- dim. 10 juin 2018 11:22
#32887
[La rencontre de la Grande Mère]
[Nelvaan – Quelques jours après son arrivée]
[Nelvaan – Quelques jours après son arrivée]
Qu’est-ce qu’il pouvait faire froid ici … Même emmitouflé dans une peau de bantha le vent lui glaçait les os. Lorsque la porte s’ouvrit, il ne se fit pas prier pour pénétrer dans l’antre chaleureux où vivait le vieil homme. Sans le vouloir, il lâcha un soupir de contentement en sentant la vie l’envahir. Ce feu crépitant était une vision de rêve après avoir eu à se perdre dans le dédale que représentait la cité pour lui.
Le Prince esquissa un sourire timide, voire gêné, face à la figure paternelle qui s’affairait dans la hutte. C’était spacieux, à sa manière, mais ce n’était pas le genre d’endroit où il s’imaginait passer toute sa vie. Mais c’est charmant. Mais un peu trop rustique quoi … Enfin, ça dépendait de qui l’occupait avec lui. Sortant ses mains de la protection velue qui le couvrait de la tête au pied, l’offrande fut dévoilée au regard amusé du maître des lieux. Ce n’était pas grand-chose, à dire vrai, voire même un prétexte pour oser le déranger. Quel autre moyen aurait-il eu autrement ? Tout cela était si frais, cette rencontre, cette relation, tout. Il était encore celui à séduire et mettre dans sa poche pour être certain qu’il l’accepte dans son clan. Un ancien et surtout un vieux sage qui devait garder un œil sur sa fille, même si les deux gardaient une distance douloureuse. Mais après tout, ça n’empêchait pas d’aller le voir. C’est pour cela qu’il était là.
C’est fou, même avec toute la sympathie que pouvait dégager cette barbe blanche il ne pouvait faire se sentir gêné. Carn laissa planer un doute sur sa réponse, sûrement pour ne pas le froisser, et reprit ce qu’il était en train de faire, installé sur son siège. La luminosité n’aidant pas, Althar ne chercha pas vraiment ce dont il s’agissait, visiblement une histoire de plantes. Tout ceci était bien trop neuf pour en saisir les implications, même si son imagination suffisait à faire tout le reste. La soupe de Booros embaumait encore ses esprits pour se douter que tout ceci y était lié. Mais il n’était pas là pour ça. D’un pas lent, découvrant d’un regard vague ce qui l’entourait, c’est comme tout animal meurtri par le froid qu’il se rapprocha du feu.
Il se sentait penaud. Penaud et bouillant. L’effet de la peau de bantha était en passe de se retourner contre lui et l’emprisonner dans sa propre timidité et la chaleur qu’elle lui faisait dégager. Il s’en libéra discrètement, sous les quelques regards toujours plus amusés du Kor’rial. Il devait être un drôle de spectacle pour lui, et une bonne manière d’oublier les choses qui le préoccupaient tant. Ce départ prochain, cette visite régulière de Kuat, tout ceci était bien loin d’un beau-fils un peu maladroit qui essayait de se faire bien voir. Un innocent qui même avec tout le sérieux qu’il pouvait dégager semblait totalement désarmé face à lui. Curieux sentiment au milieu de ce monde d’égaux, sans pour autant faire tâche. Pour le peu qu’il en avait entendu, et le peu qu’il en avait vu, Althar s’était montré curieux et volontaire, malgré les à priori qu’on peut avoir pour un Prince du Noyau. Il était encore loin de s’accoutumer à ce mode de vie, mais les efforts, les premiers, montraient qu’il en serait peut-être capable en fin de compte. Sa fille avait peut-être bien choisie celui qui se tenait à ses côtés chaque jour lors de leurs traversées quotidiennes de la cité.
Même s’il semblait un peu réservé. Le silence inconfortable qui s’installa n’aidait pas. Le têtan n’osait pas le regarder, se grattant maladroitement derrière la tête alors que seuls les crépitements du feu et le souffle du vent à l’extérieur se faisaient entendre. Ca débutait mal. Mais comme l’enfant qu’il incarnait par cet air désemparé, il n’en fallait pas beaucoup pour lire en lui. C’est pour cela que ce fut Carn qui parla le premier avec un air sérieux retrouvé.
Hop, l’hameçon était lancé. Et le gros poisson ne manquait plus qu’à mordre, s’il arrivait à trouver la contenance pour parler.
L’objet des préoccupations du Gris avait disparu de ses mains. De cela il venait de se rendre compte en relevant les yeux petit à petit vers lui, où leurs regards se croisèrent finalement. Les mains jointes devant lui, il semblait attendre l’évidence. Fallait-il lutter ?
