L'Astre Tyran

StarWars Online Roleplay Cliquez ici pour voir l'intro...

Image

Monde glacé battu par les tempêtes de neige, la planète abrite aujourd'hui un mélange de Nelvaaniens et de colons issus de l'Ordre Gris. En effet, malgré son éloignement des grandes lignes hyper-spatiales, Nelvaan est aujourd'hui la capitale d'une jeune et discrète monarchie en expansion dans la Bordure Extérieure.
Gouvernement : De Jure Empire - De Facto Neutre
Avatar de l’utilisateur
By Althar Fanrel Keto
#32887
[La rencontre de la Grande Mère]
[Nelvaan – Quelques jours après son arrivée]



Qu’est-ce qu’il pouvait faire froid ici … Même emmitouflé dans une peau de bantha le vent lui glaçait les os. Lorsque la porte s’ouvrit, il ne se fit pas prier pour pénétrer dans l’antre chaleureux où vivait le vieil homme. Sans le vouloir, il lâcha un soupir de contentement en sentant la vie l’envahir. Ce feu crépitant était une vision de rêve après avoir eu à se perdre dans le dédale que représentait la cité pour lui.

    « Merci pour l’accueil … Je m’excuse du dérangement, je voulais simplement vous apporter ce … ce morceau de gâteau qu’on a fait avec votre fille … »

Le Prince esquissa un sourire timide, voire gêné, face à la figure paternelle qui s’affairait dans la hutte. C’était spacieux, à sa manière, mais ce n’était pas le genre d’endroit où il s’imaginait passer toute sa vie. Mais c’est charmant. Mais un peu trop rustique quoi … Enfin, ça dépendait de qui l’occupait avec lui. Sortant ses mains de la protection velue qui le couvrait de la tête au pied, l’offrande fut dévoilée au regard amusé du maître des lieux. Ce n’était pas grand-chose, à dire vrai, voire même un prétexte pour oser le déranger. Quel autre moyen aurait-il eu autrement ? Tout cela était si frais, cette rencontre, cette relation, tout. Il était encore celui à séduire et mettre dans sa poche pour être certain qu’il l’accepte dans son clan. Un ancien et surtout un vieux sage qui devait garder un œil sur sa fille, même si les deux gardaient une distance douloureuse. Mais après tout, ça n’empêchait pas d’aller le voir. C’est pour cela qu’il était là.

    « - Merci, il ne fallait pas Althar.
    - C’est normal … Nous serions très heureux que vous mangiez avec nous quand vous le souhaiterez Monsieur … »

C’est fou, même avec toute la sympathie que pouvait dégager cette barbe blanche il ne pouvait faire se sentir gêné. Carn laissa planer un doute sur sa réponse, sûrement pour ne pas le froisser, et reprit ce qu’il était en train de faire, installé sur son siège. La luminosité n’aidant pas, Althar ne chercha pas vraiment ce dont il s’agissait, visiblement une histoire de plantes. Tout ceci était bien trop neuf pour en saisir les implications, même si son imagination suffisait à faire tout le reste. La soupe de Booros embaumait encore ses esprits pour se douter que tout ceci y était lié. Mais il n’était pas là pour ça. D’un pas lent, découvrant d’un regard vague ce qui l’entourait, c’est comme tout animal meurtri par le froid qu’il se rapprocha du feu.

    « - Votre demeure est très confortable, Monsieur, il faut le reconnaître.
    - On fait ce qu’on peut, mais appelles moi Carn, je te le redemande.
    - Merci, je … enfin … d’accord … »

Il se sentait penaud. Penaud et bouillant. L’effet de la peau de bantha était en passe de se retourner contre lui et l’emprisonner dans sa propre timidité et la chaleur qu’elle lui faisait dégager. Il s’en libéra discrètement, sous les quelques regards toujours plus amusés du Kor’rial. Il devait être un drôle de spectacle pour lui, et une bonne manière d’oublier les choses qui le préoccupaient tant. Ce départ prochain, cette visite régulière de Kuat, tout ceci était bien loin d’un beau-fils un peu maladroit qui essayait de se faire bien voir. Un innocent qui même avec tout le sérieux qu’il pouvait dégager semblait totalement désarmé face à lui. Curieux sentiment au milieu de ce monde d’égaux, sans pour autant faire tâche. Pour le peu qu’il en avait entendu, et le peu qu’il en avait vu, Althar s’était montré curieux et volontaire, malgré les à priori qu’on peut avoir pour un Prince du Noyau. Il était encore loin de s’accoutumer à ce mode de vie, mais les efforts, les premiers, montraient qu’il en serait peut-être capable en fin de compte. Sa fille avait peut-être bien choisie celui qui se tenait à ses côtés chaque jour lors de leurs traversées quotidiennes de la cité.

Même s’il semblait un peu réservé. Le silence inconfortable qui s’installa n’aidait pas. Le têtan n’osait pas le regarder, se grattant maladroitement derrière la tête alors que seuls les crépitements du feu et le souffle du vent à l’extérieur se faisaient entendre. Ca débutait mal. Mais comme l’enfant qu’il incarnait par cet air désemparé, il n’en fallait pas beaucoup pour lire en lui. C’est pour cela que ce fut Carn qui parla le premier avec un air sérieux retrouvé.

    « Tu es là pour une autre raison, n’est-ce pas mon garçon ? »

Hop, l’hameçon était lancé. Et le gros poisson ne manquait plus qu’à mordre, s’il arrivait à trouver la contenance pour parler.

    « Je souhaitais simplement passer du temps avec vous … et .. hmm … »

L’objet des préoccupations du Gris avait disparu de ses mains. De cela il venait de se rendre compte en relevant les yeux petit à petit vers lui, où leurs regards se croisèrent finalement. Les mains jointes devant lui, il semblait attendre l’évidence. Fallait-il lutter ?

    « - C’est que .. il s’est passé quelque chose avec Helera … Non je veux dire, pas dans le mauvais sens, mais par rapport à … à …
    - La Force.
    - … oui … Votre fille m’a fait faire … Enfin … Je ne sais pas comment l’expliquer … Je suis peut-être fou, ou c’était un mauvais jeu avec elle ..
    - Rien n’arrive jamais par hasard, Althar. La Force peut prendre des formes que tu es loin d’imaginer, dont celle que tu veux m’expliquer. »

Nouveau silence, avec une seule différence : le Prince le fixait ardemment. « L’évènement » qui s’était déroulé le premier jour où il avais mis les pieds sur cette planète avait été mis sur le côté au profit de prolifiques activités bien plus passionnantes, à ce qu’il semblait. Deux âmes cherchaient à se retrouver, usant d’une énergie considérable pour parvenir à recoller les morceaux d’un éloignement trop long à leur goût. Quel supplice cela avait été de la quitter, l’heure précédente, pour venir là. Mais elle avait des obligations, et il essayait tant bien que mal de ne pas être une gêne. Assez de plaisirs partagés, donc, et un peu plus de travail. Cacher ses doutes et ses questions dans une occupation permanente n’effacerait jamais ce qu’il avait ressenti cet instant-là. Pourtant, aussi fou que celui puisse paraître, jamais ils n’en avaient reparlé. Jamais il n’avait fait le pas d’évoquer hors de ses pensées cette … magie ? Ce n’était pas un tabou. Pas vraiment. Ils avaient eu l’occasion d’en parler, sur son vaisseau, d’en mesurer l’extraordinaire facilité et tout le génie qu’elle nécessitait. Un jeu alcoolisé, même, nécessaire à briser la méfiance naturelle d’un impérial trop rêveur. Mais pas depuis qu’ils étaient de nouveau ensemble. Pas comme ça, pas aussi simplement, sans l’évidence qu’elle devrait avoir. Cela dépassait sa compréhension, à vrai dire. Ce simple moment, ce qu’il avait vu, ce n’était qu’une infime action de la Force mais elle était une brèche immense dans son psyché.

Ce n’était pas formulable. Pas encore. Et pourtant c’était face à lui que le besoin d’en parler se faisait sentir. Le besoin de vérifier ce dont il était réellement question, le besoin de rassurer cet infantile doute de se découvrir bien plus qu’il ne l’est vraiment. Ce n’est pas faute de ne pas avoir entendu Helera …

    « Viens t’asseoir, mon garçon. »

Sa bouche ouverte, vide de tout son, se referma finalement. Il n’était pas en mesure de s’opposer. Face au geste de son interlocuteur, il prit place avec lenteur non loin de lui sur une bûche qui devait servir de tabouret, au regard de sa surface lissée par le temps.

Le kuati l'observait avec intensité. Cet homme, fort d'une énergie que bien des gens à son âge envieraient, se trouvait face au dilemme du jeune apprenti. Le choix d'une méthode d'apprentissage, d'une façon de faire qui dicterait à jamais ce qui pourrait être fait de cette existence. Un enfant à qui l'on offrait la compréhension de sa propre magie pouvait être modelé à l'envie, il pouvait être guidé dans une direction, puis dans une autre, et naviguer avec aisance dans celle qui lui permettait le mieux d'y arriver selon ses capacité. Mais un adulte ... Si âgé ... La possibilité que tout ceci soit impossible était très grande. Suffisamment pour qu'un maître, aussi fantasque fut-il en général, s'en trouve forcé au calme et aux méthodes les plus calmes et les plus claires qu'il connaissait. Une nécessité pour s'assurer d'une réussite à minima chez celui qu'il commençait à apprécier, et que la perspective de le voir échouer ne l'enchantait pas. Cette singularité, cachée chez un nombre inconnu di'ndividu, restait un don formidable qui méritait d'être découvert. Peut-être que cet homme, aussi humble fut-il face à lui, méritait de pouvoir le découvrir à son tour. Alors pour cette première fois, pour cet instant entre tous les deux, il serait calme, et attentif. Il serait l'ancien maître qu'il fut il y a longtemps, et il accompagnerait à sa façon celui qui pouvait échouer à chaque instant. Voilà la seconde force des Jedi, voilà ce qu'il était prêt à faire pour sa fille.

    « Il y a des évidences que l’on ne voit pas toujours, alors qu’elles sont en face de nous. Il y a des choses que l’on t’a répété, toute ta vie, et qui t’ont bandé les yeux … Tu as l’intelligence de connaître la nature de l’Empire, tu comprends de quoi je parle, Althar. »

L’un et l’autre se regardèrent un instant, laissant au silence le temps de digérer ce qu’on essayait de lui faire comprendre. Si quelqu’un était entré là, à cet instant, sûrement n’y aurait-on pas vu un Prince. Simplement un jeune homme en plein questionnement, loin d’incarner la royauté face à un ancien qui tâchait de lui apprendre une leçon avec le calme de la Grande Mère. Cette voix de la sagesse, incarnation parmi tant d’autre de la paisible harmonie de ce monde.

    « Tout ça dépasse l’Empire, Althar, tout ça dépasse simplement les mots. La Force n’a pas de limites. Elle est un tout que tu dois ressentir avant d’espérer le comprendre. »

Un sourire élargit son visage sans qu’il ne cesse de regarder avec intensité cet apprenti d’un jour.

    « La suite ne dépend que de toi, maintenant. »

Carn reprit sa posture d’attente, essayant de ne pas trop prendre cet air enjoué lié à cette découverte. C’était là un plaisir singulier que de voir naître sous ses propres yeux un apprenti de la Force. Surtout, c’était une sensation qu’il n’avait pas connu depuis longtemps. Sans le chercher vraiment, ni même le vouloir, peut-être, il s’en trouvait tout de même le maître potentiel de celui qui convoitait sa fille. Et comme si l’ironie ne suffisait pas à cette image silencieuse, il s’apprêtait peut-être à former un Prince impérial, et le fils du numéro 2 de l’Empire. Mais cela aurait été peut-être aller trop loin face aux préceptes Jedi que d’y voir là l’occasion d’une pseudo-vengeance. Non, l’éclosion d’une fleur restait un spectacle suffisamment rare à ses yeux pour l’apprécier. Elle était l’aboutissement d’un potentiel qui était en passe de prendre sa forme primaire, et de trouver la force nécessaire pour accéder à la compréhension concrète de leur propre monde. C’était redonner la vue à un aveugle, et finalement tendre la main à quelqu’un dans le besoin. Tout cela et rien à la fois. Il ne manquait que les mots d’Althar pour que ce processus débute enfin.

    « J’ai … » Il déglutit. « J’ai … c’était un vêtement et je ne sais comment, en me forçant à le faire sans les mains, il s’est déchiré … C’est Helera qui m’a fait faire ça, je ne l’avais jamais fait auparavant. On ne peut pas devenir Jedi à 30 ans, n’est-ce pas ? On peut pas se réveiller .. un matin et avoir soudain tout plein de pouvoirs comme on les voit dans les Holofilms … Si ? Je ne l’ai jamais demandé, je .. j’ai rêvé de ce qu’étaient les Jedi mais … moi ? Ma vie a déjà trop d’avantages par rapport à tant d’autres que je ne peux pas … je ne peux pas l’accepter .. Ce serait égoïste, et puis vous êtes tous des … Enfin vous comprenez, tous des maîtres de la Force, tous des gens si différents, qui avaient vécu tant de choses … Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce serait moi ? Elle dit que je le suis, Loran le dit … Helera … »

Et voilà. Le patient face à son psychiatre. Un filet d’eau devenu rivière, et un doute reconverti en certitude. Mais il n’avait pas tout dit, encore. Le kuati ne bougea pas, ni ne parut sourciller. Il attendait quelque chose de plus. Le crépitement du feu reprit lentement sa place entre eux, baignant leurs visages de sa lueur chaleureuse. Une dernière chose, Althar, allez.

