- ven. 5 janv. 2018 23:44
#31045
Thil Marson passait une soirée de merde, dans un bar de merde, à siroter une bière de merde. Il avait pensé noyer ses soucis dans l'alcool, mais les tarifs affichés l'avaient dissuadé et il avait commandé un demi avec une réticente visible. Pis encore, alors qu'il pensait avoir enfilé son plus beau costume, il n'attirait clairement pas l'attention. Le bar, pompeusement nommé Le Ciel de la Planète Monde, était un de ces établissements huppés fréquentés par des gens qui ne partageaient clairement pas ses soucis. Tous plus beaux les un que les autres, les habitués affichaient une décontraction qui confinait à l'arrogance et leur façon de commander les boissons les plus chères de l'établissement sans sourciller avaient le don de lui mettre les nerfs en pelote alors qu'il se faisait violence pour ne pas finir son misérable verre en une gorgée.
Dans ce contexte, inutile d'espérer faire la moindre rencontre. Les femmes étaient bien trop belles pour lui et les rares qui n'étaient pas accompagnées ne lui avaient de toute façon pas accordé un regard. Thil Marson n'était pas exactement le genre d'homme capable de compenser son physique disgracieux par son aisance vocale. Il sentait ses paumes poisseuses de sueur coller au verre et son front s'humidifier à la seule pensée de se lever de son siège et de risquer d'attirer l'attention. Le courage qu'il avait trouvé pour pénétrer dans l'établissement l'avait définitivement quitté lorsque le serveur lui avait très poliment (ils étaient trop professionnels pour ne pas le mettre mal à l'aise) s'il désirait un autre verre. Au bout de trois secondes d’onomatopées ridicules, Thil était parvenu à refuser, songeant à son compte bancaire à l'agonie et à son ex femme qui lui réclamait la pension du mois. Et du mois dernier.
Il en était à sérieusement envisager de se jeter par dessus la première balustrade venue sitôt son verre fini qu'un miracle se matérialisa à sa table. Il y eut une paire de seins qui se matérialisèrent devant ses yeux, et lorsqu'il parvint à les relever, il croisa le regard bleu glacé d'une blonde au visage sans le moindre défaut. Sa première pensée fut qu'il se faisait accoster par une prostituée, mais la coiffure sophistiquée de la blonde et ses yeux à trancher le meilleur des duraciers le dissuadèrent aussitôt de la chasser. Plutôt que de bégayer, il garda le silence et l'observa prendre son temps pour ajuster la longue robe qu'elle portait sur la banquette, des gestes précis d'une habituée. Puis elle le regarda dans les yeux et il détourna le regard, fixant plutôt son énorme bague d'argent pour se donner une contenance. Sa voix chanta alors qu'un verre se matérialisait devant lui, apporté par un serveur aussi discret qu'efficace.
Pour m'excuser de mon intrusion à votre table, monsieur...
C'était sa boisson préférée, et s'il l'avait vue affichée sur la carte, le prix avait manqué de lui provoquer une attaque cardiaque. Un whisky corellien mélangé à quelque nectar naboo ne pouvait atteindre des tarifs pareils, en tout cas pas dans la réalité qu'il connaissait. Il toussota, bégaya et se reprit.
Marson, appelez moi Thil.
Thil, enchantée. Je suis Eneel.
Il garda le silence un instant, sans trop savoir que répondre. Il ne pouvait pas lui offrir un verre, d'autant qu'elle trempait déjà ses lèvres dans une coupe ouvragée qui s'évasait de façon très raffinée, presque autant que ces doigts fins serrés sur le pied. Il but lui aussi une gorgée, divine, qui suffit à lui faire oublier sa bière tiède, ses paumes poisseuses et son compte vide. Une gorgée supplémentaire et il avait presque oublié sa mégère.
J'espère ne pas déranger votre soirée, Thil.
Vous avez l'impression de déranger quoi ?
Il regretta aussitôt sa brusquerie, parce qu'elle cligna doucement des yeux et il regretta de l'avoir blessée. Il était assez intelligent pour s'en rendre compte. En fait, Thil était très intelligent.
Désolé...
Je vous en prie. Je suis venue améliorer votre soirée, Thil.
Il toussota et garda le silence à nouveau, parce qu'il se sentait aussi bête que pataud. Sa robe était ravissante et il se demanda si c'était l’œuvre d'un couturier. Elle dévoilait exactement ce qu'il fallait, collait à son corps comme une seconde peau et contrastait à merveille avec sa crinière blonde artistiquement disposée de telle sorte qu'elle retombe sur ses épaules.
Je vous propose cinq mille crédits, Thil.