Nouveau silence, avec une seule différence : le Prince le fixait ardemment. « L’évènement » qui s’était déroulé le premier jour où il avais mis les pieds sur cette planète avait été mis sur le côté au profit de prolifiques activités bien plus passionnantes, à ce qu’il semblait. Deux âmes cherchaient à se retrouver, usant d’une énergie considérable pour parvenir à recoller les morceaux d’un éloignement trop long à leur goût. Quel supplice cela avait été de la quitter, l’heure précédente, pour venir là. Mais elle avait des obligations, et il essayait tant bien que mal de ne pas être une gêne. Assez de plaisirs partagés, donc, et un peu plus de travail. Cacher ses doutes et ses questions dans une occupation permanente n’effacerait jamais ce qu’il avait ressenti cet instant-là. Pourtant, aussi fou que celui puisse paraître, jamais ils n’en avaient reparlé. Jamais il n’avait fait le pas d’évoquer hors de ses pensées cette … magie ? Ce n’était pas un tabou. Pas vraiment. Ils avaient eu l’occasion d’en parler, sur son vaisseau, d’en mesurer l’extraordinaire facilité et tout le génie qu’elle nécessitait. Un jeu alcoolisé, même, nécessaire à briser la méfiance naturelle d’un impérial trop rêveur. Mais pas depuis qu’ils étaient de nouveau ensemble. Pas comme ça, pas aussi simplement, sans l’évidence qu’elle devrait avoir. Cela dépassait sa compréhension, à vrai dire. Ce simple moment, ce qu’il avait vu, ce n’était qu’une infime action de la Force mais elle était une brèche immense dans son psyché.
Ce n’était pas formulable. Pas encore. Et pourtant c’était face à lui que le besoin d’en parler se faisait sentir. Le besoin de vérifier ce dont il était réellement question, le besoin de rassurer cet infantile doute de se découvrir bien plus qu’il ne l’est vraiment. Ce n’est pas faute de ne pas avoir entendu Helera …
Sa bouche ouverte, vide de tout son, se referma finalement. Il n’était pas en mesure de s’opposer. Face au geste de son interlocuteur, il prit place avec lenteur non loin de lui sur une bûche qui devait servir de tabouret, au regard de sa surface lissée par le temps.
Le kuati l'observait avec intensité. Cet homme, fort d'une énergie que bien des gens à son âge envieraient, se trouvait face au dilemme du jeune apprenti. Le choix d'une méthode d'apprentissage, d'une façon de faire qui dicterait à jamais ce qui pourrait être fait de cette existence. Un enfant à qui l'on offrait la compréhension de sa propre magie pouvait être modelé à l'envie, il pouvait être guidé dans une direction, puis dans une autre, et naviguer avec aisance dans celle qui lui permettait le mieux d'y arriver selon ses capacité. Mais un adulte ... Si âgé ... La possibilité que tout ceci soit impossible était très grande. Suffisamment pour qu'un maître, aussi fantasque fut-il en général, s'en trouve forcé au calme et aux méthodes les plus calmes et les plus claires qu'il connaissait. Une nécessité pour s'assurer d'une réussite à minima chez celui qu'il commençait à apprécier, et que la perspective de le voir échouer ne l'enchantait pas. Cette singularité, cachée chez un nombre inconnu di'ndividu, restait un don formidable qui méritait d'être découvert. Peut-être que cet homme, aussi humble fut-il face à lui, méritait de pouvoir le découvrir à son tour. Alors pour cette première fois, pour cet instant entre tous les deux, il serait calme, et attentif. Il serait l'ancien maître qu'il fut il y a longtemps, et il accompagnerait à sa façon celui qui pouvait échouer à chaque instant. Voilà la seconde force des Jedi, voilà ce qu'il était prêt à faire pour sa fille.
L’un et l’autre se regardèrent un instant, laissant au silence le temps de digérer ce qu’on essayait de lui faire comprendre. Si quelqu’un était entré là, à cet instant, sûrement n’y aurait-on pas vu un Prince. Simplement un jeune homme en plein questionnement, loin d’incarner la royauté face à un ancien qui tâchait de lui apprendre une leçon avec le calme de la Grande Mère. Cette voix de la sagesse, incarnation parmi tant d’autre de la paisible harmonie de ce monde.
Un sourire élargit son visage sans qu’il ne cesse de regarder avec intensité cet apprenti d’un jour.
Carn reprit sa posture d’attente, essayant de ne pas trop prendre cet air enjoué lié à cette découverte. C’était là un plaisir singulier que de voir naître sous ses propres yeux un apprenti de la Force. Surtout, c’était une sensation qu’il n’avait pas connu depuis longtemps. Sans le chercher vraiment, ni même le vouloir, peut-être, il s’en trouvait tout de même le maître potentiel de celui qui convoitait sa fille. Et comme si l’ironie ne suffisait pas à cette image silencieuse, il s’apprêtait peut-être à former un Prince impérial, et le fils du numéro 2 de l’Empire. Mais cela aurait été peut-être aller trop loin face aux préceptes Jedi que d’y voir là l’occasion d’une pseudo-vengeance. Non, l’éclosion d’une fleur restait un spectacle suffisamment rare à ses yeux pour l’apprécier. Elle était l’aboutissement d’un potentiel qui était en passe de prendre sa forme primaire, et de trouver la force nécessaire pour accéder à la compréhension concrète de leur propre monde. C’était redonner la vue à un aveugle, et finalement tendre la main à quelqu’un dans le besoin. Tout cela et rien à la fois. Il ne manquait que les mots d’Althar pour que ce processus débute enfin.
Et voilà. Le patient face à son psychiatre. Un filet d’eau devenu rivière, et un doute reconverti en certitude. Mais il n’avait pas tout dit, encore. Le kuati ne bougea pas, ni ne parut sourciller. Il attendait quelque chose de plus. Le crépitement du feu reprit lentement sa place entre eux, baignant leurs visages de sa lueur chaleureuse. Une dernière chose, Althar, allez.
