L'Astre Tyran

[Grand Amiral Thrawn]

Parfois, il était impensable de reculer. Et en cette heure solennelle, rien ne faisait exception. Non, absolument rien. Pourtant, certains faits, certains dires, certaines révélations se dressent parfois aux intentions, aussi nobles soient elles. Et en cet instant, même un individu tel que Thrawn devait, malgré la réputation qui le caractérisait finalement aux premiers abords, revoir son jugement. Pas nécessairement sur tous les aspects, mais anticiper un éventuel changement de cap.
La réponse d'Astellan était concise, ironiquement bien plus que celle du chiss d'habitude si bref. Mais à grandes époques, grands mots, réfléchit Thrawn en détournant l'adage au profit du contexte.
Le fait que son interlocuteur ait raccroché dressait un constat évident, l'homme désirait son soutient, mais il ne l'en supplierait pas. D'un autre côté, il avait raccroché précipitamment, peut-être n'avait-il pas terminé son propos. Après tout, un coup d'état demandait une gestion postérieure... Quoiqu'il en soit, son interlocuteur s'était voulu rassembleur et rassurant.
En tout cas les options se limitaient, Thrawn pouvait faire front ou alors faire demi-tour. Mais le sens des actes apportaient parfois des conséquences... Et s’il se retournait sans dire mot, ou du moins sans aller dans le sens d'Astellan, il ne pourrait retourner sur Bastion. Du moins il pourrait, mais en repartir serait bien plus délicat, malgré les propos rassurants et malicieux du nouvel empereur. Il n'avait de plus pas obtenu de réponse concernant sa requête d'emmener Fanrel avec lui. Que faire alors? Devait-il partir? Rejoindre le nouvel empereur? Le rejoindre puis partir? Faire front? Toutes ces questions tournaient dans son esprit. Certes Stele était un fou, certes un nouvel empereur pouvait être une bonne chose pour la marine et pour l'empire. Mais Thrawn était lucide, et il ne se laissait pas guider aveuglement par la haute hiérarchie. Du temps de ses responsabilités sous l'ascendance, quand il était encore Mitth'raw'nuruodo, il s'était mainte fois passé de permission, et l'avenir ne lui avait pas été fatal pour autant. Il pourrait suivre ce nouvel empereur, il pourrait en d'autres circonstances, mais la menace qui pesait et grandissait dans l'ombre ne laissait pas une grande marge de manœuvre.
Son second interlocuteur, le Grand Amiral Pellaeon fut également concis, mais sa voix et son discours étaient empreint de convictions. De plus, il n'avait pas encore raccroché. Quoiqu'il en soit le chiss, si bon stratège était-il, ne pouvait se permettre d'attaquer de front ou de mener une guérilla. Tout avait une limite, tout. De plus, aucune des forces requises n'était venue à lui. Quelle que soit la raison, le constat était là. Aussi, il entreprit en premier lieu de répondre de manière brève à Pellaeon avant d'adresser un dernier message à Astellan.

"-Je vous entends Gilad, et c'est une bonne chose de vous entendre. Je vous connais comme homme de valeur je le répète, et je ne doute pas de vos raisons. Mais vous savez que je suis quelqu'un de méfiant, aussi ne puis-je pas me prononcer en cet instant."

Thrawn sourit en repensant à la référence donnée par Pellaeon. Aussi décida-t-il de surenchérir.

"-Il est vrai qu'Astellan a eu du courage en ce jour où il a choisi l'impensable sous l'Empire, donner la retraite. Car oui, il n'y a pas d'honneur à dilapider les forces impériales qui sont les notre. Et je l'ai toujours dit, essayer et échouer c'est une chose, et cela est pardonnable si l'on apprend de nos erreurs. J'espère qu'il a appris des siennes. Mais n'oubliez pas Gilad, j'hésite tant à me joindre à vous pour une raison simple, Astellan ne compte pas unifier la galaxie, il souhaite poursuivre en toute indépendance et dominance impériale. Mais un danger nous guette tous, il faut être réaliste. Car quand ce danger tombera sur nous, quel que soit l'individu ou la faction qui osera à nouveau sonner une retraite comme sur Renatasia, ne fera plus que cela jusqu'à l'extinction. J'attendrai donc de mieux comprendre quelles seront ses intentions. En attendant..."