    « Je .. suis prêt à vous écouter et comprendre, Monsieur Kor’rial. »

Ils y étaient ! Il est facile de saisir quel est son propre problème, mais il est toujours difficile de l’accepter. Après tout ce temps à s’observer, tout ce temps à contempler l’évidence, les mots avaient formulé l’unique raison qui l’avait mené à la rencontre de cet homme. Il aurait pu trouver bien d’autres choses à faire, à découvrir, à apprendre sur ce monde qui lui était toujours inconnu, mais il était venu ici. Sans trop réfléchir, sans préparer la raison de sa présence ici. Il avait tout à craindre de ce vieil homme, mais il avait préféré le confronter plutôt que de tenter d’aller espionner Loran ou Helera. Non, définitivement, les choses avaient fini par se mettre en branle dans la Force et le chemin le menait à lui. Oh oui, le père souriait. Parce que tout ceci ne le surprenait pas, et se trouvait être même ce qu’il attendait de lui. Il avait seulement fallu un coup de pouce de sa fille pour que cela se réalise, mais là encore telle était la volonté de la Force.

    « Mes mots ne suffiront pas pour ce que tu t’apprêtes à vivre, mon garçon. Viens, retire tout le superflu, et assieds toi près du feu. »

Il se releva avec une étonnante fulgurance, à l’opposé de l’attitude qu’il pouvait donner s’il se laissait aller au confort de son siège. Sa main désigna une zone au sol, sur les peaux de bête, afin qu’il prenne place. Althar ne savait pas trop dans quoi il s’embarquait. Il avait déjà vu faire les chamans, tout cela avait l’air d’être un coup à consommer un peu trop et se prendre soudainement pour l’oracle d’un temps nouveau. Mais cela aurait été aller contre ses propres ressentis. Il … il était en confiance, avec lui. Même s’il redoutait ce qui pouvait se passer, au fond de lui l’appel était plus fort, et la figure Kor’rial imposait d’une autorité sincère sans le vouloir. A présent, les dés étaient jetés. Et lui, assis les fesses par terre, face au feu de bois qui illuminait la pièce. Derrière lui, son guide faisait un peu de place et s’assurait qu’ils ne seraient pas trop dérangés le temps de leur opération.

Puis vint le moment où il n’y eut plus de bruit, mais plus de présence non plus. Althar n’avait pas bougé, ni ouvert la bouche. Les jambes croisées, les mains sur les genoux, la pose était classique, et vue et revue dans tout ce que sa curiosité l’avait poussé à regarder. Il s’essaya à rouler lentement sa tête sur ses épaules, et ferma les yeux. Son esprit n’avait de cesse de reformuler les questions qui le traversaient. L’épreuve qui s’annonçait serait … complexe.

    « Althar … fermes les yeux et écoutes ma voix, à présent … »

Où était-il ? Il n’arrivait pas à le situer derrière lui, jusqu’à se demander s’il était parti de la hutte ou non. La réponse semblait négative.

    « Respires pleinement, mon garçon. Inspires profondément … et expires … »

Le ton s’abaissait lentement. Le temps semblait ralentir. Le feu crépitait au gré du bois qu’il parvenait à ronger de sa gourmande flamme. Le vent battait lentement contre les parois de l’habitation.

    « Inspires profondément … et expires … »

L’opération était minutieuse. Répétée, encore et encore, jusqu’à ne plus entendre que sa propre respiration.

* Cesses de penser, Althar … Ecoutes le monde qui t’entoure, et oublies ce que tu es … *

Une longue respiration.

* L’univers est un tout qui vit en harmonie. Le souffle du vent glissant sur le sol, le crissement de la neige lorsqu’elle est foulée, le crépitement du feu qui brûle tout doucement … *

Il fallait qu’il entende tout cela. Qu’il oublie son esprit pour un temps, et qu’il écoute simplement. C’était un peu dur, au départ. Et même au milieu.

* Fais le vide dans ton esprit. Oublies moi, Althar, et écoutes ce qui t’entoure. La Force est partout, dans chaque être, chaque chose qui nous entoure. Tu la sentiras comme tu sens la chaleur de ce feu, et tu comprendras. Fais le vide en toi, et tu comprendras … *


Et ce furent là ses derniers mots. Ce travail sur soi était solitaire. A présent, il était seul. Comme il l’avait toujours été, jusqu’à présent. Seul enfant, seul Prince, seul rêveur et seul amoureux d’idées stupides. Il s’était même retrouvé seul sans Helera. Seul et silencieux, tentant difficilement de lutter contre sa propre personne, dans un combat sans pitié pour arrêter de réfléchir. Il n’était question que d’écouter, que de faire le vide. Pourquoi est-ce que cela devait être compliqué ? Non, cela ne l’était pas. Pour un apprenti en bas âge.

Inspirer, et expirer. Lentement. S’oublier. Le feu, face à soi. Sa chaleur, et le mouvement de ses flammes. Le craquement d’une bûche, et le bruit d’une étincelle qui s’envole avec fureur. Respirer profondément. Cette chaleur, qui serpente au gré du vent. Instable, vivante, unique. Solitaire, et sans danger. Elle vacille comme elle l’entend, sous les caresses d’une respiration venue de loin, et d’un Prince qui sombre lentement. Au-dessus, des doigts se glissent sur la cage qui le protège. Immatériels et insaisissables, invisibles, même, formés par l’imprévisible fureur de la Grande Mère. Ce vent venu de loin, capable d’apporter la tempête tout comme le calme. Son chant était celui de l’espoir, aujourd’hui, il essayait de l’aider. Pas de colère ni de remontrances pour cette matinée, l’humeur était bonne. La cage ne plierait pas, et le feu survivrait. L’harmonie invisible, subtile et inévitable.

Il n’était rien, face à tout ça. Un spectateur, peut-être, qui redécouvrait l’existence. Une seconde naissance ? Certains sensitifs disent que oui, d’autres disent que l’on parle trop. Redécouvrir les plaisirs simples. Simplement ça. Sans pensées ni réflexions. Parce que le monde vit sans que l’on y réfléchisse. Les choses vivent autour de soi, elles vivent sans que l’on y soit, sans que l’on interfère. La vie et la mort, le feu et le vent, la chaleur et le froid. Son épiderme réagissait de lui-même aux assauts qu’on faisait contre lui simplement parce que c’est le sens de cette harmonie. Parce que la volonté de vivre, et d’exister sur ce monde est rendue possible parce que tout s’accorde, tout se répond. La peau face au froid, et le vivant face à la chaleur. L’appel timide, et un besoin assouvi sans réflechir. Les crépitements du bois, encore.

Et les liens invisibles qui l’ont placé cette toile. Discrets, inaccessibles, honteusement réprimés dans la crainte qu’ils ne soient que source d’une douleur connue par le passé, ils étaient là. Timides. Brillants. Intouchables. Respirer, encore, pour se rendre compte que cela n’existe pas. Qu’ils sont là, qu’ils l’ont toujours été, mais qu’ils sont … invisibles ? Intouchables ? Irréels. Ils sont une sensation, une évidence, un frisson qui parcourt la nuque, et une satisfaction inexplicable. Ils paraissent si loin, encore, si vaporeux, mais dans l’étrange tableau d’un monde en harmonie, ce sont eux qui permettent à l’ensemble de s’accorder. Inconsistants, peut-être, ou insipides. Il suffirait de tendre la main … Ou l’esprit, plutôt, pour essayer de les appréhender. Un effort, un dernier, pour lutter contre la toile qui le retient. Cette lourdeur pour se mouvoir, pour arriver à déceler les frontières de cette énergie, et l’impression de n’en voir qu’une partie infime. Un effort, le plus important de tous, pour y arriver, pour gratter la surface, une seul et unique fois, d’une main tendue.

Le monde qui tourne. Une sensation bien réelle, une main sur son épaule. Revenir à la réalité est difficile. Plus, peut-être, que de se plonger dans ce monde là. Pataud, les yeux luttant pour retrouver l’habitude la pénombre, le feu semble dangereusement près de l’extinction. Une présence à un genoux à terre, à côté de lui, et lui parle de sa voix sage.

    « … thar ? Mon garçon ? »

Carn se tut, voyant bien que le Prince émergeait à son rythme. L’endroit semblait plein d’odeurs nouvelles, mais il lui semblait pourtant s’être installé là un moment plus tôt à peine. Lorsque finalement il sembla plus frais, et à une température redescendue, le beau-père lui tendit une main pour l’aider à se relever en douceur.

    « Tu m’as l’air bien pâle … Je t’ai laissé il y a des heures, et tu n’avais pas bougé d’un poil. Helera commence à s’inquiéter de ne pas te voir rentrer. Et vu ton état, ton périple n’a pas été de tout repos n’est-ce pas ? »

Althar sentit une main lui tâter une joue, et le front ensuite. Il n’avait pas encore remis les pieds totalement sur terre, mais la fraîcheur de cette peau qui le touchait avait le don d’accélérer tout ça. Un sourire cependant se dressa face à lui. L’homme barbu avait laissé tomber son inquiétude pour une sympathie sincère qui se lisait sur son visage. Le Prince voulut formuler une réponse quelconque, mais sa gorge lui parut un peu trop sèche pour s’y risquer. Seul un sourire se fit pour réponse, timide et fatigué. Il lui tapota donc la joue avec douceur.

    « Je t’ai montré la voie, Althar, maintenant il ne te reste plus qu’à l’emprunter … Elle saura te guider. »

Elle … Celle qu’il venait de quitter, ou celle qu’il s’apprêtait à retrouver ? Quelle amante serait le phare de son apprentissage, et de son nouveau monde ? Il le saurait bientôt, peut-être, si ses pas arriveraient à le ramener vers le château. La pensée envoutante d’une Reine aux cheveux gris qui l’attendait en haut des marches lui apporta un réconfort soudain, sans pour autant balayer la plénitude de l’expérience qu’il venait de vivre. Il s’enroula lentement dans sa peau de bantha tandis que le kuati s’était mis en tête de relancer son feu en difficulté. Un dernier regard se posa sur lui, avant de sortir.

    « Merci .. Carn … »
Avatar de l’utilisateur
By Helera Kor'rial
#32888
« Tu en as mis du temps. C’était bien ? »

Journée ordinaire de son côté, en passant une partie de celle là à négocier des frontières entre les clans. Le clan des montagnes bleu voulaient s’accaparer les terres désolées au centre, grapillant l’espace au peuple des pins hurlant, eux. Mais sans prendre en compte l’avis de ceux des Hautes terres, installés il y a peu sur la rive droite de l’Enhna, au seul point de passage existant. Ils menaçaient d’y instaurer un blocus de l’autre côté, si l’un ou l’autre des clans ne voulaient pas les laisser chasser dans la plaine, fourmillante de gibier. Les trois chefs de clans étaient bien au fait des frontières mais cherchait à s’accaparer les ressources, par peur de manquer de quoi que ce soit dans les temps difficile. Helera y dû trouver un compromis en attestant que la plaine n’appartenait qu’à la grande mère et que tout le monde pourrait y chasser. De même que le passage se devait d’être toujours ouvert pour traverser la rivière. Chacun pourrait s’y développer et chasser selon les besoins stricts de sa population. En plus de cela, les ressources des trois clans n’étant pas les mêmes, elle y instaura des routes de passages vers la triade afin d’approvisionner les uns et les autres. Alors on pourrait voir d’ici peu l’arrivée de poisson dans le village, ou encore d’un minerai de cobalt, présent dans les montagnes bleues. Les villes nouvellement créées obtiendraient toute l’aide nécessaire pour se développer. Comme il s’était passé quelques mois auparavant avec le clan de la vallée des lacs, qui avait désormais une vraie infrastructure de cité. Avec canons lasers et systèmes de visée automatique. La journée s’était terminée finalement et n’ayant pas vu Althar, en avant déduit qu’il en était encore à s’entrainer. Alors, s’était-elle dit qu’il serait prêt. Prêt à poursuivre son entraînement, en commençant, non pas par le sabre, mais par la pensée. La dernière tentative l’avait faite souffrir et tombée dans les pommes de neiges, aussi ne voulait-elle pas réhitérer l’expérience.

« Ne défaits pas tes affaires, on va repartir directement. Il faut que je te montre quelque chose. »

Il avait une mine hagarde, presque fatigué. Lui aussi avait dû subir une éprouvante journée. A la découverte de son identité. Mais ce n’était pas fini. Elle esquissa un sourire et déposa un baiser sur sa joue au passage, tout en le dépassant et franchissant le seuil de leur appartement. Le soir allait tomber, une fin d’après midi correcte qui avait déjà vu l’étoile disparaître, plongeant cette partie là de Nelvaan dans la pénombre. Dans les escaliers en colimaçon, Helera s’arrêta et sortit de sa poche un objet longiligne.

« Tiens, c’est des protéines, histoire que tu ne tournes pas de l’œil. Ça m’embêterait de devoir te porter toi aussi. »

Ils ne descendirent qu’un étage et s’arrêtèrent au niveau de la salle de buffet, c’est-à-dire au R+1 par rapport au rez de chaussé et la salle du trone. Helera récupéra une torche sur le mur, installation vétuste mais éprouvée et approuvée par le temps. En silence, guidés par leur bruit de pas seulement, elle longea les murs vides, la salle vide et absolument tous les autres trucs … vides. Jusqu’au passage que le Prince n’avait surement jamais emprunté, celui du Cercle des Elements, lieu de culte à la grande mère, qui avait vu bon nombre de cérémonies.

« On arrive à l’endroit que je voulais te montrer. Au centre tu vois, il y a un grand foyer qui permet d’allumer à des kilomètres à la ronde. Tu peux voir tout le village d’ici, et quand c’est allumé, crois-moi, tout le monde te voit. Le vent vient des hauteurs, ce qui amplifie le son de ta voix. C’est une zone d’oration naturelle. Sur l’autre flanc, tu as la plateforme d’atterissage, avec ce même phénomène. »

Finalement, elle se dirigea au niveau de la roche passant la lumière du feu sur le mur. Il y avait des dessins. Des scènes de chasses, un cercle avec des bonhommes prostré devant une divinité étincelante, au centre de tout. Puis d’autres scènes de chasse. Tout cela dessiné avec la peinture bleue qui servait de tatouage à Helera. Cette dernière d’ailleurs passa une main sur le mur, caressant avec le plus grand respect les gravures qui s’y trouvait.