Ils y étaient ! Il est facile de saisir quel est son propre problème, mais il est toujours difficile de l’accepter. Après tout ce temps à s’observer, tout ce temps à contempler l’évidence, les mots avaient formulé l’unique raison qui l’avait mené à la rencontre de cet homme. Il aurait pu trouver bien d’autres choses à faire, à découvrir, à apprendre sur ce monde qui lui était toujours inconnu, mais il était venu ici. Sans trop réfléchir, sans préparer la raison de sa présence ici. Il avait tout à craindre de ce vieil homme, mais il avait préféré le confronter plutôt que de tenter d’aller espionner Loran ou Helera. Non, définitivement, les choses avaient fini par se mettre en branle dans la Force et le chemin le menait à lui. Oh oui, le père souriait. Parce que tout ceci ne le surprenait pas, et se trouvait être même ce qu’il attendait de lui. Il avait seulement fallu un coup de pouce de sa fille pour que cela se réalise, mais là encore telle était la volonté de la Force.
Il se releva avec une étonnante fulgurance, à l’opposé de l’attitude qu’il pouvait donner s’il se laissait aller au confort de son siège. Sa main désigna une zone au sol, sur les peaux de bête, afin qu’il prenne place. Althar ne savait pas trop dans quoi il s’embarquait. Il avait déjà vu faire les chamans, tout cela avait l’air d’être un coup à consommer un peu trop et se prendre soudainement pour l’oracle d’un temps nouveau. Mais cela aurait été aller contre ses propres ressentis. Il … il était en confiance, avec lui. Même s’il redoutait ce qui pouvait se passer, au fond de lui l’appel était plus fort, et la figure Kor’rial imposait d’une autorité sincère sans le vouloir. A présent, les dés étaient jetés. Et lui, assis les fesses par terre, face au feu de bois qui illuminait la pièce. Derrière lui, son guide faisait un peu de place et s’assurait qu’ils ne seraient pas trop dérangés le temps de leur opération.
Puis vint le moment où il n’y eut plus de bruit, mais plus de présence non plus. Althar n’avait pas bougé, ni ouvert la bouche. Les jambes croisées, les mains sur les genoux, la pose était classique, et vue et revue dans tout ce que sa curiosité l’avait poussé à regarder. Il s’essaya à rouler lentement sa tête sur ses épaules, et ferma les yeux. Son esprit n’avait de cesse de reformuler les questions qui le traversaient. L’épreuve qui s’annonçait serait … complexe.
Où était-il ? Il n’arrivait pas à le situer derrière lui, jusqu’à se demander s’il était parti de la hutte ou non. La réponse semblait négative.
Le ton s’abaissait lentement. Le temps semblait ralentir. Le feu crépitait au gré du bois qu’il parvenait à ronger de sa gourmande flamme. Le vent battait lentement contre les parois de l’habitation.
L’opération était minutieuse. Répétée, encore et encore, jusqu’à ne plus entendre que sa propre respiration.
* Cesses de penser, Althar … Ecoutes le monde qui t’entoure, et oublies ce que tu es … *
Une longue respiration.
* L’univers est un tout qui vit en harmonie. Le souffle du vent glissant sur le sol, le crissement de la neige lorsqu’elle est foulée, le crépitement du feu qui brûle tout doucement … *
Il fallait qu’il entende tout cela. Qu’il oublie son esprit pour un temps, et qu’il écoute simplement. C’était un peu dur, au départ. Et même au milieu.
* Fais le vide dans ton esprit. Oublies moi, Althar, et écoutes ce qui t’entoure. La Force est partout, dans chaque être, chaque chose qui nous entoure. Tu la sentiras comme tu sens la chaleur de ce feu, et tu comprendras. Fais le vide en toi, et tu comprendras … *
Et ce furent là ses derniers mots. Ce travail sur soi était solitaire. A présent, il était seul. Comme il l’avait toujours été, jusqu’à présent. Seul enfant, seul Prince, seul rêveur et seul amoureux d’idées stupides. Il s’était même retrouvé seul sans Helera. Seul et silencieux, tentant difficilement de lutter contre sa propre personne, dans un combat sans pitié pour arrêter de réfléchir. Il n’était question que d’écouter, que de faire le vide. Pourquoi est-ce que cela devait être compliqué ? Non, cela ne l’était pas. Pour un apprenti en bas âge.
Inspirer, et expirer. Lentement. S’oublier. Le feu, face à soi. Sa chaleur, et le mouvement de ses flammes. Le craquement d’une bûche, et le bruit d’une étincelle qui s’envole avec fureur. Respirer profondément. Cette chaleur, qui serpente au gré du vent. Instable, vivante, unique. Solitaire, et sans danger. Elle vacille comme elle l’entend, sous les caresses d’une respiration venue de loin, et d’un Prince qui sombre lentement. Au-dessus, des doigts se glissent sur la cage qui le protège. Immatériels et insaisissables, invisibles, même, formés par l’imprévisible fureur de la Grande Mère. Ce vent venu de loin, capable d’apporter la tempête tout comme le calme. Son chant était celui de l’espoir, aujourd’hui, il essayait de l’aider. Pas de colère ni de remontrances pour cette matinée, l’humeur était bonne. La cage ne plierait pas, et le feu survivrait. L’harmonie invisible, subtile et inévitable.
