Re: Medium Perfectus
MessagePosté :mar. 1 janv. 2019 21:25
Tout projettait le moment dans l'embarras. Ce qui devait durer un instant commençait de s'éterniser. L'homme pivota sur un pied enraciné, pour figurer à demi dans l'endroit attenant au couloir. « Ma mie, n'auriez-vous point aperçu Harlon ? » La mie, mère des trois enfants Astellan, lisait en silence dans la bibliothèque privée de la famille de son alliance. Les réunions de ces messieurs, de ceux que fréquentait avec assiduité l'homme du clan Astellan, se faisaient sans l'embarras qu'occasionnaient les conjointes, ces godiches. C'était donc avec un soupir, et sans fixer le mari, qu'elle répondit, la voix basse et le ton bas. « Non mon ami, je n'ai pas vu Harlon depuis deux heures. » Le père en pesta de toutes ses forces, tempêtant contre sa femme, elle qui était là devant lui. « Mais ça ne va pas ! Il devrait déjà être là ! Il doit rencontrer trois de leurs héritières ! » L'agacement naissant laissa place à l'inquiétude du temps allant s'amenuisant. Il lui fallait vite tirer son fils d'une quelconque occupation pour le présenter à ses convives, après avoir vilipendé avec dignité celui qui s'était engagé à se présenter à l'heure au salon. Les jeunes filles avaient gravité un temps autour de leurs pères avant de vaquer à de plus triviales occupations, visitant le domaine à leur guise, admirant les dorures inutiles et autres peintures à l'huile pendantes au murs. Sa chambre ! Il devait être à réviser. À 13 ans, il préparait déjà sa fin de licence universitaire. D'un pas preste, il couvrit la distance en de folles enjambées, avant de se trouver face au mur de bois qu'Harlon avait pour porte. Entrant en force, le père commença de débiter. « Harlon, enfin, vous êtes... » La suite se coinça en travers de sa gorge, tandis que son fils comprenait qu'il n'avait pas verrouillé la porte. Mais c'était surtout son effort pour reboutonner son pantalon, que sa rotation ne soit pas indécente. « Père, vous pourriez frapper... » Harlon, le fils central, le porteur d'espoirs... En retard pour une rencontre avec des héritières... au profit d'une rencontre avec une héritière. La fille Phalinar, de la famille la plus en vue dans le domaine de la chirurgie esthétique, se relevait de sur ses genoux, empressée de se cacher dans un trou de souris, se couvrant la bouche, et dans une moindre mesure, les yeux. « C'est... Harlon ! » Vociférant, le père perdit tout sens commun et brandit les poings au ciel, dans une posture de sculpture d'inspiration divine. « C'est dégoûtant ! Immonde, et indigne ! Vous étiez destiné à choisir une épouse, pas à soulever des jupes ! Avez-vous pensé à l'honneur de cette jeune femme ? A la honte pour son père ? »
Le discours sur la honte, sur la nécessité de se marier avant de "profiter", tout finit par mourir devant le stoïcisme d'Harlon, qui attendait, bras croisés, sans un mot. S'il n'avait pas de barbe, ni d'épaules larges, il possédait déjà sa tignasse qu'aimaient les filles, d'un brun qui tirait sur des nuances désaturées, et ce regard d'acier qui semblait faire des ravages chez la gente féminine. Personne n'ignorait le pouvoir attractif qui était le sien. Mais en profiter ainsi, à cet âge, en cet instant, ce n'était pas juste. Quand le père, impuissant, s'épuisa dans le regard assuré de son engeance, il s'aperçut que l'héritière de presque cent cliniques partout dans la galaxie s'était éclipsée. « Si vous avez fini, vous pouvez dire à ces messieurs de repartir. Je n'épouserai personne que je n'ai pas choisi. » Le fils, toujours aussi assuré de sa suprématie, agita un index prophétique sous le nez de son père, qui se sentait maintenant minuscule, bien qu'avantagé sur le poids, la taille, et l'expérience. « Si c'est pour avoir un mariage aussi réussi que le vôtre avec mère, vous vous trompez de pièce maritale. Tout passe par la communion sexuelle, père. Sans ça, il ne reste que l'esprit. »
