Comme elle avait pu s'en douter, Isabo peina à lancer son premier assaut. Visiblement terrifiée par la perspective de se battre, la jeune fille ne brillait pas ainsi malgré ses essais successifs et courageux. Il fallut bien qu'à un moment, elle ne prenne l'initiative. Soit, l'attaque n'était pas forcément le meilleur moyen pour un Sith de vaincre son ennemi après tout, une défense implacable pouvait tout aussi facilement l'expédier dans l'autre monde, à la longue, qu'un assaut enragé jusqu'à percer ses défenses. Malgré son propre manque de connaissances sur le sujet des Formes de combat, Varadesh pensait savoir quel style pourrait être le plus approprié pour la petite rousse mais il lui fallait en voir plus avant de statuer sur le sujet.
C'était ainsi qu'elle passa immédiatement à l'attaque, usant du Niman pour lancer des assauts sur le sabre d'Isabo qui étaient fermes mais pas féroces ni impitoyables. La Forme des Diplomates n'autorisait pas ce genre d'exploit car elle préconisait une économie de tout mouvement de combat en faveur des autres disciplines inhérentes aux tâches d'un diplomate. La Pantoran, peu versée dans la diplomatie, avait toutefois trouvé le moyen de tirer parti de cette forme autrement, en dédiant l'énergie non utilisée dans le combat à la maîtrise de la Force, la rendant bien plus dangereuse sur ce terrain que sabre en main dans un duel. On la sous-estimait ainsi plus facilement et on était plus susceptible de baisser sa garde.
Tu laisses trop d'ouverture quand tu bouges, tu crées des failles dans ta défense et tu t'exposes au danger. C'est dangereux.L'apprentie ne s'énervait pas ni ne se moquait de la petite. Sachant très bien à quel point il était difficile de comprendre toutes les subtilités du combat au sabre, elle n'aurait jamais eu l'idée de se comporter ainsi avec Isabo, qui malgré ses difficultés comprenait les notions de base. En fait, ce qui lui manquait le plus n'était pas le talent qu'elle croyait déceler en elle, c'était la volonté. La motivation. L'envie. Elle n'avait pas le cœur à ça. Cela lui parut évident lorsque, lui apprenant comment feinter et tromper l'adversaire, elle paniqua en voyant subitement le sabre orangé passer sous sa garde et se rapprocher dangereusement d'elle. Soupirant tout bas, amusée malgré tout, la Pantoran sembla sur le point de dire quelque chose lorsqu'elle s'interrompit en fronçant les sourcils.
Elle avait senti quelque chose approcher, comme une perturbation dans la Force, une irritation qui la démangeait dans le cou et la tête. Surgissant des ombres, Vkoh apparut soudainement et se présenta sans mot dire pour enchaîner à la suite de l'humaine. Il y avait vraiment quelque chose de malsain chez elle, au-delà de la noirceur si caractéristique des Sith. En fait, d'une certaine façon, cela lui rappelait Odion, dont la présence dégageait le même genre de puissance infernale et en même temps éclipsée par quelque chose d'autre qu'elle n'aurait su décrire. Hochant la tête en signe de respect, d'un duelliste à l'autre, elle tendit le sabre en avant, en position de garde et elles débutèrent.
Vkoh était bien loin de l'inexpérience d'Isabo, Varadesh le savait bien pour l'avoir vue en action. Et elle savait également que celle-là était bien plus forte qu'elle, ce qui ne l'empêcha pas de tout faire pour se défendre convenablement et même essayer de vaincre, sachant la victoire improbable. Aux yeux inexpérimentés de la rousse, leur combat devait être un vrai spectacle d'effets pyrotechniques, un ballet de gestes bien trop rapides pour être suivis à l’œil nu. La vérité était, là encore, que comparées aux Seigneurs Noirs de leur Ordre, elles étaient balourdes et lentes, imprécises et peu concentrées.
D'un coup le sabre rouge ne fut plus manié que d'une main tandis que l'autre brandissait la dague qu'elle avait vu en action également au temple de Thule. Une arme fonctionnelle et tranchante, au passé aussi sanglant que macabre de ce que lui en avait dit Jeny. Elle se demandait souvent pourquoi elle n'avait pas jeté ce truc à la poubelle, peut-être était-ce un rappel de ce qu'elle avait perdu avant de devenir la chose qu'elle était maintenant. La difficulté augmenta encore d'un cran supplémentaire, bien que Varadesh eut pris l'habitude, lorsqu'elle se lançait dans un duel, de dresser un bouclier autour d'elle. Cet artifice n'était pas suffisant pour contrer un trop grand déferlement de puissance mais permettait de ne pas avoir à s'inquiéter de trop gros coups.
