Ce monde était d'une beauté innocente. Eclairés par les lueurs d'un soleil naissant, les deux humains avaient pu admirer tout ce qu'une nature sauvage avait encore à offrir. Althar, peut-être plus sensible à cette existence nouvelle encore, ne cessait de s'émerveiller de la splendeur offerte par ce monde. Un blancheur pure, un horizon dégagé, et une présence à ses côtés. Tout son mode de vie avait changé, mais il s'y plaisait. Il y avait quelque chose de passionnant, de tellement nouveau et incroyable qu'il n'arrivait pas à le regretter. Cela ne pouvait être qu'eux, de toute façon, à traverser le village pour rejoindre le terrain d'entraînement alors que le jour se levait à peine. Son bras autour de son épaule, sa vie n'avait jamais été aussi paisible qu'elle ne le fut à cet instant.
Et après tant de longues semaines à découvrir et à échanger avec autant de nouvelles personnes, à revoir fondamentalement tout ce qu'il pensait acquis sur ce monde, il faisait face à sa nouvelle formatrice. Tout ceci avait éveillé impatience et un peu d'inquiétude - malgré tout - en même temps. Et à présent, il était torse nu, en pantalon prévu pour le sport et en bottes, face à elle. Oh non, il n'avait pas encore osé le short, mais cela viendrait, forcément, il ne s'était jamais senti aussi bien dans ce froid mordant. A peine deux mois et voilà que des 4 couches de vêtements qui lui couvraient chaque parcelle de son corps il avait fini avec elle, en petite tenue, pour s'entraîner. Oh oui, cela avait tardé à Helera. Au fil des jours, il commençait à le sentir. Cette envie de bouger, de sortir de sa cage pour se défouler, toute cette énergie qu'elle ne dépensait pas avec lui et qui se perdait dans tant d'autres choses. Elle se sentait enfin bien, tout ceci ne pouvait donc n'être que du bon. L'arme en main, très rustique, lui rappelait combien il était novice en bien des choses. Mais il ne lui ferait pas l'affront de lui rappeler sa carrière de duelliste, dans sa jeunesse. Certes le sabre est plus lourd, et plus long, mais bon. En garde.
Un filet de vapeur, sous son sourire innocent, traversa son champs de vision. La position avait dû être reprise un peu mieux, mais il s'efforçait de s'appliquer. Il faut dire que le climat local n'incitait pas à faire des bêtises, et surtout que .. enfin ... elle est armée, quoi. Mais cela ne l'avait pas empêché de gagner, la première fois qu'ils avaient combattu. Peut-être que cette fois-ci aussi. Bon, certes, de la défense, certes. D'accord. Mais elle verrait ce que serait un Althar sérieux. Ou presque. Il ne put s'empêcher de répondre à son regard, tirant chez chacun d'eux un sourire amusé. Inutile de se parler pour savoir ce qu'on pense, littéralement. Et elle entama donc la démonstration, précise et incisive, comme toujours. Impressionnante. Un coup vers l'épaule, et un premier blocage. Le froid mordant, l'air brûlant, ça commence. Vivifiant, revigorant, elle ne laisse rien pour se reposer. Une leçon, une frappe, une contre-attaque, en répétition, et un Althar encore très rigide par cette habitude un peu perdue. Les "cours" reçus jusque-là l'avaient épargné, ou presque, d'un véritable entraînement physique comme il s'en était imposé lorsqu'il était revenu sur Têta. Ha, tentatrice, elle se risquait même à se coller à lui, pour lui apprendre. Et un coup de hanche, brisant presque tout le sérieux de l'élève déjà en difficulté, vint mettre fin à ce premier tour de chauffe. Cela mettait du temps à venir, mais ses entrailles commençaient à se réchauffer d'elles-même, à leur rythme. Mais visiblement c'était elle qui avait le plus chaud, s'il se fiait au geste qu'il ne pu s'empêcher de regarder. Cette tenue était étrange, presque une manière d'annuler une partie de ses charmes, alors même qu'au final cela ne faisait plus grand différence, visuellement, chez lui. A moins que ce soit plus simple pour se mouvoir. Hm. Mais c'est un peu trop s'éloigner de ce qu'elle dit. Déloyauté, déshonneur, quoi ? Il n'eut pas le luxe de lui demander de répéter, aspergé par cette neige qui lui refroidit le visage sans qu'il ne le comprenne.
Protestation inutile et battue en brèche par une vicieuse Grise qui repartait au combat. Un réflexe, un seul, aidé par cette magie terrible, et il évita l'humiliation, gagnant suffisamment de temps pour s'essayer à un coup pour la faire reculer. Mais ce serait vite oublier l'incroyable souplesse dont elle fait preuve, et qui l'étonne toujours autant, dans d'autres situations. Hm. La tactique aura au moins eu le don de fonctionner, lui offrant le temps de s'essuyer enfin et de lui faire de nouveau face, reparti pour ce défi. Comment a-t-elle dit déjà ? Là, comme ça, le sabre droit, les bons appuis, elle va voir. Il se rêvait presque à pouvoir tenir face à elle, à résister à toutes ses attaques et finalement la vaincre d'un geste triomphant, réclamant son unique récompense : un baiser de la Reine de ce Royaume. Mais ce combat de titans si aisément envisagé se trouva mis en pause d'une main levée, l'amenant à souffler pour respirer un peu plus aisément. Mais celle qu'il ne quittait pas vraiment du regard, s'attendant à une potentielle attaque volontairement vicieuse, ne bronzait pas au soleil. Bien au contraire. Il fit un pas en sa direction, un sourcil haussé, le sabre vers son dos.
