L’heure de sa propre fin ne semblait pas encore venue. Après le court voyage qui le mena dans ce qui s’avérait être un véritable hôpital de bord (ou plutôt une clinique?), il put souffler quant à la suite. Mais cela restait aussi étrange qu’incompréhensible. Pourquoi maintenant ? Aussi soudainement ? Et sous une telle escorte ? Ok, il avait sur-réagi, ok. Mais cela ne normalisait pas la situation.
Noblement, malgré tout le peu de grâce qu’il lui restait dans une tenue aussi négligée, il se déshabilla lentement. Nulle honte pour son propre corps, même s’il avait un peu pris durant cette grossesse. Fallait-il qu’il se mette totalement nu ? Non, visiblement. Helera était avec Harlon … Etait-ce l’origine de cette situation ? Etait-elle en sécurité ? Il ne dit rien face au regard un peu trop indiscret du médecin, et des notes qu’il semblait prendre. Rien d’anormal là-dedans, enfin, il lui semblait. Peut-être sa tenue. Et le lieu. Ce n’était pas un bloc ordinaire. Pas comme ça, pas dans cette configuration ni dans la façon dont il y a été amené. Et c’est avec la question suivante que la chose s’éclaira. Le virus Sith … Sa maladie. Combien de temps cela faisait-il ? Des mois ? Un an ? Cela devait finir par revenir, un jour ou l’autre. Ces bizarreries n’étaient pas faites pour un monde aussi « normal » que l’était le sien. Un médecin ou un employé de la Maison Royale finirait par chercher à comprendre. Ou bien l’Empire. Le pire des cas. Et celui qui ne serait jamais à même de comprendre.
« Je n’ai pas mis les pieds sur Ithor depuis 15 ans au moins … »
Une question se posait maintenant. Quoi qu’il dise, sa situation à lui était faite. La chose était su, du moins pensait être connue. Le gros l’était. Mais quid d’Helera ? Avait-elle à y perdre s’il disait la vérité ? Que gagnait-elle à ce qu’il mente ? Et leurs enfants ? Oseraient-ils un jour les traiter d’engeances sous prétexte qu’il ait eut cette … « maladie » un jour ? Elle avait dit que cela ne se transmettait pas. Il lui faisait confiance, et aucun signe ne semblait s’être manifesté chez eux depuis. Il viderait sa conscience peu dérangée par tout ça, au moins. Peut-être l’examineraient-ils … Elle n’aimerait pas. Ouh non. Il valait mieux choisir ses mots.
« Rien n’est exact. J’ai … été … Hmmm … J’ai fait partie d’une expédition, dans l’espace. Nous y avons trouvé un vaisseau, un vieux, impérial, occupé par des Sith et … hmmm .. par la force des choses, on a tenté de me torturer, ou quelque chose comme ça … C’est compliqué à expliquer, et difficile à croire, surtout. »
Il se passa les mains sur le visage, toujours debout. Il ne devait pas avoir l’air bien malin, comme ça, surtout pour essayer d’expliquer ce qui n’était pas vraiment possible d’expliquer.
« La date de cette expédition … Je ne sais plus, je n’ai plus la date en tête, mais il y a un rapport royal dessus, sur mon monde, Impératrice Têta … Et des rapports médicaux aussi. J’avais quelques blessures, mais tout a été soigné normalement … La maladie est apparue .. Hmm .. Après. Des maux de tête réguliers, un peu trop même … Sauf qu’ils n’ont rien trouvé. J’étais sain de corps et d’esprit. »
C’est au tour de ses cheveux d’être grattés nerveusement.
« Cela devenait handicapant, sur la fin, beaucoup de mal à dormir, beaucoup de difficulté à rester concentré … Puis … J’ai retrouvé Helera … ma femme, elle m’a soigné avec … avec la Force, quoi. C’est difficile à expliquer, c’est resté entre nous, elle a juste chassé le mal … C’était un dernier recours, je vous assure, vous verrez tout sur les scanners … »
Inutile de parler du fait qu’il ait fallu faire cela à plusieurs, ou quoi que ce soit d’autre. Le tour était complet, non, de toute façon ? Il fallait à tout prix éviter de parler de cette voix, et de ce qu’ils avaient vu, dans leur songe, cette fois-là.
« Ce n’était pas contagieux, ce n’était pas une maladie, concrètement. C’était … Je ne sais pas. Je saurais pas le qualifier. Personne ne le saurait. Mais voilà, maintenant je suis aussi pur qu’à ma naissance, si vous tenez à le vérifier … Et ça fait … presque un an ? »
Facile. Deux vies étaient liées à tout jamais à ce moment. Comment oublier que tout avait commencé là, dans ce cas ? Enfin bon, tout ce qu’il semblait dire n’avait pas grande importance. Alors bon, pourquoi pas le prouver maintenant ? C’était dans la suite des choses, à ce qu’il semblait. C’était assez dérangeant de se faire prélever de la sorte, la bouche ouverte et autre hypo-seringue dans le cou. Sachant d’autant plus sa santé normale et saine, cet interrogatoire physique forcé fut d’autant plus frustrant. Mais le pire n’était pas encore venu. Oh que non. Il eut un regard sur les deux contenants, avant de comprendre. L’un était évident, l’autre moins. Le têtan les prit, l’air suspicieux et peu volontaire, et partit où on lui indiqua. Ce ne fut pas long, et un seul était rempli lorsqu’il revint. L’exercice n’avait pas été très … agréable. Ce n’était pas très reluisant de faire ça comme ça. Il les tendit à qui de droit, avant d’offrir une moue princière.