Elle vit une occasion d'agir au détour d'un nouvel échange particulièrement violent durant lequel la dague faillit bien lui dessiner une belle coupure au visage. Se jetant sur Vkoh, elle la força ainsi à reculer précipitamment et à trébucher, la faisant basculer de côté et perdant l'équilibre, pour finir avec le sabre contre sa gorge, prêt à mettre un terme à une vie de souffrances. Les yeux dorés de la Pantoran brillaient, d'une joie féroce pour sa victoire, de l'excitation que lui procurait toujours le combat et d'une déception contenue. Elle soupçonnait que Vkoh ait à dessein commis une erreur et cela lui déplaisait, car impliquait qu'elle serait incapable de vaincre sans un coup de main.
Elles n'échangèrent aucune parole, simplement un bref regard avant que l'autre ne reparte dans les ombres d'ou elle s'était extirpée brusquement. L'apprentie ressentit une fois encore du regret en l'observant s'éloigner, quel gâchis. Quel dommage. Elle fit signe à Isabo de revenir face à elle dans le cercle puis se rapprocha d'elle. Son visage avait pris une expression neutre mais sa voix était douce et aux accents légèrement chaleureux.
Tu te défends pas si mal.Posant une main sur l'épaule gauche de l'humaine, elle la regarda dans les yeux, des yeux ou brillaient tant de sentiments forts. Elle sourit.
Tu manques de discipline. De calme. De raison. Tu réagis instinctivement comme si tu craignais de prendre le temps de réfléchir aux possibilités. Dans un combat, il ne suffit pas d'être la plus forte ou la plus rapide pour vaincre, pas même d'être la plus rusée. Ces qualités n'ont pas empêché nombre de grands duellistes de se faire tuer. Tu dois observer ton adversaire, tu dois le comprendre aussi intimement qu'il se connait. Tu dois deviner comment il va agir avant même qu'il ne le décide. Tu dois prévoir un coup d'avance sur lui, toujours. Car c'est ainsi que les Sith ont su vaincre leurs ennemis pendant des millénaires. En observant patiemment. En étudiant méthodiquement.De sa main libre, elle prit délicatement le visage d'Isabo dans le creux pour le lever de nouveau et croiser son regard. Les yeux dorés l'observaient mais ils étaient devenus différents de d'habitude. Des sortes de pics noirs imprégnaient tout l'intérieur des orbites tandis que l'or devenait orange vif. Son sourire avait disparu aussi vite qu'il était apparu et elle ne lâchait plus du regard la rouquine.
Mais les Sith n'ont pas uniquement recours à la patience pour vaincre. Nous croyons que la vie et la Force ne se font qu'au travers des émotions les plus puissantes. La colère, le désir, la haine, la passion, la peur. Elles nous libèrent de nos chaînes, elles nous montrent notre véritable potentiel. Nous ne sommes pas des Jedi qui nient ce qui fait de nous des êtres vivants, nous comprenons l'importance vitale des passions de l'âme dans nos vies. Tu as ressenti de la peur quand tu m'as affronté. Tu avais peur de souffrir. Peur d'échouer. Peur de décevoir. Mais par-dessus tout, tu avais peur de toi-même.Elle lâcha le visage de l'humaine et posa sa main sur l'autre épaule puis serra les deux avec une force surprenante.
A présent, tu vas projeter ta pensée, petite télépathe. Tu vas la projeter à l'intérieur de toi. Tu vas regarder en toi et tu vas découvrir ce que tu ressens. Tu vas avoir peur. Tu vas avoir mal. Tu vas ressentir un millier d'émotions. Et ce faisant, tu feras le premier pas sur le chemin de la liberté. Tu peux vaincre ton ennemi en l'étudiant et en prévoyant ses coups mais c'est par la puissance de tes émotions canalisées que tu lui porteras le coup de grâce. Grave ce mantra dans ta mémoire : la paix est un mensonge, il n'y a que la passion.Et tandis que la jeune fille s'exécutait, Varadesh se tenait là, en bordure de son esprit, observatrice silencieuse, témoin invisible et pourtant bien là.