Une justification prononcée. Cela ne l'empêcherait de venir la soutenir.
« On peut arrêter si tu veux, tu n'as pas beaucoup mangé ce matin ... »
Deux secondes, oui, avait-elle dit. Ce fut bien assez pour la voir perdre pied, elle et toutes ses pensées. Sans vraiment le chercher, cette fusion devenue une part centrale de leur fonctionnement pu le prévenir de la détresse soudaine dans laquelle elle sombrait. D'un instant d'énervement très confus ce fut le vide, terrible et froid, qui éclata en lieu et place de la vivacité royale qui vivait dans ses pensées. L'urgence, et l'inquiétude. Tout lacher pour la rattraper, un peu tard, épargnant un buste lourdement chu vers lui. Un prénom formulé plusieurs fois, de la détresse, et une décision prise rapidement. Retour dans leur donjon sacré.
____________________________Il voulait de l'exercice ? Il en avait eu. Une Grise dans les bras, un pas de course dont aucune pause ne saurait être tolérée, et surtout un froid qui lui retombait sur la peau à une vitesse impressionnante. Le chateau ne lui avait jamais paru si loin alors même que cette ville ne représentait en rien une mégalopole. Et oui, c'est bien pour ça qu'ils sont capables de la traverser de long en large à pied. Mais là, sans qu'elle ne réagisse à aucune de ses sollicitations, il fallait courir. Presque paniquer, en remontant les escaliers avec les bras en feu, et réussir à ouvrir la porte sans le vouloir, pour traverser toute l'habitation et arriver dans la chambre. Ses poumons étaient en train de brûler de l'intérieur, mais il n'en avait rien à faire. Encaisser, pour atteindre son but. Pour elle. Il la déposa délicatement sur leur lit, pour s'évertuer ensuite à le défaire alors même qu'il s'était appliqué à l'arranger proprement avant de partir, et finalement l'y glisser à l'intérieur. Toujours pas de signe de retour à elle, qu'est ce qui était en train de se passer ? Si pâle, et si froide, c'était presque terrifiant de la voir inanimée de la sorte.
Tant pis, sans respect pour leurs tenues ou quoi que ce soit d'autre, il se glissa sous les couvertures à son tour pour se coller à elle. Il fallait la réchauffer, elle - et lui par la même occasion - et il n'y avait de meilleur remède que la chaleur humaine. La frictionner, la recouvrir jusqu'au menton, souffler toute la chaleur de son propre corps sur cette peau nue, et faire en sorte qu'elle aille mieux. Bon sang, rien ne le faisait réagir, rien de rien, pas un mot, pas un baiser inquiet, pas une main serrée, rien. Les minutes passèrent, et à part la chaleur retrouvée sous la couche de couverture au-dessus d'eux il n'y avait aucun changement. Fallait-il chercher un médecin ? Un Gris ? Booros ? Et si c'était rien, hein ? Bon sang, tellement peu préparé à ça, à savoir quoi faire. Il est un humain comme un autre, un de ceux qui ne savent pas comme réagir quand ils voient un proche s'effondrer soudainement. Oh oui, de la culpabilité. S'il l'avait forcé à manger un peu plus ce matin, ou si ils avaient repoussé ça à un autre jour, ou s'ils étaient restés habillés, ou ... trop de possibilités, trop de situations, pas assez d'explications. Il finit par la relacher de son étreinte pour l'installer un peu mieux dans le lit, ajustant coussins et couvertures pour être sûr qu'elle ne se trouve pas mal installée. Hop, bottes retirées, et tentation de lui changer le haut, mais ce n'est pas la priorité. Non, pour l'instant, sorti des couettes, il faut comprendre. Juste comprendre. Une main, tout doucement, finit par glisser avec précaution sur ce visage pour en arranger les cheveux, et dégager un front où ses lèvres se posent. D'une manière ou d'une autre, il faut rester unis, peau contre peau. Toujours, ou des choses terribles se passent. C'est pour ça qu'il ne cesse de caresser avec tendresse ce front malheureux, ou que sa main n'est jamais loin de la sienne, s'il doit s'éloigner un peu.