Il termina son regard dur. « Et l'esprit se fane plus vite que le corps. »
Le précepteur parti, il y avait un créneau de deux heures pour elle seule. Trois heures durant lesquelles le mari attendait de rentrer du travail. Arcturus Astellan, dans sa droiture exemplaire, était connu pour donner des cours particuliers après la fin des cours réglementaires. A trois élèves maximum, ces cours apportaient une somme d'argent qui, bien qu'importante vu de l'extérieur, semblait dérisoire aux yeux de leur richesse actuelle. La génitrice des héritiers Astellan se savait aussi cocufiée depuis longtemps. De ces cours se tirait souvent une relation éphémère avec un étudiant de constitution frêle, comme leur père les aimait. Le couple ne s'aimait pas, ne s'était jamais aimé ; se voir déshonorée valait le prix de deux heures seule avec ses enfants. De ses idées nouvelles, voire populaires, elle mettait en pratique le fait de passer du temps avec eux. A les faire jouer, à leur raconter des histoires, à leur enseigner des choses. Des fois, en tête à tête. Son enfant favori était Nova, la fille douce qui promettait d'être comme elle, mais à qui elle voulait offrir autre chose qu'un mariage arrangé comme le sien. À sa fille, elle offrait des moments de lecture, des leçons de coquetterie et des histoires de princesses. À Milo, elle offrait du jardinage, en compagnie de leur intendant qui gérait leur jardin intérieur, et qui était un des amants de la dame. À Harlon, elle offrait des leçons de musique au piano, mais aussi des cours de séduction. À 7 ans, elle avait entrepris d'en faire l'inverse de ce que son père était. « Regarde ton ancêtre... » Elle lui montrait souvent ce portrait. Celui de Gavin Astellan, un éminent séducteur, qui avait engendré la vanité masculine de la famille. « Lui, c'était un homme, un vrai... Regarde-le. Vois sa façon de fixer ! » Le peintre lui-même avait du être séduit. Le regard de l'ancêtre avait un magnétisme inégalable. De ce portrait, la mère d'Harlon avait tiré une photo sur papier spécial et lui avait glissé à la poche. Et quelques fois, avant le piano, elle l'emmenait devant un miroir, et lui faisait travailler son regard, qu'il soit semblable à celui de son ancêtre illustré. « Durci ton regard. » Harlon s'y efforcait. Jour après jour néanmoins, il remarquait la facilité qu'il avait de le faire, jusqu'à l'enregistrer au naturel. « Avec ce regard, tu feras souffrir les femmes. »
Devait-il renoncer à tout, sous prétexte d'une histoire qui lui remontait à la gorge ? Il avait trois bonnes raisons de ne pas l'ouvrir, fût-ce pour respirer, pendant ce récit. Le premier était sa promesse, de se consacrer, une heure durant. La deuxième, son envie d'en savoir plus. La troisième venait de son ventre. Comme une boule qui noue l'estomac devant un repas à venir qu'on sait avarié, ou de faire une annonce lourde de conséquences. Le trac théâtral, mais amplifié au décuple. C'était une histoire... si sordide, si absurde, si impossible. Celui d'un père empoisonnant sa fille, la faire souffrir de la maladie de la mélancolie. Lui interdire le droit au plaisir. L'égoïsme partait de l'équation. Il ne pensait pas à ce