L'Astre Tyran

[Nico Aries]

La grande salle du Conseil des clans baignait d’une effervescence habituelle. Les ta’raysh resol, les seize clans les plus importants de Mandalore s’étaient à nouveau réunis par l’intermédiaire de leurs leaders et bras droits pour discuter présent et avenir. La place que prendrait Mandalore dans la Galaxie était sur toutes les lèvres aujourd’hui et il ne faudrait pas trop des arguments de chacun pour essayer de démêler la situation. Le temps des luttes internes semblait terminé et on avait trouvé une sorte d’équilibre entre le gouvernement civil et la tradition des clans. Devant l’incapacité à déterminer quel système était le plus adapté, on avait fini par choisir de ne pas faire de choix. C’était revenir à laisser s’opérer la sélection naturelle sans la forcer. Les régimes naissaient et tombaient, le peuple leur survivait quoi qu’il advienne.

Autour de la grande table, les voix résonnaient fortement jusqu’à ce que le plus ancien des chefs de clan se décide à demander le silence. Le chef du clan Fett, un des plus puissant du Conseil prit la parole en premier :

- L’heure n’est plus à nous cacher comme des animaux apeurés. Nous devons reprendre nos terres ! Mon clan avait des terres sur Concord Dawn, je veux les récupérer !

- Je suis certain que la Nouvelle République saura se montrer compréhensive et respectera notre espace. Ils cherchent juste à protéger les leurs d’une menace et nous avions abandonné cette planète…

C’était le représentant du clan Kryze qui avait pris la suite et montrait ostensiblement toute la sympathie qu’il éprouvait pour le nouveau régime restauré. Les clans Carid et Skirata semblaient sensibles à ces arguments puisque les leurs descendaient pour beaucoup de soldats de la GAR. Il leur restait sans doute quelque semblant de loyauté envers l’ancien régime. Le clan Priest lui avait participé à la formation des soldats clones par le passé. Ils se contentèrent d’un hochement de tête en ce sens.

Ce fut au tour du clan Deshra de s’exprimer sur la position qu’ils espéraient voir tenir les leurs.

- Nous avons déjà été trop longtemps repliés sur nous-mêmes. L’ouverture est le seul moyen pour prospérer à nouveau en échangeant des biens et des technologies. Trouvons des alliés à l’extérieur…

Un autre se leva en tapant du poing sur la table et en criant :

- Moi vivant, je ne laisserai plus jamais Mandalore traiter avec ces chiens de siths qui dirigent l’Empire dans l’ombre !

C’était le chef du clan Cadera qui avait réaffirmé son opposition ancestrale avant d’être suivi de près par les acclamations des clans Itera, Kelborn et Ordo. Nico se contenta d’un geste plus discret pour s’associer à cette expression commune. Il ne constata aucun soutien particulier à l’Empire et aux Siths parmi les gens présents. Il fallait dire que les éléments les plus radicaux avaient été éliminés ces dernières années, créant la déchéance, le quasi démantèlement ou la destruction des clans Awaud et Vizla ainsi que l’épuration du clan Priest seul restant au Conseil.

Les chefs restants se firent discrets. Les clans Bralor, Gedyc et Tenau réservaient leurs avis pour le moment, divisés en interne sur les courants à soutenir. Le clan Rodarch participait rarement même s’il était reconnu comme puissant, passant le plus clair de leur temps en marge de la société mandalorienne, aussi sauvages que les panthères qu’ils dressaient… Le clan Vevut quant à lui s’exprima dans son intérêt d’ouverture pour favoriser le commerce des siens, brillants artisans et fabricants. Il ne restait plus qu’au petit dernier de s’exprimer. Le clan Aries était jeune mais avait gagné sa place au sein du Conseil, peut-être plus une marque de la relative faiblesse des clans ou du moins que la dernière saignée en interne laissait encore des traces. Le Luxien se leva et prit la parole à son tour.

- Tout le monde connaît mon inimitié à l’encontre de l’Empire et des Siths qui ont décimé mon clan par le passé… Cela ne veut pas dire que je suis partisan de la République pour autant. L’Empire est sur le reculoir mais je n’apprendrais à aucun d’entre vous le danger de provoquer un animal blessé. Il faut déjà assurer et reprendre nos terres à ceux qui se les sont appropriées, et ce par la diplomatie avant tout. Je n’encourage aucune relation avec l’Empire mais je ne le fais pas non plus pour la République, du moins pas sans de solides compensations ou engagements de leur part. Et encore… Mandalore pourrait-elle subir le prix d’une nouvelle guerre ? Merci pour votre écoute.

Les interrogations allaient encore bon train et les discussions risquaient d’être longues et de courir sur plusieurs jours ou semaines. Le seul point d’accord pour le moment était qu’aucune alliance avec l’Empire n’était possible comme l’attestaient les « Mando'ad draar digu », un mandalorien n’oublie jamais, en l’occurrence les accrochages avec l’Empire qui avaient conduit au repli sur Mandalore. La problématique était bien plus complexe pour qu’une seule discussion tranche le débat et donne un avis définitif du Conseil. Le chef du clan Fett leva la séance après quelques heures de débat qui avaient posé les premières tendances et affirmé les premières associations de clans.

De retour au domaine du clan, Nico accompagné de Bardan rentraient tranquillement dans le hall de la salle commune quand ses enfants vinrent à sa rencontre. La pauvre Thracia suivait péniblement les petits monstres qui avaient visiblement plus d’énergie qu’elle. Les années commençaient à peser sur sa vieille carcasse humaine et elle devait sûrement maudire les jours de pluie et le froid quand elle les sentait arriver. Elle ne quittait que rarement son châle d’ailleurs. Les traits tirés par la fatigue, elle se contenta de remettre les enfants à leur père et prendre congé pour aller se reposer dans ses appartements. Avec un gosse de 8 ans pendu à chaque bras, le Luxien n’en menait pas bien large. La journée promettait d’être encore longue.

Une main amicale se posa sur son épaule et Bardan Jusik lui offrit le répit qu’il attendait pour le moment.

- Ils peuvent venir jouer avec mes enfants. Je suis sûr que ma femme a déjà prévu plus qu’il ne faut au dîner. Tu les récupèreras en soirée ou même demain matin… à charge de revanche.

