C'est une tare, pensa tard Harlon,
qu'ils ne disposent point d'une piste dédiée aux émissaires et aux figures étrangères de haut rang. Si la situation voulait qu'on gela un astroport au complet n'extirpait aucune once de culpabilité citoyenne d'Harlon, la raison pratique et économique impliquaient un commentaire judicieusement passé sous silence pour sur la nécessité de ne pas engourdir un trafic lucratif au profit d'une figure qui ponctionnait assez de crédits comme cela pour une simple visite. Cette leçon vaut bien un hommage, sans doute.
Faites mander ma garde, et les techniciens. Pas de faux accord. Alignez les violons sur les percussions.
La métaphore musicale sembla passer au-dessus du Capitaine de la Garde, un homme au visage parée d'une entaille vilaine et cautérisée à vif, qui partageait avec Harlon un sentiment d'admiration sans borne pour qui avait été Palpatine. Il avait servi avec déférence les Empereurs successifs, estimant que si le nom mourrait, la fonction, elle, demeurait toujours vivace. Mais il n'avait choisi ceci qu'au nom des idéaux du Premier Empereur. Il n'avait encore prêté aucune allégeance à Harlon en tant que tel. Et on ne pouvait l'en blâmer. Un serment engageait son honneur et sa vie.
La navette, comme toutes les navettes qui composaient les services d'escorte des têtes maîtresses d'un Empire de moins en moins moribond, était flanquée d'un escadron complet d'Intercepteurs TIE, aux lignes droites et tranchantes, figurant dans l'appareillage royal des vaisseaux aux motifs évocateurs des destructions à répandre. Mais, plus encore que leur forme d'yeux coiffés de couteaux à double tranchant, étaient présentes une peinture rafraîchie pour l'occasion, marquant un signe distinctif qu'Harlon avait choisit d'appliquer sur un escadron dont il voulait célébrer la composition et l'absence de fausse note guerrière. Des filigranes bleus couraient sur les coques grises, signant là d'une lettre marine les couleurs du légendaire 181ème escadron. L'équipe au complet du Baron Soontir Fel, légende corellienne du pilotage. Si l'on se trompait ardemment en prétendant que tous les corelliens eurent choisis de houspiller et décrier l'Empire, constatait-on qu'une vaste majorité des grands noms de l'Histoire Militaire Galactique s'affublait de l'agaçante nationalité du Noyau. Enfin. Au moins étaient-ils partageurs et offraient leurs talents à qui le méritaient.
Arrivée sur site dans M moins un.
Bien. Derniers ajustements. La surcape de cuir bouilli bien remise en place. La cape qui battait les chevilles et flottait derrière lui, traînant sous elle les particules qui rencontraient son auguste tranche de cotton noir, le tout sous une tunique en cuir doublé, de solides bottes noir lustrées, des gants cérémoniels qu'on avait pensé pour le froid mordant qui couvait Arkania toute l'année durant, avec, caché sous l'ensemble des attaches qui serraient son cou et comprimaient ses épaules, une médaille qui accusait un âge légèrement avancé, la Croix Gouvernementale dont il tirait une fierté amplement méritée.
Le bruit des répulseurs, la fin de la poussée, tout indiqua à Harlon que l'engin venait de se poser sur un tarmac plat, dans une chorégraphie impeccablement visitée et répétée, effectuée par des pilotes dont la vie tournait autour du paraître et des nécessités gracieuses inhérentes au protocole. La rampe s'abaissa doucement, et commença à déverser un équipage qui allait former une haie d'honneur secondaire, en jonction d'une double ligne déjà formée. Là où commençait la ligne des Arkaniens, on allait voir se rajouter avec malice quelques StormTroopers, qui allaient faire la jonction idéale entre le début de la procession et la navette du nouvel arrivant. Mise en place, la haie bicolore, harmonieuse et ordonnée, laissa place à quelques figures anonymes drapées d'un rouge carmin éclatant, qui coupèrent aussitôt le tableau blanchi par les armures locales et étrangères. Suivi, enfin, talonné d'autres robes de combat, celui qu'on nommait Empereur Astellan.
Devant lui patientait un tapis rouge ceint d'attaches de laiton dorées qui marquait le chemin vers le seul objet véritable de sa visite. Puis, alors qu'il avançait, deux techniciens, au physique droit en anguleux, deux jeunes hommes rasés de près et propres sur eux, firent glisser un petit chariot, surmonté d'un coffret de fer brossé bombé sur le haut. Sur un petit chariot conçu pour l'esthétisme de l'instant, il avançait dix pas derrière l'Empereur, à son même rythme, et cerné de deux Gardes Rouge qui figuraient là comme une enceinte inviolable. Dans l'espoir que la présence intrigante de cet office ne parût point comme faisant partie extérieure du programme.
