Dans l’espace infini du cosmos, un oiseau de métal fondait sur sa proie à une vitesse subluminique. Au cœur de ses entrailles, deux êtres aux cheveux blancs et aux peaux d’albâtres étaient chacun absorbé par sa tâche. Taral vérifiait minutieusement chaque détail du tableau de bord pendant qu’Oryel, retranchait dans l’unique cabine du Corvus, avait les yeux rivés sur l’hologramme de son géniteur. Derrière cette vision d’un autre temps, l’holocron pyramidal de Darth Lazharr flottait silencieusement au-dessus du sol.
« Tout comme Arkania, il existe de nombreuses planètes touchées par le Côté Obscur au temps des premiers Empire Sith. En découvrant Dromund Kaas j’ai réalisé qu’il ne s’agissait probablement que la face immergée de l’iceberg… combien d’autres mondes abritent sans le savoir, les tombeaux de nos Précurseurs ? Quels savoirs ancestraux se cachent dans leurs caveaux poussiéreux ? Le secret de l’immortalité n’est peut-être pas à Dromund Kaas… mais sur Felucia ou pourquoi pas Tatooine ?! »Une quinte de toux sanguinolente interrompit le monologue du Seigneur Sith qui mit fin à l’enregistrement. Avant que l’hologramme ne disparaisse, Oryel le figea d’un mouvement de sa pensée. L’image fixe présentait désormais son créateur, courbé par le poids de la maladie, une main tendue vers l’horizon, faisant mine de tenir un objet invisible -probablement l’holocron. Un ordre silencieux intima à l’artefact d’augmenter la taille de l’image et de se recentrer sur cette fameuse main. Le regard perçant de l’Arkanien se focalisa sur ses doigts décharnés et perçu, malgré la basse qualité de cet hologramme, la sombre nécrose qui rongeait ses ongles, ses phalanges et son avant-bras. Un vieux souvenir ressurgit du néant pour se planter dans son esprit agité. Il revoyait Darth Lazharr dans les bras de Taral, inconscient et dix fois trop maigres pour ses guenilles en lambeaux. Il revoyait ce moment au ralentit, où le bras du seigneur Sith s’était dévoilé à lui par accident et où il avait posé pour la première fois les yeux sur cette immonde gangrène. Son sang se glaça et le doute s’immisça plus profondément dans ses pensées. Pour chasser cette angoisse, Oryel retroussa la manche de son bras droit et en retira le gant. Dessous, un bandage rudimentaire cachait une peau que l’on imaginait couverte d’une balafre ou pire. Mais lorsqu’il retira cette dernière couche de protection, c’est un spectacle bien plus terrifiant qui s’offrit à lui.
Ce bras calciné par le pouvoir du Sutta Chwituskak était couvert du même genre de lésion qui touchait son géniteur. Le « mal de Dromund Kaas » avait frappé Darth Lazharr comme il frappait à présent son clone. Père et fils étaient ainsi voués à répéter les mêmes erreurs et à subir le même destin funeste…
Le poison du Côté Obscur allait lentement faire dépérir Oryel.
Jusqu’à faire de lui le même squelette dément qu’était Lazharr dans ses derniers jours.
Ironie du sort, il avait délibérément choisi de marcher dans les pas de son créateur après sa mort.
Une fois de plus, la faucheuse se jouait de lui en riant.
Le poing gangréné se serra jusqu’à faire couler le sang.
Il n’était pas encore mort.