dont il allait se priver, mais simplement à ce dont on avait privé Elizabeth. Interdiction de prendre du plaisir à... De son propre père. Pour une histoire d'honneur. Comme si son propre père l'avait fait castrer en douce après un accident, qui avait conduit à un micro-coma une fois à l'hôpital, pour se venger des occasions manquées avec de riches héritières... Quelle honte, oui ! La honte pour le père. Une honte pour la famille, mais avec un coupable bien différent. Compatir à ce résultat, c'était s'avouer en faiblesses, et se fermer les portes de ce qu'il considérait, lui, comme un plaisir qui contribuait à son bien-être. Mais ne pas compatir à ces douleurs, c'était renier le peu d'humanité récemment retrouvée auprès d'une non-humaine qu'il lui restait. La gorge nouée, la mâchoire réduite à un tremblement compulsif, il chercha à dire quelque chose. Il ne trouva rien qui veuille bien sortir. Il se prit la tête dans les mains, tourna sur lui-même, et fini par s'écrouler sur la première chose à peu près en face du fauteuil où Elizabeth attendait, impérieuse, sa posture respirant une colère contenue. Contre lui, contre son père, contre son passé, contre les trois ? A quelles proportions pour les uns et les autres ? « Je suis... désolé... de toute ce que tu as eu à subir. » Il n'allait pas s'étendre. S'il condamnait le père, il pouvait mettre le doigt là où il ne fallait surtout pas toucher. C'était risquer d'enfoncer une porte ouverte, ou de se faire couvrir d'injures. Son honnêteté l'avait frappé, mais pour autant, il voulait juste comprendre un peu, ne serait-ce qu'en parlant à voix haute, à mesure qu'il analysait les paragraphes. « Quand je t'ai vue la première fois, c'était... tu paraissais si timide, si réservée. C'est petit à petit que je me suis aperçu de tout. Que j'aimais être avec toi. Comme avec personne auparavant. » Il regardait ses ongles avec insistance. Les jmabes croisées envoyaient un message fort de maîtrise d'une situation pour une femme. En ce moment, elle était l'Impératrice, et lui un petit Monarque. Et le Monarque se devait de baisser les yeux face à sa supérieure. « En fait, je n'ai remarqué ton physique que plus tard. Après... certaines certitudes. Je t'ai désiré d'autant plus à ce moment. » Mais des fois, il fallait toiser son supérieur pour gagner son respect. « C'est vrai, je te désire. Mais pas comme j'ai pu désirer d'autres femmes. Je ne veux que porter mon affect au plan corporel. Communier, comme tu dis. En passant l'ultime frontière. » Il remarqua alors être à cheval sur une petite table à surface de verre. Il s'en leva, se rapprochant, avec plus de raideur dans les jambes, plus près d'Elizabeth. « Mais je t'aime aussi. N'en doute pas. J'aime t'avoir près de moi, j'aime t'avoir dans mes bras. Je peux faire avec. » Pour autant, elle n'avait pas tort. Il l'avait porté pendant deux ans, mais l'infidélité avait joué à équilibrer la sensation. Il ne s'était pas gêné pour penser à elle pendant ses actes de grande bassesse. S'il jurait fidélité, il devrait abandonner une activité qui le vidait de son énergie, et renvoyait son esprit à un renouveau temporaire. Sans ça, il savait qu'il deviendrait désagréable. Surtout envers elle. Il ne tiendrait pas indéfiniment. « Tu dois me prendre pour un porc, à dire ça... Me dire que je ne serai pas heureux de rester au stade spirituel... » Il siffla brièvement. « Mais je te l'accorde... j'aurais dans l'idée que quelque chose reste inachevé... » Peut-être avait-on là une différence entre leurs deux cultures également.