D’un clin d’œil, le contrat tacite entre les deux hommes était scellé. Bardan avait senti que Nico voudrait se détendre et faire le point avec Iala sur la situation en comparant les affaires courantes entre les deux assemblées de la planète. Enfin seul, il ne tarda pas à envoyer une photo d’un bain à bulle, de chandelles et d’une bonne bouteille de vin avec deux verres à sa femme. Il n’y avait qu’une seule phrase avec la pièce jointe : les enfants sont chez Bardan pour la soirée. Avec un peu de chance cela suffirait pour motiver un retour plus précoce du travail ce soir…

[Iala Iédastré]

La vaste pièce garde un peu du faste d’antan, le bureau massif en bois précieux a subi les affres du temps et les humeurs versatiles de ses occupants successifs. Iala revoit Satine Kryse, la Duchesse pacifiste, aujourd’hui disparue. Pre Vizsla, le chef de la Death Watch a également fait un bref passage entre ces murs avant de se faire tuer par Darth Maul, l’allié qu’il venait de trahir. Le sith resta dans l’ombre et, comme les Mandaloriens, Iala ignore que c’est grâce au Zabrak qu’Almec revint au pouvoir, Almec qui avait autrefois contribué à établir la paix sur Mandalore mais que ses accointances douteuses avec des trafiquants ont perdu.

Korkie Kryze, le neveu de Satine, occupe la place aujourd’hui. Il a coutume de travailler aussi bien à Sundari, la capitale-dôme des Nouveaux Mandoloriens farouchement pacifistes, qu’à Keldabe, l’ancienne capitale qui reste traditionnellement le point de ralliement des anciens clans guerriers. Le nouveau président tente de reprendre en main une Mandalore presque exsangue. Les crises politiques successives, les alliances désastreuses, la pollution engendrée par l’extraction et l’utilisation massive du beskar sur Concordia, les tensions internes permanentes, une démographie déclinante, des ressources alimentaires ne permettant plus une auto-suffisance ont transformé Mandalore en planète semi-sinistrée.

A l’entrée de Iala, il regarde pensivement une holo projection qui recouvre intégralement un mur aveugle. Une riche plaine herbeuse ondoie doucement, bordée par une forêt sombre et dense.
« Qu’elle était belle la Mandalore de cette époque... »
Le petit quinquagénaire blond aux yeux bleus parle pour lui-même.
Iala sait ce que cette phrase banale sous-tend. L’énormité de la tâche qu’il s’est donnée, maintenant que la paix est rétablie, pèse sur ses épaules. Il sourit à Iala.

Comme toute l’équipe qui l’entoure, elle a son rôle à jouer. Celui de la diplomate consiste à rétablir des alliances, trouver des aides pour relancer l’économie, sans perdre sa souveraineté et son indépendance - mission difficile maintenant que Mandalore n’a plus grand-chose à offrir. En interne, la collaboration des anciens clans guerriers aux projets du gouvernement pacifiste est encore loin d’être acquise mais progresse grâce à la volonté de plusieurs chefs. Nico y travaille aussi.

La fusion de MandalMotors et de Mandal Hypernautics est proche d’aboutir. Le lent travail de récupération des déchets et de leur reconversion sur la lune minière est en chantier, des fonds d’aide sont alloués à ceux qui veulent créer des entreprises à but agro-alimentaire. Une politique nataliste commence à se dessiner avec la création de dispensaires itinérants.

Iala soupire à son tour…
Elle regarde Korkie. Il ne ressemble pas à Nico, il est même son contraire et pourtant… en lui brille la même détermination, où se mêlent passion et raison, la même foi dans leurs convictions. La diplomate a plaisir à servir les deux hommes dont les rêves sont si proches et si différents pourtant, mais elle n'y discerne aucune incompatibilité.

« Nico, oh Nico, mon doux Maître… ». Elle dépose le cristal de données sur le bureau avant de prendre congé. Korkie aurait peut-être aimé parler de certains projets mais Iala ne peut supporter l’éloignement de Nico trop longtemps, elle ressent comme un appel.
Les années de vie commune entre maître et padawan puis entre mari et épouse n’ont pas usé sa passion, elles n’ont fait que la renforcer au point que Nico lui reproche parfois de manquer d’indépendance. Il a raison, elle le sait, mais elle sait aussi qu’elle a besoin de sa sagesse pragmatique qui tempère sa propre impulsivité intuitive aux conséquences souvent imprévisibles.

[Nico Aries]

Mandalore avait des airs de dragon bicéphale mais force était de constater que le dragon était bien malingre de son rétablissement laborieux. Le repli quasi autarcique n’avait pas fait de bien et les pertes humaines subies n’avaient pas été facilement remplacées. Aujourd’hui la planète ne comptait que quelques millions d’habitants, une broutille comparée à bon nombre de mondes bien moins anciens. Dire qu’à peine une décennie en arrière, leur groupe était la deuxième plus puissante organisation de la Galaxie au grand jour. Maintenant ils se démenaient au milieu de la mêlée des puissances indépendantes qui fleurissaient. Triste sort que celui des fiers guerriers de Mandalore, laissés pour compte des guerres interne et galactique après la disparition de leurs deux derniers Mandalores.

Nico était songeur sur les opportunités à saisir pour aider son peuple d’adoption à remonter la pente et retrouver son ancienne gloire. La chaleur de l’eau du bain au contact de sa main laissée négligemment à traîner le rappela à la réalité. Les bougies parfumées créaient une certaine atmosphère même si le Luxien n’y portait pas un intérêt énorme. Il savait que Iala y serait sensible, tout comme elle appréciait évoluer dans un environnement agréable et de qualité. Le vin décanté était prêt à être servi, il s’en prit un verre. Prenant de l’avance, il tomba ses vêtements un à un. Elle le rejoindrait sûrement assez tôt et au pire il aurait profité de ce moment de détente quoiqu’il advienne. Il observa attentivement son corps, prospectant la moindre trace des affres du temps ou séquelles marquée d’un combat. Narcissique ? Non il ne l’était pas. Cependant il se considérait comme un guerrier et n’avait qu’un seul corps pour le rester, alors il y faisait le plus attention possible.

- Je ne t’attendais pas si tôt, tu as fait vite mon amour…

Iala était apparue à la porte quelques secondes auparavant ou peut-être plus… Il n’avait senti aucune présence agressive ou agitée, ce qui lui avait caché son arrivée discrète. L’observait-elle ou avait-elle eu peur de le déranger ? Nu comme un ver, il s’approcha pour l’embrasser et lui tendit celui qu’il venait de lui servir (de verre). Puis il fit disparaître son impudeur dans l’eau bouillonnante du bain sans trop se préoccuper de son attitude peu diligente envers les règles élémentaires de savoir-vivre. Il entreprit de lancer la conversation en attendant qu’elle décide si elle le rejoindrait ou non selon sa charge de travail.