Il n’était rien, face à tout ça. Un spectateur, peut-être, qui redécouvrait l’existence. Une seconde naissance ? Certains sensitifs disent que oui, d’autres disent que l’on parle trop. Redécouvrir les plaisirs simples. Simplement ça. Sans pensées ni réflexions. Parce que le monde vit sans que l’on y réfléchisse. Les choses vivent autour de soi, elles vivent sans que l’on y soit, sans que l’on interfère. La vie et la mort, le feu et le vent, la chaleur et le froid. Son épiderme réagissait de lui-même aux assauts qu’on faisait contre lui simplement parce que c’est le sens de cette harmonie. Parce que la volonté de vivre, et d’exister sur ce monde est rendue possible parce que tout s’accorde, tout se répond. La peau face au froid, et le vivant face à la chaleur. L’appel timide, et un besoin assouvi sans réflechir. Les crépitements du bois, encore.
Et les liens invisibles qui l’ont placé cette toile. Discrets, inaccessibles, honteusement réprimés dans la crainte qu’ils ne soient que source d’une douleur connue par le passé, ils étaient là. Timides. Brillants. Intouchables. Respirer, encore, pour se rendre compte que cela n’existe pas. Qu’ils sont là, qu’ils l’ont toujours été, mais qu’ils sont … invisibles ? Intouchables ? Irréels. Ils sont une sensation, une évidence, un frisson qui parcourt la nuque, et une satisfaction inexplicable. Ils paraissent si loin, encore, si vaporeux, mais dans l’étrange tableau d’un monde en harmonie, ce sont eux qui permettent à l’ensemble de s’accorder. Inconsistants, peut-être, ou insipides. Il suffirait de tendre la main … Ou l’esprit, plutôt, pour essayer de les appréhender. Un effort, un dernier, pour lutter contre la toile qui le retient. Cette lourdeur pour se mouvoir, pour arriver à déceler les frontières de cette énergie, et l’impression de n’en voir qu’une partie infime. Un effort, le plus important de tous, pour y arriver, pour gratter la surface, une seul et unique fois, d’une main tendue.
Le monde qui tourne. Une sensation bien réelle, une main sur son épaule. Revenir à la réalité est difficile. Plus, peut-être, que de se plonger dans ce monde là. Pataud, les yeux luttant pour retrouver l’habitude la pénombre, le feu semble dangereusement près de l’extinction. Une présence à un genoux à terre, à côté de lui, et lui parle de sa voix sage.
Carn se tut, voyant bien que le Prince émergeait à son rythme. L’endroit semblait plein d’odeurs nouvelles, mais il lui semblait pourtant s’être installé là un moment plus tôt à peine. Lorsque finalement il sembla plus frais, et à une température redescendue, le beau-père lui tendit une main pour l’aider à se relever en douceur.
Althar sentit une main lui tâter une joue, et le front ensuite. Il n’avait pas encore remis les pieds totalement sur terre, mais la fraîcheur de cette peau qui le touchait avait le don d’accélérer tout ça. Un sourire cependant se dressa face à lui. L’homme barbu avait laissé tomber son inquiétude pour une sympathie sincère qui se lisait sur son visage. Le Prince voulut formuler une réponse quelconque, mais sa gorge lui parut un peu trop sèche pour s’y risquer. Seul un sourire se fit pour réponse, timide et fatigué. Il lui tapota donc la joue avec douceur.
Elle … Celle qu’il venait de quitter, ou celle qu’il s’apprêtait à retrouver ? Quelle amante serait le phare de son apprentissage, et de son nouveau monde ? Il le saurait bientôt, peut-être, si ses pas arriveraient à le ramener vers le château. La pensée envoutante d’une Reine aux cheveux gris qui l’attendait en haut des marches lui apporta un réconfort soudain, sans pour autant balayer la plénitude de l’expérience qu’il venait de vivre. Il s’enroula lentement dans sa peau de bantha tandis que le kuati s’était mis en tête de relancer son feu en difficulté. Un dernier regard se posa sur lui, avant de sortir.
- « Merci pour l’accueil … Je m’excuse du dérangement, je voulais simplement vous apporter ce … ce morceau de gâteau qu’on a fait avec votre fille … »
Le Prince esquissa un sourire timide, voire gêné, face à la figure paternelle qui s’affairait dans la hutte. C’était spacieux, à sa manière, mais ce n’était pas le genre d’endroit où il s’imaginait passer toute sa vie. Mais c’est charmant. Mais un peu trop rustique quoi … Enfin, ça dépendait de qui l’occupait avec lui. Sortant ses mains de la protection velue qui le couvrait de la tête au pied, l’offrande fut dévoilée au regard amusé du maître des lieux. Ce n’était pas grand-chose, à dire vrai, voire même un prétexte pour oser le déranger. Quel autre moyen aurait-il eu autrement ? Tout cela était si frais, cette rencontre, cette relation, tout. Il était encore celui à séduire et mettre dans sa poche pour être certain qu’il l’accepte dans son clan. Un ancien et surtout un vieux sage qui devait garder un œil sur sa fille, même si les deux gardaient une distance douloureuse. Mais après tout, ça n’empêchait pas d’aller le voir. C’est pour cela qu’il était là.
- « - Merci, il ne fallait pas Althar.
