Harlon n'avait rien pour crécher. Pas d'hôtel à proximité, rien. Pas de gîte, de chambre d'hôte non plus. L'odeur de son déguisement commençait à lui coller à la peau, et il se sentait crasseux au possible. Il tapa dans un caillou qui alla rouler de l'autre côté de la rue. Valeria Kuat le mettait au défi. Pourquoi faire ? Il n'était pas déjà là ? Il n'avait pas fait le trajet seul ? A quoi ça servait de jouer comme ça ? Faire poireauter l'Empereur loin des affaires ?
Il n'avait pas que ça à foutre.
Il revient à son speeder de location et monta en surplomb, à la sortie du lotissement modèle. Il gara son véhicule et se mit dans un genre de petit parc d'où il pourrait observer le logis. Il commençait à avoir faim. Il n'avait aucun matériel qui lui permit d'observer quoique ce soit non plus.
Hey !
Un homme d'âge moyen, habillé comme un civil lambda vint vers lui, en claquettes et en bermuda. Un civil en vacances qui habitait là.
C'est à quel sujet ?
C'est au sujet que je vais vous demander de partir d'ici.
Vraiment ? Et en vertu de quoi ?
En vertu que vous faites peur à nos enfants.
Harlon ne comprit pas tout de suite. Puis il se dit que ce père avait raison. Harlon faisait peur aux enfants... et, quoiqu'on en dise, certainement aux adultes. Mais il se devait de rester en planque. Comment faire avec un voisinage de peureux ? Combien de temps avant que les autorités ne se déplacent ?
Bien, je vais me déplacer.
Merci. Bonne journée monsieur.
Harlon reprit son véhicule et fila plus loin. Il allait tourner vers la ville quand il aperçut sa porte d'entrée.
Un vol d'oiseaux sauvages, en V parfait, pénétrait le bouclier de Kuat sans même le faire frétiller. Ils rasèrent le logis en volant bas et ressortir de l'endroit sans même avoir déclenché la moindre alarme. Il allait pleuvoir, et le bouclier accueillait les visiteurs.
Harlon eut une idée. Il fonça vers la ville avec d'autant plus d'entrain.
La première visite fut pour un magasin de nourriture. La trivialité de l'endroit était assez déconcertante. Le magasin était compact, les étals ouvraient sur des centaines de produits aux couleurs criardes, les macarons "-20%" ou "1 acheté, 1 gratuit" qui blessaient les yeux... Harlon avait un peu de mal à respirer ici. C'était laid, polluant et chargé. Trop chargé. A l'entrée, il sonna et dut se défaire de son arme, remise à l'accueil. Le "Centre Commercial Hyper" comme il s'appelait déversait son flot ininterrompu de gens venus faire des achats. Il s'aperçut alors avec effarement de l'apparence moyenne de cette clientèle. Elle allait du sale au très propre. Mais pire que tout, c'était le caddie anti-grav. Un objet en plastique dur et en métal qui ne filait pas droit et qui semblait avoir fait son temps. Harlon avançait dans son apparence fausse avec un caddie dans les mains, à parcourir des étals à la recherche de quoi se nourrir. Il acheta un pack d'eau en bouteille, du nerf séché compacté en boîte, des barres énergétiques et de quoi se composer un casse-dalle complet.
Le pire fut la queue. Déballer le tout sur un tapis roulant, remettre tout dans des sachets en fibres naturelles, payer, se voir demander - puis refuser - la carte du magasin... mais était-ce ainsi-là le quotidien des classes populaires ? Imaginait-on pire industrialisation de l'humain que là-dedans ? Son cuisinier faisait-il subir ça à ses commis ?
Cette expérience sociale le laissa un peu retourné. Il chargea ses affaires dans son landspeeder, ouvrit quelques denrées pour se nourrir, et remonta en voiture. Il avait demandé un modèle moderne et cher, aussi tous les gadgets à embarquer étaient présent. Notamment l'assistant de conduite.
Assistance Géolocalisation.
* QUE PUIS-JE POUR VOUS ? *
Cherche une boutique de sport. Spécialisée en sports extrêmes.