- On a passé une longue après-midi à discuter pour ne pas dire grand-chose aujourd’hui. Je pense qu’on arrive à quelques points d’accord basiques comme « pas d’alliance avec l’Empire » et « reprendre le contrôle total et unilatéral de notre Espace ». On va continuer de discuter tranquillement dans les prochains jours et je ferai des coupures aussi. Un des meilleurs forgerons du clan Fett m’a proposé de me conseiller pour la forge de mon armure et la modification de mon blaster. Et toi ça s’est mieux passé dans votre gouvernement « civilisé »?

Il but une gorgée de vin avant de s’allonger plus dans le jacuzzi. L’eau était à température idéale et il sentait déjà ses courbatures s’estomper même si cela ne valait pas les massages de sa compagne. Il continua à déverser le flot de ses pensées pour en vider son cerveau bouillonnant d’idées depuis le début de la journée. Il n’était pas un fervent partisan des longs débats assis mais il en reconnaissait l’importance et appréciait les hommes qu’il retrouvait autour de la table du Conseil. Il avait à dire, à proposer, mais il y allait doucement parce qu’il n’était pas un ancien et qu’il devait aussi prendre en considération les inclinaisons du gouvernement néo-mandalorien où Iala avait ses entrées. Il partagea le fond de ses pensées avec sa douce.

- Une des premières choses à faire sera de rétablir la souveraineté de Mandalore sur le secteur entier. Nous aurons alors bien assez de terres pour contenter tous les clans et nous agrandir à nouveau. Cela devrait nous occuper un moment que de recoloniser notre espace original. Du coup ça reviendrait à établir un contact avec la République pour qu’elle retire ses troupes de Concord Dawn… Pour les colons, j’imagine qu’ils se sont déjà bien établis sur place. Il serait compliqué de détruire à nouveau la vie de pauvres exilés… Vous en pensez quoi dans votre cercle de gens bien éduqués à la façon majoritaire ? Vous en avez déjà discuté ?

Quelque part Nico louait que Mandalore puisse avoir une forme de diplomatie dans les canons des entités politiques de premier plan. D’un autre côté, c’était un peu renier les particularités de Mandalore et son histoire. Cependant en l’absence d’un chef incontesté, et cela ne semblait pas prendre ce chemin, deux organes de pouvoir en assemblée semblait être une solution de gestion assez satisfaisante. Ne restait qu’à travailler de concert sur les problèmes et leur trouver des solutions…

- De toute façon il nous faudra plus de bras et d’impact démographique pour renforcer le secteur. Si peupler nos colonies avec des colons répondant aux critères souples des nouveaux mandaloriens me semble assez simple, adopter des guerriers de valeur et volontaires me semble plus compliqué. J’ai bien quelques idées de groupes de tradition militaire à démarcher que je soumettrai aux clans pour recueillir les avis et voir si une décision peut germer en ce sens. De ton côté vous avez des pistes pour agrandir la communauté ou ce n’est pas d’actualité ?

La population initiale de Mandalore ne comptait que 4 millions d’âmes, c’était bien peu. En même temps, mieux valait la qualité à la quantité mais bon il serait difficile de prospérer aussi facilement que les autres dans ces conditions. L’immigration semblait la plus facile mais pas à n’importe quel prix non plus. Le clonage ? Certes Mandalore avait connu un bon afflux de sang neuf par le passé grâce à cette science peu éthique mais cette solution apparaissait aujourd’hui comme un ultime recours et pas une voie royale. On ne pourrait pourtant attendre que Mandalore se repeuple d’elle-même sous peine de la voir s’éteindre comme une cité qui aurait trop fermé sa société. C’était bien pour cela que l’adoption était une facilité assez classique après tout.

- Il nous faudra nous placer sur nos productions phares même si s’auto suffire serait une décision plus sage. L’idéal serait de rouvrir quelques routes commerciale avec des partenaires fiables et pas trop politisés, au moins le temps de nous rétablir… Nous pourrions envisager quelques collaborations à défaut d’alliances si c’était trop risqué. Mon rejet de l’Empire ne m’aveugle pas sur ce qui leur reste de puissance. Ils pourraient nous envahir s’ils n’avaient pas d’autres chats à fouetter et de pertes assez lourdes à envisager pour se faire… Nous avons des vaisseaux et des hommes de qualité mais nous n’avons pas la taille de leur porte-monnaie et de leur vivier d’hommes malheureusement… Bref, le Conseil devra réfléchir aussi en ce sens mais la partie diplomatie risque de revenir aussi à charge du gouvernement néo mandalorien. Vous avez déjà préparé quelques visites ou ambassades sur lesquelles les clans devraient se prononcer ?

Il faudrait sûrement des semaines pour que les pièces de ce puzzle commencent à s’imbriquer dans un ordre cohérent et constructif. Ils avaient le temps de faire les choses, mieux valait bien que vite quitte à choisir. Assurer ses positions, les consolider et se construire des réseaux prenait du temps et il serait difficile de prendre des raccourcis. Il faudrait batailler pour faire avancer les choses déjà en interne et après vers l’extérieur pour défendre ses intérêts. Politique… beurk que ce mot semblait répulsif comparé à la simple étude de la Force et ses mystères, ou même de la science. Nico regrettait parfois de ne pas se contenter de ce petit univers mais il fallait bien vivre avec son temps et le reste de la Galaxie.

- Et nos Luxiens dans tout ça aussi… oui nos Luxiens…

Sa voix se faisait un peu plus basse et il était tenté de fermer les yeux dans la chaleur de ce bain si relaxant mais il pourrait s’y assoupir. Son verre était vide maintenant mais il n’était pas enivré pour si peu. D’ailleurs il n’avait pas plus envie que ça de sortir se resservir. S’il s’endormait, Iala prendrait-elle le risque de le laisser se friper et bouillir au bénéfice du repos ? Il n’était pas question de piquer du nez avant qu’elle ne réagisse à ses questionnements du moment. Ensuite il aviserait mais si sa femme le voulait, elle avait tous les arguments pour le tenir éveillé un bon moment…

[Iala Iédastré]

« Comment les hommes sont-ils faits ? » Ou plus exactement comment le sien fonctionne t-il ? C’est la question que se pose Iala en découvrant le spectacle que Nico a préparé.
Visiblement, la mise en scène lui est destinée : jamais Nico ne s’est préoccupé de son bien-être personnel. Les bougies, le vin fin, le bain qui dégage les flagrances ambrées d’huiles essentielles qu’elle affectionne, tout cela lui est destiné, à elle… et voilà qu’il parle politique et redressement économique de Mandalore, alangui dans le jacuzzi, un verre à la main !
Elle a un moment d'incertitude. Elle hésite brièvement entre la discussion, et les plaisirs du corps et de l’esprit, auxquels elle était prête à se laisser aller. Comment Nico peut-il concilier les deux, elle l’ignore, mais elle n’en est pas capable.