- C’est normal … Nous serions très heureux que vous mangiez avec nous quand vous le souhaiterez Monsieur … »
C’est fou, même avec toute la sympathie que pouvait dégager cette barbe blanche il ne pouvait faire se sentir gêné. Carn laissa planer un doute sur sa réponse, sûrement pour ne pas le froisser, et reprit ce qu’il était en train de faire, installé sur son siège. La luminosité n’aidant pas, Althar ne chercha pas vraiment ce dont il s’agissait, visiblement une histoire de plantes. Tout ceci était bien trop neuf pour en saisir les implications, même si son imagination suffisait à faire tout le reste. La soupe de Booros embaumait encore ses esprits pour se douter que tout ceci y était lié. Mais il n’était pas là pour ça. D’un pas lent, découvrant d’un regard vague ce qui l’entourait, c’est comme tout animal meurtri par le froid qu’il se rapprocha du feu.
- « - Votre demeure est très confortable, Monsieur, il faut le reconnaître.
- On fait ce qu’on peut, mais appelles moi Carn, je te le redemande.
- Merci, je … enfin … d’accord … »
Il se sentait penaud. Penaud et bouillant. L’effet de la peau de bantha était en passe de se retourner contre lui et l’emprisonner dans sa propre timidité et la chaleur qu’elle lui faisait dégager. Il s’en libéra discrètement, sous les quelques regards toujours plus amusés du Kor’rial. Il devait être un drôle de spectacle pour lui, et une bonne manière d’oublier les choses qui le préoccupaient tant. Ce départ prochain, cette visite régulière de Kuat, tout ceci était bien loin d’un beau-fils un peu maladroit qui essayait de se faire bien voir. Un innocent qui même avec tout le sérieux qu’il pouvait dégager semblait totalement désarmé face à lui. Curieux sentiment au milieu de ce monde d’égaux, sans pour autant faire tâche. Pour le peu qu’il en avait entendu, et le peu qu’il en avait vu, Althar s’était montré curieux et volontaire, malgré les à priori qu’on peut avoir pour un Prince du Noyau. Il était encore loin de s’accoutumer à ce mode de vie, mais les efforts, les premiers, montraient qu’il en serait peut-être capable en fin de compte. Sa fille avait peut-être bien choisie celui qui se tenait à ses côtés chaque jour lors de leurs traversées quotidiennes de la cité.
Même s’il semblait un peu réservé. Le silence inconfortable qui s’installa n’aidait pas. Le têtan n’osait pas le regarder, se grattant maladroitement derrière la tête alors que seuls les crépitements du feu et le souffle du vent à l’extérieur se faisaient entendre. Ca débutait mal. Mais comme l’enfant qu’il incarnait par cet air désemparé, il n’en fallait pas beaucoup pour lire en lui. C’est pour cela que ce fut Carn qui parla le premier avec un air sérieux retrouvé.
- « Tu es là pour une autre raison, n’est-ce pas mon garçon ? »
Hop, l’hameçon était lancé. Et le gros poisson ne manquait plus qu’à mordre, s’il arrivait à trouver la contenance pour parler.
- « Je souhaitais simplement passer du temps avec vous … et .. hmm … »
L’objet des préoccupations du Gris avait disparu de ses mains. De cela il venait de se rendre compte en relevant les yeux petit à petit vers lui, où leurs regards se croisèrent finalement. Les mains jointes devant lui, il semblait attendre l’évidence. Fallait-il lutter ?
- « - C’est que .. il s’est passé quelque chose avec Helera … Non je veux dire, pas dans le mauvais sens, mais par rapport à … à …
- La Force.
- … oui … Votre fille m’a fait faire … Enfin … Je ne sais pas comment l’expliquer … Je suis peut-être fou, ou c’était un mauvais jeu avec elle ..
- Rien n’arrive jamais par hasard, Althar. La Force peut prendre des formes que tu es loin d’imaginer, dont celle que tu veux m’expliquer. »
Nouveau silence, avec une seule différence : le Prince le fixait ardemment. « L’évènement » qui s’était déroulé le premier jour où il avais mis les pieds sur cette planète avait été mis sur le côté au profit de prolifiques activités bien plus passionnantes, à ce qu’il semblait. Deux âmes cherchaient à se retrouver, usant d’une énergie considérable pour parvenir à recoller les morceaux d’un éloignement trop long à leur goût. Quel supplice cela avait été de la quitter, l’heure précédente, pour venir là. Mais elle avait des obligations, et il essayait tant bien que mal de ne pas être une gêne. Assez de plaisirs partagés, donc, et un peu plus de travail. Cacher ses doutes et ses questions dans une occupation permanente n’effacerait jamais ce qu’il avait ressenti cet instant-là. Pourtant, aussi fou que celui puisse paraître, jamais ils n’en avaient reparlé. Jamais il n’avait fait le pas d’évoquer hors de ses pensées cette … magie ? Ce n’était pas un tabou. Pas vraiment. Ils avaient eu l’occasion d’en parler, sur son vaisseau, d’en mesurer l’extraordinaire facilité et tout le génie qu’elle nécessitait. Un jeu alcoolisé, même, nécessaire à briser la méfiance naturelle d’un impérial trop rêveur. Mais pas depuis qu’ils étaient de nouveau ensemble. Pas comme ça, pas aussi simplement, sans l’évidence qu’elle devrait avoir. Cela dépassait sa compréhension, à vrai dire. Ce simple moment, ce qu’il avait vu, ce n’était qu’une infime action de la Force mais elle était une brèche immense dans son psyché.