« Le reste ne se fait pas sur commande, et encore moins sans que je sache à quoi cela peut servir. »
L’insinuation était claire. Maintenant, restait à savoir s’ils passeraient outre ou non pour la suite des examens. Le Prince, lui, n’attendait qu’un signe pour aller passer cette batterie aussi inutile que fatigante flopée d’examens. Qu’ils fassent donc.
Retour à la maison.Le moment venu, le jour de l’arrivée, il l’aida à se préparer, avec douceur. Elle sortait d’un rendez-vous avec l’Empereur, encore, mais tant pis. Parfois il est nécessaire de disposer d’un instant entre soi pour reprendre du poil de la bête. Cette tenue semblait avoir été faite pour elle. Une évidence qu’il ne manqua pas en réajustant son col, profitant de l’instant pour laisser ses doigts filer de son cou à sa joue avec délicatesse.
« Notre maison … finalement … Il semblerait bien que tu aies réussi, ma Reine. »
Les mots étaient soufflés avec légèreté. Un baiser, tout aussi apaisé, trouva sa place contre ses lèvres. Plus que jamais, plus qu’elle ne pouvait l’imaginer, il l’admirait. Elle était de celles qui changeaient la Galaxie en une phrase. En une volonté. Ils étaient partis perdants, et ils revenaient plus vainqueurs que jamais, d’un certain point de vue. Tout cela parce qu’elle, cette femme sous ses yeux, avait dit qu’elle serait présente pour ce voyage malgré tout le reste. Leur quotidien avait pu lui offrir l’illusion qu’elle était singulière, simple, accessible, au fil des jours, au fil des instants passés ensemble. Mais ce n’était pas ici, pas ainsi, que tout prenait sens. Elle était Reine et compagne, reine et mère, reine et … tant de choses d’autres ? L’océan dans lequel il plongeait, en perdant son regard dans le sien, était d’une beauté qui appelait à sa propre noyade volontaire. Le chapitre était en train de prendre fin. C’était sa certitude profonde, désormais. Aussi certain qu’il était prêt à tout pour vivre avec elle. Leurs enfants, leur retour dans l’Empire, leur union … tout arrivait à son point de rencontre. Finalement. Ses yeux se portèrent sur sa tenue, une ultime fois, avant de balayer les traits féminins de son visage.
« Même l’Empereur n’a pas su te résister, Lera … mais je veux être le premier à te le dire … tu es la … la plus belle femme de cette Galaxie, et la plus resplendissante Reine qu’il m’ait été donnée de voir … »
Il était loin de se douter de la vérité cruelle de leur avenir incertain. Innocent, oui, et passionné. Un Prince qui orbitait autour d’un soleil ardent dont les brûlures étaient une nécessité à sa propre survie. Ce refuge exagéré dont seuls tous les deux connaissaient l’existence. Sûrement allait-il trop loin dans cet engagement, mais que restait-il d’autre aujourd’hui ? Sa vie prenait sens pour cette personne. Celle-la même avec qui il quitta leur chambre pour aller sur le pont, joints tous les deux par des mains trop affectueuses pour leur bien. Mais à trop se perdre dans cette idylle près du soleil, était-il capable d’être à sa hauteur ? Face à cet astre luisant au cœur d’une galaxie, capable de réchauffer de son être tant de planètes à la ronde, une simple lune inerte, amorphe et désertique gardait-elle un quelconque intérêt ? Les esprits romantiques loueraient certainement l’histoire tragique de l’amour passionné d’une lune et d’un soleil, dédiant leur vie à danser jusqu’à que la lune disparaisse dans la robe dorée de son amante … mais cela ne pouvait être leur cas.
Leur pacte informulé s’était concrétisé bien plus tôt. Si la facilité de se cacher derrière sa puissance à elle avait été une solution temporaire, Helera ne pouvait accepter un avenir dans cette droite lignée. Quoi de mieux qu’un autre soleil pour survivre aux abrasions faites sur sa propre enveloppe, sa propre existence, par le feu indomptable qui lèche la surface de son âme ? Briller d’une intensité différente, peut-être, il n’avait que cure. Mais briller ensemble. D’une lumière que nulle obscurité ne saurait maquiller, et qu’aucune noirceur ne saurait éteindre. Le choix s’offrait à cet instant. L’avait-il jamais eut ? La possibilité de baisser les épaules, de renier un peu plus encore son héritage et ce qu’il était prédisposé à recevoir, était-elle encore viable après les évènements de ces derniers mois ? Après avoir compris qu’une nouvelle flamme habitait ses entrailles dénuées d’intérêt ? Oh, douce Reine, à tes côtés doit se dresser un conquérant. Un homme grand, qui doit se servir de sa hauteur pour te porter plus haut encore. Qui doit t’offrir l’élan nécessaire pour qu’enfin tu t’épanouisses sans limites.