Iala s’avance, habillée d’une élégante - mais très pudique - combinaison blanche. La diplomate a choisi ce vêtement strict qui allie l’austérité de l’armure traditionnelle mandalorienne - rejetée par les Néo-Mandaloriens au profit de tenues plus libres et parfois raffinées et même sensuelles - avec la commodité de ces dernières. Elle promène une main nonchalante à la surface de l’eau bouillonnante, en signe de renoncement. Elle se concentre sur les questions soulevées par Nico. Comme une élève sage, elle tente une synthèse fidèle.

« Il est difficile de dire ce que décidera le Nouveau Conseil Mandalorien. Avant que le sujet soit soumis à un vote, il faut déjà élaborer un projet clair et défini. Pour l’instant, on en parle, on évoque des stratégies possibles qui vont du rejet pur et simple de Concord Dawn, à qui on pourrait donner un statut de totale indépendance, à une politique de rapprochement, favorisant des échanges culturels, scientifiques et économiques. Korkie Kryze est nettement favorable à cette dernière solution et je l’approuve. Cette position améliorerait notre situation démographique, étendrait notre influence en terme territorial, apportant un surplus de terres cultivables et de ressources forestières sur une planète exempte de pollution. De plus sa population possède des liens avec les planètes de la Bordure Extérieure ce qui irait dans le sens du souhait d’ouverture de Mandalore.
Je crois que les voix qui appuient la thèse d’une séparation totale souhaitent avant tout se débarrasser de l’armée de la Nouvelle République qu’ils considèrent plus ou moins comme une armée d’occupation. La négociation diplomatique peut trouver une voie médiane, j’en suis persuadée. »

Iala soupire… Elle sera aux premières loges pour cette tâche ardue.

« Je suis à la fois compétente pour mener ces négociations, puisque Tetienne de naissance et initiée à la politique extérieure, mais contestée par certains, car non Mandalorienne d’origine.

Il reste aussi un sujet épineux, à mon avis la pierre angulaire sans laquelle rien ne doit, ni peut se faire : intégrer des représentants des anciens clans guerriers dans le Nouveau Conseil. Là, les opinions sont très partagées. Les pacifistes radicaux ont une position tranchée inflexible : pour eux, les clans restent des « bellicistes agressifs » qui ne peuvent rien apporter à Mandalore. Beaucoup de conseillers sont indécis, hésitent entre refuser totalement leur participation ou accorder un nombre de sièges restreint. J’ignore comment les convaincre, si toutefois c’est possible. Le Mand’alore y travaille, lui-même est issu d’un clan… mais rien n’est joué.

Pour moi l’intégration des représentants des clans au Conseil est une priorité. Elle offrira l’entière légitimité à nos démarches vis-à-vis du monde extérieur. Mais les clans sont-ils prêts à parler d’une même voix et à s’intégrer au Nouveau Conseil et à en respecter les décisions consensuelles… je ne sais pas, vraiment pas. »

Iala se fait pensive, une céphalée commence à s’installer, doublée de la frustration physique qu’elle vient de s’imposer. Elle ferme les yeux et se concentre sur le mal de tête qui s’envole doucement.
L’amertume du retour au foyer qui ne tient pas ses promesses persiste jusqu’à ce que son regard rencontre le velours sombre des yeux de Nico.

« Oublions Mandalore s’il te plait… un peu, rien qu’un peu.»

La fermeture coulissante de la combinaison glisse, la libérant de corps et d’esprit. Elle s’enfonce lentement dans le liquide tiède, sa main cherche Nico, son cœur s’affole… ils ne s’attarderont pas longtemps dans le bain bouillonnant…

[Nico Aries]

Elle lui avait demandé un moment, ils s’étaient consacrés toute une soirée. La nuit avait été courte et longue à la fois mais il n’en transparaîtrait qu’un lever un peu plus tardif que d’ordinaire et un mélange de légers cernes et de satisfaction sur leur visage. Ils n’étaient plus jeunes parents mais prendre une soirée pour eux entre le travail et les sollicitations privées était souvent le parcours du combattant. Le soleil était déjà assez haut dans le ciel même si il lui faudrait encore quelques bonnes heures pour arriver à son zénith quand Nico prit son thé dans les communs du clan. Bardan avait ramené les enfants vers leur famille et prenait le temps de discuter avec le chef de clan. Il était d’une aide précieuse et Nico l’avait tout de suite choisi comme bras droit pour l’épauler dans sa tâche et s’intégrer le plus rapidement possible. L’ancien jedi l’accompagnait avec un café.

- Alors cette soirée ? J’en connais un qui n’a pas l’air d’avoir beaucoup dormi…

Le Luxien fronça les sourcils et évita soigneusement le sujet qu’il trouvait inapproprié. Il gardait pour lui ses souvenirs récents de la nuit et avait revêtu le costume du chef de clan dès le lever.

- Seule Iala a la clé de ce jardin secret, tu peux oublier ça. Par contre notre discussion préalable me laisse un peu perplexe…

Le changement de sujet était tout aussi intriguant que l’opacité de la vie privée de son chef pour Bardan.

- Tu veux dire que les choses ne semblent pas aller dans le sens que tu l’espères du côté des Nouveaux Mandaloriens ? On n’a pas besoin de divisions internes, les clans ont régi Mandalore depuis des millénaires, nous sommes les vrais mandaloriens…

Nico l’interrompit en reposant sèchement sa tasse sur la table et en lui lançant un regard sévère. Il ne voulait pas entendre ce genre de discours sous son toit, du moins pas tant qu’il n’envisage de considérer la problématique de manière aussi absolue…

- Concentrons-nous plutôt sur ce qui peut nous rassembler puisque nous n’avons pas besoin de divisions, n’est-ce pas ? Il faut régler la question de Concord Dawn au plus vite et faire décider le Conseil de la nécessité d’une entrevue sur place avec les représentants républicains. Et il faut qu’on y soit même si nous ne faisions pas tous le déplacement !

Jusik prenait le temps de réfléchir selon la géopolitique locale et les différentes réactions qu’il pouvait prévoir.

- Le clan Fett est celui qui avait le plus d’intérêts là-bas, ils voudront mener la discussion sûrement et défendre leurs anciennes terres. Les clans les plus ouverts à la République verront l’occasion d’un premier contact pour préparer le terrain. Je ne vois pas de réelle opposition à ce qu’on réclame notre souveraineté pleine et entière au fond… Pour le reste on verra.