Ce n’était pas formulable. Pas encore. Et pourtant c’était face à lui que le besoin d’en parler se faisait sentir. Le besoin de vérifier ce dont il était réellement question, le besoin de rassurer cet infantile doute de se découvrir bien plus qu’il ne l’est vraiment. Ce n’est pas faute de ne pas avoir entendu Helera …
- « Viens t’asseoir, mon garçon. »
Sa bouche ouverte, vide de tout son, se referma finalement. Il n’était pas en mesure de s’opposer. Face au geste de son interlocuteur, il prit place avec lenteur non loin de lui sur une bûche qui devait servir de tabouret, au regard de sa surface lissée par le temps.
Le kuati l'observait avec intensité. Cet homme, fort d'une énergie que bien des gens à son âge envieraient, se trouvait face au dilemme du jeune apprenti. Le choix d'une méthode d'apprentissage, d'une façon de faire qui dicterait à jamais ce qui pourrait être fait de cette existence. Un enfant à qui l'on offrait la compréhension de sa propre magie pouvait être modelé à l'envie, il pouvait être guidé dans une direction, puis dans une autre, et naviguer avec aisance dans celle qui lui permettait le mieux d'y arriver selon ses capacité. Mais un adulte ... Si âgé ... La possibilité que tout ceci soit impossible était très grande. Suffisamment pour qu'un maître, aussi fantasque fut-il en général, s'en trouve forcé au calme et aux méthodes les plus calmes et les plus claires qu'il connaissait. Une nécessité pour s'assurer d'une réussite à minima chez celui qu'il commençait à apprécier, et que la perspective de le voir échouer ne l'enchantait pas. Cette singularité, cachée chez un nombre inconnu di'ndividu, restait un don formidable qui méritait d'être découvert. Peut-être que cet homme, aussi humble fut-il face à lui, méritait de pouvoir le découvrir à son tour. Alors pour cette première fois, pour cet instant entre tous les deux, il serait calme, et attentif. Il serait l'ancien maître qu'il fut il y a longtemps, et il accompagnerait à sa façon celui qui pouvait échouer à chaque instant. Voilà la seconde force des Jedi, voilà ce qu'il était prêt à faire pour sa fille.
- « Il y a des évidences que l’on ne voit pas toujours, alors qu’elles sont en face de nous. Il y a des choses que l’on t’a répété, toute ta vie, et qui t’ont bandé les yeux … Tu as l’intelligence de connaître la nature de l’Empire, tu comprends de quoi je parle, Althar. »
L’un et l’autre se regardèrent un instant, laissant au silence le temps de digérer ce qu’on essayait de lui faire comprendre. Si quelqu’un était entré là, à cet instant, sûrement n’y aurait-on pas vu un Prince. Simplement un jeune homme en plein questionnement, loin d’incarner la royauté face à un ancien qui tâchait de lui apprendre une leçon avec le calme de la Grande Mère. Cette voix de la sagesse, incarnation parmi tant d’autre de la paisible harmonie de ce monde.
- « Tout ça dépasse l’Empire, Althar, tout ça dépasse simplement les mots. La Force n’a pas de limites. Elle est un tout que tu dois ressentir avant d’espérer le comprendre. »
Un sourire élargit son visage sans qu’il ne cesse de regarder avec intensité cet apprenti d’un jour.
- « La suite ne dépend que de toi, maintenant. »
Carn reprit sa posture d’attente, essayant de ne pas trop prendre cet air enjoué lié à cette découverte. C’était là un plaisir singulier que de voir naître sous ses propres yeux un apprenti de la Force. Surtout, c’était une sensation qu’il n’avait pas connu depuis longtemps. Sans le chercher vraiment, ni même le vouloir, peut-être, il s’en trouvait tout de même le maître potentiel de celui qui convoitait sa fille. Et comme si l’ironie ne suffisait pas à cette image silencieuse, il s’apprêtait peut-être à former un Prince impérial, et le fils du numéro 2 de l’Empire. Mais cela aurait été peut-être aller trop loin face aux préceptes Jedi que d’y voir là l’occasion d’une pseudo-vengeance. Non, l’éclosion d’une fleur restait un spectacle suffisamment rare à ses yeux pour l’apprécier. Elle était l’aboutissement d’un potentiel qui était en passe de prendre sa forme primaire, et de trouver la force nécessaire pour accéder à la compréhension concrète de leur propre monde. C’était redonner la vue à un aveugle, et finalement tendre la main à quelqu’un dans le besoin. Tout cela et rien à la fois. Il ne manquait que les mots d’Althar pour que ce processus débute enfin.
- « J’ai … » Il déglutit. « J’ai … c’était un vêtement et je ne sais comment, en me forçant à le faire sans les mains, il s’est déchiré … C’est Helera qui m’a fait faire ça, je ne l’avais jamais fait auparavant. On ne peut pas devenir Jedi à 30 ans, n’est-ce pas ? On peut pas se réveiller .. un matin et avoir soudain tout plein de pouvoirs comme on les voit dans les Holofilms … Si ? Je ne l’ai jamais demandé, je .. j’ai rêvé de ce qu’étaient les Jedi mais … moi ? Ma vie a déjà trop d’avantages par rapport à tant d’autres que je ne peux pas … je ne peux pas l’accepter .. Ce serait égoïste, et puis vous êtes tous des … Enfin vous comprenez, tous des maîtres de la Force, tous des gens si différents, qui avaient vécu tant de choses … Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce serait moi ? Elle dit que je le suis, Loran le dit … Helera … »
Et voilà. Le patient face à son psychiatre. Un filet d’eau devenu rivière, et un doute reconverti en certitude. Mais il n’avait pas tout dit, encore. Le kuati ne bougea pas, ni ne parut sourciller. Il attendait quelque chose de plus. Le crépitement du feu reprit lentement sa place entre eux, baignant leurs visages de sa lueur chaleureuse. Une dernière chose, Althar, allez.