Le menton haut, l’allure chevaleresque, il incarnait. Dans la chair têtanne semblait avoir été taillée la sculpture du devoir et de l’immense responsabilité qui l’attendraient un jour. Peut-être n’était-ce qu’un masque de froideur, pour se persuader de sa propre importance, mais lui comme elle avait une charge. Un but. Une responsabilité. Trois mots bien différents, trois sens bien distincts, et une seule importance : sa vie était dédiée à d’autres. A elle. A ses enfants. Et à leur peuple. Immense. Déraisonnable. Magnifique. Il était son Prince, désormais, à son bras. Celui dont elle trouvait toujours la main, toujours ce battement de cœur répondant au sien, où qu’elle soit, et finalement celui qui ne devrait plus flancher, à présent. Pour qu’elle ne ralentisse plus le pas. Pour qu’elle n’hésite plus. Pour qu’elle soit respectée pour ce qu’elle est. Maintenant et à jamais. Une posture dont il pouvait se délecter autant que s’y retrouver, pour son plus grand bien. Un défi, et un têtan prêt à relever l’ultime épreuve pour s’assurer de ne jamais la perdre.
La navette ne fut plus qu’une formalité. Une dernière étape, avant de confronter ses propres convictions à la réalité. Son silence n’était balayé que par les sourires qu’il adressa par instant à sa compagne pour lui renouveler sa confiance aveugle, avant que le masque ne retombe sur son visage. Se donner un air. Une assurance, toujours. Comme son père, avec qui il croisa le regard plusieurs fois. L’instant de vérité approchait. Celui qui déterminerait les mois prochains, les années suivantes. Ici, maintenant, dans l’esprit trop pensif d’un Fanrel authentique. Trop réfléchir, oui, pour mieux retomber. Il était décidé. Elle l’avait décidé. Elle, incarnation irréelle de sa propre destinée. Celle qui l’avait bousculé, et qui l’avait sauvé. Son panache, son énergie, sa certitude … Cet apanage d’un temps lointain que l’âge doré avait su fabriquer, où s’étaient-ils envolés ? Tout ceci, ce monde-ci qu’ils survolaient à présent, était leur Nouveau Monde. Leur foyer. Il était une raison de se battre, et d’être fier, plus que jamais. Pourquoi fallait-il douter tant, face à l’orage ? Qui avait décrété un jour qu’un Empereur devait être source de crainte plus que d’autre chose ? N’est-ce pas la définition du pouvoir que de n’être que respect et guidance ? Sûrement un jour ce borra mal-léché apprendrait à ses dépens qu’un respect se mérite tout autant qu’il s’offre. La manière de s’imposer et de dicter un protocole qui n’avait de sens que pour lui, en l’occurence, démontra une fois de plus combien cette planète était à part.
Mais il ne dit rien. Pas un mot, pas une expression. Un simple baise-main, à son aimée, et le silence pour se mêler à une foule de visages noirs et d’inconnus. Soit.
--------------------------¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤--------------------------Au moins, qu’importe le rang, tous furent accueillis de la même manière : par la brise glaçante soufflée par la Grande Mère. Un froid revigorant, ou désagréable, selon les avis de chacun, qui signifia qu’ils étaient arrivés. Et par ce coup de balai sur ses pensées exagérément longues, il put finalement respirer cette sensation de liberté retrouvée. Leur monde. Celui-là même où son propre père semblait totalement frigorifié par le froid mordant, et qui observait avec une surprise difficilement contenue l’aspect très (trop?) primaire de ce qui les entourait. Althar souriait, lui, emmitouflé dans son manteau. Le comité d’accueil annonçait déjà la couleur, entre loups endimanchés et Loran en .. Jedi … Il se mordit la lèvre inférieure pour ne pas sourire et s’efforcer de garder l’allure princière qu’il arborait. Mais la chose avait de quoi être comique, au milieu de la gravité de l’instant. Comme les autres, il salua d’un poing sur le cœur, avant de laisser son attention se reporter sur la ville entre contre-bas. Toute la tension accumulée le long de ces dix jours commençait finalement à redescendre, son ventre se dénouait, sa respiration se relâchait enfin … Il se passa les mains sur son visage blanchi par le froid mortel de la montagne avant de regarder où en était l’accueil. Cela semblait bien se passer. Il croisa cependant le regard de son père, dont il n’arriva pas à déchiffrer l’expression. Etait-ce négatif ? Cela l’était certainement, mais peut-être était-il surpris. Ou étonné. Enfin, il ressentait quelque chose, le reste restait plus nébuleux …
Lui, à l’inverse, n’éprouva pas de honte. Nullement, en fait. Cela faisait partie des rares choses à laquelle il n’avait pas vraiment réfléchi : comment allait réagir son père à la découverte de cette culture ? De ces différences ? De ce qui le retenait loin de son propre trône ? Qu’importe. Lui, il était plutôt fier. Un bout d’Eden recouvert d’un manteau blanc où seul le progrès avait sa place. Un petit paradis perdu, baigné de calme, où il pourrait fonder une famille basé sur des valeurs saines et vertueuses. Nelvaan. Voilà, elle avait réussi à le faire tomber dans le piège. A le prendre dans ses filets. Non, non, pas la planète, mais Helera. Tout ça était à cause d’elle. Surtout ce sourire, et ce rapprochement vers cette main qu’elle lui tendait en arrière. Il y trouva un refuge discret, faisant le dernier pas qui manquait pour ne pas s’exclure de l’attroupement, mais cela fut de courte durée. Toute la délégation s’était mise en branle pour rentrer au chaud. Certains en avaient bien besoin, visiblement, dont son père. Le climat plus … urbain de Têta, et des capitales impériales était bien plus agréable à vivre que cet espèce de trou perdu. Althar lâcha cependant la main de sa compagne pour la laisser guider un Empereur curieux qui se voyait conter plus qu’il ne lui en fallait.