Nico n’avait pas vraiment d’inquiétudes concernant les réactions et positions au sein des clans. Il pratiquait ces guerriers depuis maintenant 7-8 ans et il suivait un mode de fonctionnement à peu près similaire. C’était le rôle que jouerait les Nouveaux Mandaloriens là-dedans qui laissaient un trouble et semaient le doute dans son esprit. Ils arrivaient à des conclusions assez bizarres et différentes de celles qu’il avait entendu jusqu’ici. Pire, ils réfléchissaient à offrir une « porte de sortie » aux clans en les intégrant à leur système moderne et en pensant les faire renoncer eux aussi à leurs traditions, coutumes et lois millénaires ? C’était soit de l’arrogance pure, soit de la naïveté étonnante de croire que les clans reconnaîtraient Korkie Kryze comme leur chef méritant et le suivraient dans sa modernisation de Mandalore à la tendance majoritaire galactique.

Ce qui déchirait le plus le Luxien était le pressentiment que sa propre femme adhérait à cette vision des choses et la soutenait. Après tout elle se sentait sûrement bien plus à sa place parmi les Nouveaux Mandaloriens que parmi les clans traditionnels. Tout ceci annonçait de bien dures épreuves dans un avenir qui se rapprochait très rapidement, trop rapidement. Les changements viendraient sans doute mais ils ne passeraient que dans une certaine mesure et profondeur, bien loin de la révolution attendue de Sundari. Ça Nico en restait persuadé au fond de lui.

- On passera cette première démarche au vote cet après-midi. Pour le moment je dois rencontrer le forgeron du clan Fett qui m’a proposé de me conseiller pour la forge de ma beskar’gam et les modifications de mon blaster. Ce sera une occasion de leur présenter un peu la chose en avant-première, voir de les inciter à faire la démarche par eux-mêmes…

Pour le moment le clan Aries était jeune et Nico voulait se montrer assez prudent sur ses avancées. Jusqu’ici il avait plutôt bien placé ses pions et il n’avait aucun contentieux historique avec personne contrairement à beaucoup d’autres. Il n’empêchait qu’il devait rester impeccable s’il voulait continuer de rassembler dans l’ombre et pour le coup la ligne politique des Nouveaux Mandaloriens risquait d’être compliquée à suivre… Rassembler tout le monde serait sûrement la solution la plus pratique et profitable en terme de moyens mais sûrement pas la plus facile. Korkie Kryze était-il le Mandalore qu’il fallait à ce peuple ? C’était la tête remplie de nouvelles questions qu’il s’aventurait vers le reste du monde mandalorien en quittant le hall du clan.

[Iala Iédastré]

Iala s’est levée plus tôt que Nico. Depuis que les Luxiens se sont installés sur Mandalore, Iala a pris un rythme de sommeil régulier, loin des décalages engendrés par les voyages et les journées orbitales variables et déstabilisantes. Vêtue d’une tenue confortable, elle quitte la chambre, laissant à Nico un peu de temps de sommeil.
Les journées de son guerrier sont physiquement plus éprouvantes que les siennes, elle en a conscience… son guerrier, voilà bien le problème : Nico est un guerrier.

A ses côtés, elle a connu les clans de Socorro, le Bal’hir Noir, des clans guerriers qui se battaient dans un environnement hostile, sur une planète pauvre dans un contexte dangereux.
Elle a connu le Maelstrom, cet assemblage incertain d’organisations dont le seul point commun était d’être des fugitifs ou des renégats. Nico se démenait pour donner un semblant de cohérence à tous ces groupes apatrides.

Bien que pacifiste, Iala admettait la nécessité de ces engagements. Mais là, sur Mandalore, elle ne comprend pas. La planète est exsangue, la population réduite à quelques millions d’âmes, le travail de reconstruction économique et social est énorme. Face aux belligérants, que ce soit la Nouvelle République ou l’Empire, Mandalore ne possède aucun organe politique suffisamment représentatif pour devenir un interlocuteur crédible. Et pendant ce temps là des clans plus ou moins guerriers continuent à se disputer des suprématies territoriales, à opposer, comme des coqs ineptes, leurs gloire, leurs honneurs ou elle ne sait quel autre concept suranné.

Combien sont-il ces dinosaures échappés d’une autre époque ? Iala a fait un compte approximatif. Quatre millions d’habitants dont une petite moitié a rallié les Néo Mandaloriens. Elle a évalué la population n’appartenant à aucun clan : commerçant, ouvriers, employés, sans compter ceux qui exploitent les terres ou les océans pour tenter de nourrir tout ce petit monde.
La plupart des intellectuels et des scientifiques a rejoint le camp Néo, là où l’ouverture sur le reste de l’univers leur permet d’étendre leur savoir.

Reste, environ un million de personnes appartenant à des clans, y compris femmes, enfants, vieillards… une vingtaine de clans importants et une myriade de petits clans comme le clan Ariès. Et tout ce monde là est incapable de trouver une unité, de comprendre qu’ils ne sont que des confettis disséminés sur une planète appauvrie et qu’au moindre souffle d’un vent puissant, ils disparaîtront.

Qui soufflera fort : La Nouvelle République, l’Empire, ses seigneurs de guerre ou, plus insidieusement, ces puissantes maffias qui rongent leur proie de l’intérieur ?
La diplomate qui est née et a grandi dans un monde où, à défaut de parler d’une voix unie, les gouvernements possèdent la puissance et la représentativité de leur planète, elle ne peut admettre la survivance du clanisme en dehors de lieux arriérés.

Mais Nico comprend, et pire, il est l’un d’eux ! Mais n’est ce pas plutôt une chance ?

Iala se réfugie dans l’aile Luxienne, là où les jeunes reçoivent leur formation d’apprentis de la Force, mais aussi où Leem, Saviour, Bardan, Nico, Iala leur enseigne l’histoire, les sciences, la littérature, les arts et cent autres choses. Un endroit privilégié où règne un calme qui tranche avec l’agitation de la partie communautaire. Un lieu de méditation également.

Une jeune Twil’ek se met au piano… un bel instrument que Iala a fait venir de Téta à grands frais.

- Non ! Mi, ré dièse, mi ré dièse de la main droite puis deux fois de la main gauche et enfin trois de la main droite avant d’enchaîner…

- Mais maîtresse, le rendu est pareil si je fais six fois de la main droite et c’est bien plus facile !

- Tu as raison Vala’il… mais l’objectif est que tu apprennes à jouer sur les même touches en mêlant les deux mains. L’oreille ne doit pas ressentir la moindre différence de rythme ni de toucher. Tes doigts, tes mains, tes poignets, ton pied sur la pédale, ton corps entier doit participer à l’exécution de la partition. Tu es un avec l’instrument.

- C’est difficile !

- Oui, c’est difficile, c’est pour ça que tu commences ce travail sur une partition facile.

Y a-t-il des partitions faciles pour que les clans apprennent à faire « un », se demande Iala, bien décidée à poser la question à Nico.

