La Dahlia d'Onderon
Partie IVL'averse était presque aussi épuisée qu'Alyxtra lorsque celle-ci s'arrêta près d'une benne à ordures située à l'arrière d'une cantina fermée. Elle installa son sac à dos contre la benne puis s’essaya, le dos contre son coussin improvisé, et plia les jambes, les bras autour des genoux. Elle leva la tête en l'air et regarda le ciel noir et sans étoiles, sans lumière, comme les pensées qui la traversaient. Était-ce sa vie, maintenant ? Elle avait déjà été sans-abri après une fugue de quelques mois dix ans plus tôt et tremblait à l'idée de revivre cette situation. En plus, sa joue lui faisait toujours très mal et son menton la grattait là où le Zabrak l'avait griffée.
Un mouvement furtif attira son attention à quelques mètres, près d'une caisse remplie de bouteilles de bière vides. Les sourcils froncés, elle examina les environs sans rien trouver... Jusqu'à ce qu'une grosse masse grise lui frôle la jambe. Elle se releva en criant alors que l'énorme rat-whomp qui venait de le déranger s'enfuyait par une fissure dans un mur.
Non, non, non, non, non, non, non, non, non, non !, pensa-t-elle en se prenant la tête à deux mains, au bord des larmes.
C'est à ce moment-là qu'Alyx aperçut, au bout de la rue dans la direction opposée de celle d'où elle venait, une lueur bleue vaguement en forme de croix qui se reflétait sur le trottoir encore mouillé. Elle se saisit de ses affaires et se rendit là-bas pour constater que la lumière provenait d'un gros néon bleu qui n'était pas visible de là d'où elle venait. Il s'agissait effectivement d'une croix, surmontée de "Clinique du Docteur Siames". Remerciant la pluie pour lui avoir montré le chemin, la jeune femme se pressa devant les portes automatiques.
Elle arriva dans un petit lobby avec deux rangées de bancs à l'aspect pas très confortable et au rembourrage en fin de vie, quelques plantes en pot, et un bureau de standardiste occupé par un gringalet blond absorbé dans le visionnage d'une obscure série dramatique sur un visionneur holonet installé dans une cage contre un mur.
La seule autre personne était un vieux proche-Humain à la peau bleue en train de ronfler bruyamment le nez en l'air. Chaque inspiration soulevait sa grosse moustache qui lui retombait ensuite grotesquement dessus.
Des graffitis vulgaires complétaient le portrait d'une clinique pas très "légale
légale", le genre où venaient se faire soigner les délinquants après des rixes de bar... Ou des échanges de drogue qui tournaient mal. Si toutes les maladies de la galaxie avaient un lieu d'origine, c'était ici !
Pas très rassurée par ce qu'elle voyait jusqu'à présent, elle hésitait presque à prendre ses jambes à son cou lorsque le blondinet remarqua son existence et tourna un visage couvert d'acné dans sa direction.
-
Beuh ?, dit-il en se frottant les yeux, très étonné de voir une jeune femme surgir à cette heure si tardive.
Vous avez rendez-vous avec la doc ?-
..., "répondit" Alyxtra en se rapprochant prudemment du standardiste.
...?-
Ah, vous êtes ce genre de patiente... Euphooo, t'as encore une cliente !, beugla-t-il dans un interphone après avoir appuyé sur un gros bouton.
Une porte au bout de la pièce s'ouvrit immédiatement. Voyant qu'elle restait debout sans bouger, il claqua la langue et pointa l'index vers la porte sans piper mot, revenant immédiatement à son programme télé,
Les feux de Rodia (saisons 16, épisode 12 : Le Retour d'El Rodia). Alyxtra ramassa son sac et se rendit là où l'avait envoyée le jeune homme.
Elle laissa ses affaires à l'entrée d'une vaste pièce divisée en deux parties séparées par un simple rideau. On trouvait dans la première un bureau couvert de matériel médical, de livres (probablement en papier synthétique étant donné le peu de soin qui leur était apporté, à moins que leur propriétaire soit riche au point d'acheter des livres à prix d'or juste pour le plaisir de faire des tâches de café sur leurs couvertures). La seconde comportait une unique table d'opération, une cuve de bacta vide, et quelques posters avec des messages de prévention. Alyxtra était en train de lire l'un d'entre eux (celui sur la grippe de Mygeeto, dont les symptomes graphiquement détaillés comprenaient la sécrétion d'un liquide jaunâtre par les yeux) lorsqu'elle fut surprise par une Twi'lek rouge qui surgit dans son champ de vision sans crier garde.
