieurs, l'Empire est fier de vous. Longue vie à l'Empire ! » s'exclama-t-il, reprit par ses hommes, avant de couper la communication.
L'Empereur semblait perplexe.
« C'est peu, mais dans ce laps de temps, c'est plus que ce que j'espérais. Qu'en penses-tu ? »
Et, le soir venu, les deux êtres s'étaient séparés, avec la promesse tacite d'un retour prochain. S'adaptant au travail, il trouva de quoi s'occuper toute une soirée avec des directives impériales du plus faible niveau, jusqu'aux affaires classés secrets d'Etat. A son stade, tout semblait toujours revêtir une importance confidentielle. Quand il faisait imprimer un dossier concernant les règles de pêche en milieu sain, les dossiers portaient l'exact même macaron "CLASSE SECRET-DEFENSE" qu'un dossier sur les derniers groupes terroristes agissant sur Yaga Minor. La nature des dossiers avait moins à voir sur leur classification que la personne à qui ils étaient destinés, mais au final on se croyait devant trop de choses sans importances, mais classées comme telles. Cela désacralisait un peu le caractère relativement secret et capital de certains dossiers.
« Proposez un partage des dossiers sur les affaires terroristes apolitiques au Septième Bureau, Directeur, » déclama-t-il devant son terminal sécurisé.
« Les groupes religieux extrémistes semblent connaître un regain d'activité, et ils ne doivent pas y être étrangers. Evitez de mentionner les positions géographiques en revanche, ils doivent éviter de deviner qui sont nos agents infiltrés... Oui... Evitez, évitez, nous devons garder la main haute avant de savoir s'ils sont honnêtes... Oui... Bien. Ca sera tout Directeur. Longue Vie à l'Empire ! »Presque aussitôt, c'était Elizabeth qui le contactait. Il s'autorisa son premier sourire de la journée.
« Elizabeth ! Je suis content de te voir, même si je te trouve encore trop éloignée de moi. » ironisa-t-il. Elle le prendrait sûrement pour ce que ce n'était pas.
« Non, je n'y renoncerai pas... Est-ce cela qui te tracasse ? J'ai déjà disputé de nombreux duels à l'arme de poing tu sais. Et au sabre également. Je ne pense pas que cet asticot soit d'une grande menace. » Il marqua une pause le temps d'argumenter.
« On ne peut pas salir l'honneur de quelqu'un comme ça, surtout pas toi, surtout pas devant moi. Tu comprends ? On s'en fiche de Varan. C'est un imbécile. Mais il t'a manqué de respect, et si je ne sais rien d'une éventuelle première fois pour cela, c'était bien la dernière. Des représentants qui ne respectent par leurs chefs ne sont que des parasites qui gravitent autour du pouvoir pour son simple attrait. Je sais que tu comprends. C'est personnel, sans pour autant être personnel. C'est juste une question de principe. »
Sans prendre Varan au sérieux, il avait prit le duel
très au sérieux. Viser, il savait faire. Dégainer, il devait s'entraîner en permanence. Brandir, tirer le premier. Un blaster neutralisé lui lui servait de maître d'instruction, le tempo réglé par un métronome de musicien qui exigeait d'Harlon un tir régulier à chaque "tac" qui passait. Entraînement musculaire, visée instinctive, et surtout les postures. De trois quarts, tourné vers l'extérieur, le bras tendu, coeur en retrait. Il devait limiter le risque de coup fatal. Il demeurait toujours un risque. Quand il avait fini de faire des sans-faute à ses exercices, il s'autorisait à se rendormir. Il faisait ce genre de théorie avant 4 heures du matin, une heure durant, directement sans élément lui offrant un réveil en douceur. Sa fatigue constituait son ennemi principal, et la réussite dans des conditions précaires rendraient les meilleures performances le moment venu.
Quand il se réveillait pour de bon, le travail l'appelait. Travail avec les officiels Arkaniens, cérémonies à l'ambassade suivant la décoration de l'Architecte, et diverses réceptions et visites - sans accroc cette fois, rien qui ne nécessite l'intervention des services de propagande - en public et en privé. L'Empereur était là pour sceller une amitié entre les peuples, et il devait montrer son amitié envers les peuples. Les visites des entreprises qui avaient reçu les investissements impériaux coulèrent tranquillement. L'hostilité était ou trop bien dissimulée ou tarie par des échanges cordiaux évidents.
« La fierté de l'espèce humaine, oui, peut-être » disait-il à ses conseillers,
« Mais à observer leur civilisation, il paraît évident qu'ils affichent une supériorité civilisationnelle, et un penchant à la xénophobie qui les rend entièrement compatibles avec les préceptes de l'Ordre Nouveau ! » assénait-il, sans qu'on ne trouve rien à lui renvoyer à ce moment-là. Science et peur du
xenos. Avancement de soit par l'Ordre et la docilité des citoyens, hiérarchisés par race. Tout semblait en effet s'accorder.
Le matin vint où le duel devait se tenir. Bien qu'il ne s'y attendait en définitive pas, il ne fut guère surpris de voir Elizabeth le rejoindre à l'ambassade, prête à partir avec eux. Il lui accorda une accolade traditionnelle, au vu de tous, sans honte ni gêne.
« Je trouve malsain de nous cacher » annonça-t-il sans autre forme de procès, même s'il baissait la voix pour rester inaudible des oreilles tierces.
« Si tu tiens à la clandestinité, je me conformerai à tes souhaits. Mais je n'en souhaite rien. Je ne couvre nulle honte à te courtiser, et ce serait rendre honneur à qui tu es que de le faire ouvertement. Je suis fier de ce que je ressens pour toi. Je pense immoral de devoir le confiner au secret. » Ce n'est qu'après avoir vidé son sac qu'il daigna répondre à la question d'origine.
« Sur un ancien plateau rituel aux premiers cercles d'une montagne. Semble-t-il un lieu de repos temporaire sur un chemin de pèlerins en route vers les sommets d'une cime religieuse. Large, à l'abri du vent... et éloigné. » avait-il décrit, baissant le ton à mesure qu'il parlait, jusqu'à ce que sa phrase semble mourir comme un murmure.
« Mais il viendra. Pas par honneur, mais par obligation. J'ai envoyé des hommes à moi le chercher. En civil bien sûr » ajouta-t-il, malicieux,
« Je ne tiens pas à ce qu'on m'accuse de forcer un natif à faire quoique ce soit. Il se présentera à ce duel de gré ou de force. Mais enfin, où ais-je la tête ! Tu dois être gelée... Viens, mon véhicule nous conduit directement au lieu du duel. A moins que tu ne veuilles pas y assister... je comprendrais. Même s'il te concerne directement... »