AmbianceLa vision des indigènes éveilla un élan de colère sourde dans le cœur d’Oryel. C’était la première fois qu’il posait les yeux sur ces créatures à la peau rouge et jusqu’ici, aucun d’entre eux n’avait montré de prédispositions raciales qui vaillent la peine d’en faire les soldats de l’Ordre. Outre leur physique avantageux, ce n’était ni plus ni moins que de la chair à canon. Face à un blaster, l’archaïsme de leur culture devenait un sérieux problème et à moins qu’ils ne soient sensitifs, ces aborigènes n’avaient pas la moindre valeur pour les Sith. Sauf si…
Les sourcils de l’apprenti se soulevèrent. La Dame Sombre avait fouillé son esprit, elle en avait peut-être tiré les souvenirs de son passage à Arkanian Cyber et imaginé la création d’une armée sur le modèle de ces fameux cyber soldat. Cependant, un tel scénario bien que crédible restait alambiqué. Si Ranath projetait un tel dessein, elle aurait dû s’assurer que la chose était bel et bien possible. Elle n’avait rien à gagner en gardant cela secret et par conséquent, c’était probablement autre chose que voyait la Sith chez ces peaux rouges.
* Une armée docile ? *Être arriéré n’offrait qu’un seul avantage pour les puissants; l’aisance de la soumission. Les hololivres d’Histoire faisaient tous état des mêmes résultats en matière de gouvernance : il était cent fois plus simple de régner sur une population illettrée et primitive. Avec de la patience et un bon professeur, on pouvait imaginer que ces fameux « Massassis » deviennent des soldats fidèles et malléables pour l’Ordre Sith. Ajouté à cette équation la Force ou la technologie et vous obtenez une armée digne de ce nom. Oryel était donc forcé de constater que le plan de la Dame Sombre tenait la route, même s’il faudrait se montrer patient avant d’en voir les premiers fruits.
Pour le moment néanmoins, ce n’était pas le potentiel des Massassis qu’on remettait en question, mais sa légitimité à suivre son maître dans les profondeurs de Yavin IV. Un sourire mauvais se dessina lentement sur le visage du séide, tandis que la foule clamait le nom d’une brute épaisse. Ainsi donc, on demandait au savant de prouver sa valeur guerrière en lui opposant une brute épaisse. Si Ranath n’avait pas été là, il aurait probablement massacré la moitié de la tribu pour soumettre le reste avec la Force. Un Arkanien n’avait nullement besoin de prouver quoique ce soit et encore moins dans le domaine martial. Il était le représentant d’une espèce infiniment plus avancé technologiquement, intellectuellement, culturellement et par-dessus tout, il était un élu du Côté Obscur. Sa victoire était faite avant même qu’il ne pose les pieds sur cette planète, alors à quoi bon s’abaisser à respecter une tradition barbare ?
* Elle teste ma loyauté, mon obédience. *Le lavage de cerveau de la Dame Sombre l’empêchait de contester le moindre de ses désirs. Même s’il entrait en désaccord, son esprit n’était pas capable de joindre les pensées aux actes et il était forcé de plier l’échine et de se résigner. Ainsi donc même si ce combat n’était qu’une mise en scène, il devait s’y soumettre pour répondre au vœu de son maître.
La capuche d’Oryel tomba en arrière, dévoilant son visage laiteux et ses yeux d’opale, puis il retira sa cape et la confia à Taral. Lorsqu’il s’apprêta à mettre la main à son sabre laser, le chaman fit barrage de son bras droit et plongea son regard harassé dans le sien.
« Si toi grand guerrier… toi combattre sans lame de feu… comme Chasseur avant toi. »Cette nouvelle règle fit bouillir un peu plus l’Arkanien qui foudroya son interlocuteur du regard avant de confier au cyborg son bien le plus précieux. Une fois ceci fait, un troisième Massassis sorti des rangs et apporta un panel d’arme aussi diversifiées que rudimentaires. Kano hésita longuement entre une hallebarde et un cimeterre avant de choisir un bâton long d’au moins deux mètres en ricanant. Il lâcha un commentaire cinglant dans sa langue natale, sans savoir qu’Oryel pouvait en décrypter le sens.
« Son sang coulera peu, mais vous pourrez tous entendre le chant des os brisés ! »Plutôt que de répondre, le Sith se contenta de choisir l’arme la moins ostentatoire du lot : un couteau à peine plus grand que la main. Rires et quolibets s’élevèrent de l’assemblée mais une fois de plus, il resta de marbre. Sa mine sombre et l’étincelle dans ses yeux étaient plus éloquentes que mille mots, mais l’excitation du combat gagnant la foule, seul le chaman et Ranath perçurent ces détails.