Elle va se réveiller, n'est-ce pas ? C'est obligé, elle respire, elle a juste eu un mauvais moment ... Non ? Il avait fini par à son tour s'éloigner un peu du lit, pour boire un coup et ramener ce qu'il fallait sur le meuble de chevet, avant de s'être réinstallé sur le bord du lit. Il la fixait, plus que jamais. Même un baise-main, posé avec amour sur sa main inerte, n'y faisait rien. Il la reposa sur le lit, tout doucement, pour y laisser des doigts l'effleurer, et sombrer dans l'inquiétude qui lui servait d'habit, à cet instant. La demie-heure était déjà passée, et aucun signe de changement d'état.
Accroches toi mon Amour ... Je suis là, ça va aller ... Des mots informulés, et inexistants. Mais une
pensée, un lien, une présence. Un sentiment, une énergie à lui offrir. Deux mois ou presque, oui, pour comprendre que son propre potentiel est ... différent. Ce jour là, lors de cet ébat-là, il s'était refusé à comprendre. Puis ils avaient recommencé, elle l'avait poussé à le refaire, à en parler, à comprendre. La Force, la magie, l'essence. Et plus qu'autre chose, plus que ce dépassement de soi, elle est cette chose qui les unit avec étrangeté. Avec aucune autre personne il n'avait connu cette simplicité et cette évidence, cette forme de complémentarité et de fusion qui était en train de le redéfinir totalement. Plus qu'une présence qui s'était imposée au fil du temps, elle était une part entière de son existence, à présent. Et ce n'est qu'en mettant des mots dessus qu'il comprit toute l'étendue de ce qui pouvait se faire entre eux. Quoi qu'il pense, quoi qu'il ressente pour elle, sans qu'il ne le montre ou ne l'exprime, elle le savait. C'était là, tout comme pour lui elle était là, toujours, dans ses peines et ses joies, dans ses moments de doute ou d'excitation. Tout devenait plus savoureux, plus exquis et éclatant dans ce monde. Tout prenait sens avec elle. Mais à présent, il n'y avait que détresse. Pas un bruit. Pas une pensée. Juste le rythme régulier de sa respiration, accompagné par la caresse opérée sur sa main.
Je t'aime Helera ... Ne baisses pas les bras ... Une certaine détresse se maintenait au fond de lui en voyant ce visage inerte. C'est avec cette attention portée sur la pâleur de sa peau qu'il se rendit compte combien elle semblait marquée. Depuis quand paraissait-elle aussi fatiguée ? Ces cernes, tout doucement caressées d'un pouce attristé, et cette blancheur, depuis quand étaient-elles là ? Ces dernières semaines Althar avait fait en sorte de laisser respirer Helera. Nouveau venu dans sa propre demeure, nouvelle curiosité et nouvelle énergie au sein de son monde, il s'en voulait de trop bousculer un univers qu'il essayait encore de comprendre. Alors, pour arriver à épargner sa fleur immaculée des brûlures ardentes d'un soleil trop présent, il s'occupait à l'extérieur du chateau, avec un beau-père très patient et des grands sages toujours plus bavards. Tout semblait encore en rodage, chaque heure, chaque instant, il aurait préféré rester avec elle, mais elle n'aurait pas apprécié sa présence. Un sacrifice douloureux qui, semble-t-il, fut une grave erreur. Il n'avait pas été là suffisamment pour percevoir la gravité de ce qu'elle subissait, résurgence probable des quelques signes annonciateurs des semaines précédentes. Il s'était occupé d'elle lorsqu'elle était restée alitée, mais le reste lui était passé sous le nez, à part certaines infections alimentaires au réveil, sûrement dû à l'étrangeté des repas qu'ils avaient parfois. Non, il avait été trop peu concentré sur celle qu'il aurait dû chérir bien plus sérieusement, celle qui recevrait un baiser sur le front, avec l'espoir qu'elle se réveille. Femme fatiguée et malade, il comptait s'en occuper avec toute l'attention qu'elle nécessitait. Rhaaa, culpabilité et remords. Pourquoi ne s'étaient-ils pas parlés de cela ? Etait-ce parce qu'il n'écoutait pas ? Parce qu'elle travaillait trop ? Être si important de sa vie, pourquoi sombres-tu dans un tel mal sans qu'il n'arrive à le comprendre ?