[Nico Aries]

La réunion du conseil n’ayant lieu que dans l’après-midi, Nico avait le temps d’aller rendre visite au forgeron du clan Fett qui lui avait proposé d’utiliser sa forge. Le clan Aries n’avait pas de forge attitrée et ne comptait pas de forgeron émérite pour le moment. Le Luxien aurait bien aimé se doter de ce service au sein de son propre groupe mais il y avait peu de maîtres dans le domaine et encore moins libres à l’adoption. L’armure d’un mandalorien est son chef d’œuvre. Elle doit correspondre à sa philosophie et être révélatrice de ses aptitudes et méthodes au combat. La plupart du temps elle ne connaît que des retouches mineures de peintures ou d’accessoires et dure une vie. Il fallait dire que le corps à l’intérieur de l’armure pouvait bien plus facilement céder avant cette peau de fer qui le protégeait.

Nico poussa le perfectionnisme à aller extraire en personne le minerai qu’il travaillerait sous forme de métal. Une fois raffiné, le minerai était prêt à être travaillé à la forge, additionné à du carbone pour rendre le tout plus résistant et léger. Les secrets du travail de ce métal que l’on disait quasi indestructible n’appartenait qu’à une poignée d’hommes mais ils transmettaient au moins les bases de leur savoir à leurs semblables et prenaient des apprentis pour leur succéder à terme. Le Luxien n’était pas homme à se voir artisan mais il respectait vraiment ce type de travail. Il n’aurait renié la tradition pour rien au monde et c’est ce qui l’inquiétait à l’avenir. Il travailla six heures de suite entre la mine puis la forge avant de se décider à rentrer prendre une douche et rejoindre le Conseil. Il prit le temps de faire le point sur son avancée avec le spécialiste qui lui demandait ses premières impressions.

- Alors cette armure ? J’ai vu que tu avais bien suivi mes conseils au niveau du pliage et de la trempe répétée pour façonner le métal. Tes premières plaques sont plus que correctes pour quelqu’un qui n’est pas du métier.

Les conseils précieux et préalables du maître de la forge avaient permis une compréhension technique des tâches à accomplir. Les conditions de travail n’étaient pas simples pour un novice, Nico avait la chance d’être habitué aux grandes chaleurs après des années à vivre dans le désert et avait la condition physique plus que nécessaire pour battre le métal en temps que guerrier aguerri. Il n’avait pas pris la tâche à la légère et avait bien étudié son œuvre avant de se lancer. Les techniques les plus compliquées restaient à sa portée puisqu’il avait une certaine compétence scientifique en tant que Luxien, certes bien moins que nombre de ses condisciples mais assez pour comprendre la micro ionisation par exemple.

- Je ne fais qu’appliquer les enseignements que je peux modestement essayer de pratiquer, maître forgeron. La conception d’une armure légère et articulée au niveau des plaques est sans doute plus simple que de faire une armure d’une pièce qui ne me conviendrait guère à l’usage…

- Oui, ce style d’armure ne se fait plus trop depuis qu’un ancien frère d’armes, Jango Fett a démocratisé le style d’armure que tu décris comme la version moderne de notre équipement. Pour un chasseur de prime ou un mercenaire, la protection ne doit pas sacrifier la mobilité. Et puis le résultat est plus que convainquant sur les capacités protectrices de ce genre d’armure. Il n’est pas dit qu’un mandalorien en armure puisse se faire percer par le premier blaster venu !

L’heure tournait et il fallait se hâter pour les prochaines obligations de la journée. Les discussions tourneraient peut-être court avec un peu de chance. Il suffisait de motiver un peu le clan Fett et quelques autres à remettre sur pied l’Espace Mandalorien et reprendre leurs terres.

- Je file m’apprêter pour le Conseil. Je pense qu’il sera question de Concord Dawn et de décider une fois pour toute d’y aller parlementer pour que les nôtres retrouvent leurs terres. Je ne veux pas la guerre mais nous avons assez fait le dos rond et se cacher plus longtemps serait indigne de vrais guerriers. Si l’Empire veut vraiment la guerre, il saura nous trouver de toute façon. Si la République veut envahir notre territoire, on se défendra aussi. Il est temps de défendre notre identité et notre terre même si au fond j’espère une résolution pacifique à tout ceci… Nous ne sommes pas encore prêts à reprendre le chemin de la guerre…

Le forgeron acquiesça de la tête sans en dire plus. La MandalMotors et la Mandal Hypernautics étaient productives. Les forgerons eux-mêmes avaient des techniques modernes semi industrielles et pouvaient forger une armure en quelques jours seulement. Le problème résiderait surtout dans les pertes humaines qui seraient une véritable saignée dans la maigre démographie de Mandalore. La guerre devait rester le dernier recours en l’état actuel des choses.

Le temps de rentrer se laver et passer des vêtements propres, Nico eut tout juste le temps de laisser un mot à Iala concernant l’ordre du jour du Conseil. Si les Nouveaux Mandaloriens devaient accrocher leurs wagons, c’était le moment. Sinon les clans risqueraient fort de négocier directement avec la Nouvelle République sans eux ! Il faudrait sans doute une bonne semaine pour rassembler une flotte et préparer l’entrevue sur Concord Dawn. Cela laissait parfaitement le temps aux deux organisations politiques de trouver un terrain d’entente pour faire front commun à ce rendez-vous. Nico espérait de Iala qu’elle travaille dans l’ombre pour accorder les propositions de Sundari afin de former une délégation commune avec Keldabe. Il fallait que cette réunion se fasse rapidement et avance dans le bon sens sous peine de creuser le fossé entre les communautés.

[Iala Iédastré]

La diplomate lit le message de son mari : certains clans semblent décidés à une discussion avec la NR, sans en référer au reste de la planète , surtout pas aux Néo-Mandaloriens. Quelques puissants chefs claniques qui disposent du reliquat de puissance militaire et ne se préoccupent que de leurs intérêts immédiats, au mépris des neuf dixièmes de la population de Mandalore, vont tenter de parler d’une même voix.
Les négociations de Concord Dawn sont jouées d’avance : le clan Fett occupe la place et il est encore puissant : il imposera sa vision. Sera-t-elle acceptée par la Nouvelle République, c’est une toute autre affaire… mais personne sur Mandalore, autre que les clans, ne peut leur opposer une légitimité.

La diplomate vient de terminer la mission demandée par Kryse et n’est actuellement mandatée pour aucune autre. « A quoi bon se battre pour ces Madaloriens ? » s’interroge la Luxienne.

En arrivant sur Mandalore elle pensait pouvoir aider à un rapprochement en mettant au service des Kryse ses qualités de diplomate. Mais elle a rapidement compris que le fossé entre les partis est un gouffre et qu’elle ne peut rien pour le combler.