« La Grande Mère est au centre de tout, tout ce qui est. C’est un … un autre nom pour la Force, en réalité. Sauf que c’est sans doute la version la plus réelle. Puisque ce n’est pas fictif. Pas vraiment. C’est compliqué sans la voir. « La Grande Mère de ses yeux étincelle la vitalité du peuple ». »

Helera ne parlait qu’en Nelvaanien avec Althar désormais, et venait en réalité de lire les inscriptions qui était inscrite au dessus de la fresque centrale. Celle avec la divinité dont les bras paumes ouvertes étaient tendus vers le peuple. La reine passa alors ses doigts sur les orifices qui formaient les trous des yeux et y passa deux de ces doigts. Il y eu un déclique, puis le mur trembla et lentement se souleva, élevant l’image de la divinité et laissa un passage dans la montagne.

Image


« Je pense qu’il est temps que tu connaisses les prophéties. Et que tu rencontres celle pour qui je me bas. »
Avatar de l’utilisateur
By Althar Fanrel Keto
#32914
C'était donc ça la Force, ce sentiment de plénitude, cette liaison évidente entre toutes les choses qui pouvaient exister, et l'impression de comprendre enfin où était sa place dans l'univers ? Le Prince, emmitouflé dans ses peaux de bête, remontait d'un pas lent et l'air perdu la voie qui le menait jusqu'au château. Mais plus qu'un véritablement mouvement volontaire, c'était là un automatisme que son esprit se permettait suite à ce qu'il venait de vivre. La Force ... Magie ultime d'un monde de science, dernier lieu de rêve dans cette Galaxie où tout a été expliquée, le mystère en serait à jamais sa caractéristique. Et lui comme tant d'autres venait de se glisser dans ce grand lac où mille lumières brillaient ça et là sous le regard bienveillant d'une nuit étoilée. Il n'y avait plus ni froid ni solitude, simplement l'étrange satisfaction d'une vérité révélée.

Cela faisait des mois qu'on lui répétait. Des mois qu'il refusait. Elle, sa Lera, son phare, avait été la première à le lui dire. Ce visage d'ange qui n'avait été qu'une tentation physique avait été si prompt à lui dévoiler la vérité qu'il n'en avait cru qu'une bride, tournant le dos à ce qu'il pensait n'être qu'un songe d'un enfant trop rêveur. Puis d'autres, au fur et à mesure que sa route se rapprocha d'un filet épars de magie de bien des couleurs, furent de nouveaux murmures dans son oreille sourde. Un sensitif ... C'était absurde ... Si absurde ... Pourquoi l'aurait-il cru ? Peut-être que Lera fut bien trop prompte à le lui-dire. Un jour plus tardif, lorsque leur relation fut plus confiante, aurait-il pu l'entendre vraiment, et le vivre avec elle. Mais tout fut bousculé par ce mal, et son origine paradoxalement liée à la Force. Justement. Elle lui avait dit, une nouvelle fois, dans ce lit partagé, mais il était perdu. Perdu dans des sentiments naissants, et par la perspective d'une fin qu'il ne comprenait. Et c'est à cet instant, où l'on se découvre une chose que l'on n'imagine plus quitter, que tout semble bien plus grave. Ce n'était plus qu'un détail soudain, perdu au milieu d'un univers qu'il ne comprenait plus. Tout ce qui se passe, tout ce qui arriva, tout ça fut autant un traumatisme qu'une libération. Mais cela ne comptait plus. Pas avec elle dans les alentours. S'il y avait bien une magie dans laquelle il s'était perdue, ce jour-là, ce fut bien celle que dégageait la Grise qui venait de le sauver. Mais l'histoire n'a pas de fin nous apprend-t-on. La dernière étape fut ce havre de paix, ce nouveau foyer en devenir, peut-être, où il commençait à envisager l'idée de s'y établir pour longtemps. Des enfants, oui, mais surtout elle. Unique et seule personne capable de lui faire comprendre l'incompréhensible. Un havre de paix et de protection, voilà ce qu'elle avait bâti ici, et voilà ce qu'il découvrit, désormais, lorsque ce fut son tour.

Elle avait bien joué son petit tour. Le désir, puissant déclencheur, n'avait été qu'une manière définitive d'ancrer dans son esprit des mots que ses oreilles refusaient. Elle en était la seule capable, et elle n'eut guère de mal, finalement. Il souriait, bêtement, saluant un ou deux nelvaans qu'il croisa sur son chemin, avant d'entamer sa montée des marches du château. Un havre de paix, oui, qui prenait sens à l'instant où il offrait sa chance à celui qui acceptait de prendre cette main tendue. Les mots ne servaient à rien. Jamais, pour cette magie. Ils sont trop limités, trop biaisés et inadaptés pour décrire cette sensation. Ce sixième sens, qui avait toujours été là, mais qui ne fut jamais exploité. Son expérience n'avait rien de formidable. Une longue méditation, voilà ce que ce fut, rien de plus. Cela en était presque pathétique. Mais c'était important. Aussi important que naître une seconde fois, et ouvrir les yeux pour contempler le monde une seconde fois, innocent de ces nouvelles couleurs qui furent toujours là, sans jamais les percevoir. Une expérimentation à même de lui faire comprendre, lui, Prince matérialiste et lointain, qu'il était bien plus que cela. Qu'il y avait des choses, autour de lui, qu'il n'avait jamais vu. Et que Nelvaan, demain, serait son havre de paix.

Il ouvrit la porte sans brusquerie. Tout se lisait sur son visage, de tout façon. Un sourire béat, et un air marqué par une forme de fatigue physique indolore. Elle était là, visiblement à l'attendre, quand il quitta ses rêveries pour poser son regard noisette sur elle. Comme à l'accoutumée, le premier geste fut de venir goûter à ses lèvres sans se départir de sa satisfaction apparente. Souriant, ses yeux perdus dans le bleu des siens, et ses mains posées sur ses joues. Il lui devait tout, elle méritait bien plusieurs baisers. Il la relacha cependant, sans se départir de l'étrange douceur qui animait chacun de ses gestes un peu mous.

    « C'était ... fou .. ? Inimaginable ... Et toi ... Vous ... tous les trois ? Ca a été ? »

Il mit un instant avant d'arriver à trouver la bonne désignation. Cette condition était difficile à faire rentrer dans son quotidien, pourtant, à chaque fois qu'il jetait un regard à ce bidon à peine rebondi son esprit se persuadait qu'il avait grossi. Une caresse légère se glissa dessus subtilement, en souriant à Helera, et il s'éloigna pour commencer à retirer l'imposante peau de bête. Il faisait bien meilleur ici de toute façon, et seule l'envie de se coucher dans leur lit subsistait maintenant. Inutile de garder autant de couches de vêtements donc. Mais ce fut à mi-chemin de son déshabillage, avec un bras déjà au-dehors, que la malicieuse Reine l'interrompit.

    « Hmmm ... ? »

Son esprit était un peu long à la détente, et déjà était-elle en train de quitter l'endroit alors qu'il venait de sentir ses lèvres sur sa joue. Althar accéléra le pas, non sans attraper le manteau de la Grise au passage. Même perdu dans le bienêtre de cette expérience, son besoin de prendre soin d'elle restait très fort. Il se dépêcha de la rattraper pour essayer de lui poser la peau sur les épaules et pourquoi pas l'entourer d'un bras dans ce périple, mais elle s'arrêta devant lui, sans qu'il ne le voit venir. Heureusement qu'ils ne courraient pas, auquel cas elle finissait écrasée et la nuque brisée par son amant, en bas de l'escalier. Ses yeux fixèrent l'objet qu'elle brandissait, et finalement un grand sourire se dessina sur le visage du Prince.

    « Peut-être qu'on ferait bien de partager alors, au cas où ... »

Elle n'en serait pas capable de toute façon, alors bon. Il ne se gêna pas pour manger tout en tenant la main de sa compagne dans son autre main, se laissant guider dans un silence partagé. Pour une fois il n'était pas bien bavard, certainement l'avait-elle remarquée. Le chemin lui était relativement connu, uniquement parce qu'elle avait daigné lui faire visiter l'endroit une fois. Autrement ... ce n'était qu'une découverte, l'air curieux. Ce couloir, et cette porte mystérieuse au fond la pièce. C'était curieux. Et dire qu'ils habitaient juste au-dessus ... Elle avait l'allure avec cette torche, tiens. Une vraie Reine du bout du monde. Il sourit de plus belle, avant que ses pensées sautent sur autre chose. Vint finalement là où elle voulait aller. Une pièce, aussi imposante que celles dans le château, avec un vaste cercle de pierre au milieu. La voix fluette d'Helera se répercuta soudainement ici-bas, et son regard partit dans une contemplation curieuse de ce qu'il y avait là. Il lacha un instant la main qu'il tenait au chaud pour faire un tour sur soi-même et essayer de mesurer l'ampleur de là où il se trouvait. L'impression que donnait l'ensemble détonait tellement avec le château que son esprit embrumé eut du mal à se dire qu'ils venaient de traverser un couloir pour arriver là. Et vu la taille de l'âtre, cela ne l'étonnait guère qu'on puisse voir le feu aussi loin. Par contre, quelle galère pour amener de quoi faire brûler. Ses yeux cherchèrent la source du vent, mais la nature lui rappela combien l'invisible est insaisissable. Quel lieu étrange, et si près ? Il ne trouvait rien à dire, mais ses déambulations parlaient pour lui.

Cependant, il ne fut pas long à s'approcher du mur éclairé par le feu de la torche et retrouver la main d'Helera, d'un air étonné. Des peintures rupestres d'un temps ancien, qu'il voyait de ses propres yeux. Un bout d'histoire, celle d'un peuple qu'il apprenait à connaître, qu'il lui était offert de voir en personne. Qui avait déjà eut cette chance par le passé ? Il y avait là une certaine splendeur à cette innocence retranscrite par autre chose que des mots. Il hésita à toucher, timidement. Du bout de l'index le têtan s'y risqua pour tâter de la texture de ce qui était sous ses yeux, avant de prestement retirer ses doigts d'humains. Ce n'était pas sa culture, et ce n'était pas une source de plaisanterie. Elle lui faisait un honneur de l'amener là ... C'était en tout cas comme ça qu'Althar le comprenait, et c'est pour cela qu'il s'efforçait d'être à la hauteur.

    « Quel ... quel est ce bleu ? Il est ... c'est ... ? »

Entendre sa propre voix amplifiée le surprit au point d'avoir à reprendre sa propre phrase. Cependant, la question était sérieuse, source de curiosité. Cette couleur lui semblait répandue sans qu'il ne sache pourquoi. Il n'y avait guère de colorants naturels ici, à ce qu'il lui semblait. Déjà que peu de monde peuvent se vanter d'en avoir encore, ici le froid et la neige faisaient que cela semble totalement improbable. Pourtant, à force de réflexion, il comprit où il avait déjà vu un tel bleu, sans pour autant l'évoquer. Mais il renvoyait à la nudité immaculée de celle qui lui éclairait la voie. Ses yeux quittèrent le visage d'Helera, qu'il contempla un instant, pour repartir sur les peintures. L'explication offrait une lecture plus intéressante, et surtout éclairante sur la raison de leur présence. La Grande Mère ... si évoquée et si peu vue. Un mythe fondateur, et une explication à tout. L'harmonie d'un monde. La protectrice de cette paix. Même un lointain Prince du Noyau lui était redevable. Sans savoir ce qu'elle était. Sans arriver, jamais, à en comprendre les brides d'explication qu'il ne cherchait de toute façon plus à quémander, après les discussions qu'il eut avec Booros et Helera. C'était donc la Force ... incarnée ? Etait-ce possible ? Ses yeux, et son corps en lui-même, restèrent posés sur sa représentation d'autrefois. Ce peuple vivait autour d'elle. De son existence. Du lien qu'elle avait fait naître entre eux et leur environnement. La Force ... La même qui justifiait qu'on chasse les sensitifs, ou qu'autrefois la Galaxie entière s'entretue. Cela paraissait totalement incroyable. La même Force, ici, ou là-bas. Celle qui avait accompagné l'Impératrice Têta par sa lumière, ou Dark Vador par sa puissance.

Son Nelvaanien n'était pas encore très optimal, mais il comprit à peu près ce qu'elle voulut dire, esquissant un sourire en sa direction, sans bouger, pour lui signifier qu'il avait comprit. La religion, voilà quelque chose qui lui était fondamentalement étranger. Le culte d'une figure mythique, et d'une croyance magique qui les unirait tous. Tout ceci s'était éteint il y a des millénaires, du fait des sciences et de cette Galaxie aux milles préoccupations plus grande que la religion. C'est ce dont il était persuadé, même si en réalité le culte de Têta aurait pu paraître pour une religion ... ou une secte. Mais l'idée le piquait au vif. Comment pouvaient-ils croire en cette figure ? Cette Force, sans jamais la percevoir ? Etaient-ils donc tous sensitifs ? Et puis ...

    « Helera ... N'es-tu pas ... Ohorag Nelvaar ... ? La ... la Déesse de ton peuple ? Tout ceci est tellement ... incroyable ? Comment peuvent-ils la voir, autrement ? Quand tu n'étais pas là ... Et puis ... »

Il se tourna vers le reste de la pièce, vers l'âtre, et toutes les autres peintures qui les entourait. Tout cela était une folie, une ampleur inimaginable pour un peuple qui lui semblait soudainement si jeune, si innocent. Pas de technologie, pas de vices, pas de perdition dans la stupidité d'une Galaxie si prompte à ses pulsions.