Après ce visage trop paisible c'est au tour de cette main d'être de nouveau traitée avec tous les honneurs. Que peut-il faire en attendant ? Portée jusqu'à un front qui l'implore, marquée de la brûlure de deux lèvres peinées, il ne reste qu'un refuge pour celui qui s'inquiète. Et dire que c'est le plus âgé des Kor'rial qui l'y a initié ... si étrange et si peu habituel, encore, pour lui, qu'il n'en a pas le réflexe. La Force, élément de magie d'un Prince encore trop rationnel pour y recourir, est pourtant peut-être le seul moyen de retrouver de l'espoir. Le seul endroit, s'il en croit ses formateurs émérites, qui puisse apporter un peu de paix à l'âme et qui transcende tout le reste. Un univers si difficile à atteindre, lorsqu'on a l'esprit trop préoccupé, qu'il en devient déstabilisant lorsqu'on tombe dedans. Méditer, disaient-ils, méditer pour y arriver. C'est ce qu'il se mit en tête de faire, dans le silence accablant de leur cage dorée, dans l'espoir de trouver une réponse quelconque. Il n'y a pas plus de raison logique de le faire qu'autre chose, mais il en ressentait une frustration, un besoin. Un quelque chose qui le poussait à le faire, à cet instant, les yeux fermés, ses deux mains autour de celle de la Grise. Respirer longuement, et arrêter de penser. Oublier ses propres sens pour en écouter le tout dernier, l'autre, celui qui lui rappelle qu'elle est bel et bien là, à côté de lui, si proche de lui. Helera ... flamme audacieusement grise, imposante et colorée. Une douceur iridescente qu'il était agréable de cotoyer, même dans cet outremonde, et qui transparaissait de toute l'ampleur de ce qu'elle était. Depuis le temps qu'elle cultivait sa propre magie, elle en était devenue un repère pour beaucoup de sensitifs qui "l'éprouvaient" au travers de la Force. Marquée par ses actes passés, et parfois épargnée par la pureté de ses dernières intentions, elle vivait au gré de sa vie tumultueuse. C'est en la percevant, à chaque fois qu'il l'avait fait en sa présence, qu'il se rappelait combien il ne pourrait jamais arriver à la suivre. Véritable maître dans un domaine qui lui serait à jamais difficile, elle s'était bâtie de toutes ces expériences vécues pour nourrir sa propre flamme. Et cette capacité à garder ce feu intact lui prouvait combien elle n'allait pas s'arrêter aujourd'hui parce qu'il était là. Ce potentiel, cette incarnation, tout ceci ne mérite pas de s'arrêter à cause d'un homme. Jamais il ne la retiendrait. Mais tout ceci n'était qu'admiration. Admiration naïve et innocente d'un élève pour l'exemple qui vivait devant lui. Non, il ne pouvait pas se le permettre, à cette heure, en la sachant ainsi inconsciente.
Le silence. Une vie, pleine et concrète, qui respire devant lui. Une flamme, une forme, une entité. Grande et lumineuse, phare au milieu de l'obscurité. Silencieusement vivante. Loin était sa main et son corps, il n'y avait que sa présence, en cet instant, qui prenait sens. Impalpable et admirable, beauté brute sous des yeux amoureux, et parfum si doux dans ce monde sans saveur. Comme ces flammes, la nuit tombée, que l'on se prend à observer par hypnotisme. Ethérée et volatile. Existence non-dérangée, solitaire et éternelle. Une vie inconsciente, qu'il était impossible de réveiller. Le calme, et l'air paisible. Et une intonation. Une nuance, soudaine, là, sur cet ensemble. Une couleur différente, discrète, éphémère. Disparue au milieu de tout le reste, absorbée par une nouvelle évaporation. La maladie ? L'incompréhension, dangereuse, à même de le faire sortir de sa propre concentration. Une inspiration, pour ne pas perdre de vue la source de ses pensées, et de nouveau le silence. Engourdissant, presque, face la taille de celle qui le surplombait. Avait-il eut un moment d'égarement, dans sa contemplation gratuite de sa compagne ? Tant de complexité et de formes, tant d'éclats de vie et d'éruptions en tout sens, partout où son regard se posait il découvrait une nouvelle courbure et une nouvelle teinte à ce souffle de vie. Silence, et douceur inavouable. Perdu, au milieu de cet infini, avec pour seule présence cette femme. Et un nouveau battement. Il en était sûr. Là, quelque part, dans cette intrication de filaments et d'énergie. Quelque chose de si petit et malgré tout si puissant qu'il n'arrivait pas à le comprendre. Informe, pluriel, incandescent, et .. disparu. Une hallucination ? Une incompréhension. Le mal, discret et insidieux. L'inquiétude.
Il rouvrit les yeux, et elle n'avait toujours pas bougée. Un nouveau baiser sur sa main n'y changerait rien, mais il ne pouvait s'en empêcher, dernier signe d'amour possible pour celle qui luttait à son côté.
____________________________Les minutes qui suivirent furent placées sous le signe de l'inaction. Sans elle à ses côtés, il n'y avait rien à faire ici. Pas de divertissement, pas de goût à vivre quoi que ce soit d'autre. Cette femme pour qui il éprouvait les plus déraisonnables des sentiments, et qui recevaient régulièrement un baiser sur la main, pour lui donner de la force. Peut-être que cela fonctionna, au final, car elle finit par revenir à elle, sans qu'il ne s'en rende compte. C'est sa petite voix, et l'irruption soudaine de ses pensées, qui lui fit comprendre qu'il s'était inquiété pour rien. Il ne put s'empêcher de lui sourire, se penchant un peu plus vers elle pour s'assurer qu'elle ne repartait pas dans son sombre monde, et pour lui montrer qu'elle pouvait compter sur lui.