Thrawn marqua alors un temps d'hésitation. Devait-il, même sur canal sécurisé, confier sa destination à Pellaeon? En un sens, cela serait une nouvelle marque de confiance, surtout que seul Pellaeon connaissait ces coordonnées et leur signification. En un autre sens, il n'avait jamais vendu la mèche à ce sujet, donc aucun risque n'était à prendre, et il avait besoin qu'une personne puisse le tenir informée dans le lieu reculé où il allait se rendre. Il reprit alors.

"-En attendant, si vous voulez me joindre, vous n'aurez qu'à me serrer la Main. Thrawn terminé."

Il espérait qu'il aurait bien compris la référence. Il adressa alors un dernier message à Astellan. Et à l'issu de ce message, il attendrait un infime instant avant de se retirer.

"-Thrawn à Astellan. J'entends vos arguments et j'entends votre franchise. Mais deux de mes interrogations restent en suspens. Est-ce que Fanrel peut me rejoindre à bord du Chimaera, et qu'en est-il d'un potentiel traité avec les républicains pour faire face au chaos qui nous guette? J'espère obtenir une réponse rapide de votre part. Sans nouvelles de votre part, je me retirerai en un lieu reculé. Mais n'ayez nulle crainte, je n'y vais pas pour conspirer, mais bien pour réfléchir et attendre que les choses se tassent. En guise de bonne foi, je donne l'ordre à la flotte du Braxant qui m'accompagne de rentrer sur Bastion. J'attends de vos nouvelles. Thrawn terminé."

En vérité, le retour de la TFD n'avait rien d'un acte de bonne foi. Thrawn ne comptait pas révéler sa destination ou prendre le risque de se faire repérer. Ainsi, il n'était pas évident d'être discret avec une flotte. Camoufler un DSI l'était déjà difficilement... Mais il était plus opportun de donner cette impression. Et puis, quoiqu'il ait pu dire en cet instant, ses actes réels dépendraient de la tournure des événements. Il donna alors l'ordre à la TFD de se retirer en restant concis, puis il entama un nouveau temps d'introspection, dans l'attente d'une réponse d'Astellan. Et si rien ne lui parvenait, le Chimaera partirait vers sa destination.

[Harlon Astellan]

Pelleaon devait admettre que son maître à penser prévoyait toujours tout sur deux étapes, quand lui même ne s'accordait qu'un seul coup d'avance. Judicieux aux jeux de dame, fatal aux échecs.

« J'entends vos arguments, Thrawn, et j'admets avoir moi aussi quelques réserves sur l'individu. S'il n'est pas pire que le précédent, son action reste potentiellement dangereuse. C'est pour cela que l'Executor sera placé tout d'abord comme une force de surveillance. Je ne peux décemment pas laisser un tel pouvoir dans les mains d'un despote cruel.

Je serais d'avis d'observer et de punir au besoin. Mais dois-je admettre que je ne doute pas de sa sincérité. »

Il reconnut la référence, et coupa la communication, non sans avoir salué son ancien mentor. Puis il s'en retourna à ses occupations...

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Se levant de terre, Harlon put apercevoir une paire de botte. Les maudites bottes trop luisante d'un être difforme. L'Homme-Eléphant l'appelait ironiquement par le titre qu'il devrait bientôt assumer, dans l'espoir de le voir émerger. Harlon posa les coudes à plat sur le sol, et refusa d'un bras tendu sèchement le brancard qui s'approchait. Et puis quoi encore ?

« Mettez à bat cette civière de la honte... je ne comprends guère... je n'ai jamais fait de malaise de toute mon existence... »

Forme olympique, corps d'athlète, santé de cortose... comment expliquer un malaise, surtout si loin du lieu où il avait parlé à Thrawn ? Il ne se souvenait pas de comment il était arrivé là...

L'émotion, sans doute. En fait il en doutait, mais les mystères se résolvaient les uns après les autres. Pour se donner du courage, il frappa deux fois du poing sur le sol, comme un compteur, et se leva d'un coup dès que les deux "bips" eurent fini leur ouvrage. En un rien de temps il était debout, lissa son uniforme, redressa sa ceinture et reprit contenance, en plus de se lisser les cheveux et la barbe de ses doigts écartés, peigne fébrile de substitution.

« Bien, reprenons la conversation avec Thrawn... »
« Monseigneur, il s'est déconnecté. »

Une lueur de dépit passa dans les yeux d'Harlon quand un des Storm brancardier fit cette déclaration.