Sa tenue laissait supposer qu'il s'agissait du Docteur Siames (ou, comme l'appelait son assistant à l'accueil, "Eupho"). Elle était un peu moins grande que sa patiente et se mit sur la pointe des pieds pour lui examiner le menton, une expression intriguée au visage. Elle passa une main gantée sur sa blessure, et Alyxtra tourna immédiatement la tête dans la direction opposée. Comme frustrée, la Twi'lek utilisa ses deux mains pour forcer sa patiente à rester immobile, et la jeune femme redoubla de force pour se dégager.
-
Écoute ma grande, il va falloir que tu te laisses faire si tu veux que je te soigne !, s'impatienta la médecin en lui tapotant le nez trois fois.
-
... N'aime pas qu'on me touche... Sans ma permission...-
Si ce n'est que ça, répondit-elle sarcastiquement en roulant les yeux,
puis-je vous toucher, Votre Majesté ?Après une brève concertation avec elle-même, Alyxtra hocha doucement la tête et la soignante put enfin se mettre au travail. Elle examina les traces de griffure rapidement puis, sans prévenir, vaporisa dessus un peu de désinfectant - Alyxtra ouvrit grand les yeux sous la surprise et la douleur - avant d'appliquer un peu de bacta en gel.
-
Tu as bien fait de venir me voir ma jolie, le Zabrak qui t'a fait ça n'avait pas une très bonne hygiène, expliqua Siames, ignorant royalement l'ironie vu l'état de sa propre clinique,
et on trouve de vraies saletés sous les ongles des gars du coin. Je le sais, je les vois passer tous les jours ! N'accepte jamais qu'un mec te paie un verre sans examiner ses doigts d'abord !-
...Siames s'occupa ensuite de la joue de la jeune femme, tout en continuant à faire la conversation comme si elles étaient copines depuis l'école. Les yeux d'Alyxtra vagabondèrent dans la pièce et se posèrent sur le diplôme de la médecin : "Diplôme De Docteur en Médecin", décerné à Euphonie Siames en 9 Ap. B.Y. sur Arkania. Alyx n'était pas très douée pour jauger l'âge des gens mais la médecin semblait plus jeune qu'elle de quelques années, ce qui devait lui donner entre 20 et 24 ans... Elle avait donc été diplômée très jeune, et d'une université Arkanienne en plus ! Comment une génie comme elle avait pu terminer dans une clinique minable dans un quartier mal famé, alors que la capitale Impériale ne manquait pas d'établissements privés à la renommée intergalactique ? En y réfléchissant, la sliceuse réalisa qu'on aurait pu dire sensiblement la même chose à son sujet. La vie était pleine de surprises...
-
Voilà, tu es toute belle, et tu n'auras même pas mal au réveil, promit Euphonie en appliquant une dernière noisette de gel sur sa joue.
Bon, pour le paiement...-
...-
Ah non, le coup de la muette ça ne marche pas avec moi ma chérie, s'exclama-t-elle, les mains sur les hanches.
Alyxtra se rendit auprès de son sac et passa son bras à l'intérieur. Elle en ressortit le terminal portable que lui avait procuré le BSI et le serra dans ses bras avant de revenir auprès de sa bienfaitrice. Après une courte hésitation, elle lui tendit l'appareil.
-
C'est tout... Ce que j'ai...-
Hum... OK, ça fera l'affaire. Dis-moi ma grande, mon assistant croyait que tu venais "acheter", mais il se plante, je me trompe ?, demanda-t-elle avec un regard suspicieux.
Tu sais quoi, ne réponds pas, ça vaut mieux pour nous deux. Bon, on a tous des choses à faire et des endroits où être, je te souhaite donc une bonne nuit, au revoir, et n'oublie pas de parler de moi à tes amis !-
Je n'ai nulle part... Où aller.Après un profond soupir, Euphonie claqua des mains et posa le terminal sur la table d'opération puis attrapa Alyxtra par le bras et l'entraîna de l'autre côté du rideau qui coupait la salle en deux. Là, elle lui donna une petite tape sur l'épaule et la poussa vers un sofa où étaient entassés des livres et des holo-zines de médecine.
-
Mais c'est juste pour cette nuit ma belle, demain tu t'en vas d'accord ?-
Merci.Alyxtra fit de la place sur le canapé, déposant avec soin les affaires d'Euphonie par terre, sur le tapis. Elle s'allongea ensuite dessus, le dos tourné au bureau de la propriétaire des lieux. Celle-ci quitta la pièce et revint deux minutes plus tard avec une tasse de café. Elle s'installa sur son beau fauteuil, puis jeta un œil dans son dos pour voir l'état de son invitée qui dormait déjà à poing fermés. Avec une expression bienveillante, elle se leva pour lui donner délicatement une couverture.