« Ma Lera ... Une éternité sans toi ... peut-être une heure ... environ ... je ne sais pas ... On était en train de s'entrainer au sabre ... et tu as dit que tu avais perdu de la tension, ou je ne sais pas, et tu as tourné de l'oeil ... Je me suis tellement inquiété pour toi mon Amour ... »
Il avait l'air bête, à dire ça, comme s'il découvrait que les gens pouvaient tomber malades. Un enfant, presque, qui avait observé sa mère attraper un rhume. C'était idiot mais pourtant tellement sincère. Il suffisait de le voir faire, alors qu'elle essayait de se redresser dans le lit. Avec l'énergie qu'il retrouvait en sa présence, il ne lui fallu qu'un instant pour attraper les autres oreillers et les caler dans son dos, pour qu'elle y soit la plus confortable possible. Et tout aussi envahissant qu'il était, il ne pu s'empêcher d'attraper avec tendresse ce visage pour y apposer un baiser de soulagement sur son front, les yeux lumineux. Assis un peu plus près d'elle, désormais, il la détaillait du regard en la laissant faire. Cette main froide ne le dérangeait pas, au contraire, elle le rassurait. Ce geste qui était sien, cette main kuati qu'il n'hésita pas à accompagner de la sienne, serrant sa joue contre elle. Et un baiser volé, au creux de celle-ci, avec un sourire. Il retrouvait son propre soleil, sa propre source de volonté. Là, dans ses pensées, devant lui, dans son coeur. Bien consciente, bien présente, elle essayait même de le rassurer. Mais sa couleur la trahissait quand même, l'air de rien, qu'elle le veuille ou non. Peut-être qu'elle pouvait le voir chez lui, ou le trouver dans ses propres pensées. L'inquiétude. La peur que cela recommence. L'incompréhension. L'envie de la serrer dans ses bras, pour se rassurer.
« J'aime quand tu me tombes dans les bras, parce que tu retombes amoureuse de moi ... mais pas quand c'est parce que tu te sens mal, ça me fait peur ... J'aurai dû te dire de manger un peu plus ce matin, ou de faire tout ça habillés, ou dans une salle, en bas ... Tu m'as fait peur, tu n'étais même pas là, même pas où je t'ai cherché, mon Amour ... Est-ce que c'est parce que tu es malade ? Je vais t'aider, Helera, tu le sais bien, je vais rester là, je vais m'occuper de toi, tu n'aimes pas ça mais laisses toi faire, et dis moi ce qui ne va pas ... je peux .. je peux aller chercher un des docteurs si tu veux ... »
L'inquiétude, oui, permanente, et un nouveau baiser inquiet sur sa main, sans la quitter du regard. Il transparaissait, à cet instant, d'un amour sans limite. Prêt à tout pour qu'elle se sente mieux. Ses yeux se posèrent de nouveau sur les siens, appelant à un autre remède, à une autre preuve d'amour, quitte à tomber malade à son tour. Un baiser, sur ses lèvres, pour lui redonner un peu de salive, un peu de chaleur. Rien de forcé, rien de long, juste de quoi la rassurer elle, ou plutôt lui, on ne sait plus trop.
« Restes au chaud ma louve, restes sous la couette, tu trembles ... Je n'ai pas osé te changer ... Je vais, je vais te chercher ce qu'il faut. »
Ses mots étaient sortis en même temps qu'il réajustait et tirait sur cette couette pour la couvrir jusqu'au menton, ou presque. Il allait la materner, oui, à moins qu'elle ne s'y oppose vivement. Mais elle devait certainement apprécier cela, cette attention permanente, qui n'était en rien de la pitié, mais juste de l'amour. Ne pas en faire trop, pour ne pas qu'elle le prenne mal, mais pas non plus l'ignorer, parce qu'elle mérite tout ce qu'il lui fait. D'un pas rapide, et d'une démonstration encore timide de la Force, c'est après un coup d'oeil vers elle qu'il tendit la main vers sa propre chemise, posée sur la chaise devant le Bureau, à un mètre de lui. Intense concentration, et grosse dose de volonté finirent par avoir raison du bout de vêtement qui vint avec beaucoup de mal dans sa main. Il se tourna vers elle avec le sourire, comme si tout cela n'avait été que prétexte à une démonstration. Mais bien sûr que non, tout cela avait une utilité, qui se dépêcha de mettre en oeuvre en lui offrant sa chemise avec le sourire. Dire que lui était toujours torse nu, c'était presque paradoxal, dans leur relation. Mais bon, en la voyant toute tremblante de froide de la sorte, il lui fallait une tenue épaisse. Une de celle qu'elle met parfois, quand elle n'a pas envie de s'habiller lorsqu'ils restent ensemble à s'occuper. Une simple chemise, épaisse, et surtout portée par Althar. Il en profita quand même pour lui voler un baiser sur la joue, comme seul prix à payer pour tout cela, avant de réfléchir.