Lui voulut se contenter simplement de la proximité de Loran, qu’il gratifia d’un salut discret. Mais l’air trop sérieux de ce troisième membre du couple royal lui fit comprendre qu’il n’aurait pas l’occasion de lui parler, pour l’instant. Dommage. Il y aurait eut tant à lui dire et à lui demander. Le Prince retint son rire ne pouvait s’empêcher de trouver comique cette tenue qu’il arborait en ce jour. C’était une insulte, voire un défi qu’il avait osé lancer ou presque. Mais l’occasion de lui en parler viendrait à l’heure des retrouvailles, pas maintenant. Ils descendaient lentement un escalier pas prévu pour tant de monde à la fois. Ha, doux château … Ils y étaient enfin. Leur maison, leur doux foyer. Son odeur de poussière, peut-être, et surtout de l’huile brûlée, mais cette odeur familière. Tout était si près, maintenant. Si atteignable, il ne suffisait que d’un coin de couloir pour tout quitter et les retrouver … mais c’était trop tôt. Il fallait se contenter de la salle du trône et de ses décorations.
L’endroit semblait plus resplendissant que jamais. Quelqu’un s’était acharné à y mettre un peu de couleur, et avec quelques gens de lus à l’intérieur l’ensemble baignait d’une aura chaleureuse qui donnait bien plus de sens à cette salle si terne au demeurant. Même Helera semblait ravie. Althar se posta à ses côtés, se faisant, pour mieux laisser entrevoir tout le front de la jeunesse qu’ils incarnaient. Car c’était aussi ça, Nelvaan, en quelques sortes. Une jeunesse triomphante et naïve, gardienne des clés pour un peuple bien moins jeune, qui s’apprêtait à se confronter à des dirigeants encore plus vieux. Voilà le constat nu d’un choc générationnel que seule la couleur de cheveux de la Reine manquait de faire tomber à plat. Posté entre les deux Kor’rial, pourtant, cette jeunesse lui fit froncer les sourcils. Il ne fallait pas être un grand savant pour voir le petit jeu que les deux menaient à l’aide de la Force. Ce n’était pas une chose à faire à cet instant, pas devant l’Empereur. Et encore moins en y faisant référence. Il lança un regard à Loran, avant de faire mine d’écouter Helera. Ses yeux glissèrent sur les présents, et finalement les silhouettes noires qui ne les avaient pas quittés. Un ordre impérial fut affirmé, en même temps qu’on annonçait la suite, à sa grande surprise, et son esprit se perdit autre part.
Ils étaient là. Le Prince n’était guère réceptif naturellement, pour l’instant. Son entraînement répété, dans la faible échelle qui lui était permise, ouvrait peu à peu cette seconde nature mystique, mais ce n’était pas là aussi simple de rattraper trente années à ne pas écouter. Il n’eut pas besoin de réfléchir, ni même de chercher à comprendre. La vague de chaleur, l’assurance de ces présences, et la même excitation perçut en prenant la main d’Helera fut suffisante. Leurs enfants … Juste au-dessus … La silhouette noire qui passa devant eux lui rappela que ce n’était pas encore le moment. Qu’ils ne pouvaient pas aller les voir pour l’instant. Qui les gardait ? Carn ? Liana, la compagne de Loran ? Il aurait aimé demandé à ce dernier mille et une choses, mais ce n’était pas le moment, non. Mais ils étaient si près … et si loin. Un signe de main vers deux présents, et une affirmation se firent alors entendre.