D’un côté les clans, de l’autre les Nouveaux Mandaloriens souhaitant obtenir la reconnaissance des habitants et le statut d’interlocuteurs privilégiés face aux mondes extérieurs. Mais ils ne possèdent qu’une force militaire restreinte et s’enferment sous leurs dômes pour élaborer des plans politiques sans cohésion avec les clans qu’ils méprisent. Tout cela au milieu d’une population laborieuse, pauvre et muette.


Iala froisse le papier et le jette. Elle grimace « entre discussion politique, écoutée d’une oreille distraite, dans un jacuzzi, et informations succinctes griffonnées à la hâte, voilà bien le nouveau style de communication de Nico. »

Elle a attendu de son mari qu’il s’explique, il ne l’a pas fait. Il ne perçoit pas le trouble de Iala. La luxienne monte ses barrières mentales avec douceur pour ne pas perturber l’enthousiasme de Nico. Elle sent que leur combat n’est plus le même… plus tout à fait. Nico a souhaité que sa femme devienne indépendante et c’est au prix de l’incompréhension qui s’installe entre eux qu’il va obtenir ce qu’il veut.

Elle avait espéré que le clan Ariès n’aurait qu’un objectif essentiel : la sauvegarde et le développement de l’académie luxienne. Mais Nico devient plus guerrier chaque jour. Il recherche la compagnie de ses nouveaux amis ou des anciens du Bal’hir Noir avec qui il s’entraîne au combat Mandalorien. Il met un point d’honneur à fréquenter les chefs des clans majeurs.
Sa dernière lubie est l’armure Mando. Il y passe son temps, y met son énergie, ses yeux brillent quand il en parle, comme ceux d’un enfant qui évoque le nouveau jouet qu’il convoite. Iala l’écoute avec la tendresse d’une mère. Elle ne lui rappelle pas ce qu’elle a fait d’un seul geste, sans effort, du guerrier en armure qui l’avait attaqué.
Elle se tait.

Elle se fait mère attentive, elle qui a délaissé ses enfants au profit Nico, de Nico et de sa Guilde du Maelstrom - qu’elle n’appréciait pourtant guère, mais à laquelle il tenait tant - au profit de sa fondation, à laquelle elle a dû renoncer.
Elle se tourne chaque jour davantage vers les élèves de la maigre académie luxienne, se plonge dans l’étude et dans la méditation de plus en plus profondément. Elle ne voit pas quel avenir elle peut espérer sur cette planète, au milieu d’un clan de guerriers. Elle avait cru que Nico était devenu un combattant par obligation et par devoir. Aujourd’hui qu’il a l’opportunité d’être un autre, il fait le choix des armes.
Elle reconnaît son erreur, alors elle se tait.

Iala vit l’essentiel de ses journées dans l’aile luxienne : là, elle est chez elle. Là, elle respire vraiment. Elle ignore si elle accepterait une nouvelle mission si il s’en présentait une : si elle s’écoutait, elle se cloîtrerait bien définitivement dans la quiétude de son embryon d’académie, de ce qu’il reste de leur rêve commun.

[Nico Aries]

La journée avait été longue et épuisante. Elle avait commencé par la rigueur physique du travail du métal pour s’achever sur une réunion de longue haleine du Conseil des clans. Finalement on s’était accordés sur la base d’une négociation avec la Nouvelle République pour s’assurer l’entière souveraineté sur le secteur. Les clans majeurs avaient fait front commun et personne ne s’y était vraiment opposé. Toutefois, il ne fallait pas s’attendre à une pleine entente non plus, le secteur devait demeurer neutre et ne pas s’impliquer dans la guerre. Du moins cela devait rester le cas au moins pour le moment et surtout sur le plan politique. Devant le manque d’expérience des négociations intersectorielles et de repères sur les conventions de l’extérieur, on avait aussi décidé un peu à contrecoeur de solliciter l’appui des Nouveaux Mandaloriens. Une rencontre était proposée au cours des prochains jours pour finaliser le programme de la délégation avant d’aller en ambassade vers Concord Dawn.

C’était avec toutes ces informations en tête pour Iala que Nico rentrait à la maison, assez fourbu mais content de sa journée. Il ne put alors que constater qu’elle était loin d’être terminée… Sa femme ne l’attendait pas gentiment dans leur foyer et s’était isolée dans l’aile luxienne mais plus encore en elle-même. Les enfants vinrent raconter leur journée à leur père sans qu’il ne puisse couper à leurs petites histoires qu’il écouta du mieux qu’il pouvait. Toutefois le silence de Iala le plongeait dans une profonde perplexité. Finalement au bout d’une demi-heure d’échanges assez banals mais révélateurs du quotidien d’une famille, ce fut Leem qui vint chercher les enfants pour qu’ils se préparent pour la soirée.

- La salle de bains attend les petits apprentis avant le repas ! Votre père a des explications à donner à votre mère alors on en profite pour faire ses devoirs.

L’expression du visage de la vieille maître jedi ne faisait aucun mystère sur le peu de considération qu’elle accordait à Nico en cet instant. Il avait blessé Iala, il en était certain maintenant. Il ne lui restait plus qu’à deviner le fond du problème puisqu’elle s’était fermée à lui… Il resta un moment assis à la regarder en silence avant de se lancer sur les suppositions. Le fait qu’elle ne prenne pas la peine de lui dire ce qu’elle lui reprochait ne pouvait dire que c’était évident… La solution la plus logique à son attitude était de lui rappeler une règle d’or qui régissait déjà le Bha’lir Noir.

- Ethique de réciprocité, c’est de ça dont il s’agit ? Tu me reproches de ne plus communiquer correctement avec toi, n’est-ce pas ?

Elle s’ouvrit un peu à lui pour lui faire sentir ses pensées profondes, la détresse et la circonspection qu’elle éprouvait devant une situation qui lui échappait tant elle était nébuleuse et peu structurée de son point de vue. Il fallait qu’il trouve les mots justes pour la rassurer, ce ne serait pas évident. Alors qu’il allait ouvrir la bouche pour prononcer ceux qui lui venaient, il se rendit compte qu’il avait bien mieux que ça. Il vint s’asseoir à côté d’elle et posa sa main sur sa joue pour établir le premier contact. Puis leurs front se joignirent afin qu’un flot d’images assaille la jeune femme. Toute la journée de Nico défilait dans sa tête, toutes ses actions, ses paroles, ses pensées les plus profondes. Elle pouvait sentir la joie du travail personnel sur son armure qu’il créait de ses propres mains pour tous les protéger, la fatigue de ses muscles après des heures de travail physique, la fraîcheur de l’eau de la douche qui avait suivi, les courbatures liées à une position assise gardée trop longtemps lors des discussions lentes au sein des clans… Et leurs têtes s’écartèrent.