- « Je .. suis prêt à vous écouter et comprendre, Monsieur Kor’rial. »
Ils y étaient ! Il est facile de saisir quel est son propre problème, mais il est toujours difficile de l’accepter. Après tout ce temps à s’observer, tout ce temps à contempler l’évidence, les mots avaient formulé l’unique raison qui l’avait mené à la rencontre de cet homme. Il aurait pu trouver bien d’autres choses à faire, à découvrir, à apprendre sur ce monde qui lui était toujours inconnu, mais il était venu ici. Sans trop réfléchir, sans préparer la raison de sa présence ici. Il avait tout à craindre de ce vieil homme, mais il avait préféré le confronter plutôt que de tenter d’aller espionner Loran ou Helera. Non, définitivement, les choses avaient fini par se mettre en branle dans la Force et le chemin le menait à lui. Oh oui, le père souriait. Parce que tout ceci ne le surprenait pas, et se trouvait être même ce qu’il attendait de lui. Il avait seulement fallu un coup de pouce de sa fille pour que cela se réalise, mais là encore telle était la volonté de la Force.
- « Mes mots ne suffiront pas pour ce que tu t’apprêtes à vivre, mon garçon. Viens, retire tout le superflu, et assieds toi près du feu. »
Il se releva avec une étonnante fulgurance, à l’opposé de l’attitude qu’il pouvait donner s’il se laissait aller au confort de son siège. Sa main désigna une zone au sol, sur les peaux de bête, afin qu’il prenne place. Althar ne savait pas trop dans quoi il s’embarquait. Il avait déjà vu faire les chamans, tout cela avait l’air d’être un coup à consommer un peu trop et se prendre soudainement pour l’oracle d’un temps nouveau. Mais cela aurait été aller contre ses propres ressentis. Il … il était en confiance, avec lui. Même s’il redoutait ce qui pouvait se passer, au fond de lui l’appel était plus fort, et la figure Kor’rial imposait d’une autorité sincère sans le vouloir. A présent, les dés étaient jetés. Et lui, assis les fesses par terre, face au feu de bois qui illuminait la pièce. Derrière lui, son guide faisait un peu de place et s’assurait qu’ils ne seraient pas trop dérangés le temps de leur opération.
Puis vint le moment où il n’y eut plus de bruit, mais plus de présence non plus. Althar n’avait pas bougé, ni ouvert la bouche. Les jambes croisées, les mains sur les genoux, la pose était classique, et vue et revue dans tout ce que sa curiosité l’avait poussé à regarder. Il s’essaya à rouler lentement sa tête sur ses épaules, et ferma les yeux. Son esprit n’avait de cesse de reformuler les questions qui le traversaient. L’épreuve qui s’annonçait serait … complexe.
- « Althar … fermes les yeux et écoutes ma voix, à présent … »
Où était-il ? Il n’arrivait pas à le situer derrière lui, jusqu’à se demander s’il était parti de la hutte ou non. La réponse semblait négative.
- « Respires pleinement, mon garçon. Inspires profondément … et expires … »
Le ton s’abaissait lentement. Le temps semblait ralentir. Le feu crépitait au gré du bois qu’il parvenait à ronger de sa gourmande flamme. Le vent battait lentement contre les parois de l’habitation.
- « Inspires profondément … et expires … »
L’opération était minutieuse. Répétée, encore et encore, jusqu’à ne plus entendre que sa propre respiration.
Une longue respiration.
* L’univers est un tout qui vit en harmonie. Le souffle du vent glissant sur le sol, le crissement de la neige lorsqu’elle est foulée, le crépitement du feu qui brûle tout doucement … *
Il fallait qu’il entende tout cela. Qu’il oublie son esprit pour un temps, et qu’il écoute simplement. C’était un peu dur, au départ. Et même au milieu.
* Fais le vide dans ton esprit. Oublies moi, Althar, et écoutes ce qui t’entoure. La Force est partout, dans chaque être, chaque chose qui nous entoure. Tu la sentiras comme tu sens la chaleur de ce feu, et tu comprendras. Fais le vide en toi, et tu comprendras … *
Et ce furent là ses derniers mots. Ce travail sur soi était solitaire. A présent, il était seul. Comme il l’avait toujours été, jusqu’à présent. Seul enfant, seul Prince, seul rêveur et seul amoureux d’idées stupides. Il s’était même retrouvé seul sans Helera. Seul et silencieux, tentant difficilement de lutter contre sa propre personne, dans un combat sans pitié pour arrêter de réfléchir. Il n’était question que d’écouter, que de faire le vide. Pourquoi est-ce que cela devait être compliqué ? Non, cela ne l’était pas. Pour un apprenti en bas âge.