« Tu dis avoir crée GENOME pour cela... » Il réfléchissait à ça maintenant. « Mais c'est antérieur à notre première rencontre, sur Télos. » Enfin "sur" Télos... « Tu voulais guérir avant... nous, si je ne trompes pas. » Il devait bien le dire aussi. « Je pense que tu veux guérir. Que tu veux retrouver un peu de plaisir, qui ne passe pas par l'opéra, ou une danse dans les bas-fonds. » C'était il y a longtemps maintenant, deux ans presque, mais il s'en souvenait encore. Une soirée vite interrompue, il ne savait plus trop pourquoi, mais au déroulement mémorable. Il espérait qu'elle-même s'en souvienne aussi. « Tu y as droit. Sans penser à moi... Personne ne devrait nier à autrui le droit au plaisir. » Il s'était finalement résolu à condamner l'acte typique de l'amour paternel, à mi-mot, implicitement, mais sans détour. « Si tu le veux, si tu le veux pour toi, on trouvera une solution. Je suis là pour toi... » Il crut bon de s'approcher. « Et pas que pour une heure. Si tu m'épouses, c'est jusqu'à la mort. » Il s'accroupit devant elle, posant une main sur le genou supérieur. « Laissons la chair de côté, si c'est ce que tu veux. Mais ne te sens pas ridicule. Tu ne l'es pas. Sinon je ne t'épouserais pas... » Ah là là, il fallait vraiment tout rappeler ici. « Et puis, on aura tout le temps de consommer le mariage plus tard... » Et pour appuyer sa tentative de dérider la situation, il lui adressa son premier regard lubrique... de ses yeux qui pétillent d'excitation, où sont lovés les choses qui allient dégradation et vice primal, où l'on lit la lie des plus vils actes. « Mais, tu m'as demandé une heure. Il te reste 50 minutes au-dessus de l'Empereur. » La main sur le genou, il pouvait s'inviter d'une poussée de main, mais la première tentative ayant eu l'effet mentionné plus tôt, il ne s'y risquerait pas. Il pouvait lui faire offrande de la chair et de l'esprit en faisant glisser sa main sous ses pièces de vêtements en parlant d'autre chose... ou faire une partie d'échecs. Harlon n'avait rien contre aucune option.
Le discours sur la honte, sur la nécessité de se marier avant de "profiter", tout finit par mourir devant le stoïcisme d'Harlon, qui attendait, bras croisés, sans un mot. S'il n'avait pas de barbe, ni d'épaules larges, il possédait déjà sa tignasse qu'aimaient les filles, d'un brun qui tirait sur des nuances désaturées, et ce regard d'acier qui semblait faire des ravages chez la gente féminine. Personne n'ignorait le pouvoir attractif qui était le sien. Mais en profiter ainsi, à cet âge, en cet instant, ce n'était pas juste. Quand le père, impuissant, s'épuisa dans le regard assuré de son engeance, il s'aperçut que l'héritière de presque cent cliniques partout dans la galaxie s'était éclipsée. « Si vous avez fini, vous pouvez dire à ces messieurs de repartir. Je n'épouserai personne que je n'ai pas choisi. » Le fils, toujours aussi assuré de sa suprématie, agita un index prophétique sous le nez de son père, qui se sentait maintenant minuscule, bien qu'avantagé sur le poids, la taille, et l'expérience. « Si c'est pour avoir un mariage aussi réussi que le vôtre avec mère, vous vous trompez de pièce maritale. Tout passe par la communion sexuelle, père. Sans ça, il ne reste que l'esprit. »
Il termina son regard dur. « Et l'esprit se fane plus vite que le corps. »
Le précepteur parti, il y avait un créneau de deux heures pour elle seule. Trois heures durant lesquelles le mari attendait de rentrer du travail. Arcturus Astellan, dans sa droiture exemplaire, était connu pour donner des cours particuliers après la fin des cours réglementaires. A trois élèves maximum, ces cours apportaient une somme d'argent qui, bien qu'importante vu de l'extérieur, semblait dérisoire aux yeux de leur richesse actuelle. La génitrice des héritiers Astellan se savait aussi cocufiée depuis longtemps. De ces cours se tirait souvent une relation éphémère avec un étudiant de constitution frêle, comme leur père les aimait. Le couple ne s'aimait pas, ne