« Pouvez-vous accompagner ces hommes s’il vous plait ? Sans interférer ? C’est pour éviter tout incident, surtout auprès de ceux qui ne comprennent pas ce qu’il se passe. »
Il leur adressa un sourire reconnaissant et les congédia d’un poing sur le coeur. Voilà, n’était-ce pas la bonne manière d’agir pour un Roi, Helera ? De toute manière la Commission ne risquait quasiment rien, malgré l’étrangeté de l’accoutrement. Mais quitte à les laisser se balader chez eux, autant savoir ce qu’il en retournait réellement. Voilà une bonne façon de diriger. Garder la main, toujours. L’Empereur se portait à présent vers Booros, offrant une opportunité aux Kor’rial de se retrouver. Althar ne se gêna pas pour glisser sa main dans le dos d’Helera et de se rapprocher plus prestement d’elle. Mais alors qu’il ouvrit la bouche pour lui parler, elle se détourna pour s’adresser à l’Empereur. Hmpf. N’était-elle donc pas fébrile, elle-aussi, en ressentant les éclats de vie qui babillaient au firmament ? Lui ne savait plus où se mettre. Sa main était moins certaine encore, sur ce corps fantasmé, tout autant que ses pensées qui éclataient en mille étincelle en ressentant cette excitation au fond de ses entrailles. Il ne fallait pas le montrer, mais bon sang, quelle difficulté. Et impossible d’attirer l’attention d’Helera. Frustration répétée, jusqu’à que l’Empereur se décide finalement, d’ici quelques heures, de repartir pour l’autre bout de la Galaxie … Rhaaa. Il croisa une nouvelle fois le regard de son père, plus apaisé mais toujours aussi énigmatique. Lui non plus ne brillait pas par sa discussion, se contentant du rôle de témoin privilégié de l’évènement officiel. N’en restait pas moins que tout ceci n’avait strictement rien de courant pour lui, surtout au regard des derniers mois passés au service de l’Empire. Tout ici sonnait comme une lubie folle perdue au milieu des profondeurs de l’espace.
C’est peut-être ce qui éveillait justement l’intérêt de l’Empereur. Ce vil et malfaisant intérêt, celui dont ils avaient discuté avec Helera en évoquant les possibles scénarios de cette nouvelle association. Leur petit monde sorti de nulle part était un château de cartes dangereusement sensible au souffle des respirations qui l’encadraient. Ses deux piliers, aujourd’hui, avaient le visage d’une femme aux yeux d’azur et d’un loup aux dents aiguisés. Un équilibre précaire avait pu s’instaurer par cette respiration commune, capable de compenser la volonté de l’autre pour préserver l’intégrité de cet ensemble. Que se passerait-il alors si un troisième visage venait à s’approcher un peu trop près et souffler un peu trop fort de ses narines impériales ? Une culture entière pourrait s’en trouver balayée, elle et tout ce qui avait été bâti ici depuis quelques années. Oh oui, c’est en envisageant la possible perte de ce qu’il y a sous nos yeux qu’on commence à percevoir la profondeur de son appréciation de celle-ci. Ce monde n’était pas le sien, peut-être ne le serait-il jamais, mais ce qu’il y avait vécu et découvert avait trop d’importance pour ne pas s’inquiéter de son avenir. Pire que cela, l’héritage de ses propres enfants se voyait potentiellement menacé à cet instant-même. Peut-être bien qu’il aimait Nelvaan. Qu’il l’aimait beaucoup. Peut-être. Mais la pudeur l’empêchait de définir à quel point. Elle préférait s’inquiéter, à l’inverse, de voir un Empereur s’intéresser à des grottes secrètes et à un savoir qui ne le regardait ni de près ni de loin. Et le tout, bien sûr, en monopolisant Helera pour des journées passées à deux. Hmpf. La jalousie était bien là, même en sachant qu’elle pouvait se défendre plus que largement face au pauvre humain lambda qu’était Astellan. Mais quand même. A trop s’habituer à traîner avec un homme …
Althar se fit plus proche de la kuati, en réponse. Physiquement proche. Posté non-loin d’elle, retrouvant sa main sans maquiller le geste ni le dissimuler des yeux qui pouvaient le juger. Il n’était peut-être qu’un fiancé d’apparat, mais il était là. Après tout, c’est vers lui qu’elle se tourna lorsque enfin ils atteignirent le rez-de-chaussée. Il eut un sourire, sincère, et un hochement de tête pour lui renouveler sa confiance, et ils entrèrent.
--------------------------¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤--------------------------Le pari était gagné. La Reine avait réussie. Leur monde, leur Empire, était ici. Face à eux. Pour la première fois. Ce voyage était celui des premières fois, pour les jeunes loups qu’ils étaient. Et cette fois encore, ils ne furent pas déçus. Chaque clan, chaque chef, chaque tribu. C’était magnifiquement complet. Loran était un Roi d’exception, à n’en pas douter. Sa jalousie n’en fut que plus grande, même si en vérité c’était certainement l’appel au nom de l’Ohorag Nelvar qui avait fait tout le reste. Au moins, ils y étaient. L’accueil qu’ils reçurent fut d’autant plus impressionnant qu’il était physique et bruyant. Des monstres aux dents acérés qui firent trembler les tables … Cette vision était impressionnante, autant pour l’aîné des Fanrel que pour son fils. Un poing sur le torse ne suffit pas à démontrer combien tout ceci avait de force à ses yeux. Presque sonné par cet élan, il laissa Helera s’approcher plus au centre avec l’Empereur. Il n’était qu’un sujet, ici, un homme de clan parmi les autres. Seule la nature du sien différait, en tant que fidèle de la Reine. Mais ce n’était que détail, simple détail, inutile détail face à tout le reste. Chacun entreprit alors son discours. Celui de la Reine, humble et court, et la réponse tout aussi puissante des nelvaaniens. Celui de l’Empereur, ensuite, plus impérial et plus délicat. Avait-il la même allure lorsqu’il s’adressait aux autochtones ? Ce manque de naturel, cet accent prononcé, cette façon trop différente de leur manière de vivre ? Il se posa sincèrement la question, tout comme celle de savoir s’il était vraiment possible de leur faire comprendre que leur Guide pouvait se soumettre à plus haute autorité de la Grande Mère. Celui qui se chargerait d’en traduire la subtilité en verrait sûrement le résultat, mais lui ne s’y risquerait pas. Booros saurait sûrement mieux s’en débattre, de toute manière.