« Je vais te faire un plateau .. je vais aller te chercher de quoi manger, ce sera mieux que cette eau, on va te redonner des forces, ça te fera du bien ... Et un bois dans la cheminée, ok restes là ! Je reviens, mon Horax Gris ... »
Cette fois c'était son genoux, à peine distinguable sous la couverture, qu'il embrasse théâtralement. Oh oui, il se sentait bien mieux en la voyant comme cela, et c'est ce qui lui donnait l'énergie pour déplacer une montagne. La cuisine, devenue un nouveau lieu commun de leur royaume d'intérieur, ne renfermait plus de secret, ou presque. Attentif aux leçons de sa guide, il commençait à en connaître les positions exactes, et donc tout ce qu'il lui fallait. Hop, un bras tendu ici, un casserole qui chauffe là, et le tout rassemblé rapidement. Un reste de petit-déjeuner surtout honoré par un Prince trop gourmand, et il rassemblait l'ensemble. Un chocolat chaud, des pâtisseries, et même les quelques malheureux fruits dont ils disposaient par moment, le tout dans un plateau, en rajoutant un très simple supplément : de l'aspirine, prise parmi là aussi rares médicaments dont ils disposaient. En règle générale elle avait une constitution de transpacier, ou même de de phrik ou quelconque autre métal que rien n'aurait su attendre. La médecine traditionnelle n'était donc d'aucune utilité pour elle. Mais l'arrivée d'un fils de la ville, peu confronté aux climats rudes de ce monde immaculé, avait légèrement bouleversé ses habitudes. M'enfin bon. Ce n'était guère important, à cet instant. Le serveur exhibitionniste déposa donc l'ensemble des victuailles au bord du lit, avec douceur. Malgré toute la rapidité qu'il mettait à faire tout cela, c'était tout de même sans donner l'impression de courir. Il ne voulait pas l'étouffer, pas la presser.
« Je t'ai mis ce que tu préfères, normalement ... et de quoi t'enlever ton mal de tête, j'espère ... Si ça te va ... je peux te préparer du salé autrement ... ou te laisser te reposer, comme tu veux ... »
Le valeureux Prince se gratta la tête, un sourire presque gêné sur le visage. La laisser respirer, oui. Donc. Allez, allez. Il jeta un vague regard au plateau, pour se dire que c'était une bonne chose, et tourna le dos lentement pour se diriger vers la cheminée qui trônait face au lit, ou presque. Un havre de chaleur des plus agréables, le soir venu, pour discuter et se retrouver. C'est là qu'il se prenait à rêver, parfois, qu'aucun Royaume ne les retenait, face à ces braises crépitantes et leurs deux corps serrés l'un contre l'autre. Elle dans ses bras, évoquant un de ses espoirs, et lui contribuant à l'image en y ajoutant une bêtise, ou en commençant à prévoir le plan. Des soirées diablement simples, mais ô combien bienfaitrices. Et c'est dans cet âtre où ne restait que les charbons de la nuit précédente qu'il s'empressa de tenter de relancer leur brasier. Ce n'était pas quelque chose dans laquelle il excellait, mais à force de le faire la chose venait d'elle-même. Un charbon, un petit bois, et un plus gros, pour relancer, là. Pousser l'ensemble, le faire respirer, et c'était réparti pour de bon. Et tout ça en seulement quelques minutes, il pouvait s'en féliciter. C'est qu'avec les efforts faits lui commençait à avoir chaud, ne restait plus qu'à savoir si elle était en train de manger. Il se retourna donc pour inspecter si le plateau avait été touché, lui et sa gourmande propriétaire. Les mains jointes dans le dos, il revint vers le lit l'air de rien, forçant un air innocent.
« Une Reine qui mange au lit ... le début des mauvaises habitudes ... et des hanches à croquer ! » Un éclat de rire. « Allez, fais moi un petit peu de place s'il te plait ... »
La demande était simple, tout autant que la manière dont il vint s'installer : face à elle. Croisant les jambes, et l'incitant à faire de même, il espérait qu'elle ne bouge pas trop, au final, si ce n'est de faire revenir ses jambes sur elle. Avec douceur, il prit le plateau pour le placer entre eux, sans jamais se défaire de son air joueur, malgré tout. La gravité avait laissé place à quelque chose de plus calme, de plus naturel. Et si elle n'avait pas été aussi blanche que l'oreiller, peut-être que cette scène aurait pu avoir lieu un matin comme un autre. Coupant un petit morceau d'une espèce de brioche locale, il l'approcha doucement de la bouche de sa moitié.
« Un morceau pour .. moi ? »
Il le plaça devant sa bouche, dans l'espoir qu'elle le mange, comme une enfant. Et si ce n'était pas le cas, ce serait lui qui le mangerait, à moins qu'il ne refasse le même geste mais en mangeant le morceau cette fois.