s'était jamais aimé ; se voir déshonorée valait le prix de deux heures seule avec ses enfants. De ses idées nouvelles, voire populaires, elle mettait en pratique le fait de passer du temps avec eux. A les faire jouer, à leur raconter des histoires, à leur enseigner des choses. Des fois, en tête à tête. Son enfant favori était Nova, la fille douce qui promettait d'être comme elle, mais à qui elle voulait offrir autre chose qu'un mariage arrangé comme le sien. À sa fille, elle offrait des moments de lecture, des leçons de coquetterie et des histoires de princesses. À Milo, elle offrait du jardinage, en compagnie de leur intendant qui gérait leur jardin intérieur, et qui était un des amants de la dame. À Harlon, elle offrait des leçons de musique au piano, mais aussi des cours de séduction. À 7 ans, elle avait entrepris d'en faire l'inverse de ce que son père était. « Regarde ton ancêtre... » Elle lui montrait souvent ce portrait. Celui de Gavin Astellan, un éminent séducteur, qui avait engendré la vanité masculine de la famille. « Lui, c'était un homme, un vrai... Regarde-le. Vois sa façon de fixer ! » Le peintre lui-même avait du être séduit. Le regard de l'ancêtre avait un magnétisme inégalable. De ce portrait, la mère d'Harlon avait tiré une photo sur papier spécial et lui avait glissé à la poche. Et quelques fois, avant le piano, elle l'emmenait devant un miroir, et lui faisait travailler son regard, qu'il soit semblable à celui de son ancêtre illustré. « Durci ton regard. » Harlon s'y efforcait. Jour après jour néanmoins, il remarquait la facilité qu'il avait de le faire, jusqu'à l'enregistrer au naturel. « Avec ce regard, tu feras souffrir les femmes. »
Devait-il renoncer à tout, sous prétexte d'une histoire qui lui remontait à la gorge ? Il avait trois bonnes raisons de ne pas l'ouvrir, fût-ce pour respirer, pendant ce récit. Le premier était sa promesse, de se consacrer, une heure durant. La deuxième, son envie d'en savoir plus. La troisième venait de son ventre. Comme une boule qui noue l'estomac devant un repas à venir qu'on sait avarié, ou de faire une annonce lourde de conséquences. Le trac théâtral, mais amplifié au décuple. C'était une histoire... si sordide, si absurde, si impossible. Celui d'un père empoisonnant sa fille, la faire souffrir de la maladie de la mélancolie. Lui interdire le droit au plaisir. L'égoïsme partait de l'équation. Il ne pensait pas à ce dont il allait se priver, mais simplement à ce dont on avait privé Elizabeth. Interdiction de prendre du plaisir à... De son propre père. Pour une histoire d'honneur. Comme si son propre père l'avait fait castrer en douce après un accident, qui avait conduit à un micro-coma une fois à l'hôpital, pour se venger des occasions manquées avec de riches héritières... Quelle honte, oui ! La honte pour le père. Une honte pour la famille, mais avec un coupable bien différent. Compatir à ce résultat, c'était s'avouer en faiblesses, et se fermer les portes de ce qu'il considérait, lui, comme un plaisir qui contribuait à son bien-être. Mais ne pas compatir à ces douleurs, c'était renier le peu d'humanité récemment retrouvée auprès d'une non-humaine qu'il lui restait. La gorge nouée, la mâchoire réduite à un tremblement compulsif, il chercha à dire quelque chose. Il ne trouva rien qui veuille bien sortir. Il se prit la tête dans les mains, tourna sur lui-même, et fini par s'écrouler sur la première chose à peu près en face du fauteuil où Elizabeth attendait, impérieuse, sa posture respirant une colère contenue. Contre lui, contre son père, contre son passé, contre les trois ? A quelles proportions pour les uns et les autres ? « Je suis... désolé... de toute ce que tu as eu à subir. » Il n'allait pas s'étendre. S'il condamnait le père, il pouvait mettre le doigt là où il ne fallait surtout pas toucher. C'était risquer d'enfoncer une porte ouverte, ou de se faire couvrir d'injures. Son honnêteté l'avait frappé, mais pour autant, il voulait juste comprendre un peu, ne serait-ce