- Je ne te cache rien de mes intentions et même si tu ne comprends pas mon attachement pour les traditions ancestrales de ce peuple, elles ne te relaient pas à un niveau inférieur de ma considération. Crois-tu que je t’aurais forcée à porter une armure, toi la pacifiste ? Crois-tu que je pourrais me séparer de toi en divorçant en un mot comme le veut la coutume locale ? Crois-tu que je pourrais décider seul de l’éducation de nos héritiers sans que tu ne puisses avoir mot à dire ? Crois-tu que j’aurais attendu que notre fils ait huit ans si tu avais voulu un nouvel enfant ?

Nico essayait d’arranger les choses au mieux entre clans, de rassembler comme il pouvait autour des points cruciaux pour assurer l’avenir mais il n’avait pas vu qu’il créait des failles dans son propre foyer. La situation était assez ironique, le chef de clan qui ne voulait que renforcer et stabiliser la sécurité du secteur pour préserver un havre de paix pour les siens, était devenu un facteur de trouble pour celle qui lui était la plus proche.

- Travaillons ensemble à finaliser les contours de ce secteur et sa ligne politique à l’échelle galactique pour garder notre nouvelle résidence. Une fois notre neutralité et la paix assurée, je te promets que nous oeuvrerons sur notre projet de toujours et que je me rangerai pour le bien de l’Ordre qui sera ma priorité. Tu peux faire ça pour moi ?

L’inconnue était de savoir jusqu’où les Nouveaux Mandaloriens voulaient établir des relations avec la Nouvelle République. Nico craignait qu’ils ne réclament une alliance pure et simple qui les mettrait en danger par rapport à l’Empire. Il faudrait leur faire entendre ce point de vue ou se préparer à la guerre… Tout se déciderait lors de ces tractations internes entre les clans et l’organisation de Sundari.

[Iala Iédastré]

Clan Ariès

Il a retrouvé le chemin. D’un seul geste, Nico a compris les doutes de Iala, a effacé ses craintes. Il a senti sa solitude et sa faiblesse dans ce monde qui absorbe le Luxien au point qu’elle ne le reconnaissait plus. Il découvre qu’elle était prête à s’effacer pour qu’il trouve sa voie, quel que soit le prix de ce renoncement pour elle.

Elle entrevoit le rêve de Nico pour Mandalore, elle l’a lu dans son esprit. Elle devine aussi ce qu’il ignore probablement… la fascination que ce monde de guerriers exerce sur son inconscient.

Ils ont retrouvé le chemin. Leurs esprits fusionnent comme au temps passé. « Mandalore ne nous fera pas oublier qui nous sommes, n’est-ce pas ? » Ce n’est pas une question mais plutôt une prière muette. Elle se tait et se blottit au creux des bras du Luxien, longuement. Ils ont dépassé depuis longtemps le stade des mots, ils l’avaient oublié.




Sundari

La salle du Conseil des Nouveaux Mandaloriens se situe au coeur du palais royal de Sundari. L’extraordinaire architecture de ce bâtiment en fait un joyau au milieu d’une ville elle-même exceptionnelle. Des constructions cubiques, certaines érigées, d’autres aériennes se suspendent à la structure du sombre dôme protecteur. Les allures épurées des bâtiments de Permacrete et de beskar offrent leurs reflets et leurs transparences argentines aux parcs arborés entretenus avec minutie. Les airspeeders circulent entre ces bâtiments comme des vols de papillons qui se réfléchissent à l’infini dans les tours de verre et de métal.

Une table de verre, neuf sièges l’entourent. Huit conseillers et Korkie Kryse qui préside la séance. Iala se tient à un pas en arrière de Kryse, debout, comme le veut la coutume.

Le chef des Nouveaux Mandaloriens ouvre la séance extraordinaire :

- Nous venons de recevoir une proposition émanant du Conseil des Clans. Il nous propose de les rejoindre pour discuter du programme de la délégation prévue pour Concord Dawn.

Brouhaha autour de la table. La surprise d’abord : c’est la première fois qu’une demande officielle émane des clans et propose une entrevue, voire mieux… une concertation.

- Nous ne pourrons jamais trouver un terrain d’entente avec ces chiens de guerriers !

- Et si c’était un piège ?

- Oui, ils veulent nous attirer dans un guet-apens !

Les deux conseillers qui viennent de parler sont bien connus pour leurs positions extrémistes. Mais personne n’intervient pour les soutenir.

- Conseiller Kork, je vous ai bien entendu… mais si nous voulons avancer vers l’unité de Mandalore, il nous faudra bien accepter le dialogue, un jour ou l’autre. Les clans font un premier pas et nous serions fautifs de refuser cette main tendue. La situation de Concord Dawn revêt une importance majeure et, d’une certaine façon, refuser la proposition des clans leur donnerait quitus pour décider de son avenir.

- Il n’est pas question que le Conseil de Sundari prenne le risque de tomber dans un coupe-gorge !

- C’est pourquoi je vous propose de me rendre à cette invitation, accompagné de Madame Ariès dont l’époux est lui-même chef de clan. Ainsi nos positions seront facilitées. Si d’autres conseillers souhaitent se joindre à nous, j’en serais enchanté.

Un nouveau remous agite la salle. Iala sait que les conseillers soutiennent très majoritairement Kryze mais trois d’entre eux sont à la limite du fanatisme et dénoncent plus ou moins violemment les origines claniques de leur président.

Finalement personne ne se présente et Kryze et sa conseillère sont chargés de représenter les Nouveaux Mandoloriens lors de cette première rencontre.

Des idées un peu éparses traversent l’esprit de Iala. Les opposants à Korkie pourraient espérer qu’il se fasse tuer par ceux qu’ils considèrent comme des brutes. Cela les arrangerait doublement en donnant raison à leur discours extrémistes et les mettrait en position de force pour remplacer un président trop favorable aux clans à leur goût.

Il faudra veiller à ce qu’il n’arrive rien au Président du Conseil : cela mettrait le feu aux poudres. Iala laisse planer sa télépathie empathique à la recherche d’un remugle de traîtrise… rien… mais il est peut être trop tôt pour que l’idée leur soit venue. Elle sera attentive… seul Korkie Kryse connaît les talents de garde du corps de la conseillère, et c’est bien ainsi. Iala passe une main discrète sur la poche secrète où se trouve son sabre laser. Elle préfèrerait s’en passer, le sabre n’est pas sa meilleure arme, mais Nico insiste pour qu’elle le porte en permanence.

La séance est levée.
Inutile d’exposer ses inquiétudes sécuritaires à Korkie. Iala veillera.