Inspirer, et expirer. Lentement. S’oublier. Le feu, face à soi. Sa chaleur, et le mouvement de ses flammes. Le craquement d’une bûche, et le bruit d’une étincelle qui s’envole avec fureur. Respirer profondément. Cette chaleur, qui serpente au gré du vent. Instable, vivante, unique. Solitaire, et sans danger. Elle vacille comme elle l’entend, sous les caresses d’une respiration venue de loin, et d’un Prince qui sombre lentement. Au-dessus, des doigts se glissent sur la cage qui le protège. Immatériels et insaisissables, invisibles, même, formés par l’imprévisible fureur de la Grande Mère. Ce vent venu de loin, capable d’apporter la tempête tout comme le calme. Son chant était celui de l’espoir, aujourd’hui, il essayait de l’aider. Pas de colère ni de remontrances pour cette matinée, l’humeur était bonne. La cage ne plierait pas, et le feu survivrait. L’harmonie invisible, subtile et inévitable.
Il n’était rien, face à tout ça. Un spectateur, peut-être, qui redécouvrait l’existence. Une seconde naissance ? Certains sensitifs disent que oui, d’autres disent que l’on parle trop. Redécouvrir les plaisirs simples. Simplement ça. Sans pensées ni réflexions. Parce que le monde vit sans que l’on y réfléchisse. Les choses vivent autour de soi, elles vivent sans que l’on y soit, sans que l’on interfère. La vie et la mort, le feu et le vent, la chaleur et le froid. Son épiderme réagissait de lui-même aux assauts qu’on faisait contre lui simplement parce que c’est le sens de cette harmonie. Parce que la volonté de vivre, et d’exister sur ce monde est rendue possible parce que tout s’accorde, tout se répond. La peau face au froid, et le vivant face à la chaleur. L’appel timide, et un besoin assouvi sans réflechir. Les crépitements du bois, encore.
Et les liens invisibles qui l’ont placé cette toile. Discrets, inaccessibles, honteusement réprimés dans la crainte qu’ils ne soient que source d’une douleur connue par le passé, ils étaient là. Timides. Brillants. Intouchables. Respirer, encore, pour se rendre compte que cela n’existe pas. Qu’ils sont là, qu’ils l’ont toujours été, mais qu’ils sont … invisibles ? Intouchables ? Irréels. Ils sont une sensation, une évidence, un frisson qui parcourt la nuque, et une satisfaction inexplicable. Ils paraissent si loin, encore, si vaporeux, mais dans l’étrange tableau d’un monde en harmonie, ce sont eux qui permettent à l’ensemble de s’accorder. Inconsistants, peut-être, ou insipides. Il suffirait de tendre la main … Ou l’esprit, plutôt, pour essayer de les appréhender. Un effort, un dernier, pour lutter contre la toile qui le retient. Cette lourdeur pour se mouvoir, pour arriver à déceler les frontières de cette énergie, et l’impression de n’en voir qu’une partie infime. Un effort, le plus important de tous, pour y arriver, pour gratter la surface, une seul et unique fois, d’une main tendue.
Le monde qui tourne. Une sensation bien réelle, une main sur son épaule. Revenir à la réalité est difficile. Plus, peut-être, que de se plonger dans ce monde là. Pataud, les yeux luttant pour retrouver l’habitude la pénombre, le feu semble dangereusement près de l’extinction. Une présence à un genoux à terre, à côté de lui, et lui parle de sa voix sage.
- « … thar ? Mon garçon ? »
Carn se tut, voyant bien que le Prince émergeait à son rythme. L’endroit semblait plein d’odeurs nouvelles, mais il lui semblait pourtant s’être installé là un moment plus tôt à peine. Lorsque finalement il sembla plus frais, et à une température redescendue, le beau-père lui tendit une main pour l’aider à se relever en douceur.
- « Tu m’as l’air bien pâle … Je t’ai laissé il y a des heures, et tu n’avais pas bougé d’un poil. Helera commence à s’inquiéter de ne pas te voir rentrer. Et vu ton état, ton périple n’a pas été de tout repos n’est-ce pas ? »
Althar sentit une main lui tâter une joue, et le front ensuite. Il n’avait pas encore remis les pieds totalement sur terre, mais la fraîcheur de cette peau qui le touchait avait le don d’accélérer tout ça. Un sourire cependant se dressa face à lui. L’homme barbu avait laissé tomber son inquiétude pour une sympathie sincère qui se lisait sur son visage. Le Prince voulut formuler une réponse quelconque, mais sa gorge lui parut un peu trop sèche pour s’y risquer. Seul un sourire se fit pour réponse, timide et fatigué. Il lui tapota donc la joue avec douceur.
- « Je t’ai montré la voie, Althar, maintenant il ne te reste plus qu’à l’emprunter … Elle saura te guider. »
Elle … Celle qu’il venait de quitter, ou celle qu’il s’apprêtait à retrouver ? Quelle amante serait le phare de son apprentissage, et de son nouveau monde ? Il le saurait bientôt, peut-être, si ses pas arriveraient à le ramener vers le château. La pensée envoutante d’une Reine aux cheveux gris qui l’attendait en haut des marches lui apporta un réconfort soudain, sans pour autant balayer la plénitude de l’expérience qu’il venait de vivre. Il s’enroula lentement dans sa peau de bantha tandis que le kuati s’était mis en tête de relancer son feu en difficulté. Un dernier regard se posa sur lui, avant de sortir.
- « Merci .. Carn … »
Rhedatt Fanrel // Althar Fanrel Keto
Famille Royale d'Impératrice Têta - Héritier éternel.
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