« Guerriers… combattez ! »Au milieu d’un cercle de Massassis, Oryel et Kano se jaugèrent silencieusement pendant plusieurs secondes avant que le plus robuste des deux ne fonde sur son adversaire comme un oiseau de proie. En temps normal, le colosse n’aurait rien eu à craindre car il n’était pas qu’un simple sauvage couvert de muscles. Malgré sa jeunesse, c’était un guerrier rompu à l’art du combat grâce aux multiples chasses et séances d’entraînements auquel il avait participé tout au long de sa vie. Malheureusement pour lui, son opposant possédait deux atouts qui supplantaient de très loin l’expérience et la supériorité physique.
Premièrement, la Force.
Aucun sensitif ne rechignerait à en faire usage dans un combat de ce genre. Oryel était davantage un scientifique qu’un guerrier et même si son entraînement aux arts obscurs avait fait de lui un Sith digne de ce nom, sans sabre laser il combattait avec une main dans le dos. Ainsi, il en fit usage dès l’instant où le premier coup devait s’abattre sur lui et créa instantanément, une faille dans la garde du Massassi trop sûr de lui.
Deuxièmement, le Teräs Kasi.
De toutes les armes à sa disposition, c’était peut-être celle qu’il avait le moins utilisé depuis le jour où Lazharr était mort. Mais avant d’obtenir sa première lame, c’était bel et bien le Teräs Kasi qu’on lui avait enseigné. Sous l’égide de Taral, Oryel en avait maîtrisé les bases pour se défendre face à sa sœur, mais aussi et surtout, pour tuer ceux que son géniteur lui désignait. D’un entrainement à l’autre, le jeune clone s’était spécialisé dans le maniement de la dague Karäss et développé sa propre botte secrète qu’il avait surnommé l’Ergot du Dragon Arkanien : un coup direct à la jugulaire, après l’esquive d’une attaque au corps-à-corps.
Cette technique lui avait valu d’innombrables contusions et côtes fêlées jadis, car elle nécessitait une allonge suffisante pour atteindre le cou de sa cible sans être touché par son attaque. Autrement dit, il était nécessaire d’être au plus proche de l’ennemi pour lui porter le coup fatal. La moindre erreur empêchait de tuer sur le coup ou pire, obligeait à encaisser l’assaut adverse sans possibilité de réponse. Il était donc nécessaire de prendre un maximum de risque tout en calculant les trajectoires de chaque corps, au millimètre près, afin que l’Ergot du Dragon Arkanien révèle tout son potentiel. Pour un non-forceux, la botte secrète d’Oryel demandait des décennies de perfectionnement afin de trouver le timing parfait. Pour les autres, il fallait maîtriser la Déflexion.
« Ajeio midwanas massassi. »La lame effilée traversa les airs dans un sifflement et se planta au plus profond du cou de l’indigène, perforant muscles, tendons et veines. Lorsqu’elle ressortit, noirci par le sang poisseux de Kano, une gerbe cramoisie s’en échappa et éclaboussa le visage d’Oryel. Le Massassi, toujours figé dans le mouvement de sa précédente attaque, écarquilla les yeux en comprenant que son adversaire parlait couramment la langue des Sith. Juste avant de mourir, il se demanda si celui qui lui avait ainsi fait ses adieux était l’homme dont parlait les légendes.
« Si c’est là tout ce dont est capable votre champion… je devrais peut-être vous massacrer jusqu'au dernier. La Dame Sombre n’a que faire d’une armée de singes. »Il essuya le couteau de chasse sur sa manche tout en prononçant la menace dans la langue des Sith, de sorte que seule Ranath soit incapable d’en comprendre le sens. Toutefois, il savait pertinemment que ce genre de comportement éveillerait son courroux, mais il comptait sur sa victoire éclair pour faire oublier la provocation. Après tout, il avait rempli sa tâche avec virtuosité.