La réaction épidermique qui suivit fut peut-être la plus à même de sceller le pacte de sang qui s’était négocié ici. Si les clans acceptaient, alors la chose était faite. Il était temps de fêter, et de manger, de prendre place à la table qui leur était dévolue. Althar réserverait la droite de sa compagne, et Rhedatt laisserait certainement sa place à un Booros prêt à discuter avec l’Empereur s’il le demandait. Ce n’était plus vraiment le moment de se fâcher. Chaque chose vint naturellement, chaque place, chaque mot, chaque discussions qui reprirent dans ce premier banquet, tout prit sens. Et c’est ce qui était beau. Certes le Grand Moff ne s’y trouva pas à sa place, certes Althar restait frustré de ne toujours pas avoir vu ses enfants, mais tout ça était à marquer d’une pierre blanche. L’image mentale de ce moment resterait longtemps dans son esprit, oui. Mais ce n’était pas encore la bonne perspective. Elle n’allait plus tarder à venir. A côté de lui, la Reine et l’Empereur continuaient leur discussion, et puisqu’il n’avait rien à y faire, autant prendre en main son propre rôle de Roi, non ? Dans un murmure laissé à Helera, il s’excusa de son absence en évoquant l’idée d’aller dans les cuisines. Pas question d’aller retrouver leurs enfants sans elle, elle pouvait vérifier. Il se redressa prestement, inclinant la tête vers les quelques nelvaaniens qui le regardèrent faire, et partit voir ce qui se préparait ensuite. L’agitation qui régnait dans tout l’étage était aussi inhabituelle que plaisante à regarder. Chacun mettait la main à la pâte – Héhé – pour faire de ce banquet une réussite. Mais ici, nul n’était serviteur. Tous étaient égaux. Même l’apprenti Roi qu’il était, et qui jusqu’à présent ne brillait pas par l’aide qu’il avait apporté à tout cela. Le Prince se défit donc de ses atours pour regarder les préparations suivantes, jusqu’à tomber sur la source du fumet qui planait dans la pièce.
La bête était splendide. Huileuse et cuite à point, tournant au rythme lent d’un cuisiner improvisé qui suait face à ce feu maintenu dans sa puissance. A la taille de l’ensemble, ce devait être un bantha robuste qu’une broche de fortune exhibait sous ses yeux. Depuis combien de temps cuisait-il ? Il n’osait l’imaginer. Combien de temps lui faudrait-il pour le dévorer ? Ca, par contre, il en avait une bonne idée, surtout en humant un peu plus encore cette odeur séduisante. L’histoire de sa prise en était encore plus singulière. De toute façon, il arrivait à point nommer. Plusieurs commencèrent à s’activer autour de lui, il était temps de l’amener. Le repas battait son plein, tout le monde était là, ne manquait que la pièce de choix. Quelques mots s’échangèrent, des manches furent remontées, et une idée un peu étrange lui vint. Allez.
Le cortège pénétra tel un carrosse royal porté par quelques esclaves bien bâtis, mêlant humains et nelvaanienss dans un déséquilibre de taille peu esthétique. Mais qu’importe, ce n’était pas les yeux qui importaient en cet instant, mais plutôt les narines. Nulle escorte n’était nécessaire pour un tel invité de choix, autour de lui flottait la délicate effluve d’une viande cuite rustiquement et surtout avec tout l’amour d’un peuple carnivore. Et le plus étrange dans tout ça ? Un Prince presque débraillé en train de porter une des extrémités des broches comme tous les autres. Cela pesait son poids, cela va sans dire, et son père manqua de s’étouffer en le voyant arriver, mais cela valait le coup. Ils installèrent l’énorme pièce de viande au centre du U sur deux pieds imposants, avant que les quelques porteurs commencent à disparaître de nouveau. Pour autant, Althar ne s’éloigna pas de son trésor, que personne n’osait attaquer pour l’instant. Au contraire, d’une main posée sur l’épaule d’un autochtone bâti d’une tête de plus que lui, et aux muscles saillants, il fit quelques gestes pour demander le silence. Un regard amusé fut lancé à Helera, et finalement il s’offrit le luxe d’observer cette assemblée qui se calmait à son profit. Sûrement étaient-ils plus intéressés par la pièce de viande derrière lui, mais c’était un bon début.
« Amis, frères, sœurs, qui que vous soyez … C’est un honneur de partager ce festin avec vous tous aujourd’hui ! »
La même chose fut répétée en Nelvaanien, tandis qu’il faisait quelques pas d’un côté comme de l’autre pour montrer qu’il s’adressait à eux. Et oui, un Prince du Noyau est capable d’utiliser une telle langue, aussi barbare fusse-t-elle. Un père était en passe de ne pas s’en remettre.