C'était une somme suffisante pour le tirer d'affaire pour les mois à venir et il manqua de s'étrangler, mais son intelligence démesurée le rattrapa et il se mit à imaginer une demie douzaine de scénarios tordus où il jouait le mauvais rôle pour mériter un fric pareil. Il reprit une gorgée de whisky à la liqueur naboo.
Quoi ?
Je sais où vous avez travaillé. Je sais ce que vous y faisiez. Je ne fais pas dans l'espionnage industriel et je ne vous demande de trahir aucun secret de fabrication. Je veux simplement une liste d'ingrédients, les plus rares de préférence.
L'alcool lui chauffait la gorge et il lui trouva un goût désagréable, notamment parce qu'elle lui jetait à la figure beaucoup de choses qu'il aurait préféré oublier. Son ancien boulot. Son salaire mirobolant, ses maîtresses en pagaille, sa villa dans les hauteurs et ses conneries. Toutes ses conneries. Les petites dettes qui étaient devenues sérieuses. Les heures supp à s'en crever à la tâche. Les petits larcins, aussi. Quelques kilos par là. Quelques grammes de ça. Pour des mecs pas recommandables. Et bien sûr, la spirale infernale, la mise à pied, les avocats qui te jettent une tonne de documents à la figure en te convaincant de signer pour éviter le pire, le procès. Et puis la déchéance. La misère. Les quelques crédits d'indemnités vite engloutis. Le mot qui court dans les hautes sphères de ne pas employer ce génie aux vices innombrables.
J'suis pas un...
Vous avez déjà fait bien pire pour éponger vos dettes, Thil.
Non mais c'est fin...
Dix mille crédits. Pour une liste des besoins d'Athakam Med.
Sa voix avait perdu sa chaleur envoûtante, elle était soudainement tranchante, désagréable et son regard d'acier lui donnait envie de fuir, très vite, très loin. Mais dix mille crédits, c'était ce qu'il lui fallait pour recommencer réellement à zéro. Il saisit le datapad qu'elle avait posé sur la table sans qu'il le remarque et lui jeta un sourire bravache. La beauté lui répondit d'une œillade à faire fondre ses derniers scrupules, et il fut soudainement tellement heureux d'inscrire toutes les informations qu'elle lui demandait, et plus encore. Très appliqué à sa tâche, il ne vit pas le regard qu'elle échangea avec l'humain en costume attablé à quelque distance. Un barbu aussi large que haut, à la tête autrement moins engageante que sa délicieuse interlocutrice qui s'avéra d'ailleurs d'excellente compagnie durant les heures suivante. Elle le fit rire, beaucoup, parler, beaucoup et il se souviendrait à jamais de cette nuit comme ayant très bien fini. II but beaucoup, aussi, parce que ça le décoinçait et que ça la faisait rire et il aurait tué pour ces yeux brillants et cette bouche parfaite. Ses soucis s'étaient évaporés avec cet argent tombé du ciel et il le fêta plus que de raison.
Dans ce contexte, inutile d'espérer faire la moindre rencontre. Les femmes étaient bien trop belles pour lui et les rares qui n'étaient pas accompagnées ne lui avaient de toute façon pas accordé un regard. Thil Marson n'était pas exactement le genre d'homme capable de compenser son physique disgracieux par son aisance vocale. Il sentait ses paumes poisseuses de sueur coller au verre et son front s'humidifier à la seule pensée de se lever de son siège et de risquer d'attirer l'attention. Le courage qu'il avait trouvé pour pénétrer dans l'établissement l'avait définitivement quitté lorsque le serveur lui avait très poliment (ils étaient trop professionnels pour ne pas le mettre mal à l'aise) s'il désirait un autre verre. Au bout de trois secondes d’onomatopées ridicules, Thil était parvenu à refuser, songeant à son compte bancaire à l'agonie et à son ex femme qui lui réclamait la pension du mois. Et du mois dernier.
Il en était à sérieusement envisager de se jeter par dessus la première balustrade venue sitôt son verre fini qu'un miracle se matérialisa à sa table. Il y eut une paire de seins qui se matérialisèrent devant ses yeux, et lorsqu'il parvint à les relever, il croisa le regard bleu glacé d'une blonde au visage sans le moindre défaut. Sa première pensée fut qu'il se faisait accoster par une prostituée, mais la coiffure sophistiquée de la blonde et ses yeux à trancher le meilleur des duraciers le dissuadèrent aussitôt de la chasser. Plutôt que de bégayer, il garda le silence et l'observa prendre son temps pour ajuster la longue robe qu'elle portait sur la banquette, des gestes précis d'une habituée. Puis elle le regarda dans les yeux et il détourna le regard, fixant plutôt son énorme bague d'argent pour se donner une contenance. Sa voix chanta alors qu'un verre se matérialisait devant lui, apporté par un serveur aussi discret qu'efficace.