* TROIS RESULTATS TROUVES. *
Affine en fonction des avis clients.
* MAGASIN TROUVE AU 287, AVENUE FINIS VALORUM. SE RENDRE A LA DESTINATION ? *
Oui, pilotage automatique.
Le magasin était un peu grand, mais pas trop. Aucun accent sur la présentation, c'était un genre de petit entrepôt coupé en deux par un comptoir. Harlon avait demandé le matériel souhaité au serveur - ou... caissier, ou quoi qu'il fût - et ce dernier avait quitté le comptoir pour aller fouiller dans le cagibis attenant. Entre bruits de cartons qui tombent et de jurons, Harlon attendit moins de 10 minutes avant de le voir revenir avec une sacoche pleine. Le zip s'ouvrit promptement et il en sortit un ensemble de harnais, de sangles, et une coque dorsale particulière.
Ca, mon pote, c'est le nec-plus-ultra de ce qui se fait dans l'milieu. Regarde ça... Harnais doublé en fausse fourrure discrète, pas du genre à te faire traiter de fiotte quoi... Le tout harnaché aux cuisse, à la taille, aux épaules et sur les bras, de façon à ce que ça nique ni les parties ni les aisselles, tout est amorti par un ensemble d'élastiques en matière synthétique extensible ultra-résistante... ils utilisent ce genre de sangle pour soulever des poids de quarante tonnes, quand ils ont pas le pognon pour de l'anti-grav... le parachute est en alliage de polymères ultra-fin et ultra-léger... et les deux touches du constructeur, c'est la branche mécanique aux jambes qui t'évite de te les briser si tu rates ton saut, et le mieux c'est l'enrouleur dorsal. Tu appuies là, sur l'épaule gauche, et ton parachute se rétracte tout seul bien comme il faut. Et bien sûr, la sécurité t'empêche de rétracter s'il est en utilisation, il se range qu'au repos. Et le pli est toujours symétrique... une vraie petite usine ! Mais du coup ça ajoute au poids.
Il sortit ensuite deux autres choses du sac.
Un masque à oxy, un classique, un Gorthal modifié pour être plus compact. En fait t'as pas de bouteille à trimballer, c'est dans les faux filtres là, tu as pour maxi 10 minutes d'oxygène, mais en saut même prolongé ça le fait largement. Et là, t'as des lunettes avec un affichage ATH qui te dit ton altitude, ta vitesse, et te fout un voyant rouge quand tu dois ouvrir le bazar.
Il remit les choses dans le sac et offrit un beau sourire à Harlon. Il était aimable et aimait son métier, ça rendait son humeur communicative.
Bien... très bien ! Et pour tout ça, j'te dois combien ?
Ca, c'est du top qualité mec. Le para, le sac et le casque, je te les arrondis à cinq mille.
Vendu.
Harlon paya par puce. Le commerçant parut content.
Oh et ! Tiens, je vais te donner ça... je donne toujours des trucs aux clients que j'aime bien... R'garde ! C'est un couteau multifonction. Il fait lame, il a une petite scie, une loupe électronique et un petit ensemble d'outils comme tournevis et démêleur. Tiens !
Harlon accepta le cadeau, remercia le commerçant d'une poignée de main et retrouva son speeder.
Assistant Géolocalisation ? Trouve moi un hôtel trois étoiles qui dispose encore de chambres.
Il loua une chambre pour la nuit, en précisant qu'il allait la quitter bientôt. Il paya un service blanchisserie pour qu'on lui nettoie ses vêtements. Dans sa chambre, il prit une douche longue et bienvenue, se décrassant un peu, se débarrassant de son odeur qui le traînait depuis plus d'une semaine, se lava bien les cheveux, et piqua un léger somme après coup. On lui rendit vite ses affaires, qui ne sentaient plus trop. Il rendit les clefs et se rendit de nouveau dans son speeder.
Assistant ! Trouve-moi un aérodrome qui dispose de véhicules civils aériens autorisés de vol en moyenne altitude.
Ah non, je fais pas ça, désolé.