« Si vous vous posez la question, je suis Althar. »
Une nouvelle répétition, et un ajout, plus long, dans ce second langage. Pas de nom. Pas d’identité. Pas de titre. La notion de clan fut évoquée, celui de l’Ohorag Nelvaar, et du fait qu’il en soit le plus dévoué et le plus fidèle aux côtés de leur Krinar, leur reine. Mais ça, seuls les nelvaaniens l’entendirent. Le Prince, pour illustrer les mots qui sortaient de sa bouche à cet instant, se contenta de prendre avec délicatesse la main de sa compagne et de venir y apposer son front dessus, pour en démontrer sa soumission. Il ne la relacha cependant pas sans un sourire mélangeant amusement et amour sincère ni le sacrifice d’un baise-main amoureux. Il se replaça ensuite.
« Ce moment est unique … tous ensemble, ici … L’Ohorag Nelvar a réussi à nous rassembler. A faire de nous tous un clan que les étoiles n’arrêtent plus ! Demain, nous irons encore plus loin dans le Nord, et nos enfants encore plus loin ! Ensemble, parce que nulle montagne ne nous sépare plus, aucune plaine, aucune rivière ni aucune mer ! Vous êtes tous là, parce que la Grande Mère nous a montré la voie, parce qu’aujourd’hui même les étoiles ne sont plus une limite ! »
Il se laissait un peu emporter par ses mots, mais c’était là son rôle. Un Roi qui n’en était pas un, beau parleur et prêt à tout pour que cette harmonie subsiste. Ses mots en nelvaanien furent déclamés avec d’autant plus d’ardeur qu’il se surprit presque lui-même, le poing sur le cœur, et une main ouverte vers Helera. Pour être tout à fait franc, il ne connaissait pas ceux qui étaient présents autour des tables. Quelques uns, peut-être, ceux les plus susceptibles d’être venus jusqu’à la capitale les mois précédents. Quant aux autres, c’était une découverte mutuelle que des yeux amusés ou parfois ennuyés se contentaient d’observer. Il s’arrêta un instant pour regarder l’assemblée, le temps de reprendre son souffle, et reprit plus calmement.
« Tout cela n’aurait pas été permis sans la Grande Mère. C’est elle qui guida Ohorag Nelvar jusqu’à nous, et qui l’aide aujourd’hui dans cette association avec l’Empire du Nord. Et plus encore, c’est grâce à elle que nous mangeons ce qui fait ce repas aujourd’hui. Nouvelle traduction, et cette fois un regard pour la viande qui continuait de répandre ses effluves dans la pièce.
Remercions la Grande Mère pour ce qu’elle nous offre chaque jour. Que cette bête, chassée par un brave chasseur, soit honorée par notre appétit de ce jour, car nul ne tue pour le plaisir. La Grande Mère a peuplé les montagnes et les plaines d’animaux, et nous la remercions une nouvelle fois pour cela. Ce bantha a été tué pour nous nourrir, et tel doit être le but de la mort, ne l’oublions jamais. »
Formulé dans le langage guttural qui faisait le charme des grands loups, l’aspect solennel prenait d’autant plus sens. Il y eut quelques hésitations, certes, il n’était pas encore un parleur fluide, mais la pratique soutenue imposée par Helera portait ses fruits. L’illusion d’une maîtrise adaptée fonctionnait bien, surtout pour un Roi. L’air grave, il observa une ultime fois la carcasse et redressa finalement la tête, reportant son attention sur le nelvaanien qui était resté à ses côtés jusqu’ici en silence. Ce qu’il dit ensuite fut entrecoupé, à chaque phrase, par une langue différente pour rendre l’ensemble fluide.
« Votre Majestée Impériale, et vous tous, avant de commencer à manger, je souhaitais simplement vous présenter Iserl … C’est un chasseur, jeune, fier, un des plus prometteurs de Tynkila ! Lorsqu’il apprit que nous mangerions tous ensemble, il est parti, seul, dans les montagnes. Voyez ces marques, ces tatouages … Voyez ses yeux et ses canines, voyez la détermination de ceux qui écoutent la Grande Mère. Iserl est allé chasser. Jour et nuit, il ne voulut pas rentrer tant qu’il n’avait rien amené à offrir à nous tous. Parce que c’est aussi ça, Nelvaan. Ce qui est à moi est à toi. Ce qui est à nous est à vous. Ne l’oubliez pas. Iserl a chassé. Il a trouvé les traces, il a trouvé une proie, et il l’a poursuivie, sans savoir ce qui l’attendrait le lendemain. Deux jours durant tout cela dura, dans le froid de la montagne et contre le vent venu des plaines.