« Un morceau pour toi ... »
Chacun avait droit à sa ration, comme ça, s'efforçant de montrer l'exemple. L'appétit n'était pas tellement là, après les émotions encore fraîches, mais s'il fallait se forcer pour qu'elle le fasse aussi, alors il irait jusqu'à se remplir l'estomac pour elle. L'autre solution, tout aussi joueuse, consista à tremper son index dans le chocolat chaud. C'était plus qu'une addiction pour cette boisson qu'elle avait, c'était une vraie religion. Inexplicable, oui, mais il était prêt à se convertir, là encore. Son doigt chocolaté se dirigea donc sur sa propre joue droite et y dessina un coeur, avant qu'il ne se décide à tendre la joue vers elle. Un moyen de joindre l'utile à l'agréable, comme il leur arrivait souvent de le faire. Et puis cette langue ne le dérangeait pas plus que ça, il s'était fait à ces drôles de manières, un peu bestiales, qui avaient cours entre eux deux. Même lui y prenait goût. Mais ce n'était pas l'atmosphère adéquate pour de telles pensées.
« Tu sais, plus tu manges et plus je t'embrasserai, au final ... Si cela a encore de l'importance à tes yeux, tu sais ce qu'il te reste à faire ma Neige éternelle ... hmm moins bien ce surnom ... ma nébuleuse argentée ! Mieux, mieux ... Et puis il te faudra au moins ça pour arriver à me battre au prochain entraînement. »
Et il recommença son manège en lui tendant un morceau un peu plus gros, cette fois, quitte à la récompenser d'un cours baiser sur ses lèvres, au-dessus du plateau. Un sourire satisfait sur le visage, désormais, c'est sa joue qui reçut une caresse, et ses cheveux qui furent replacés plus sereinement pour lui laisser admirer son si doux visage.
« Bon d'accord, j'arrête là, je voudrais juste tenter une dernière chose ... si tu es d'accord ? Tu me fais confiance, n'est-ce pas ? »
C'était une question qui n'en était pas forcément une, en vérité. Le plateau fut déplacé prestement pour être redéposé sur le bord du lit, pour ne plus les gêner. Avec douceur, après un léger étirement de la nuque, il prit ses mains dans les siennes, sans la quitter du regard. Sans pouvoir s'en empêcher, il fit un baise-main à chacune, avant de reprendre.
« Dis moi comment tu te sens. Est-ce que ... tu as mal ? Tu es fatiguée ? Fermes les yeux ... »
**********************************************Face à elle, un Prince qui faisait de même, en l'écoutant. Lentement, il inspira profondément avant d'expirer avec tout autant de longueur. Ses pouces caressèrent ses mains, et son souffle se calma avec lenteur. Inspiration, expiration. L'écoute attentive, et le repos opéré par l'abandon de la tension qui les habitait. L'exercice qu'il était en train de faire était un défi pour l'initié qu'il représentait, mais cela ne le découragerait pas pour autant. Seul, avec le temps qu'il fallait, il avait réussi à percevoir celle qui rayonnait devant lui. Désormais, couplé dans son effort avec la Grise, et l'état d'esprit complètement différent, la chose s'avèrerait bien plus longue.
« Remplis bien tes poumons, et expires ... »
Il connaissait bien sa leçon. Si Carn s'était évertué à la lui rappeler régulièrement ce n'était pas pour rien. Recommencer, chaque jour, le plus simple des exercices de la Force. Se concentrer et la percevoir. Comprendre sa présence. Encore, et encore, dans le silence le plus total, et l'effort mental le plus complet. Tout reposait sur sa propre discipline de l'esprit, autant pour lui que pour elle, qui ne devait sûrement plus faire cela désormais. Elle avait passé ce stade, et ce besoin, il y a bien longtemps. Cela pouvait au moins l'amuser, peut-être, ou rajouter un peu d'innocence au moment qu'ils étaient en train de passer.
« Fais le vide dans ton esprit ... C'est .. c'est ton père qui m'a appris à faire ça ... Reposes toi sur moi si tu en sens le besoin, ou dis moi si c'est trop exigeant, il faut te préserver ... »
Difficile de se concentrer, lorsqu'on parle. Reprendre, allez. Se concentrer. Inspirer, expirer. Essayer de caler sa respiration sur la sienne, de ne pas se laisser envahir par sa présence. Elle est là sa pire distraction tout comme son meilleur allié, maître de la Force et terrible tentatrice source de beaucoup de questions. Il fait cela pour elle, pour essayer de lui faire comprendre quelque chose, sans arriver à le dire et éviter de passer pour un idiot. Peut-être que tous les deux, unis de la sorte, seraient à même de dénouer le noeud qui planait chez sa Grise. Nouvelle inspiration, plus longue, et le tout rejeté avec autant de volonté.
De longues secondes.
