- lun. 20 nov. 2017 15:47
#30468
La carte stellaire scintillait sous les yeux de la Mirialan. Elle se remémorait les paroles de son maître.
- « Continuez au Nord de Korriban. Dromund Kaas. Ch’hodos dans l’alignement. Continuez encore un peu, Ziost et Athiss. »
La projection s’estompa lentement. Quand elle eut complètement disparue, le regard de Ranath s’attarda encore un instant là où s’était tenue Ziost.
Elle avait finalement décollé de Balmorra. Le poing de l’Ombre était comme neuf, prêt pour de nouvelles aventures palpitantes. Il filait tout droit d’une destination à l’autre, ne laissant entrevoir de ses bons de géant que l’inlassable défilement d’étoiles. Entre deux sauts, il marquait toujours une courte pause afin de confirmer les seuils des résultats du calcul pour le prochain saut. Puis il tombait à nouveau en hyperespace, vers la prochaine étape de son voyage. D’habitude, la Sith lui tenait compagnie, assise au fond du siège du pilote, face au tableau de bord, à admirer la ronde étoilée. Mais cette fois, elle n’en avait pas envie. Ce tunnel lui donnait la nausée.
Ranath était dans sa cabine, assise sur la couchette, les genoux ramenés près d’elle et maintenus par ses deux mains jointes. Tant de questions. Certaines qui avaient déjà trouvé des réponses, mais auxquelles il fallait répondre encore. Et des nouvelles, alimentées par des peurs lointaines ou des traumatismes récents. Ce lien mort, par lequel ne résonnait qu’un lourd silence. Et cet autre, tout nouveau, plein de vie et d’ambition, au bout duquel grandissait une menace. Était-ce que Darth Krayt avait ressenti à ce moment-là ? Au moment où la Mirialan s’était mêlé aux combattants. Au moment où la lame avait tailladé sa chair.
Le vide. L’absence du Seigneur Noir était douloureuse. Il avait été un mentor, un protecteur. Il l’avait relevée, sauvée du sable, sauvée des Sang-Purs. Il lui avait offert cette vie. Elle la vivait avidement, et de manière si absolue … Il lui avait donné la liberté, celle de lui planter un couteau dans le dos. Sabina prendrait la même voie. Varadesh. Son absence, à elle, était une torture. Le lien était pourtant bien là. Mais impossible d’y faire transiter aucune émotion, aucun regret. Impensable. Ranath se l’interdisait. Jamais elle ne baisserait sa garde. Jamais elle ne s’abandonnerait à la confiance aveugle. La Pantoran lui manquait pourtant terriblement.
La Sith se laissa doucement couler sur le flanc. Sa tête se posa silencieusement sur la couchette. Elle ferma finalement les yeux. Pour ne plus y penser. Pour ne pas pleurer. Seule, elle construisait sa carapace de solitude. Mais le calme ne dura qu’une fraction de seconde. Alors que Ranath espérait trouver dans le noir un peu de repos, la vision s’imposa de nouveau à elle. Il pleuvait toujours à torrent sous le ciel chargé de nuages menaçants. La pierre tombale se dressait fièrement au côté de ses consœurs pour porter loyalement la mémoire du défunt enterré à leur pied. Mais au pied de celle-ci, point de cercueil, point de cadavre. Un trou qu’on pourrait croire sans fin, creusé à la main, pour déterrer le secret. Les paupières de la Mirialan se soulevèrent brusquement afin de couper court au cauchemar. D’une main malhabile, Ranath se frotta le front, c’était douloureux. Son autre main glissa jusqu’à sa gorge pour l’enserrer délicatement. Quelle sensation désagréable …
Le reste du voyage passa lentement. Très lentement. La jeune femme errait dans les entrailles de son petit vaisseau. Elle s’assit finalement dans le cockpit, à même le sol. Rien faire, elle ne voulait rien faire. Les pensées se bousculaient dans son esprit, elle ne parvenait pas à les traiter toutes. Dès qu’une était saisie pour y réfléchir, elle était chassée, effrayée par une autre idée, plus sombre encore. Et Ziost. Et Sabina. Et Krayt. Il y avait bien Harvk … Non, non, celui-là ne parlait que pour ennuyer. Ranath n’avait pas le courage de lui poser encore une fois la question. Toujours cette même question. Mais il répondait toujours la même chose, et allait jusqu’à lui faire remarquer qu’elle posait toujours la question. Non, c’était exagéré, elle n’insistait pas tant que ça … En fait, elle ne posait que cette question-là, tous les jours. Mais pas aujourd’hui, elle n’en pouvait plus. Harvk ne répondait jamais.
- « Je voudrais … que tout ceci n’existe pas. »
C’était facile pourtant. Varadesh envoyée sur Korriban à faire on ne savait trop quoi. Kor’Rial perdue on ne savait trop où avec on ne savait trop qui. Il aurait été facile de rompre les liens, briser les chaines et disparaitre une bonne fois pour toute. Enveloppée du Voile, dans un endroit perdu, loin de tous. Alors pourquoi ne pas y aller maintenant, dans cet endroit perdu. Parce qu’il y avait Ziost. Pourquoi aller chercher l’holocron sur Ziost. Pourquoi chercher le savoir. Pourquoi chercher le pouvoir. Pourquoi s’imposer une telle épreuve.
Il n’y avait pas que l’holocron sur Ziost. Quelque chose d’autre était apparu en même temps que les étoiles projetées depuis la main du Seigneur Noir. Depuis que la Mirialan avait quitté le Rédemption, elle était habitée d’une pensée récurrente. Qui s’était amplifiée sur Balmorra. La silhouette lui avait amené une vision. La tombe d’un enfant. Pourquoi poursuivre vers Ziost, ça n’avait aucun rapport.
- « Es-tu donc aveugle à ce point ... ? »
Ranath enfouit sa tête entre ses bras, couvrant le haut de son crâne avec ses paumes. Elle attendit que la tempête passe. Elle attendit que le Poing de l’Ombre saute hors de son dernier tunnel et lui annonce l’arrivée à destination. Des heures, cela dura des heures. Le tableau de bord cria enfin la fin de son effort.
Dos à la paroi métallique, la Mirialan releva la tête et se remit sur pieds. Elle était là, à demi éclairée de son étoile et accompagnée de ses deux lunes. Ziost.