L'aérodrome contenait des véhicules récupérés à droite à gauche, notamment une canonnière TAMA dépouillée de son armement et retapé pour un usage civil d'amateurs de parachutisme et de vols prolongés. Mais le pilote disponible pour des vols était capricieux.
Pourquoi non ? Je ne demande rien de compliqué.
C'est pas ça le problème, c'est que vous avez pas de licence... moi j'embarque pas un mec qui a pas d'licence, chuis désolé.
Et si je multiplie par 10 le prix habituel de vos services ?
Non mais... c'est pas ça la question ! Parce que vous pouvez payer 10 fois le tarif, s'y vous arrive une merde, je suis pas assuré si vous avez pas d'licence ! J'veux pas d'emmerde moi.
Les gens avec une éthique tombaient toujours mal. Harlon voulait mettre fin à la corruption dans ses terres... mais à chaque fois que l'éthique venait, c'était pour faire chier. Quel dommage !
Ecoutez, je dois absolument faire ce vol... donnez votre prix, je vous accorderai votre souhait.
J'ai dit non, et c'est non !
Réfléchi un peu, Jhul... C'est pas si grave au pire, le monsieur fait son saut... au pire vous signeriez une décharge ?
S'il le faut, oui.
Le premier n'avait pas l'air satisfait. Le second, qui s'était glissé dans la conversation en cours de route, semblait l'ouverture idéale.
Okay, mettons ! S'il rembourse nos prêts qu'on a sur les machines et sur le club, je lui donne son tour !
D'accord.
De ?
Ca devait être rhétorique et pas vraiment sincère.
Les machines plus le club, ça doit faire quoi... 2 millions tout au plus ? Je peux vous payer par virement maintenant, j'ai un compte business qui me donne quelques largesses.
Mais... mais...
Alors là, monsieur, si vous êtes sincère, vous serez officiellement le plus gros donateur du club depuis son ouverture.
De fait, Harlon - sous son identité fausse de Harx Sternine - signa un don d'un montant de 1.543.980 crédits à destination du Club d'AéroChute Kuati, dit 'Les Tombeurs', et fut ainsi le plus généreux contributeur du club. On lui annonça même qu'il venait de mettre le club en équilibre budgétaire pendant au moins 20 ans, en les privant des emprunts qui mettait l'association d'amateurs et de passionnés dans le rouge. La passion n'avait pas de prix, et beaucoup de gens se pliaient en quatre pour offrir aux curieux des instants partagés de leur loisir principal. Harlon se fit la promesse de développer le milieu associatif impérial à son retour.
VOUS ETES TARE OU QUOI ? VOUS POUVIEZ PAS LE DIRE PLUS TOT, QUE JE REFUSE ?
Harlon n'avait dit qu'en vol ce qu'il voulait survoler. Dans la "cage", le carré où les soldats clones s'étaient un jour tenus debout accrochés aux poignées suspendues en attendant leur déploiement sur Géonosis, Harlon avait juste son masque à oxygène et des lunettes de protection le pilote qui devait hurler pour couvrir le bruit de la carlingue qui claquait.
ELLE M'A LANCE UN DEFI ! ELLE VOUS CHERCHERA PAS NOISE APRES CA, VOUS ETES A L'ABRI !
Y A INTERET ! SINON CA VA CHIER POUR VOUS !
Harlon sourit légèrement. Ils arrivaient sur site. La nuit était tombée depuis deux heures presque, et le noir était éloquent à cette heure. Parfait pour son plan de non-expert en infiltration.
OKAY... TROIS... DEUX... UN... GOGOGO !
La canonnière avait ouvert sa porte depuis le début du décompte... Une inspiration, et Harlon sautait. La TAMA disparut au loin, en faisant un arc de cercle parfait pour revenir à la base de nuit, et pour que le pilote aille se coucher.