« C'est... regrettable. A-t-il laissé message ? »
« En effet, vous aurez loisir de l'écouter. Il est encore en orbite également. Il n'attend qu'une réponse de votre part. »
« Bien. »

Un regard vers Herklir.

« Il serait de bon ton de l'amadouer en libérant séance tenante le Grand Moff Fanrel, ne pensez-vous pas ? D'autant que sa mise sous clef allait en contradiction avec ma déclaration... »

Une pause.

« ... à moins que je ne doive compter sur une gouvernance soumise à caution du Bureau... Major ? »

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Stele était maintenant étrangemment détendu. Il dodelinait de la tête, balançait ses pieds dans le vide, formait des petits planeurs de ses mains... sa bouche entreouverte laissait couler un filet de bave que j'ordonnais aussitôt qu'on nettoie. Le sol du palais se devait d'être lisse comme jamais pour le nouveau dignitaire le plus illustre d'un Empire qui se mourrait.

Quand à moi, je quittais le palais, et consentait à reprendre ma place parmi les légendes du passé.

[Carnor Jax]

Herklir fit sa moue glacée habituelle. Tout avait visiblement bien fonctionné ; aucun témoin et les enregistrements des éventuels caméras secrètes allaient être détruits. Le ton volontiers piquant et ironique d’Astellan était presque un bon signe, peut-être n’allait pas accorder plus d’importance que de normal à ce malaise. En tout cas, il montrait sa façade habituelle. Son comportement sarcastique allait devenir une norme sitôt son couronnement prononcé. Une nouvelle habitude ? Un signe distinctif de sa supériorité extérieure.

Herklir, lui, avait ce qu’il voulait. Il enfouit profondément dans son cerveau les informations obtenues de la bouche d’un homme qui allait devenir Empereur, mais qui quelques minutes auparavant était presque dans un état de crise existentielle... ou de folie. Les Sith n’étaient ni folie, ni mirage, ils constituaient une réalité. Mais cela, Herklir y veillerait à sa façon plus tard.

Astellan rejeta la civière. L’apparence était quelque chose de déterminant pour lui. A-t-il la même préoccupation lorsqu’il se retrouve seul ?

« Mon Empereur, cela sera fait », et il fit signe à un officier qui sortit faire le nécessaire.

Le Roi Fanrel était désormais libre. Ees effets personnels restitués, il fut invité à regagner ses appartements, le hall du palais ou emprunter un airspeeder officiel qui pouvait le conduire où il le voulait.

Cependant, le problème Thrawn n’avait pas reçu sa solution finale. Et il était bon de le rappeler aux du balafré.

« Quels sont vos ordres au cas où le Grand Amiral Thrawn décide un coup de force ? Devons-nous mettre en état d’alerte Yaga Minor immédiatement au cas où ? » demanda-t-il.

Encore une chose… Il fit un léger pas vers Astellan.

« Souhaitez-vous que l’on mette un place un dispositif de surveillance pour le Roi Fanrel ? »

Le genre de détails qui font ou défont les prétendants.

[Rhedatt Fanrel]

Les évènements qui venaient de se dérouler étaient aussi incompréhensibles qu'inattendus. Il était venu relativement méfiant, mais il n'aurait pas cru se voir fait prisonnier de la sorte aussi clairement. Les coups de blaster, puis les sangles, tout cela marquaient ce jour d'une infamie dont il ne tirerait aucune gloire à se rappeler. Lentement, fatigué, le Roi avait quitté cet endroit de malheur qu'il venait de se jurer de ne plus jamais revoir. Cette planète, tout cela ... Cette lutte politique sans véritable noblesse, ce n'était guère l'Empire qu'il appréciait. Tout cela rappelait les débuts, l'heure des favoris à la cours de l'Empereur Palpatine. Et pourtant, ils étaient presque 30 ans plus tard, à lutter comme des enfants autour d'un jouet. Il s'estimait heureux d'y avoir survécu, mais il n'en restait pas moins déçu.