Coupant la distance entre lui et
elle d'un pas assuré mais où ne transpirait aucun empressement, il se porta au-devant d'une délégation composée de deux officiers, l'un de maison et l'autre de sa garde, suivis de près par un duo de membres gouvernements quelconques. Autant les visages des suivants auraient pu constituer une façade interchangeable sans que nul ne pût y trouver de différence manifeste, autant celui, plus radieux que jamais à ses yeux, d'Elizabeth, était unique. Aurait-ce été mensonge de prétendre qu'il n'avait prétexté ce voyage que pour la voir en cet instant ? Oui, et non. Oui, car tout aurait été bon pour chercher à la revoir. Et non, en ce qu'il avait, un jour, fait une promesse. Et qu'il venait, en ce jour, honorer sa parole.
Honorer
ses paroles.
Votre Majestée.
Au milieu de sa horde Royale carmin, il plaça une main sur son coeur, pencha de peu son corps, et ferma les yeux en inclinant son menton, presque au contact de son torse surchargé de colifichets impériaux. Mais il était un protocole qu'il avait inculqué à l'ensemble de sa suite. Aussi, chacun de ses Gardes imita son geste quand il en eût fini. Comme articulés et rejoints entre eux par des triques d'acier soudés à leurs jointures osseuses, les Gardes s'exécutèrent d'un geste fluide et minutieusement calculé. Même les deux techniciens effectuèrent la révérence, à l'indifférence de l'assemblée de diplomates venu accueillir un dignitaire de l'Empire qui sommeillait au Nord.
« Soyez le bienvenu sur Arkania. »
A quoi l'on répondit d'un hochement imperceptible de la tête. Bien. Il se sentait navré de ne rien dire en retour, mais ainsi était faite la nature des rencontres qui, sous des dehors pompeux, devaient s'en rester neutres et teintées de latente hypocrisie.
« Avez-vous fait bon voyage ? »
Le hochement de tête, cette fois, s'appuya quelques instants. La question s'appuyait sur une nécessité d'éphéméride, s'enquérir de la qualité du voyage relevant de tout-venant, façon de combler et d'être polie, moins que par réel intérêt. Ce qui comptait était le voyage lors de déplacements aussi banals que ceux-ci. L'on affirmait souvent que le voyage comptait pour équivalent à la destination. Peut-être. Quand le voyage se faisait sous les hospices d'une initiation didactique. Mais quel leçon tirer d'un halo bleu qui tourbillonne pendant un voyage hyperspatial ?
Le voyage s'est bien déroulé, Votre Majestée. Mais l'attente fut longue, et il me tarde à présent de commencer le travail.
Sempiternelle excuse, le "Nous sommes fatigués" paraissait un peu lourd compte tenu du manque de devoirs physiques ayant occupé Harlon durant son voyage, autres que ses exercices physiques quotidiens. Mais devait-il admettre qu'il perdait en sommeil depuis un temps non négligeable, et que son travail de colosse ne lui permettait pas de prendre du repos avant une heure indécente. Pour se lever à une heure où le sommeil paradoxal n'avait pas terminé son ouvrage.
Harlon jeta un signe de la main à sa Garde, signe que maintenant, ils ne pourraient l'accompagner que jusqu'où la Monarque le désirerait. Pas de ligne à franchir si l'on en traçait la ligne claire. Exception faite de deux individus, les techniciens, à qui Harlon offrit une main tendue et un regard de biais.
En guise d'amitié entre nos peuples, j'ai pris la liberté de vous apporter ceci. Un présent diplomatique dont la portée symbolique vous ravira, à n'en point douter.
L'invitation se poursuivrait plus loin. Dans le Praxeum. Harlon ne désirait certainement pas montrer ce qu'il se trouvait là devant cette colonies de globules blancs, fixant son apport et lui tour à tour, se demandant si cela revêtait d'une blague ou d'un symbole hors de leur portée. Ou les aurait transporté devant la singularité de la chose. Assentiment de la Reine donné, quatre Gardes se détachèrent, flanquèrent les traces de pas d'Harlon jusqu'aux abords logiques du Praxeum, à l'issue de laquelle ils patientèrent tandis que se déformait en harmonie les haies d'honneur et le faste cérémoniel. Les deux techniciens, aux pieds accordés comme deux violons jumeaux, avançaient sans un bruit et sans jeter un seul regard vers le reste, jusqu'à ce que la Reine et lui se retrouvent enfin seuls.
Bien, laissez cela ici. Et remportez le chariot... ... Merci messieurs. Vous pouvez disposer.
Protocolairement, un genou à terre, puis ils se redressent, portent la main sur le coeur et saluent la Reine, avant de partir comme autant de courant d'air. Les portes massives se fermèrent, et Harlon put souffler un peu. Le dome de fer couvait sur une table haute faite pour accueillir une plante qui n'existait pas... ou peut-être même un vase. Un vase qui s'en trouvait sûrement brisé maintenant. Mais qu'importait pour le moment. Seul avec elle. Il retira ses gants, et lui offrit un sourire, en s'approchant d'elle. Ne sachant trop comment s'exprimer, il choisit de rester sobre dans sa présentation. Il lui prit les mains, les enserra doucement, réchauffant la huigtaine doigtée de sa dizaine bien tassée, manquant d'y déposer un baiser à défaut d'un baise-main. A défaut de paraître rustre, il l'embrassa du regard. Le geste se passait du geste. Son intention se partageait d'un clignement d'oeil.
Je suis si heureux de te revoir.