    « Cette grotte ... Depuis quand est-elle là ? Qui l'a peinte ? Est-ce qu'ils ont bâti ton château exprès au-dessus ? On habite si près, Lera, là, vers là, au-dessus ... Est-ce que ce n'est pas fou ? Ton peuple est si ... surprenant ... Elle existe, vraiment ? »

Les doigts de la Grise se posèrent sur la pierre, une nouvelle fois, et il eut visiblement sa réponse. Ce n'était qu'un début. Une mise en bouche. Une nouvelle fois il fit avec rapidité les quelques pas qui la séparaient d'elle, pour retrouver sa main. Sa phrase lui fit un drôle d'effet, à moins que ce ne soit qu'un frisson de froid. Celle pour qui elle se bat. Il eut une boule au ventre. Quelque chose attendait là ? Derrière ce passage secret digne d'un holofilm ? Il eut un instant d'hésitation, l'air sérieux, avant de se décider à serrer un peu plus fort la main de la Grise et esquisser un petit sourire.

    « Je suis prêt à écouter ... et rencontrer ... »

Sa voix n'était plus qu'un murmure respectueux. Reprenant un peu plus de sérieux, son pied gauche recula et il inclina le buste pour saluer la sagesse de son guide. Peut-être par gourmandise, mais non par manque de respect, il posa avec délicatesse un baiser sur le dos de cette main. Et deux mots en nelvaan difficiles à formuler pour le têtan qu'il fut.

    « Guide. Reine. »
Avatar de l’utilisateur
By Helera Kor'rial
#32917
Ambiance


« C’est une couleur produite par des larves. On les utilise dans des rituels particuliers. Elles sont la main de la Grande Mère. L’expression de sa volonté. Les schémas qu’elles forment symbolisent différents sentiments. Mais en général, ce sont des marques de courages et de bravoures. Normalement, elles partent au lavage, mais j’ai demandé à ce que les miennes soient gravées dans ma peau. En signe de dévotion et pour me rappeler en qui va mon allégeance. »

Elle laissa trainer sa main une fois sur la peinture rupestre représentant la grande Mère. Observa ses courbes, la manière dont elle était dessinée. Les doigts qui avaient pris soin de la représenter. Helera l’avait vu. Elle, lui, ça. Le tout. Cette figure. La blancheur de ces cheveux, l’impériosité de sa stature. Puis finalement, ils étaient rentrés. Il était cependant à noter que cet endroit n’était pas fermé. La porte qui était liée à son trône menait vers l’extérieur et le cercle des éléments était une zone située sur un à-pic, balayé par les vents de la montagne qui la surplombait. C’est pour cela que tout le monde pouvait la voir, parce que cette a-pic irradiait tel le rocher du lion à des kilomètres à la ronde. Et le foyer central était le phare de leur clan, tandis que le vent des montagnes portait la voix. Mais seulement possible en extérieur. Et la roche qui s’était ouverte était une partie de cette montagne, une partie de cette peinture rupestre. Le foyer des prophéties. La roche vrombit sous le mécanisme et tous deux s’y engouffrèrent, main dans la main.

« Tu vas comprendre ce que je suis. Le château a été construit à proximité précisément pour cette raison. »

Helera cependant garda le reste du mystère et se contenta d’esquisser un sourire à son conjoint. Le maître ne dévoilait pas tous ses secrets tout de suite. Et puis il devait avoir de ses propres yeux. Tout savoir. L’air dans la grotte était inexistant. On entendait par moment un souffle strident qui s’élevait dans les hauteurs, que seule la lumière de la torche ne pouvait pas atteindre. Des gouttes tombaient çà et là sur le sol et ils marchaient dans de petites flaques. Les sons semblaient étouffés et pourtant très lointains. Il y avait un paradoxe sonore en ces bas-fonds. Les murs d’abord de glace devinrent de roches. La roche de la terre mère, l’épiderme de sa peau, de sa consistance. Tandis qu’ils approchaient du cœur, du cerveau. De la zone spirituelle. Le cercle des éléments sur tout Nelvaan était connu comme un lieu de piété. Mais il n’était pas le seul, et il en existait beaucoup comme celui-ci. Des lieux de cultes. Mais à travers chacun de ces lieux, se trouvait une zone secrète. Toujours. Et dedans, toujours les mêmes prophéties. Partout sur la planète, l’on trouvait de tels dessins. Le symbole de la majesté, du savoir, du passé comme du futur, mélangé à travers les veinules, imprégné dans la roche, comme le tatouage d’Helera était imprégné en elle. Ces endroits n’étaient ni plus ni moins que les Nexus de Force d’où le réseau de l’Orek partait.

« Peu savent l’emplacement de cet endroit. Et de tous les autres. Et cela doit rester ainsi. Les prophéties qui y émergent sont universelles à la planète, mais elles ne sont pas à la portée de tous. »

Ils émergèrent dans une première salle après un vagabondage à travers un unique boyau. Cette salle était creusée à même la roche, et les murs y étaient gondolés comme marqués par le travail des outils qui l’avait façonné. Des outils qui n’avaient rien de la pioche ou du marteau. Comme écartés par deux mains surpuissantes. Au centre de la pièce, un bassin en réceptacle. Sortant de la roche au sol en un promontoire. Helera s’y approcha alors et plongea la torche à l’intérieur, tandis que l’huile qui s’y trouvait s’enflamma. Dégageant une odeur de friture. La lueur du feu donnait des allures lugubres à la pièce. Et les murs … s’illuminèrent. De la clarté de ce bleu si présent sur la planète, les dessins apparurent sur fond grisâtre. Le premier représentait une forme ovoïde d’où partaient plusieurs traits, qui servait de rampe à des figures humanoïdes. Au sol, d’autres figures, reconnaissable par leur stature légèrement vouté, leur lance de chasse et le dessin de leur museau. Sur le dessin d’après, les deux différents groupes humanoïdes, et au centre, une autre figure, légèrement plus grande. Celle-là était la copie conforme du dessin qui la surplombait, dans la même position. La Grande Mère aux mains ouvertes vers le bas. Autour de chaque dessins était inscrit des mots, formant quelques phrases plus ou moins compréhensible. Helera commenta :

« Il est dit qu’un jour, un groupe perdu de l’espace tomberait sur Nelvaan. De ce groupe, émergerait la voix de la Grande Mère. Elle allait emmener les Nelvaaniens vers les étoiles, vers des nouvelles terres, de nouveaux horizons. Ohorag Nelvar. Le Guide des Nelvaaniens. »

Tandis qu’elle discutait, Helera caressait les bords de la parois, comme si elle lisait un texte.

« Elle apprendrait, s’immergerait, se transformerait en l’avatar de Nelvaan. Ce serait peu à peu par elle que la Nelvaan, la Grande mère, s’exprimerait et par elle que sa volonté serait faite. L’instrument qui donnerait au peuple sa grandeur. »

Helera fit une pause pour se retourner vers Althar.

« Le pire dans tout cela, c’est que ces gravures datent de quelques centaines d’années. Et pourtant… Rien de ce qui est décrit ne semble faux. »
Avatar de l’utilisateur
By Althar Fanrel Keto
#32996
Une goutte dans un océan. Cet azur splendide, unique, horizon chaleureux d’une peau pâle clairsemée de baisers délicats. L’évocation de cette empreinte éternelle sur sa peau avait laissé à l’âme princière une pensée bercée par les vagues et leur tumulte sur ce coin de buste tatoué. Si délicate et si légère, laissant glisser sans honte une main honteusement humaine sur ce témoignage d’un autre temps. Une mer agitée, marquée par les remous cubiques d’un marquage dans le sang, et d’un bleu inaltérable. Des sentiments et une volonté. Sa vision se confondait avec sa propre réflexion sur son incapacité à s’engager durablement pour les siens. Lui, sang royal d’une dynastie millénaire, et effrayé par cette cage dorée. Elle, existence douloureuse pour volonté sincère, marquée dans son sang pour ce futur qu’elle était en train de bâtir.

Le parallèle était détonnant, tout comme cette visite, lente, vers un chemin toujours plus escarpés. Une redécouverte, ou une compréhension, plutôt, d’une Reine au sourire d’ange. Incompréhensible toujours plus sombre. Ne restait qu’une flamme, entre eux, pour écarter la glace qui pouvait les étouffer. N’était-ce qu’un feu salvateur pour l’exploration de ces tréfonds glacés ? Ou bien était-ce les sentiments qui éclairaient deux vies froidement isolées ? Elle pouvait être celle qui ferait tout changer. Elle, et ceux qu’elle protégeait au creux de son ventre, malgré le danger d’une telle expédition. Un engagement sincère et complexe, à même de vaincre l’obscurité des profondeurs d’un monde inconnu.

    « Est-ce que ça veut dire que toi aussi ce sont des sentiments qui sont peints ? Hmmm … Quelque chose lié à ta responsabilité, n’est-ce pas ? »

Ils commençaient à se connaître. Réellement. D'où l'étrange sérieux qu'il adoptait pour lui parler, cherchant plus à comprendre que séduire et jouer. Ses pensées partirent vers l’amour. Vers la question d’une beauté retranscrite d’un sentiment si pur, d’une légèreté de l’âme et d’une joie unique en voyant l’autre. L’épanouissement d’une vie, dans la douceur d’une courbe pleine de volupté et de douceur. Une représentation mentale forgée sur l’horizon corporel d’une kuati étendue sur un lit. La fatigue lui jouait des tours, certainement, quant aux directions dans lesquelles s’échappait son esprit. Une question vint, mais il ne la posa pas. Serait-il marqué, un jour, lui-aussi ? Le ferait-elle, sur sa peau ? Comme une preuve d’attachement et de fidélité ? La question était stupide, il n’était qu’un têtan bourdonnant autour d’une Reine.

A moins que ce ne soit la raréfaction de l’air, ici-bas, qui lui jouait des tours. Le monde dans lequel ils s’évertuaient à s’avancer semblait sorti tout droit de l’imagination folle d’un créatif. Plus de lumière, et une profondeur sans fin. S’avancer, d’un pas mal assuré, au milieu d’une roche aussi froide que la glace qu’elle remplace, pour comprendre que ce n’est pourtant-là que l’effort du temps seulement. Cette nature sauvage, et insoupçonnée, capable de pires choses comme des plus grandes merveilles. Briser la roche, pour y bâtir un sanctuaire inconnu de tous. Comment ne pas croire en ces dieux inanimés lorsqu’on voit de telles choses ? Le balancement des flammes, et les ombres projetées de leurs silhouettes jointes ne faisaient que décupler le sentiment singulier que dégageait un tel pélerinnage. Elle l’avait elle-même compris avant de l’y amener, jouant du mystère pour offrir ce voyage initiatique à son prétendant. Le silence pesant, seulement interrompu par leurs respirations lourdes et le crissement de leurs pas sur la roche. La lumière disparue, faisant oublier le point originel d’un château quitté qu’une poignée de minutes. Et l’impression que le temps n’a plus prise, ici-bas. Seule sa confiance chancelante en elle, et l’idée que bientôt il y aurait de nouveau une source d’air frais l’empêchaient de ne pas se questionner sur l’idée de rebrousser chemin, lui, homme des citées abrutissantes et à ciel ouvert. Que venait-il faire dans le monde d’une Reine, lui, profane parmi les profanes, inconscient de tout ce qu’elle essayait de lui présente ?

Bien loin était cet instant de grâce vécu quelques moments plus tôt, perdu dans une méditation qui n’en avait pas encore le nom. La Force, cette chose mystérieuse dont il arrivait tout juste à donner le nom, était à l’origine de tout cela. Pour elle. Pour ceux qui le comprenaient. Mais lui ? Loin de toute vérité, de toute connaissance sur la splendeur naturelle qu'elle lui dévoilait, n'y voyait que les affres d'une planète indomptable, que la difficulté à se déplacer dans une gorge aux parois anormalement bien dessinées. Où allaient-ils, à présent ? Pourquoi ce privilège soudain ? Peut-être qu'elle essayait de lui faire comprendre qu'elle était prête à lui en dévoiler plus. Lui dévoiler plus que son propre corps, que sa propre âme, que sa propre matérialité. Lui dévoiler le secret d'une monarchie, ou la singularité d'un peuple. Un Temple, une histoire, un nouvel éclairage sur tous ces indigènes qui l'entouraient. Lui montrer que même lui et sa monarchie millénaire ne sont que son égal, ici, face à la richesse d'une culture plus sauvage. Le goût du secret et du privilège fonctionnaient comme sur tout humain lambda. Son intérêt s'en trouvait réhaussé, toujours plus que sa curiosité naturelle déjà intriguée. Que voulait-elle lui montrer ? Ses pensées s'arrêtèrent en même temps que ses pas, le temps qu'elle abaisse sa flamme vers ce qui serait leur nouvelle étape. L'odeur n'était pas très agréable, mais ce n'était pas la source de son attention, à présent ...

Comme le rideau que l'on retire d'une statue nouvellement dévoilée, comme un oeil qu'on ouvre finalement sur une forme nouvelle, les murs s'illuminèrent avec une beauté subtile. Ces silhouettes d'antan, perdues dans la noirceur de la nuit, s'animèrent sous ses yeux. Il fit un pas, silencieux, pour observer ce que cette histoire avait à raconter, elle et toutes celles représentées ici bas. Un regard ne suffisait pas, une minute non plus, tout n'était que témoignage d'un temps lointain où leur technologie nauséabonde n'était pas intervenue. Ceux qui vivaient là, ceux qui osèrent s'aventurer dans la montagne pour raconter ce en quoi ils croyaient ... Bon sang, étaient-ils toujours comme ça avant qu'Helera n'arrive ? Avant que tous les Gris investissent cet espace vierge, il y a une poignée d'années ? Son regard se posa sur sa guide, dont il suivit l'exposé avec attention. Une prophétie ... et une explication. L'évidente explication de certains mystères évoqués dès leur découverte sur ce vaisseau. Une Déesse incarnée, prophétisée des siècles plus tôt pour finalement prendre vie dans les traits si doux de la femme accomplie qu'il avait sous les yeux. L'idée paraissait saugrenue. Improbable, même. Qui peut croire en la destinée, encore, dans cette Galaxie ? Qui peut croire que les choses sont déterminées ? La science n'a jamais été aussi développée, et la capacité cognitive d'autant plus étendue. Cette idée n'est qu'une fable, une histoire visible dans un Holofilm, dans une fiction que l'on lit ou regarde de temps à autres, parce qu'elle titille notre romantisme ... Non, tout ça paraît irréel, tout comme ce profil éclairé par les flammes.

