- lun. 6 mars 2017 00:47
#26485
Renaissance
- Des ombres. Elles passaient tout le temps. Parfois elle voyait le reflet d’une lame, parfois l’éclat d’un regard. Elle sentait les liens lui lacérer les poignets. Elle voyait la lueur meurtrière dans les yeux verts du Seigneur du Crime. Les voix n’étaient que des bruits étouffées, des informations inexactes transmises à un cerveau qui n’arrivait plus à calculer cette masse qui s’ouvrait à lui.
Au dehors on psalmodiait, mais était-ce bien des psalmodies ? Elle sentait la puanteur du Côté Obscur et ce n’était pas elle cette fois, enfin pas totalement. L’homme se rapprochait. Le Talortai tournait autour d’elle, comme un oiseau de proie. Amusant, un oiseau de proie pour parler de Urai Fen. Tyber Zann approchait son visage à quelques centimètres du sien. Il avait vieilli. Il avait perdu de sa superbe. Il puait l’alcool frelaté. Il tenait un couteau à la main.
Il faisait froid. Elle sentait le flot de la Force être canalisé derrière des vitres teintées. La lumière l’éblouissait. Elle ferma les yeux. Elle parvint à percevoir un mot dans la myriades de sons étouffées : “Crève-coeur”. Et puis la douleur.
Elle se redressa instantanément, mettant fin au cauchemar. Sa poitrine se soulevait très rapidement et son souffle était saccadé. Elle se mit en position assise sur le matelas et prit sa tête dans ses mains, frottant ses yeux avec ses doigts. Ce n’était qu’un cauchemar...qu’un cauchemar...le même cauchemar qui la hantait depuis maintenant bientôt un an et demi. La lumière du dehors filtrait à travers les stores vénitiens, offrant un éclairage tranché sur sa nudité, mettant en lumière trois cicatrices, deux en dessous de sa poitrine, la troisième très près du coeur. Les marques ne laissaient aucun doute sur la profondeur à laquelle le poignard avait pu s’enfoncer, ni non plus sur le fait qu’elle était passée à deux doigts de rejoindre la Force. Encore aujourd’hui, les cicatrices la tirait, une douleur sourde qui était un rappel de chaque instant que son manque de vigilance avait failli lui coûter la vie.
Et également du coût que le maintien de sa demie-vie lui avait imposé.
Elle jeta un oeil au réveil à travers le mince rideau de cheveux rouges pour constater qu’il est seulement 6h du matin. Elle se lève, toujours dans la pénombre et vas vérifier la porte d’entrée. La serrure y est toujours enclenchée, toujours d’un pas leste et léger elle fait le tour de son appartement mais rien à signaler. Elle se rends alors dans sa cuisine, y trouve une cigarette à moitié entamée dans le cendrier et se verse un café. Après avoir allumé sa clope, elle s’installe dans l’encadrement de la fenêtre une fois les stores relevés. Depuis le temps qu’elle vivait ici, elle s’était habituée au bruit perpétuel qui animait Impératrice Teta, surtout à sa fenêtre. Elle porta la tasse à ses lèvres et laissa couler le liquide chaud dans sa bouche, puis enchaîna avec une bouffée de cigarette qu’elle relâcha nonchalamment.
Machinalement ses doigts s’égarèrent sur la cicatrice qui trônait à côté de son coeur, la caressant, comme si ce simple geste pouvait apaiser la douleur souterraine qui s’y diffusait parfois. Des images fugaces lui revinrent instantanément. Comment la lame s’était enfoncée en elle à trois reprises, la vision du sang - son sang - sur ses mains, la prise de contrôle quasi instantanée de Simurgh sur son corps, les corps qui volaient autour d’elle, le feu qui se propageait…
Elle ferma les yeux alors que mécaniquement à cette pensée des larmes commencèrent à perler sur son visage. Elle ne se souvenait même pas comment elle avait pu en réchapper. Sa mémoire avait été constitué de flashs à partir du moment où Simurgh s’était trouvé à sa place. Elle avait vu un massacre, mais elle ne savait pas combien avait péri et elle sentait au fond d’elle que l’auteur de ces coups de poignards avait dû survivre. Elle tenta de chasser cette pensée en laissant son regard se perdre sur la circulation matinale qui commençait à s’étoffer. Impératrice Têta ressemblait un peu à Coruscant, une ville planète où la masse grouillante qui y vivait permettait une dilution de l’attention des uns pour les autres. Ici elle était chez elle, un visage parmi tant d’autres dans la foule, un visage qu’elle n’exposait jamais toutefois, recourant à l’Illusion et la Dissimulation de Force qui avait été son apanage durant des jours plus fastes. Cela faisait bientôt un an qu’elle se terrait là, ne sortant que pour acheter ce qu’elle ne pouvait commander, vivotant comme elle pouvait de petits boulots comme travailleuse sans papiers dans des emplois où on ne lui demandait pas de présenter une pièce d’identité. L’appartement en lui-même était une possession d’une amie de longue date qui lui louait à un prix modique et qui lui avait garantit qu’elle ne trahirait pas son secret. Mais ça n’avait pas empêchée la paranoïa de s’installer.
Simurgh, l’être qui était née de son Côté Obscur, ne s’était plus manifesté depuis qu’il lui avait sauvé la vie sur Vergesso. Mais il n’avait pas disparu, elle le sentait grouiller en elle, attendant une heure funeste où Hayley ne parviendrait plus à retenir le flots d’émotions dont elle avait besoin pour son Vaapad. C’était pour ça qu’elle avait décidé de s’exiler ici, pour cette raison et pour la peur qui la tenaillait de se retrouver dans une situation où elle se retrouverait de nouveau à la merci de Tyber Zann, une situation qui, si elle se représentait, pourrait bien signer l’arrêt de mort d’Hayley.
Le soleil commençait doucement à se lever, dardant ses rayons sur Imperatrice Teta et offrant un éclairage de plus en plus révélateur de la nudité de la jeune femme. Elle porta de nouveau la tasse à ses lèvres, pour l’enchaîner presque aussitôt par une nouvelle bouffée de clope. Sa vie était devenue une routine, où elle vivait l’aliénation que des milliards de pauvres vivaient à travers la galaxie. Un frisson la parcourut, peut-être un signe qui en annonçait un autre ? Elle tendit la main pour trouver une chemise qu’elle enfila sans la reboutonner, si c’était le froid, cela pourrait aider. Elle sentait le flux de la Force qui coulait doucement tout autour d’elle, comme une rivière calme dont elle faisait partie, autrefois la contemplation de cette énergie l’aurait fascinée et apaisée, mais plus maintenant.
Elle jeta la cigarette encore allumée dans le café et se redressa, réalisant que sa journée ne faisait que commencer.