Les échos du
combat et de la violence, les clameurs de Massassis, les ordres aboyés par la
Jen'Ari, le
rituel morbide qui allait se jouer dans peu de temps... Tous se faisaient plus lointains à mesure que le duo, trio si l'on comptait le vieillard et quatuor si l'on comptait son immense mépris, s'enfonçait d'avantage dans la méga structure abandonnée... L'odeur désagréable de la rouille et du mycélium attaquaient les naseaux, alors qu'à l'inverse les rétines se retrouvaient peu à peu au repos dans une obscurité totale. Les yeux jaunes ambrés de Moloch y brillaient faiblement tandis que les
soleils rouges au beau milieu des orbites de Hjalmar éclairaient presque une partie des lieux. Le silence y régnait comme la mort, sans règles et sans partage, il n'était interrompu que de rares fois par le bruit des gouttes d'eau qui, attirées par les lois de la gravité, finissaient par s'écouler et s'abattre sans merci sur le sol pour l'éroder d'avantage... S'aventurer au beau milieu de ce lieu était une épreuve de chaque instant, les nerfs de nos deux organiques étaient mis à rude épreuve, chaque coup de vent, chaque obstacle un peu trop tranchant, chaque champignon toxique qui avait poussé sur la rouille était un
potentiel danger... D'autant qu'avancer à l'aveuglette rendait la chose d'autant plus risquée et stressante. Ils déplaçaient leurs yeux de façon saccadée un peu partout, cherchant le moindre ennemi qui pourrait se glisser derrière un pan de mur écroulé, derrière une touffe d'herbe ou au plafond peut être.
Tenter de repérer quoi que ce soit dans la force était peine perdue, ici le
côté obscur était étouffant, il murmurait ses
supplices à quiconque voulait bien l'entendre, il brouillait les sens du chasseur et tentaient de le plonger dans un état de transe et de semi conscience très propice à une attaque surprise...
S’enivrer du chaos, de la violence et de la guerre qui avait secoué ce lieu il y a plus de mille ans était si tentant, ce carnage, cette haine... Cette puissance. C'était comme une drogue pour Hjalmar, surtout depuis qu'il avait mis la main sur cette épée énigmatique qui semblait le récompenser d'avantage à mesure qu'elle se nourrissait de
sang... Dans les moments où l'hémoglobine lui était offerte elle semblait plus légère, facile à manier, comme si un lien se formait entre elle et son porteur... Était-ce ce vieux fou qui était parvenu à créer une arme pareille, ou l'avait-il simplement réquisitionnée à un esprit
Sith aussi fou que lui ? Seul ce vieillard pouvait le dire, et nul doute que dans sa grande malice, il ne dirait mot et se contenterait de mépriser d'avantage son porteur... Un temps viendrait où le guerrier parviendrait à rabaisser son caquet à ce fantôme.
- J'us minti ilsir zo ineta ? Grogna le Massassi à voix basse.
- Je ne sais pas... Le côté obscur est puissant ici, il brouille mes sens.
C'était peu dire... Il se contentait d'avancer à pas léger et avec prudence, mais sa capacité à se repérer s'en retrouvait clairement amoindrie, il avait son arme à la main, prêt à frapper par réflexe sur quoi que ce soit qui lui semblerait suspect. Il n'y voyait toujours rien, même la lumière incandescente de ses yeux
corrompus par dix ans sur cette planète ne parvenaient pas à éclaircir d'avantage l'obscurité grandissante du mur colossal... Même les bruits de l'extérieur étaient étouffés, c'était à peine si la pluie parvenait à rappeler son existence aux oreilles de nos explorateurs. L'épaisse respiration du Massassi résonnait dans l'immense complexe... Mais ne recevait aucune réponse. Étaient-ils réellement seuls ici, n'y avait il absolument aucun danger ? A mesure qu'ils avaient la sensation de descendre, ils parvienaient presque à y croire mais restaient sur leurs gardes, c'était bien trop facile, trop peu approprié pour une planète qui, jusqu'ici, avait donné tant de fil à retordre au chasseur. Ils continuèrent de descendre en prenant garde à ne pas trébucher, à ne pas se trancher sur les morceaux de métal tordus et à ne pas respirer par accident une spore nocive qui régnerait ici bas dans ce lieu si mal éclairé... Ce fut long, pénible, mais à mesure qu'ils progressaient dans les ruines du mur, ils croyaient entendre l'extérieur et voir au loin une lumière. Ils crurent d'abord à un songe ou à un piège, mais lorsqu'après quelques mètres ils entendirent les ressacs de l'eau et les grognements de quelques chats de vignes qui se baladaient sur les toits métalliques de la cité engloutie...
De la compagnie les attendait dehors. Ils s'approchèrent précautionneusement du trou creusé à même le métal rouillé qui servait de porte de sortie et observèrent les alentours avec attention. L'autre moitié de la ville s'offrait à eux, et de nombreux toits étaient à portée pour s'aventurer dans la ville sans risquer de passer par l'eau et ses poissons carnivores... Le hic, c'était la présence de nombreux reptiles aux allures félines qui se baladaient dans cette partie de la mégalopole Sith.
- Ilsir b'da iv savimi... Nu grafas dyim iv savimi.
- Sept, tu oublies les deux juste au dessus de nous, répondit il en désignant deux paires d'yeux brillants qui guettaient l'horizon à seulement quelques mètres au dessus d'eux, perchés sur une excroissance du mur.
- J'us minti mes gal misi savimi ?
- Il va bien falloir... Je vois mal comment les éviter.