« J'ai vu quelque chose tout à l'heure .. dans .. la Force ... »
Plus il parlait, et moins il arrivait à retrouver l'état de grâce dans lequel il avait réussi malgré tout à se mettre tout à l'heure. Etait-ce de le faire avec elle qui le rendait aussi peu stable ? La justification à tout ce manège était venue un peu tard, sûrement parce qu'il n'avait pas osé le formuler. La crainte que ce soit grave, ou la peur d'avoir rêvé quelque chose avait dominé. Mais pris qu'il était dans son propre piège, forcément, il fallait se donner consistance. Incarner le guide, ici, alors même qu'il n'arrivait pas à se plonger dans la Force. Un bon moyen, donc, de faire bonne figure. Mais l'évocation de son expérience passée serait un point d'ancrage. Ce qu'il avait perçu, ce qu'il avait ressenti, tout ceci lui donnait quelque chose à atteindre. C'était imprimé dans son esprit, et il voulait lui montrer. Lui prouver. Un nouvel effort pourrait se faire. Porté par le souffle régulier d'un Maître en détresse, s'oubliant dans les douces mains de la plus parfaite des érudites, il suffisait de chasser ses propres pensées et ses propres sentiments. Oublier ce qu'il s'est passé, oublier leur monde, n'entendre que le crépitement des flammes, au loin, et le bruit de leurs peaux qui se confondent. Ce palais d'hiver, foyer chaleureux d'un couple bienheureux, est devenu un havre de paix où nulle pensée ne saurait les faire dévier. Le temps n'a plus de prise pour ceux qui s'en distancent. Cette réalité, silencieuse et réconfortante, finit par s'évaporer lentement, au prix de ses sentiments. L'obscurité de la nuit, d'abord. Le calme flagrant, et impassible. Non pas une nuit inquiétante, mais plutôt reposante. De celle qui dissout dans son existence tous les problèmes de la journée. Et la fraîcheur, venue du ciel.
Un zephir sifflant au grès du relief se fait entendre. L'obscurité profonde, très lentement, au gré des rayons de soleil qui percent les montagnes blanches, finit par lever son voile. Leur lit royal, radeau d'une fortune amoureuse, a disparue. Il est seul, dans ce monde derrière ses paupières. Le firmament est splendide. Visible, drapé de son millier d'étoiles. Pas un nuage. Un nouveau souffle, glissant sur sa peau dénudée, finit par réveiller des crépitements.
Un feu, un petit cercle nourri richement de ce bois naturel, crépite de plus belle. Il l'éclaire, et il le réchauffe. Il est doux, et capte son regard dans ce relief encore trop flou pour ses yeux d'humains. Puis une présence. Un saut, une réception,
elle est là. Elle est toujours là, c'est elle qui permet au feu de survivre. Cet amour, brûlant et si prompt à le réchauffer, qu'ils savent observer tous les deux. Son visage contre le sien, sa présence contre la sienne, c'est cet amour qui les éclaire. Incapable d'en brûler les bûches qui l'alimentent, il semble éternel. Nul besoin de se parler, dans ce monde. Nul besoin de formuler quelque chose. S'aimer, simplement, dans un monde comme dans l'autre. Il suffit d'un sourire pour que la flamme grandisse encore.
Mais la vie n'est pas qu'amour. Elle est crainte. Incompréhension. Découverte. Le monde continue de s'éclairer avec le calme qui le connaît. Un univers intouché, immaculée. Bercé par cette neige qui le couvre avec légèreté. Cet horizon inviolé, tout juste éclairé et pourtant reconnaissable. Une vision innocente et si reconnaissable. Ces plaines glacées, battues par les vents, et des monts toujours plus éloignés. Une fenêtre sur leur monde, un spectacle gravé dans sa mémoire. La lumière continue de percer, au lointain. Chaleureuse et salvatrice, la seule à même de révéler la beauté de cette vision. Réchauffés par ces flammes en pleine danse, ils ne peuvent que profiter de la beauté de leur univers. Cette neige qui les berce, ce feu qui fait briller les yeux, et cette perspective qui les enchante. Une vie comme ils n'en connaîtront jamais d'autres, sur cette planète. Un regard, pour cette femme, et un sourire. Mais à l'horizon se dresse un géant. Plein d'énergie, et plein de volonté, ce n'est pourtant que l'aurore. Déjà brillant de mille feux, drapé de couleurs flamboyantes, cet
astre se dessine lentement. Timidement, même. Mais c'est avec lui que prend sens cette planète, c'est avec lui que les plaines se réveillent, et que les montagnes redeviennent grandes et imbattables. Le noyau d'un atome dont ils ne seraient que l'orbite. Lui et son ombre ... une seconde forme, qui pointe à son tour dans les gorges de ces Montagnes Bleues. Un
alter ego tout aussi flamboyant, comme si l'un comme l'autre n'arrivaient pas à se faire de l'ombre. Une cohabitation bien voulue, et presque aussi facilement souhaitée par l'un que par l'autre. Un spectacle si unique qu'il n'arrivait plus à en détacher son regard.
Trop unique. Une inquiétude naquit, au creux de ses entrailles. Une peur suffisante pour faire s'effacer ce monde sous ses yeux, malgré toutes ses luttes. Une peur qui ramena son monde à ce qu'il était, qui rappela la présence de ses mains dans celles d'une autre. L'esprit reprenait sa place, et ses idées redevenaient limpides, fluides. Un éclair, soudain. Une pensée interdite à formuler. Une incompréhension telle que sa voix elle-même semblait atteinte, si basse et perdue qu'elle pouvait être ...
« ... Helera ... tu ... tu es ... c'est ... ? »