Il souriait. Bêtement. Elle connaissait ce regard. Elle connaissait ce qui pouvait arriver. Mais lui s'efforçait de rester calme, de calmer cette envie de la serrer dans ses bras et se réjouir en une explosion de mots et de sentiments. L'effort semblait surhumain, voire impossible. Tenir entre ses mains une élue des Dieux, pouvoir poser ses lèvres sur sa peau, se réjouir simplement d'une telle découverte ... Il ne put lui épargner un baiser tendre sur la joue, avec une caresse volée sur sa jumelle en même temps. Mais il ne fallait pas tenter le diable plus longtemps. Sans se départir de ce sourire presque niais, il s'efforça de mettre de l'ordre dans ses idées en détachant difficilement son regard d'elle, qui ne cessait d'y revenir. Une lutte interne que le froid des profondeurs lui permit de limiter dans son ampleur. Le Prince tira nerveusement sur sa peau de fourrure pour la réajuster, les yeux perdus vers ses bottes, et la lèvre inférieure mordue pour s'empêcher de sourire. Un grattage de gorge léger et il redressa les yeux vers la paroi. Une fausse détermination s'inscrivit sur son message tandis qu'il mettrait en oeuvre tout son savoir princier. Son regard se détourna une ultime fois, juste une, le temps de trouver la main droite d'Helera et la prendre dans sa propre main droite. Cela l'obligea à se décaler d'un pas vers elle, se rapprochant dangereusement de cette incarnation religieuse sans ne plus oser la regarder. Tenant avec un peu plus de certitude cette main qu'il aimait tant, il la dirigea vers un endroit bien précis du mur, s'efforçant de souligner un "mot" qu'elle avait relevé un peu plus tôt.

    « Ohorag Nelvar ... ? »

L'interrogation visait à vérifier que la prononciation, particulièrement appliquée, était bien celle qui était rédigée sur le mur. Elle put se rendre compte, par ces mots dits près de son oreille, qu'il était finalement calé contre elle, dans son dos. Sa main gauche avait glissé avec douceur sur sa hanche pour aller trouver sa place sous la peau de bête qui couvrait Helera, pour ne pas avoir froid. Et innocemment, peut-être, réchauffer les petites vies qui prenaient si lentement forme dans son ventre.

    « Qu'est-ce que ça fait d'être considérée comme ... celle qui devait venir ? Celle qui .. qui est la messagère ? D'être si importante ? »

La voix semblait posée. Calmée. L'interrogation plus que sérieuse. Loin était l'idée d'évoquer ses épaules musculeuses et le poids qu'elles devaient porter, et encore moins l'idée de les embrasser pour les aider. Leur main était reparties vers la silhouette centrale, l'incarnation, la Déesse. Cependant, cette fois, il s'arrêta à distance, comme s'il ne fallait pas toucher. Respecter la culture d'un peuple se faisait également comme cela. Ses yeux ne dévièrent pas du tableau grandiloquent auquel ils faisaient face. Peint il y a des siècles, et aujourd'hui observé par eux. Venus de si loin, et voués à tant d'autres choses. Deux cultures, deux façons de pensée qui s'observaient mutuellement. Cette Déesse, centrale, les paumes ouvertes, face au couple, les mains jointes. Cela pouvait presque donner le vertige tant il y avait là de différences. Mais surtout, au-delà de cette simple situation, cette simple réflexion sérieuse face aux mystères de ce monde, un flot de questions l'assaillait. Tout ici criait quelque chose, et pourtant il était incapable de le comprendre. Cependant, contre son coeur se trouvait une source de réponses potentielles. Timidement, presque, il souffla quelques mots et leur condensation qui s'éleva face à leurs visages.

    « Comment as-tu su, Helera ? Toi ou tous ceux avec qui tu voyageais ? Pourquoi ici, et pas ailleurs ? Et puis comment sais-tu que c'est bien toi, comment l'as-tu compris ? Ca paraît tellement fou ... Personne ne sait qu'existe cette ... ce témoignage ? Cette ... prophétie ? Qui l'a peinte ? Est-ce que tu sais tout ça ? »

Cette fois, il la regardait, sans trop se décoller d'elle. Rester immobile ramenait malgré eux le froid qui existait au fond de ce gouffre, et ce n'était pas l'âtre central qui suffirait à les maintenir à une température raisonnable. L'impérial en profita même pour rabattre leurs deux mains vers les peaux de bête pour s'y réfugier, au chaud.

    « Toi ... peinte ici ... il y a longtemps ... »

Le Prince réfugia son visage dans le cou de la Grise, pour y chercher un peu de chaleur pour son nez maltraité. L'idée était folle quand même, quand on y pense. Elle, tout juste aussi vieille que lui, née dans une famille simple sur une planète qui n'avait rien à voir, et qui a toujours été maltraitée par son propre passé, jusqu'à trouver cette planète. Il n'aurait pas été étonnant qu'elle y trouve finalement un repos mérité, et une étrange occasion de trouver l'occasion de se poser, finalement. Mais il ne voulait pas y croire, pas aussi bêtement. La façon qu'elle avait de vouloir lui montrer ça, de lui expliquer, tout indiquait l'importance qu'elle y accordait. Et puisqu'il était amené à voir en elle celle dont il ne parviendrait plus à se passer, il était bon d'y croire. De dépasser ses propres limites mentales, sa propre compréhension. De faire comme un peu plus tôt, et de comprendre que finalement il n'a vu qu'une part infime de cette Galaxie. Sa seule phase visible, rationnelle, artificielle. Ici aussi peut-être cette énergie était en train de ...

Il releva la tête subitement, ou presque, pour l'observer. Il venait de se rendre compte de quelque chose.

    « Attends ... La Grande Mère serait ... la Force ? C'est bien ce que tu m'as dit avant ? Mais ... la Force n'est pas ... quelqu'un ? Je veux dire, c'est pas quelque chose qui peut décider ou décréter ce qu'il se passera, et ce que tu feras, si ? Toi aussi tu la sentis, tu sais comment elle est ... Ton père avait parlé d'énergie, non ? Cela veut dire que la Grande Mère est quelqu'un ? Et que tu es ... du coup une Déesse ? »

Son sourire amusé revint à la vitesse de l'éclair tandis qu'il posa sa joue sur son épaule. Rester debout était inconfortable, mais la tenir dans ses bras n'avait pas de prix. Il était prêt pour la leçon.
Avatar de l’utilisateur
By Helera Kor'rial
#33012
Ambiance


Helera haussa les épaules face à la question aux réponds floues. Elle ne se l’était jamais posée. Peut-être parce qu’elle était née dans la Force et par la Force. Et que le futur, le présent et le passé étaient pour elle une mixture compacte.

« C’est comme ça, ce n’est pas ma volonté mais celle de la Grande Mère. La servir est ce que je peux faire de mieux. »

Dit-elle, tout en longeant une paroi humide, en évitant de se mouiller plus que nécessaire. Elle sentait que le prince avait un besoin de proximité, ce qui la fit sourire, tandis que son regardé était tourné vers l’avant. Illuminé par la torche, dans un boyau étroit. Elle lui avait montré la fresque dans l’antichambre de la montagne. Pendant un instant, elle garda le silence, laissant la piété de l’endroit emplir le cœur de son prince, et le sien par la même occasion. La Force hurlait tout autour, et cela pouvait donner le vertige.

« La Force nous a guidés, lors du grand exil à partir d’Arkania. Nous avons erré pendant plusieurs semaines dans l’espace et nous sommes tombés sur Nelvaan. La planète appelait. Je sais que c’est moi parce qu’elle me l’a dit. »

Son regard azur se tourna vers l’immense silhouette contre le mur. Lentement, elle posa sa main sur elle.

« Personne ne sait, mise à part les chamans, et les … « élus » ? Je ne sais pas comment l’appeler autrement, même si le terme parait un peu pompeux. Savoir qui la peinte, c’est un des chamans de Nelvaan, il y a des décennies ou des siècles. Je ne saurais le dire. »

Il se rapprocha, s’emmitoufla contre elle. Mais elle continuait à la regarder, et d’un air absent entoura le prince de ses bras. Un mouvement robotisé, encrée désormais dans ses habitudes. Mais cela ne dura pas en réalité, puisqu’il se releva d’un bond, détournant alors l’attention de la reine. Une esquisse de sourire.

« Et je n’ai jamais dit que la Grande Mère en était une, une personne. C’est une entité. Une … énergie, si tu veux. La manière de nous contacter et de nous montrer c’est par le biais de vision, par la Force en elle-même. Elle est la Force tout autant qu’elle est la Grande Mère. C’est de l’omniscience Althar. Suis-je une déesse ? J’en doute fort. »

Un nouveau sourire. Cette conception la faisait sourire. Helera savait qu’elle n’était rien d’autres qu’une humaine choisie pour guider le peuple. Ni plus, ni moins. Sa foi en la Force, et par extension la Grande Mère, restait entière, mais il y avait des choses qu’elle n’arrivait pas à expliquer. Et surtout pour lesquelles elle ne cherchait pas tellement d’explication. Alors la reine se disait que l’ordre des choses étant ce qu’il était, il ne fallait pas se poser de questions. C’était, et puis c’est tout. Helera se détourna, le dérangeant sur son coussin et le pris par la main sans un mot de plus. Elle se dirigea alors vers l’autre côté de la pièce, qu’elle illumina avec sa torche. Des gouttes tombèrent à proximité, résonnant dans la grotte. Elle palpa le mur avec sa main, jusqu’à sentir ce qu’elle cherchait, un courant d’air. Elle fit un pas en arrière et tendit la main face à elle.

« Avec moi », dit-elle tout en le bousculant d’un mouvement d’épaule.

Althar n’était pas encore un manipulateur aguerri, donc elle lui laissera le temps de se concentrer, de repérer la faille de la saisir. Helera n’allait surement pas le faire toute seule, et n’allait surement pas la faire bouger tant qu’Althar ne l’y fit pas. Pire encore, elle ne fut que l’impulsion initiale, et lui fit croire que c’était elle qui bougeait la pierre qui devant eux se scinda en deux. Cela prendrait le temps qu’il faudra, mais la pierre allait s’ouvrir. Un simple sourire cependant fut sa récompense. Et une explication :

« Ce tunnel quant à lui mène vers la chambre de Holt Kazed, la prophétie de la fin. La main fantôme. Ils l’ont mis là derrière ces portes de pierre, puisque c’est … une sorte de sermon de l’apocalypse de Nelvaan. Tu vois ce que je veux dire ? Viens. »

Ils longèrent alors les murs éclairés par les lueurs de la torche seulement, vers une pièce, plus petite que la précédente, mais plus longue. La pièce était séparée en deux par un escalier central montant. Helera se décala vers la gauche, dans le sens de lecture, où elle alluma un brasero pendu au plafond. On y voyait alors une silhouette, le même guide, la même stature, mais dans une posture de combat, contre une créature titanesque et dont les traits n’avaient aucune cohérence.

« C’est Holt Kazed. Un grand guerrier. Ce guerrier combat les plus terribles et les plus grands monstres qui existent. Mais dans un combat contre l’une d’entre elle, le guerrier perdit un bras, et en reçu un autre à la place. Ce bras fut le symbole de sa puissance et lui permet de défaire la créature, et de surmonter les épreuves les plus terribles. Ce héros arriverait alors sur Nelvaan pour lui redonner grandeur, à une époque où la grande mère elle-même était en souffrance. Et il le fit, les aida, soigna la planète, fut proclamé et acclamé. Mais … »

Elle fit une pause devint le prochain dessin. Le guide entouré des multiples cadavres.

« Mais Holt Kazed devint tellement puissant que le pouvoir qu’il détenait le consuma. Pris de folie, il tua ses amis, étrangla son amour, jusqu’à ce que ce pouvoir le consume lui-même. »

Helera regarda alors Althar. Ils s’étaient déplacés à l’autre extrémité, suivant les pictogrammes le long du mur. Son débit de respiration avait légèrement augmenté. La reine posa alors son bras gauche contre le mur, sous la lueur du feu.

« Je n’aime pas cette prophétie. » Conclue-t-elle.

Helera se sépara du prince pour se diriger vers l’escalier central de la pièce. Là, elle l’attendit, son regard de braise qui sous les lueurs du feu n’était plus aussi bleu qu’à l’extérieur. Il restait encore une dernière chose à voir.
Avatar de l’utilisateur
By Althar Fanrel Keto
#33035
Ce qu’il y avait de bien dans cette rencontre de deux mondes, c’est que tous les points inimaginables s’en trouvaient totalement questionnés. Ce fut d’abord sa façon de parler, puis de s’habiller, puis vint la manière dont les gens vivent ici, mais aussi la manière de gouverner. Tout point semblait différent de ce qu’on lui avait appris tout au long de sa vie. Et désormais, par cette découverte nouvelle de cette .. magie, c’est toute sa conception du monde, et des points de repère que tout humain se devait d’avoir qui étaient battus en brèche. Le hasard n’était plus. La destinée, l’appel, tout ceci existerait soi-disant. Elle en était la preuve incarnée. La vision mystique de toutes ces choses improbables et surtout dues au hasard qui finalement ne l’étaient peut-être pas tant que ça. Son esprit luttait pour accepter cette idée. Ses réflexes revenaient à dire que ce n’était que du hasard. Un coup de chance. Une errance, facilement imaginable, qu’un droïde adapté aurait pu mettre sur la voie d’un monde supposé inhabité et propre à une colonisation pour cette flotte.