qu'en parlant à voix haute, à mesure qu'il analysait les paragraphes. « Quand je t'ai vue la première fois, c'était... tu paraissais si timide, si réservée. C'est petit à petit que je me suis aperçu de tout. Que j'aimais être avec toi. Comme avec personne auparavant. » Il regardait ses ongles avec insistance. Les jmabes croisées envoyaient un message fort de maîtrise d'une situation pour une femme. En ce moment, elle était l'Impératrice, et lui un petit Monarque. Et le Monarque se devait de baisser les yeux face à sa supérieure. « En fait, je n'ai remarqué ton physique que plus tard. Après... certaines certitudes. Je t'ai désiré d'autant plus à ce moment. » Mais des fois, il fallait toiser son supérieur pour gagner son respect. « C'est vrai, je te désire. Mais pas comme j'ai pu désirer d'autres femmes. Je ne veux que porter mon affect au plan corporel. Communier, comme tu dis. En passant l'ultime frontière. » Il remarqua alors être à cheval sur une petite table à surface de verre. Il s'en leva, se rapprochant, avec plus de raideur dans les jambes, plus près d'Elizabeth. « Mais je t'aime aussi. N'en doute pas. J'aime t'avoir près de moi, j'aime t'avoir dans mes bras. Je peux faire avec. » Pour autant, elle n'avait pas tort. Il l'avait porté pendant deux ans, mais l'infidélité avait joué à équilibrer la sensation. Il ne s'était pas gêné pour penser à elle pendant ses actes de grande bassesse. S'il jurait fidélité, il devrait abandonner une activité qui le vidait de son énergie, et renvoyait son esprit à un renouveau temporaire. Sans ça, il savait qu'il deviendrait désagréable. Surtout envers elle. Il ne tiendrait pas indéfiniment. « Tu dois me prendre pour un porc, à dire ça... Me dire que je ne serai pas heureux de rester au stade spirituel... » Il siffla brièvement. « Mais je te l'accorde... j'aurais dans l'idée que quelque chose reste inachevé... » Peut-être avait-on là une différence entre leurs deux cultures également.
« Tu dis avoir crée GENOME pour cela... » Il réfléchissait à ça maintenant. « Mais c'est antérieur à notre première rencontre, sur Télos. » Enfin "sur" Télos... « Tu voulais guérir avant... nous, si je ne trompes pas. » Il devait bien le dire aussi. « Je pense que tu veux guérir. Que tu veux retrouver un peu de plaisir, qui ne passe pas par l'opéra, ou une danse dans les bas-fonds. » C'était il y a longtemps maintenant, deux ans presque, mais il s'en souvenait encore. Une soirée vite interrompue, il ne savait plus trop pourquoi, mais au déroulement mémorable. Il espérait qu'elle-même s'en souvienne aussi. « Tu y as droit. Sans penser à moi... Personne ne devrait nier à autrui le droit au plaisir. » Il s'était finalement résolu à condamner l'acte typique de l'amour paternel, à mi-mot, implicitement, mais sans détour. « Si tu le veux, si tu le veux pour toi, on trouvera une solution. Je suis là pour toi... » Il crut bon de s'approcher. « Et pas que pour une heure. Si tu m'épouses, c'est jusqu'à la mort. » Il s'accroupit devant elle, posant une main sur le genou supérieur. « Laissons la chair de côté, si c'est ce que tu veux. Mais ne te sens pas ridicule. Tu ne l'es pas. Sinon je ne t'épouserais pas... » Ah là là, il fallait vraiment tout rappeler ici. « Et puis, on aura tout le temps de consommer le mariage plus tard... » Et pour appuyer sa tentative de dérider la situation, il lui adressa son premier regard lubrique... de ses yeux qui pétillent d'excitation, où sont lovés les choses qui allient dégradation et vice primal, où l'on lit la lie des plus vils actes. « Mais, tu m'as demandé une heure. Il te reste 50 minutes au-dessus de l'Empereur. » La main sur le genou, il pouvait s'inviter d'une poussée de main, mais la première tentative ayant eu l'effet mentionné plus tôt, il ne s'y risquerait pas. Il pouvait lui faire offrande de la chair et de l'esprit en faisant glisser sa main sous ses pièces de vêtements en parlant d'autre chose... ou faire une partie d'échecs. Harlon n'avait rien contre aucune option.