Pour m'excuser de mon intrusion à votre table, monsieur...
C'était sa boisson préférée, et s'il l'avait vue affichée sur la carte, le prix avait manqué de lui provoquer une attaque cardiaque. Un whisky corellien mélangé à quelque nectar naboo ne pouvait atteindre des tarifs pareils, en tout cas pas dans la réalité qu'il connaissait. Il toussota, bégaya et se reprit.
Marson, appelez moi Thil.
Thil, enchantée. Je suis Eneel.
Il garda le silence un instant, sans trop savoir que répondre. Il ne pouvait pas lui offrir un verre, d'autant qu'elle trempait déjà ses lèvres dans une coupe ouvragée qui s'évasait de façon très raffinée, presque autant que ces doigts fins serrés sur le pied. Il but lui aussi une gorgée, divine, qui suffit à lui faire oublier sa bière tiède, ses paumes poisseuses et son compte vide. Une gorgée supplémentaire et il avait presque oublié sa mégère.
J'espère ne pas déranger votre soirée, Thil.
Vous avez l'impression de déranger quoi ?
Il regretta aussitôt sa brusquerie, parce qu'elle cligna doucement des yeux et il regretta de l'avoir blessée. Il était assez intelligent pour s'en rendre compte. En fait, Thil était très intelligent.
Désolé...
Je vous en prie. Je suis venue améliorer votre soirée, Thil.
Il toussota et garda le silence à nouveau, parce qu'il se sentait aussi bête que pataud. Sa robe était ravissante et il se demanda si c'était l’œuvre d'un couturier. Elle dévoilait exactement ce qu'il fallait, collait à son corps comme une seconde peau et contrastait à merveille avec sa crinière blonde artistiquement disposée de telle sorte qu'elle retombe sur ses épaules.
Je vous propose cinq mille crédits, Thil.
C'était une somme suffisante pour le tirer d'affaire pour les mois à venir et il manqua de s'étrangler, mais son intelligence démesurée le rattrapa et il se mit à imaginer une demie douzaine de scénarios tordus où il jouait le mauvais rôle pour mériter un fric pareil. Il reprit une gorgée de whisky à la liqueur naboo.
Quoi ?
Je sais où vous avez travaillé. Je sais ce que vous y faisiez. Je ne fais pas dans l'espionnage industriel et je ne vous demande de trahir aucun secret de fabrication. Je veux simplement une liste d'ingrédients, les plus rares de préférence.
L'alcool lui chauffait la gorge et il lui trouva un goût désagréable, notamment parce qu'elle lui jetait à la figure beaucoup de choses qu'il aurait préféré oublier. Son ancien boulot. Son salaire mirobolant, ses maîtresses en pagaille, sa villa dans les hauteurs et ses conneries. Toutes ses conneries. Les petites dettes qui étaient devenues sérieuses. Les heures supp à s'en crever à la tâche. Les petits larcins, aussi. Quelques kilos par là. Quelques grammes de ça. Pour des mecs pas recommandables. Et bien sûr, la spirale infernale, la mise à pied, les avocats qui te jettent une tonne de documents à la figure en te convaincant de signer pour éviter le pire, le procès. Et puis la déchéance. La misère. Les quelques crédits d'indemnités vite engloutis. Le mot qui court dans les hautes sphères de ne pas employer ce génie aux vices innombrables.
J'suis pas un...
Vous avez déjà fait bien pire pour éponger vos dettes, Thil.
Non mais c'est fin...
Dix mille crédits. Pour une liste des besoins d'Athakam Med.
Sa voix avait perdu sa chaleur envoûtante, elle était soudainement tranchante, désagréable et son regard d'acier lui donnait envie de fuir, très vite, très loin. Mais dix mille crédits, c'était ce qu'il lui fallait pour recommencer réellement à zéro. Il saisit le datapad qu'elle avait posé sur la table sans qu'il le remarque et lui jeta un sourire bravache. La beauté lui répondit d'une œillade à faire fondre ses derniers scrupules, et il fut soudainement tellement heureux d'inscrire toutes les informations qu'elle lui demandait, et plus encore. Très appliqué à sa tâche, il ne vit pas le regard qu'elle échangea avec l'humain en costume attablé à quelque distance. Un barbu aussi large que haut, à la tête autrement moins engageante que sa délicieuse interlocutrice qui s'avéra d'ailleurs d'excellente compagnie durant les heures suivante. Elle le fit rire, beaucoup, parler, beaucoup et il se souviendrait à jamais de cette nuit comme ayant très bien fini. II but beaucoup, aussi, parce que ça le décoinçait et que ça la faisait rire et il aurait tué pour ces yeux brillants et cette bouche parfaite. Ses soucis s'étaient évaporés avec cet argent tombé du ciel et il le fêta plus que de raison.