Mais elle avait été appelée. Elle l’affirmait. Elle lui avait toujours affirmé la vérité, et elle semblait plus que sérieuse. Appelée à traverser les étoiles, et trouver une planète loin des grandes routes hyperspatiales, loin de toute faction d’importance. Parce qu’une puissance indéfinissable, insoupçonnable, a souhaité qu’ils viennent là.

Comment faire accepter cela du jour au lendemain à quelqu’un ? A son propre esprit ? Cela ne faisait même pas quelques heures que sa sensibilité à la Force lui était apparu pleinement, et maintenant il était question de croire que la Force était leur destinée ? Le débat mental était fort. Un peu trop pour qu’il arrive à prendre parti, ici, ou qu’il ne réponde à cette idée. En temps normal, il lui aurait fallu un peu de temps, un peu de silence, des idées claires et la liberté de peser le pour et le contre. Discuter des heures avec elle aurait aidé, aussi. Mais ce n’était pas le moment. La Force l’avait appelé. Qui était-il pour contester ? Sous ses yeux étaient peintes les évidentes preuves que tout cela était possible. Que cette Helera, en chair et en os, en parfum et en vibration, était celle désignée sur ces murs des siècles plus tôt. Il comprenait, maintenant, l’importance du lieu. La subtilité d’y voir plus qu’un présage, mais une preuve que rien n’arrive par hasard. Que ce peuple est différent des autres. Peut-être bien qu’il y a quelque chose de magique ici, et que ce qu’il a ressenti … Que cette … ce … que tout ceci a contribué à faire cela. Pourquoi serait-ce là, autrement ? Pourquoi serait-il lui-même ici, si elle n’avait pas été appelée ? Cela lui donna plus encore envie de la garder dans ses bras. Au milieu de tant de mystère et d’incompréhension elle était son phare. Depuis qu’il avait posé le pied sur cette planète. Depuis qu’elle lui avait sauvé la vie. Sa Lera.

    « Helera … Helera … Tu sais ce qui fait une divinité, en vérité ? Ce n’est pas toi. Ce n’est pas ce que tu penses être. C’est ce que les autres font de toi, Ohorag Nelvar … Tout ce que tu as fait de mal tu l’as réparé, au centuple, tu as sauvé les tiens, sauvé ta famille et même agrandi, tu as guidé ces gens lorsqu’ils eurent besoin de toi, et tous ensemble vous avez fait d’une idée folle un monde viable, une civilisation riche. Et puis tu m’as soigné lorsque personne ne le put. Tu as fait des choses qu’aucune autre femme ne saurait faire, et tu es la plus belle et la plus resplendissante incarnation de la vie que cette Galaxie et toutes les autres ont à offrir. Si ça ne suffit pas à faire une Déesse, ça … »

Bon, d’accord. Il profitait un peu trop de l’occasion, mais tout ce qu’il disait était vrai, sur tous les plans. Le Prince ne put s’empêcher de chercher à voler quelques baisers sur cette peau humaine, elle, qu’il aimait tant. Il ne rigolait pas, en disant tout ça. Il souriait, oui, d’accord, peut-être qu’on pouvait sentir de l’amusement dans la manière de bouger en se serrant contre elle, mais tout ceci était dit avec une sincérité qui ne dérogeait pas avec l’ambiance du lieu.

    « Et je ne parle même pas du fait qu’on ait pu t’imaginer toi, il y a longtemps, pour te désigner et te marquer à tout jamais dans la pierre. Peut-être même qu’ils n’avaient jamais croisé d’humains jusque-là, t’imagines ? T’appeler toi ? C’est sûr qu’ils ont fait le choix d’un être unique mais alors … »

Il éclata de rire parce qu’en s’arrêtant ici la suite pouvait s’annoncer aussi positive que négative. Ce n’était que le jeu, l’habituel et vilain jeu qu’il mettait en œuvre dans un sanctuaire. Il se rapprocha de son oreille pour une dernière affirmation, accompagnée d’une soudaine activité de ses mains sous ce manteau, dangereusement.

    « Ils ont trouvé une louve … une vraie, qui le cache bien, mais ... qui mord quand il le faut … »

Elle eut droit à un dernier mordillement du lobe de l’oreille, effrontément, avant qu’un bruit de flamme ne le ramène à la réalité. Un coup de vent, ou simplement un crépitement plus intense que les autres qu’un Prince déconcentré fut surpris d’entendre alors qu’il sombrait dans sa passion pour celle contre qui il se trouvait. Voilà pourquoi il ne faut jamais les laisser se rapprocher, au risque de vite perdre le fil de leur discussion. Il retira de lui-même ses mains et fit mine de se réajuster une énième fois, pour faire illusion. L’air un peu perdu, les yeux vers leurs pieds, comme si il venait de se faire gronder, il formula quelques mots avec conviction.

    « Excuses moi pour cet .. égarement … je te disais … je voulais te dire … »

Il remonta son regard vers le mur et se retourna pour avoir une vue d’ensemble.

    « … Tu dis que la .. la Force, la Grande Mère, ou quelqu’autre nom que tu lui donnes … Elle t’a appelé, elle t’a parlé … Pourtant … Ton père, quand il m’a fait .. l’entendre .. Enfin non, justement, pas l’entendre mais la … la ressentir ? Tu vois, quand il m’a fait la ressentir, elle n’était pas … vivante … Enfin si mais … elle ne parlait pas. Ce n’était pas quelque chose qui avait une voix, ou .. ou une volonté … C’était là, c’était … chaud … Enfin tu sais ce dont je parle, mais … c’était bien la … la Force non ? Ce sont deux choses séparées ? »

Althar l’observa de nouveau, l’air de chercher à comprendre, comme tous les apprentis qu’elle ait pu voir dans sa vie. Même si, évidemment, l’air enfantin qui était posé sur ce grand idiot de 30 ans semblait un peu comique. Mais ce n’était qu’une question de plissement de sourcils, et de sérieux retrouvé en un clignement d’yeux. La question se posait vraiment. Qu’était-ce cette chose perçue quelques heures plus tôt ? Qu’était-ce cette volonté créatrice, soudaine ? Qu’avait-il fait pour ne pas voir là-dedans ce que lui s’était contenté d’y trouver ? La question le tiraillait, et elle recevrait sûrement une réponse appropriée.

Ce fut pour cela qu’ils continuèrent leur chemin jusqu’à l’épreuve suivante. Après l’ouverture de l’esprit vint l’ouverture de la paroi. Littéralement. Guidé par cette main qui finalement vint pour le bousculer, il fronça les sourcils face à l’ordre qu’elle donna. Il n’y avait qu’à elle que cela paraissait évident. Lui ne voyait que de la roche, qu’un vague soupçon sur une possibilité de passer outre, mais il ne comprenait pas vraiment comment.

    « Comment ça ? »

Il se rapprocha de la paroi pour y voir ce qu’elle venait d’y trouver, après quelques recherches peu évidentes vue la luminosité, et fit un pas en arrière. Elle reprenait sa position, pour l’inciter à faire de même. Ce n’était pas vraiment ça qui poserait problème. C’était plus … le reste. Il tendit le bras lui aussi, essayant de l’imiter comme si cela avait une importance capitale dans l’action, et regarda le mur. Et maintenant ? Ok, un trou, qui était suffisant pour faire pression et ouvrir. Physique élémentaire. Mais ensuite ? A cette distance ? La Force ? Devait-il faire comme cet après-midi ? Mais ils étaient debouts, et plus … moins …

    « Comme … la première fois, c’est ça ? »

Il lui jeta un regard, s’attend à ce qu’elle acquiesce ou non, pour se replonger sur cet exercice. Qu’avait-il fait de plus la dernière fois ? A part … le vouloir très fort ? C’était peut-être simple, au final. Si elle ne lui montrait pas la voie, c’est que c’était accessible … Non ? Il avait réussi aujourd’hui. Seul. Alors quoi ? Pourquoi pas maintenant ? Pour une fois, il partait d’attaque. Il était prêt. Il inspira fortement, et précipita toute sa volonté dans son action. Ce fut un peu vain, il ne suffit pas de vouloir. Et encore moins de s’épuiser inutilement lorsqu’on a passé la journée, déjà, à creuser ses réserves en méditant. La pierre ne bougea pas, seul lui eut un instant de respiration lourde, sous l’effort. Il fallait qu’il se reprenne, et qu’il y arrive. Nouvelle inspiration, nouvelle main tendue.

    « A trois, ok ? Un … Deux … Trois … »

La Force. Penser. Vouloir. Agir naturellement. Doucement. Voir la fissure et essayer d’y mettre un peu de force, de volonté, pour qu’elle pousse la Force, parce que Helera peut le faire, parce qu’ils sont deux, parce que la Force peut le faire. Vouloir, et espérer. User de ce qui se ressent, ici, pour y arriver. Ce ne fut pas évident, pas très rapide, dans son exécution, mais la paroi s’entre-ouvrit, et son front lui sembla plus lourd. Les mains sur les hanches, en respirant, le Prince la fixa pour voir si elle dirait quelque chose, mais ce ne fut pas le cas. Juste un sourire, qu’il lui rendit avant de se décider à la suivre.

    « Est-ce que ça veut dire qu’ils peuvent aussi … faire des choses avec des pouvoirs ? Certains sont devenus des Gris, alors ? Ils avaient un Ordre eux aussi ? »

Il posa la question avant de s’engouffrer dans le passage révélé. Cela ne changea rien à leur avancée, ensuite, dans ce boyau. A sa première explication, le têtan resta silencieux, et se contenta d’un vague « Hm hm » pour montrer qu’il comprenait. L’apocalypse. Voilà qui annonçait autre chose … Cela changeait de la destinée sereine de sa compagne. Que devaient-ils craindre ? Si cela se dessinait comme il l’imaginait, c’était là un véritable Temple préparant chaque élément d’importance du culte nelvaan. L’âge d’or. La fin. Et … le renouveau peut-être ? Difficile à dire. Mais plus il avançait, et plus tout cela prenait une ampleur qu’il n’avait pas imaginé. Ses yeux s’arrêtèrent sur cet escalier, qui jurait totalement avec le reste, avant qu’elle ne lui signifie de regarder à gauche. Pourquoi avait-on mis un escalier ici au milieu ? Et pourquoi fermer ce lieu, au-delà ?

Il faillit poser une question sur les bêtes qui pouvaient se trouver là, mais en observant le mur, et leurs nouvelles peintures, il comprit que ce n’était guère le moment. Une nouvelle histoire … il eut une pensée pour leurs enfants. Un jour eux aussi viendraient là pour apprendre. Rien n’aurait changé, même dans 10 ans. Tous les quatre, simplement, main dans la main, en train d’écouter Helera raconter avec l’intonation appropriée cette histoire terrible. Mais ils n’en étaient pas encore là. La silhouette était le personnage principal de l’histoire précédente, mais désormais elle n’était plus que dans l’ombre d’une chose plus grande. Plus difforme. Plus incompréhensible. Althar écouta, silencieux, sans détacher le regard de cette représentation. Tout ce qui avait été peint jusque-là avait une cohérence, un sens, une familiarité que tout le monde pouvait comprendre, la preuve en était lui-même. Mais cette chose …

Ce n’était pas ce qui important, en vérité. Il ne le comprit que trop tard. Tout ce qu’elle venait de dire sonnait comme son existence à elle, dans sa lutte contre ses démons d’antan, et son arrivée ici. Même son … handicap. Elle se stoppa. Althar tourna les yeux vers elle, puis vers le dessin, en attendant de connaître la suite .. qui fut … apocalyptique, oui. Il n’y avait pas de suite. C’est là la fin. La mort. Sa propre mort à … Elle ? Vivre sa propre destinée était une chose, mais sa propre fin devait certainement en être une autre. Le visage neutre, balayant tous les froncements de sourcil qu’il avait eut au fil des révélations, il l’observait. L’affirmation lui tira un léger sourire, et une envie de la réconforter, surtout, mais elle s’échappait. Il fallait la suivre, ne pas rester loin, trouver l’occasion de lui parler. Ses yeux s’attardèrent sur cette histoire remontée à contre-courant, et cette évolution. La mort pour fin, et la violence pour début. Au moins cela restait une constante pour un peuple plus primitif (mais pas trop non plus). Il la rejoignit en bas des escaliers, pour l’observer. Elle voulait continuer, mais il la retint en prenant sa main gauche.

    « Helera … Lera … Holt Kazed … ? Holt Kazed est-il Ohorag Nelvar ? »

Un sourire. Un seul. Celui de sa confiance en elle. Qu’importe la réponse.

    « Ton peuple est sage, et l’a toujours été … T’offrir une place dans leur monde, et te dire ce qu’il adviendra si tu en abuses … Ce n’est qu’une leçon, tu ne penses pas ? Une façon de te rappeler ta propre fin, ton propre échec, si tu te détournes de ta voie ? »

Ce sourire, toujours.

    « Nous serons là, Helera, toujours. Ta famille. Ton frère, ton père, moi, et tous les autres. Parce que nous sommes une grande famille, un grand clan, sur lequel tu veilles, et qui veille aussi sur toi … »

Un pas en sa direction, pour lui faire face, très près.

    « Je vais te dire quelque chose que tu ne vas pas aimer, et qui est sûrement idiot … mais autant que ce soit de ta main, si .. je suis bien ton amour, déjà, hein … en tout cas, je veux que tu saches que t’es le mien, et que c’est pour ça que je veux bien vivre avec toi même si tu dois m’étouffer ou je ne sais quoi … Autant que ce soit de ta main. »

Que se passait-il ? N’en finissait-il donc plus avec ses déclarations d’amour ? L’air des sous-sols devait l’atteindre plus qu’il ne l’aurait imaginé. Toujours est-il qu’il tenta de lui prouver sa confiance en rapprochant cette main, artificielle, de son amante jusqu’à son cou, dans l’optique qu’elle le saisisse. Lui, face à lui, était prêt à lui prouver qu’il l’aimait. Ses lèvres trouvèrent les siennes, avec douceur, sans trop s’attarder, avant qu’une caresse sur sa joue ne survienne.