Et pour cause, la seule façon de descendre était de sauter trois mètres plus bas, sur un toit en taule qui allait sans doute faire beaucoup de bruit à l'atterrissage. Les chats de vigne n'étaient pas les créatures les coriaces de Dromund Kaas, ce mérite revenait aux Yozusks ou aux
Tarentateks, mais ils restaient des ennemis à ne pas sous estimer, et sept d'entre eux n'allaient pas être une partie de plaisir... Il y avait cependant moyen de tourner le combat en la faveur du duo par la ruse et une série de techniques bien placées. Il y avait deux chats un peu plus bas, pile à l'endroit où Moloch et Hjalmar devaient sauter, les éliminer serait chose aisée, la suite du plan allait jouer sur la faiblesse visuelle des reptiles... Avec un peu de chance, aucun d'entre eux n'aurait l'occasion de frapper. Le guerrier murmura son plan à son esclave, se prépara, puis les deux se mirent en position. Ils retinrent leur souffle, l'un prépara son épée, l'autre son corps entier, puis les deux sautèrent en même temps avant de s'abattre violemment sur leur cible respective... Le premier chat de vignes se retrouva avec le crâne transpercé de part en part par
la lame ondulée de Hjalmar qui se régalait déjà de son sang, l'autre se retrouva complètement compressé, pour ne pas dire réduit en purée, par les trois cent kilos que Moloch représentait, lui et sa carrure de gorille. Le bruit résonna dans toute la ville tant l'écrasement fut violent. Les reptiles, immédiatement alertés par la mort de leurs congénères jaillirent de leurs positions respectives pour former un cercle autour de nos deux combattants. Déjà secoué par la
sensation de puissance que sa lame lui envoya après cette petite dose d'hémoglobine, il poussa un
hurlement de rage qui secoua d'avantage le silence de Kaas City. Même Moloch, alors qu'il savait qu'il n'avait rien à craindre, trembla un instant...
Le pouvoir de Hjalmar avait évolué, la peur qu'il était capable de transmettre par le verbe était bien plus puissante qu'à l'accoutumée. Surpris par cette démonstration, les reptiles hésitèrent à frapper les premiers et restèrent en retrait, certains tremblaient et menacer de laisser leurs frères se débrouiller seuls contre l'ennemi... Si seulement ils pouvaient voir leur ennemi ! Car à peine s'étaient-ils remis de ce rugissement sauvage que leurs yeux furent comme irrités par le seul regard de leur adversaire,
une douleur insidieuse dévorait leurs muscles et les forçait à fermer leurs yeux... Là encore, l'odyssée du combattant avait eu le loisir d'offrir à son regard un éclat
encore plus mortel qu'au début de son périple.
- Maintenant Moloch !
- Kioska voy.
Le colosse laissa alors libre court à sa
férocité et, par la seule force de ses bras aux muscles dantesques, il propulsa les trois premières créatures dans l'eau sans qu'aucune ne parvienne à répliquer... Hjalmar, quand à lui, avec une agilité saisissante et une force admirable, frappa de sa lame les deux derniers prédateurs d'un coup circulaire avant de les envoyer à leur mort dans les flots de la mer en deux coups de pieds acrobatiques. Le châtiment qui les attendait ne se fit pas attendre, à peine pouvaient elles remuer dans l'eau pour tenter de revenir à la surface que le banc de poissons carnivores qui passait par là se régala de leur chair, entamant les écailles des monstruosités par la force de leurs dents longues et aiguisées comme des rasoirs...
Un nuage rouge se forma dans l'eau trouble, puis les cinq silhouettes disparurent, emportés par une armée de charognards sans merci. C'était une stratégie rondement menée... Au loin, le vaisseau se faisait de plus en plus proche, c'était un vieux cargo aux formes vulgaires et qui semblait en avoir trop vu, mais il ferait l'affaire pour repartir d'ici... C'était l'affaire de cinquante mètres. Mais alors que Hjalmar pensait s'en tirer à si bon compte, quelque chose qu'il semblait avoir négligé se rappela à son bon souvenir alors qu'il sautait de toits en toits.
Un tremblement secoua les nombreux bâtiment de la ville...
Le tonnerre avait grondé, il avait grondé si fort que le tonnerre s'était abattu de plein fouet sur le gigantesque mur de fer. En vérité, le ciel jusque là gris de Dromund Kaas se fit d'un coup bien plus noir, et la pluie devint d'un coup diluvienne, une pluie que Hjalmar n'avait vécu que durant les périodes de mousson... Les éclairs illuminaient le ciel à mesure que
la menace se rapprochait, elle se baladait dans l'eau et grognait audiblement, attirée par le
souffle de peur du guerrier. C'était elle,
la présence obscure insondable que le guerrier avait ressenti... Et elle approchait à toute vitesse. A cet instant, c'était lui qui avait
peur, et à juste titre, car quoi qui puisse chercher à l'approcher, cette bête était un
concentré d'obscurité à des niveaux qu'il n'avait jamais expérimenté d'aussi près... A tel point que même le ciel réagissait à sa présence. Ce n'était plus des murmures que l'obscurité transmettait à Hjalmar, mais
des cris qui cherchaient à déchirer son âme et briser sa raison, cet adversaire n'était
PAS à sa taille. Moloch le sentit lui aussi, et les deux comprirent en se regardant que ces cinquante mètres étaient peut être
les derniers qu'il leur serait donné de parcourir. Ils coururent comme des dératés et sautèrent de toits en toits, à mesure qu'au fond de l'eau, des yeux
plus rouges encore que ceux de Hjalmar toisaient deux futures proies avec appétit.
Telle serait son ultime épreuve.