Un tel jour, un tel évènement ... Etre aussi près, pour n'en voir que la saleté. La situation présente était complexe, l'accepter et se renier, ou s'y refuser et risquer la mort. Les deux choix avaient un prix qu'il ne souhaitait guère. Le choix serait difficile à faire, et surtout, pas encore. Il était trop tôt. Trop à vif encore, fatigué. L'impact du tir sur sa veste, les traits fatigués par la douleur inhabituelle, le sentiment de tromperie ... Oh que oui, il était difficile d'imaginer qu'aujourd'hui l'Empire avait un nouvel Empereur. Qui l'aurait cru il y a encore quelques heures ? Il avait été naïf de ne pas le voir venir, naïf de n'avoir rien compris. La marque de l'échec, tout cela lui restait encore difficilement à avaler. Qu'importe, il y était en plein dedans, désormais, et nul retour en arrière ne serait possible. Plus maintenant.

C'est pour cela que débarrassé de sa tenue le Grand Moff, désormais en chemise, et installé dans l'appartement de son frère, prit le temps d'enregistrer deux messages holographiques. Il n'avait pas l'air spécialement plus en forme, ni même plus motivé qu'avant, mais c'était un passage obligé. La lassitude se lisait un peu dans le ton de sa voix. Le premier message fut enregistré à l'attention de Thrawn, dont l'estime venait de grimper dans l'esprit de Rhedatt. Sa tentative était courageuse, mais vaine. Il valait mieux attendre, oui. C'était certain. Mais rien n'était encore joué.

Grand Amiral,

Je vous suis reconnaissant de votre sollicitude, même si elle n'était peut-être que politique. Les évènements se sont passés si vite que je ne les ai pas vu venir, mais je salue tout de même votre initiative, et votre acceptation de ne pas verser le sang à ce jour. Nous avons encore le temps de juger de ce qui se passera, mais pour l'heure les dés sont jetés. Tout cela m'a épuisé, mais j'espère que nous aurons l'occasion de nous parler de vive voix, dans un futur plus ou moins proche. Peut-être est-il venu le temps de cultiver ses amitiés.

Que l'avenir vous porte, Grand Amiral. Où que vous partiez.

Après une certaine réflexion, pour trouver ses mots, il enregistra un second message à l'attention du nouvel Empereur ... Quelle idée désagréable. Cela paraissait si peu évident à dire, et pourtant ...

Empereur,

Le bilan de notre rencontre ne sera pas facile à tirer. Mais le temps des discussions a certainement pris fin aujourd'hui. Les armes ont parlé, et tout ce qui a pu se dérouler ensuite est ... regrettable. Peut-être est-ce là l'apanage des révolutions, je n'en sais rien, mais je n'ai aucun souhait de le revivre une nouvelle fois. Vous m'avez demandé de faire un choix, avant que certaines choses ne se compliquent ... Comprenez que j'aimerai pouvoir le faire aussi simple que cela, mais que ce n'est pas possible. Pas maintenant, pas aujourd'hui. Il y a des choses que nulle pensée ne peut vraiment décider, et cela en fait partie. Je vous reconnais la sagesse de ne pas avoir versé le sang, c'est à porter à votre honneur, même si les armes ont parlé, et qu'elles peuvent toujours le faire. Mon besoin de survie me fait espérer que non, cependant, mais je ne vous connais pas assez pour présumer cela.

Je ne vous tournerai pas le dos pour autant, Empereur, mais je ne peux tendre une main vers vous aussi facilement. C'est toute la réponse que je peux vous apporter à cet instant, dans l'espoir que vous compreniez le questionnement qui m'habite. Je me raccroche simplement à l'idée que l'avenir de l'Empire sera peut-être plus ... sera différent, sous votre direction.

Nous sommes des êtres mus par une même volonté, et peut-être, si vos blasters n'ont pas parlé entre temps, que ce sera là notre première source d'unité, Empereur. Nous avons sacrifié notre vie pour nos idéaux, alors peut-être à l'avenir les partagerons-nous. Si vous m'appelez, je viendrai. C'est là le plus important.

Que les auspices bénissent votre règne, Empereur, car nous n'en sommes qu'au premier jour et déjà vous avez réussi un exploit : l'Unité de paix. Félicitations, Votre Majestée Impériale.

Voilà qui était fait. Il était temps désormais de tourner la page. Le Roi allait enfin pouvoir souffler, se laver, et partir avec son frère qu'il venait de retrouver. Beaucoup de choses allaient être à discuter, et un sur-secteur était à retrouver. Yaga Minor resterait là pour aujourd'hui, l'Empereur ne l'appellerait pas. C'était peut-être là tout ce qu'il fallait retenir, après tout. Cette bataille venait de se terminer, et désormais il existait une unité de paix ... fragile.