    « De toute manière tu es encore loin d’être surpuissante non ? Tes talents sont laaargement surestimés … La preuve, depuis que je te connais je t’ai jamais vu les utiliser, déjà, et ensuite, je t’ai battu alors que t’étais encore hyper en forme et tout. Donc hein, avant que tu te fasses ronger de l’intérieur, on a une petite marge de manœuvre … j’espère … »

Cet humour nul, toujours, pour faire partir la gravité. Comme sur le vaisseau. Il se saisit de cette main gauche pour l’embrasser une ou deux fois, et la garder dans sa propre main.

    « Pourquoi n’ont-ils pas peints à gauche, mon Amour ? N’y a-t-il pas une fin alternative ? Holt Kazed pourrait avoir à faire avec la Grande Mère, pourrait entendre sa sagesse et faire en sorte d’atteindre sa .. son … enfin, je sais pas, est-ce que tu penses que c’est idiot ? »

Il l’interrogea du regard, sérieux dans tout ce qu’il disait, avant de regarder les escaliers et de lui faire signe qu’ils pouvaient y aller.

    « N’y a-t-il rien qui parle des nelvaniens eux-mêmes ? »

C’est vrai ça, où étaient-ils passés dans tout ça ? Peut-être le haut de cet escalier lui offrirait-il une réponse ...
Avatar de l’utilisateur
By Helera Kor'rial
#33045
Ce qu’il lui dit la fit sourire. L’histoire des divinités, de la compétence qui lui incombe de toutes ces choses qui faisaient d’elle une reine. Althar était gentil. Peut-être un peu trop pour son propre bien. Il ne se dégageait pas non plus de son contact, ne prenant peut-être pas non plus la situation à la hauteur de ce qu’elle espérait. Tout cela, ce n’était pas un jeu d’amour, c’était leur destiné, la vie de plusieurs millions de Nelvaaniens. L’on ne pouvait pas s’en amuser. Il se reconcentra quelques secondes, mais pas plus. Parce qu’il repartit dans un fou rire. Elle ne put s’empêcher cependant d’esquisser un sourire puis de hausser un sourcil. Il se rapprocha de nouveau et laissa ses mains s’égarer. En récompense, Helera joignit pouce et index qu’elle frappa contre le front du prince.

« Concentre toi. Il y a un moment pour tout. Ecoute ce que j’ai à te dire et peut-être auras-tu récompense par la suite. »

Peut-être. Ce n’était pas sûr et cela dépendrait de la manière dont il arrivait à gérer ses cinq minutes de concentration. Alors enfin elle eut droit à un peu d’écoute et de considération pour ce lieu unique. Enfin Althar posa les bonnes questions, qui soulevaient les grandes interrogations.

« Il faut que tu apprennes à percevoir les choses sous différentes considérations. La Force te transcende. Mais tout comme la Grande Mère, elle est omnisciente. Cette omniscience s’exprime de n’importe quelle manière, si tant est que l’on arrive à l’écouter. Dans la plupart des cas, tu percevras la Force. Mais quand elle aura choisi te de parler, crois-moi, tu le sauras. Enlève-toi de la tête cette personnification. Les Nelvaaniens l’appellent la Grande Mère, mais ce n’est pas un être physique ou tangible. C’est purement onirique. En dehors des perceptions de la galaxie. »

Tout n’était que vision de l’esprit après tout. Althar était vieux. Il ne fallait pas se le cacher. Lui apprendre tout ce qu’elle avait fait avec les autres ne serait pas chose aisée. Sa pensée était déjà parasitée par son vécu, son expérience. Mais elle ne perdait pas espoir. Pas encore en tous cas. Parce qu’il n’était pas non plus étranger à tout cela. Mais chaque chose en son temps, dirons-nous. Puis, l’épreuve de la porte. Il ne s’agissait pas de pousser sur un bouton, mais bien de la soulever la roche avec la Force. Lui en demandait-elle trop, tout de suite ? Surement pas. Pendant qu’il se concentrait sur la roche, elle lui susurra à l’oreille.

« Calme-toi. Fais le vide, laisse tes questions à côté. Crois-le. Visualise le tour de la porte, visualise tous les interstices. Crois en toi. Saisis toi lentement de la porte et tout aussi lentement lève là. Aux yeux de la Force, elle n’a pas de masse, pas de poids, pas d’emprunte. Elle est dans la Force, c’est une composante. Soulève-la. »

Et la pierre bougea. Lentement, très lentement. Mais elle bougea. S’écarta de son axe pour y laisser passer une fissure, un trou, puis un passage. Helera n’avait pas aidé, parce que ce n’était pas à elle de le faire. Essoufflé et presque en sueur, elle le gratifia de son plus beau sourire et posa une main sur son front.

« La pierre n’est pas plus lourde que le tissu. C’est dans ta tête que cela se passe. »

Elle continua.

« Orek, cela te parle ? Ce mot signifie ni plus ni moins que … « Passage Spirituel ». C’est encore un terme dérivé de la Force. Les chamans ne sont pas choisis parce qu’ils le veulent. Mais parce qu’ils ont la Force. La divination, est une des composantes de cette Force. Voir un des futurs. C’est pour cela que tu vois des peintures de l’avenir. D’un avenir … »

Puis ils s’engouffrèrent dans le boyau jusqu’à la prochaine prophétie. Elle lui expliqua ce qu’elle avait à lui dire, sans en rajouter. Il n’y avait rien à dire de plus dans tous les cas et tout ce qui était à présent sur les murs pouvait très bien être un mensonge. Mais … Dans le doute. Helera attendit, regard dans le vague, qu’Althar puisse intégrer en lui la prophétie. Qu’il puisse admirer l’art qu’il avait sous les yeux, et toute la teneur que cela représentait. En fin de compte, il y avait peut-être bien l’histoire de la reine ici. Qui sait ? En tous cas, elle ne bougea pas et attendit les questions. A la première, ce fut simple.

« Je ne sais pas. A trop croire à son futur, on finit par le créer sois même. Ce n’est pas un sermon qu’il y a sur le mur. Sinon il aurait été montré au peuple, comme exemple à ne pas suivre. Tout le monde n’a pas accès à cette prophétie. »

Il tenta de la réconforter, même si le destin qu’on lui attribuait, elle l’avait déjà intégré. Et même si elle faisait tout pour repousser l’inévitable. Par une ligne de conduite digne, honorable au possible. Pourtant il se rapprocha tout de même. Ce qu’il lui dit … fut vraiment idiot, en effet. Elle n’accepterait, ni ne pouvait accepter de le tuer. Lui dire cela, c’était accepter cette prophétie, c’était déjà en prendre parti, c’était créer l’avenir. Non. L’avenir était en mouvement. Cela pouvait être changé. Il l’embrassa, et le laissa faire. Pourtant, il ne prenait pas au sérieux son potentiel. Même si cela était dit sur le ton de l’humour, elle se rendait compte qu’elle ne lui avait jamais vraiment montré l’étendue de ses pouvoirs. Sa main était alors sur son cou et elle la retira aussitôt.

« Arrête ! Je ne te tuerai pas. Si jamais je venais à devenir ce que la prophétie dit de moi, alors je devrais être arrêtée. D’une manière, ou d’une autre. Tu ne te rends pas compte Althar, je ne veux pas te faire de mal … »

Elle laissa trainer sa main sur sa joue et l’embrassa quand même.

« Rien n’est idiot. Je ne sais pas. Raison de plus pour que tu sois prêts le jour où cela arrivera. »

N’était-ce pas pour cela qu’ils étaient venus à l’origine ?

« Viens, suis-moi. »

Elle ignora volontairement la dernière question et emprunta les escaliers centraux. Guidant avec les lueurs de la torche, ils arrivèrent dans une salle de pierre circulaire, dont un des côtés s’étaient effondré et donnait sur le vide. Ou du moins pouvait-on le prétendre puisque l’on n’y voyait presque rien. Seuls quelques fins liseraient de lumières venant de l’extérieur éclairait quelques parois, montrant l’étendu du gouffre. Sur la salle en elle-même, plusieurs représentations. Certaines effacés par le temps, d’autres abimées. D’autres qui restaient totalement intacte et dont la nature du dessin restait fidèle à la représentation d’origine.

« Chaque représentation forme le panthéon de Nelvaan. Ce ne sont pas des dieux, ce sont des entités directrices, des élus, choisis par la Grande Mère. Ils sont les piliers de sa sagesse et de sa grandeur. Ohorag Nelvar est ici. »

Représentation d’une silhouette avec une lance ornée montrant sa grande compétence de chasseur. A sa main gauche, une sorte de cube jaunâtre. Sur sa tête, une couronne aux ornements absents.

« Comme tu peux le voir, il n’y a pas de race représenté, ce n’est qu’une entité. Ce sont là les trois reliques d’Ohorag Nelvar. La lance, la couronne et le cube. »

Elle se dirigea vers un second.

« Zonr Geshar, l’enfant des étoiles. Ne porte pas d’arme. Il est le calme et la tempérance. Il porte un objet, un rouleau de parchemin, ou une sorte de bâton. Dont je n’ai aucune idée de ce que cela peut-être et un heaume sur la tête. Il doit rester des représentations de lui dans une salle adjacente qui s’est effondrée il y a quelques mois. Je crois me souvenir où elle était. »

Vers le troisième.

« Eweon Nakram, dont il manque toute la partie inférieure de cette représentation, comme tu peux le voir. C’est en gros … la représentation de l’ordre. Si Ohorag Nelvar est le commandement par l’union, lui serait le commandement de sa propre personne, vers le dépassement de soi. »

Tout le reste était totalement détruit ou partiellement effacé. Helera se dirigea vers le creux dans la salle qui laissait passer les courants d’air chantant dans la montagne.

« Chaque entités a une salle. Cachée quelque part dans la montagne. Booros m’a expliqué qu’à l’origine, il y avait des réseaux de tunnels qui y menaient, mais que les effondrements successifs avaient totalement détruit les passages. Il m’a expliqué que la Grande Mère choisissait ceux qui avait accès aux salles. Les élus eux-mêmes, en gros. »

Et elle avait trouvé la salle d’Ohorag Nelvar. Pas étonnant ceci dit.

« Mon prince. C’est le moment de croire en la Force. Nous allons faire le grand saut. »
Avatar de l’utilisateur
By Althar Fanrel Keto
#33179
De toutes les leçons qu’il recevrait ce jour-là, peut-être la plus dure à apprendre fut celle de la passion. Car tel était-il, Prince amoureux plus habitué aux grandes tirades sentimentales qu’à une véritable attention intellectuelle. Cela ne voulait pas dire qu’il n’écoutait pas. Ou n’écoutait pas. Simplement, comme bien des individus dans cette Galaxie – certainement ceux qui peuvent se permettre telle paresse – Althar préférait se concentrer sur le plaisir et la passion, sur le luxe de pouvoir clamer haut et fort un désir innocent pour celle qui tentait de lui apprendre quelque chose. Mais la vie n’est pas toujours affaire de plaisirs, cette leçon n’était pas nouvelle. Tout autant que ses quasi-échecs scolaires, il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’il passe à côté de cette nouvelle vie sensitive. Mais il écoutait. Malgré tout.

C’est bien pour ça qu’il baissa la tête, à chaque remontrance. Celui qui vit de passions souffre autant du positif que du négatif. La pichenette était méritée cependant. Mais la seconde fois, elle, fut bien pire que la première. Si elle avait montrée la nécessité d’écouter sans hausser trop la voix après ses dérives un peu trop physiques, cette fois les mots furent durs. Trop, peut-être, pour quelqu’un qui pourtant les avait choisi certes maladroitement, mais sincèrement. Rien de ce qu’il lui disait, en permanence, n’était mensonge. Ni de près ni de loin. Une sincérité exclusive qu’il lui réservé à elle et à personne d’autre. Parce qu’elle était Helera, parce qu’elle était Ohorag Nelvar, parce qu’elle était elle. Bien sûr qu’il ne se rendait pas compte, bien sûr qu’il était dépassé par des prophéties énoncées des siècles passées pour des gens imaginaires que personne n’aurait pu prévoir, mais ce qu’il lui disait n’était que pure vérité. Maintenant et à jamais, comprendre ce dont il était question passait par l’accepter. Par mettre cette main sur ce cou, par lui montrer que des mots ont la valeur qu’on leur donne. Rien n’est écrit, mais si cela doit se passer ainsi, il était prêt. Ni effrayé ni prêt à s’enfuir. Se regarder dans les yeux était la preuve qu’il comprenait que sa propre vie pouvait à présent totalement basculer parce qu’elle n’était pas une personne comme les autres. Elle n’était pas quelqu’un voué à un destin quelconque. On prédisait peut-être sa folie et la mort de ceux qu’elle aimait. Et lui, il lui affirmait qu’il était prêt à courir le risque. A accepter que son propre destin soit peut-être entre les mains d’une volonté qui le dépassait, et qui avait décidé que ce se serait cette main qui aurait raison de sa propre existence.

Tant pis. C’était bien tout le problème de cette journée. Apprendre ce qui ne pouvait l’être. L’onirique soi-disant bavard. S’enfoncer plus avant dans ces grottes était-il la représentation de sa perte toujours plus profonde dans ce monde qui tendait à le perdre plus qu’à ne le trouver ? « Être prêt le jour où ça arrivera … » Cette phrase était peut-être encore pire ...