Et lorsqu’il commença à douter, et à perdre les traces, il le vit. Le bantha, ce bantha. Agé, colérique, rapide. Une bête dont le pelage était marqué des traces de ses combats, et de sa violence. Une bête que peu de chasseurs auraient osé approcher ! »
Certains nelvaniens rigolèrent, tandis que quelques uns discutaient entre eux. Les récits de chasse faisaient partie de la vie quotidienne de nombre de clans, et cette chasse racontée par un humain n’était pas mieux que celle illustrée par un chasseur blessé. Cela ne stopperait pas un Prince devenu presque troubadour. Cette musique inaudible, qu’il était seul à entendre, était un flot constant où ses mots pouvaient se laisser aller dans la tourmente de ce ruisseau.
« Je le répète, bien peu d’entre vous auraient fait ce qu’a dû faire Iserl pour parvenir à l’avoir. Le bantha a traversé les pics les plus ardus des Monts Bleus, il l’a obligé à ne pas manger durant toute sa chasse, à devoir veiller chaque nuit pour ne pas que le bantha ne l’attaque … Même les Horax n’ont pas osé s’approcher tant ce bantha était puissant. Peut-être que j’exagère, peut-être a-t-il croisé un Horax, durant sa chasse, mais il n’a pas eu peur. Il n’a pas reculé. Et lorsque la bête l’a défié, le dernier jour de sa chasse, il n’a pas hésité. Il ne vous dira pas s’il a mal, s’il a perdu des crocs dans cette bataille, mais vous avez devant vous le témoignage de cette fin … L’un est vivant, l’autre sera notre repas de ce jour ! »
Sans hésitation, le Prince tendit le bras vers Iserl pour lui serrer la patte et s’approcher au point de venir virilement cogner son épaule contre la sienne.
« La Grande Mère a voulu qu’Iserl nous offre cette viande. Le règne du bantha des montagnes, un Roi parmi les siens, s’en fut fini. Et vous doutez toujours de mon récit ? Alors voyez le présent que souhaite faire Iserl à l’Empereur du Nord. Vas, mon frère, cet honneur t’est dû et nul remerciement ne suffira jamais face aux risques que tu as pris. La Grande Mère a veillé sur toi, ce jour-là, et peut-être même a-t-elle fait un choix … Par cette prise, tu as montré qu’elle favorisait ce banquet et l’honorait de la plus de belle des manières. Nelvaaniens, qu’importe votre clan, cette viande scelle notre unité. Merci à tous d’être ici, merci Ohorag Nelvar d’avoir su nous rassembler. »
Une dernière pirouette, un salut théâtral en abaissant le buste vers elle, et un geste. Celui qui ouvrit la voie du nelvaanien et du présent qu’il exhibait à présent avec fierté. En effet, dans ses bras trônait une étrange ossature, impressionnante, d’un mètre de superficie au moins. Chaque côté était recourbé pour finir en pointes acérées, et l’ensemble offrait à l’imagination le capacité d’y voir l’énorme tête que devaient encadrer ces trophées. Il ne fit pas l’effort de les montrer aux autres nelvaaniens, cela ne l’intéressait pas. Lui, il ne souhaitait les offrir qu’à un seul homme, celui assis près d’Helera, et devant lequel il se planta avec son présent. Un dernier détail pouvait être aperçu, finalement, maintenant qu’il fut bien plus près du regard : l’usure et l’aspect bien plus sombre de l’ensemble. La marque du sang, suggérée, voilà ce que c’était. Il suffisait de noter que les traces d’usure n’étaient en vérité que celles des combats passées, extrêmement nombreuses, si l’on prenait le temps de les observer. Il étira un sourire carnassier et s’abaisser un peu, tendant les cornes à l’Empereur. Sa voix profonde fut presque inattendue, à cet instant. Son accent le trahissait cependant.
Et voilà. Althar esquissa un sourire, le chasseur avait bien retenu ce que son Roi avait essayé de lui faire répéter avant d’entrée. Comme quoi, rien n’était impossible ici. Fier comme un paon, il resta en retrait près de sa viande pour laisser finalement le nelvaanien accaparer l’attention de l’Empereur. Le têtan posa son regard satisfait sur Helera, incapable de balayer le sourire en coin qui l’habitait. Il en était presque à oublier que tous, autour, attendaient à présent de pouvoir goûter cette viande qui était en train de refroidir. Réajustant ses cheveux et son air charmeur, il reprit très lentement le chemin de la table royale. Sans se départir de son attitude désinvolte, il fit mine de tendre la main pour prendre l’assiette la plus importante. La première à être remplie, celle qu’il fallait honorer. Celle de la Reine. Comme s’il avait eut besoin d’ajouter une pointe d’esthétique de plus, sa main gauche dans le dos, il fit mine de rouler ses doigts dans sa main comme s’il cherchait à l’appâter. La vaisselle de ce monde pouvait-elle prendre vie ? Nul ne saurait le dire, mais peut-être ici, dans cet élan de vie flamboyante et de joie partagée, cette dernière s’était soulevée légèrement de la table, au moment où il l’attrapa. Un regard insolent à sa Reine, et le rideau tomba sur la scène. Il prit un couteau disposé non loin et entreprit de découper un morceau de choix. Il était temps de servir tout le monde ! Seul un Fanrel, les yeux perdus dans l'incompréhension du moment, entre désapprobation et surprise totale, semblait prêt à bouder cette viande si exquise ...