Il resta silencieux, après les écritures saintes. Autant parce qu’elle avait raison que parce qu’il était étonné de lui-même d’apprécier cet aspect plus « sérieux » chez sa compagne. Il était loin de la connaître pleinement, et elle le lui démontrait une fois encore. Le Prince se laissa donc guider dans cette nouvelle section de la montagne. Après les prophéties venait le panthéon. Silencieux et concentré. Presque comme un enfant qui s’est fait gronder. Attentif, le menton haut, il écoutait. Avançant au rythme de son guide, comme s’il était là en pleine visite de musée, ses yeux se perdaient sur les silhouettes qu’elle lui décrit tour à tour. Chacune représentait une façon de gouverner, semblait-il. Une aspiration, peut-être, à incarner une figure mythique de la conception politique nelvaane. Le rassemblement, la tempérance, et l’ordre. Simple, mais étonnement évolué pour une société qu’on pouvait aisément considéré comme primitive. Les noms sonnaient comme des figures historiques, du moins lui semblait-il. Avaient-ils eu un jour une existence potentielle ? L’enfant des étoiles s’était-il déjà posé sur ce monde pour apporter savoir et calme aux fougueux chasseurs ? Peut-être. Tout n’était que peut-être dans cet univers tantôt magique et tantôt matériel. Oui et non. Les deux à la fois. Cela offrait un peu plus d’incertitude, et de mystère, à l’ensemble. Il n’en restait pas moins que tout ceci restait inaccessible. N’aurait-il pas été plus commode d’en offrir l’accès aux chefs de clans ? Aux futurs dirigeants ? L’explication suivante, sur les anti-chambres, le laissa d’autant plus pantois quant au sens que tout ceci avait. La Grande Mère choisissait. Autrefois ? Qui ? Y a-t-il des gens vivants déjà choisis par la Grande Mère, à part Helera ? Pourquoi les salles s’effondrent maintenant, alors ?

Il traîna des pieds, à présent. Faux moyen de protestation, c’était simplement parce qu’il s’attarda un peu les trois figures, et plus longuement sur celle incarnée par Helera. Ohorag Nelvar. Deux objets lui parlaient. Et dans l’ensemble, cela correspondait. L’unificateur. Cela semblait si naturel pour un peu aussi éparpillé de rêver un jour qu’une telle personne existe. Pourtant, cela se révélait être quelqu’un d’autre monde de cette Galaxie, quelqu’un qui ne les connaissait pas et qui n’avait pas eu cette volonté, au tout départ. C’était sûrement sa force, cela dit. Sa capacité à dépasser les clans, et à leur prouver qu’elle valait mieux que ça. Quel drôle de peuple. Son regard glissa de la paroi à Helera, avant de se décider enfin à émettre un petit sourire.

    « Quel est le cube tenu à la main ? Je n’ai jamais vu une telle chose au château … »

Le têtan s’était décidé à sortir de son silence.

    « Elle me fait penser à des choses existantes, je crois, d’autrefois … Dis, tu as déjà rencontré les autres incarnations ? Les deux autres ? Si toi tu peux être ce .. rôle ? Cette fonction ? Je ne sais pas comment il faut dire, mais tu comprends ce que je veux dire, si tu peux l’être, cela signifie qu’il y en a d’autres n’est-ce pas ? Ton frère aussi a trouvé celui qui lui correspondait, n’est-ce pas ? »

Son regard se porta sur le deuxième. C’était le choix évident, et le plus mesuré des trois. Le premier était Helera, le trois se devait d’être quelqu’un moins enclin à la discussion. Du moins, il n’était pas sûr d’avoir totalement perçu ce dont il en retournait pleinement. Ne restait que celui du milieu, donc, qui correspondait plutôt bien à Loran.

    « Il te complète bien, vous faites un bon duo tous les deux. »

Un sourire sincère à sa compagne témoigna de l’intention des plus simples à son égard.

    « Mais il reste une chose que je comprends pas … Ici, il n’y a que toi et Booros qui venez ? Personne d’autre ? Comment sont-ils censés se reconnaître, et … découvrir la salle alors ? »

Un sourcil haussé.

    « Surtout si tout est en passe de se détruire … La Grande Mère ne veille pas sur ces salles ? N’a-t-elle pas ce pouvoir ? Si cela continue, tout va disparaître, et donc les croyances avec ? Tu vois ce que je veux dire ? Il y a une culture tellement riche ici … »

Ses yeux passèrent en revue les présentations, ou ce qu’il en restait. Les mains sur les hanches, il poussa un soupir.

    « Il faudrait protéger tout ça, y mettre des protections, renforcer les cavités … Ou tout scanner pour en faire des représentations holographiques fidèles, pour les reproduire … Je peux demander comment faire, et acheter ce qu’il faut si tu veux, lorsque je ferai un tour sur Têta … Les conservateurs des musées de Cinnagar pourraient .. Enfin … désolé, désolé, c’est juste que je trouve dommage de voir tout cela s’abîmer. Qui sait quel avenir leur est réservé ? Qui viendra après nous ? Nos ... nos enfants ? Les enfants de ton frère ? La prochaine génération de nelvaaniens ? Le successeur de Booros ? Les chefs de clans ? »

Il jeta un dernier coup d’oeil à l’ensemble avant de revenir vers Helera, et la sortie sombre de la salle. Cette fois, difficile d’avoir aussi confiance que jusqu’à présent. Les éboulements successifs étaientt peut-être récents, ils n’en restaient pas moins assez impressionnants. La perspective que tout leur tombe sur la tête n’était pas très rassurante, d’autant plus avec ce sifflement régulier. Le vent. Même ici, prêt à souffler sur leur torche et dans leurs cheveux. Ce froid qui leur battait le visage. Mais cela n’avait pas l’air de la déranger plus que de raison.

    « Le grand saut … ? »

Il reprit sa main avec un peu plus d’assurance, même si son visage n’affichait pas une confiance aveugle.

    « On va continuer à descendre, tu veux dire ? L’air libre commence à me manquer … mais .. oui, oui, le grand saut, ok ... »

Ils commencèrent la suite du périple dans le nouveau boyau qui devait mener quelque part d'autre. Sûrement vers un enchevêtrement de salles, ou autre chose, comment était-il censé connaître ?

    « Pas littéralement, hein ? Si j'avais su que le château était bâti sur du vide ou bien contre, enfin, je sais pas ... Brrrr ... Pourquoi ils ont pas juste creusé un peu dans la montagne et fait quelque chose sur plusieurs étages, simplement ? Pourquoi s'enfoncer comme ça ? »

C'était une fausse mauvaise humeur, de toute manière. Il faisait le ronchon parce qu'il n'avait pas prévu d'avoir à faire le malin devant Helera. Mais les lieux fermés n'étaient déjà pas bien son fort, alors maintenant qu'elle évoquait une potentielle cascade à faire ... son esprit commençait à s'inquiéter.

    « Non mais puis-même ... Il faudrait pas que tu te blesses, on est pas très équipés et personne pourra nous aider ici en plus ... t'es sûre que tu veux continuer ? Hmpf ... pourquoi je demande de toute façon, je connais la réponse ... »

Le Prince plissa les yeux avant d'adresser un sourire à Helera, avec un peu d'amusement tout de même. Derrière toute cette inquiétude restait une pointe de jeu. Mais pas assez pour le rassurer pleinement.

    « Pourquoi tu tenais à m'amener ici aujourd'hui, Helera ? L'histoire de Nelvaan, ton histoire, les meneurs, tout ça est fascinant, mais ... Tu veux que je comprenne quelque chose, c'est ça ? Hmmm ... Puisque tu es l'incarnation de la Grande Mère, enfin, non, elle n'existe pas en forme concrète, j'ai compris, j'ai écouté, puisque tu es son ... relais ... en quelques sortes, cela veut dire que tu m'as choisi, et que du coup j'ai quelque chose à voir ? Ce serait étrange.

    Mais j'espère être à la hauteur de ce que tu es, Lera, un jour ... d'être à la hauteur de ce qu'attend de moi la Grande Mère.
    »

Un haussement d'épaules.

    « Mais j'aime bien quand tu m'apprends des trucs. C'est dépaysant ... et puis ça fait des rendez-vous différents, quoi. D'autant que si tu choisis de me montrer ça, ça veut dire que je vais avoir le droit de rester un peu plus c'est ça ? Tu me pardonnes pour mes écarts de tout à l'heure ? Ou c'est justement pour me pousser dans le vide, ma Reine ? »

Un ultime sourire, ils étaient arrivés, de toute façon.
Avatar de l’utilisateur
By Helera Kor'rial
#33271
« Parce que le cube n’est pas au château. »

Dit-elle avec malice, un sourire au coin des lèvres, sans ajouter de commentaires supplémentaires. Le mystère, le mystère. Helera passa une main sur sa représentation.

« Les autres n’ont pas été révélées. Loran n’est pas l’une d’entre elle. Tu aurais pensé à laquelle ? Il n’a pas les objets du rituel, n’a pas vocation à les trouver non plus. Son passé de Jedi le force à rester dans l’attente de l’évènement, sans provoquer le destin. Peut-être qu’un autre membre du panthéon sera élevé en son honneur, qui sait ? La Grande Mère décide, pas moi. »

Althar semblait le croire dûr comme fer, mais ce n’était pas le cas. Helera en était certaine, persuadée et convaincue. Quand on le devient, on le sait. La salle s’ouvre, la salle appelle. Nelvaan est mystique, nul ne peut le nier. Aussi ne fallait-il pas oublier que la Grande Mère était tout. Difficile à croire, difficile à comprendre. L’équilibre était son arme, alors méfiance.

« La Grande Mère décide. En réalité, les chamans ne franchissent jamais le premier seuil et les salles adjacentes. Il y en a d’autres. Dans d’autres montagnes, d’autres passages. Je ne les connais pas tous ni n’ai eu accès à toutes les prophéties. Ici, ce sont celles de Tynkila. »

Elle esquissa un sourire.

« Tu vois de la destruction dans les ruines. Des éboulements, des passages qui s’ouvrent et se ferment. Vois-y … la providence. Les salles s’ouvrent quand il le faut, quand il y a besoin d’y voir quelque chose. Je te le redis, la Grande Mère veille. »

Helera se rapprocha et lui mis ses mains froides sur les joues.

« Sent la Althar. Laisse tes considérations d’adultes de côté. Ouvre un regard innocent sur ce qui t’entoure. Il n’y a pas de logique, juste la volonté d’une entité. Ni plus, ni moins. Tous viendront à l’heure où ils seront appelés à le faire, s’ils doivent le faire. Rien ne doit être touché. La Grande Mère ne le permettra pas. Je n’ai pas envie de provoquer son courroux parce que nous avons cru être plus malin qu’elle. »

Helera gardait son sourire mais se détourna d’Althar, vers les autres représentations. Certaines étaient vieilles de plusieurs millénaires et le temps n’avaient pas résisté. Ou simplement parce qu’elle n’avait pas lieu d’être.

« Le panthéon se relèvera en temps utile. »

Helera était penchée au niveau du trou, la main dans celle d’Althar, les yeux fermés. Elle laissa le vent passer sur elle, épouser ses formes, caresser et de sa main céleste, lui démontrer sa tendresse. Althar refusait d’y croire, cela se sentait. Pourtant … Pourtant, il devait voir ce qui n’était pas possible. Elle le prit par la main et continua sur la paroi, séparé du vide par une mince surface d’à peine un mètre.

« Tu as peur ? Demanda-t-elle. Mais de quoi ? De mourir ? De tomber ? Si je te dis qu’il ne t’arrivera rien parce que c’est comme cela. Parce qu’elle en a décidé. Arrives-tu à croire en elle, Althar ? »

Elle parlait sans vraiment attendre de réponse, l’accompagnant contre la paroi, le regard braqué vers l’avant dans la pénombre ambiante. En hauteur, bien loin en hauteur, la lumière de l’extérieur filtrait au travers de cristaux qui eux même éclatait le spectre en quelques couleurs froides, telles le bleu ou le blanc. La lumière n’était pas claire, mais permettait de voir où l’on marche. Qui en avait besoin cependant, hm ? Il parla tout seul à son tour. Le vide sous le château, le fait qu’elle se fasse mal. Il n’y avait rien à répondre. Des considérations qui n’avaient pas leur place ici. Sa main dans la sienne, elle continuait à le tirer, jusqu’à un a-pic. On devinait une rivière qui y coulait aux clapotis qui se répandaient en écho, sans pour autant la voir. Devant eux, il n’y avait plus de route. En hauteur, il n’y avait pas de plafond, bien trop haut pour l’apercevoir. En bas, rien que les yeux ne pouvaient voir non plus. Une légère brume s’élevait et dansait, semblant former un coussin sur lequel ils auraient pu marcher.

« J’ai choisi de vivre avec toi. Mais tu es ici pour voir et comprendre. Où allons-nous ? A sa rencontre. »

La Reine se tourna face à lui et le regard en silence pendant quelques instants. Elle passa son doigt sur son front pour y redresser une mèche.

« Nelvaan n’attend pas de hauteur, ni de grandeur d’âme. Tu es ce que tu es. Le reste vient avec le temps. »

Elle jeta un regard dans le vide derrière elle.

« Tu vois le danger ? Il n’en est rien. Si tu arrives à t’ouvrir à elle, tu le verrais. Tout n’est pas que rationalisation. Il y a des moments où il faut savoir lacher prise. »

Puis sa bouche vint rencontrer la sienne. Ses bras contre les siens. Elle l’embrassa pendant une longue minute, dans la pénombre d’une grotte sous la montagne. Dans la fraîcheur de Nelvaan. Puis lentement, le contact se rompit, lentement elle glissa en arrière, ses doigts parcourant tout son avant bras. Et elle se laissa tomber en arrière, disparaissant dans les brumes.
long long title how many chars? lets see 123 ok more? yes 60

We have created lots of YouTube videos just so you can achieve [...]

Another post test yes yes yes or no, maybe ni? :-/

The best flat phpBB theme around. Period. Fine craftmanship and [...]

Do you need a super MOD? Well here it is. chew on this

All you need is right here. Content tag, SEO, listing, Pizza and spaghetti [...]

Lasagna on me this time ok? I got plenty of cash

this should be fantastic. but what about links,images, bbcodes etc etc? [...]