Harlon, lui, activait son casque. L'ATH bleu dispensait toutes les données promises par le vendeur. Altitude 18600 mètres, et ça descendait vite... 230 km/h, et enfin il se stabilisa à 246. Enfin, ça augmentait, mais peu à peu seulement. Le casque avait une luminosité amplifiée qui rendait l'environnement plus contrasté et distinct. Le problème de son équipement était d'estimer la hauteur du bouclier et du manoir. Il avait la distance par rapport au sol, pas par-rapport à ces deux facteurs, dont le premier était invisible, et le second pas encore distinct. Harlon patienta de longues secondes jusqu'à viser convenablement le toit du logis moderne. Ca enlevait 20 mètres à peine. S'il avait bien estimé la courbe du bouclier, il culminait à presque 60 mètres. Il devrait atteindre une vitesse de 15 km/h à ce point pour éviter de rebondir dessus. Aussi il attendit, jusqu'à sentir d'instinct que le voyant allait s'allumer dans une seconde, et déploya son parachute. Le harnais tant vanté lui aussi lui permit d'encaisser le choc avec douceur. Lui qui n'avait eu aucun entraînement, il s'en tirait bien, et sans dégât !
Il sut qu'il avait réussit quand ses pieds furent entourés d'un halo bleu, qui lui remonta jusqu'en haut de la tête. Puis, l'air de rien, il se posa sur le toit de Valeria Kuat. Gagné !
Le parachute rangé, il restait un homme sur un toit habillé en noir. QUi ne savait pas du tout quoi faire ensuite. Il s'approcha du bord du toit et essaye de distinguer des prises. Les corniches étaient épaisses et avaient l'air solides. Bon ! Il n'avait pas un corps d'athlète pour rien après tout... Il se mit au bord, passa une jambe, trouva une prise, tomba le corps et se suspendit, les pieds en appui sur les murs. Il descendit en s'aidant de briques ressortis et se mit au niveau d'une fenêtre. Fermée ! Il longea l'étage et se glissa sur le côté, tout doucement...
Et là, il me dit... mais monsieur, j'ai bien dit oedipien, pas adipeux !
Merde ! Des gardes en contrebas. Harlon se figea et attendit qu'ils passent. Il longea encore quelques mètres... Fenêtre fermée ! Merde... Tant pis, il sortit le couteau-cadeau, défit la lame, et traça un cercle dans un carreau. Dans ce fut assez, il tapa le carreau, dont le cercle rebondit sur la moquette intérieure, et ouvrit la fenêtre. Maintenant, il était à l'intérieur !
Et bah, on s'emmerde pas, hein ! Allez, lève tes mains ! Et enlève ton masque.
Harlon ne le voyait pas, mais l'entendait distinctement. Lui et des bruits de bottes.
Comme si tu croyais que ton vaisseau serait invisible aux scanners... mais bien joué sinon, voleur... on t'as pas vu sur les scans après ça.
En effet, Harlon était passé sous la couverture radar. Mais le vaisseau, non, visiblement. Il pesta et leva les bras.
Qu'est-ce qu'il se passe sergent ?
Harlon tourna la tête alors qu'on le menottait avec des colliers d'électricien. Il avait reconnu la voix. Valeria Kuat, en nuisette blanche à décolleté, venait de sortir d'un chambre, l'air bien réveillé. La révérence du sergent cacha habilement l'érection soudaine qu'on lui devinait.
Dame Kuat, nous avons repéré ce voleur qui tentait de s'introduire dans votre demeure à l'aide d'un complice en vaisseau atmosphérique.
Visiblement, il n'a pas que tenté... et qui est-ce ?
Oh, qu'importe Dame Kuat. Nous allons pourchasser son comp...
Oh, mais c'est mon maître d'arme !
Silence royal dans le couloir.
De... dame Kuat ?
Oui, j'ai mandé un maître d'arme... Harx Sternine. J'avais demandé à ce qu'on le fasse entrer. Pourquoi l'arrêtez-vous ?
Le sergent, si c'était possible, devint plus blanc que blanc. Harlon lui même commençait à ne rien comprendre. Le sergent commença à bégayer, à se gratter les cheveux, et fini par aller couper les liens d'Harlon.
C'est... euh... désolé... on va... on va, on va... euh, arrêter la poursuite du... pilote. Voilà. Désolé... pardon pardon.
Kuat les congédia tous, et le trio qui attendait Harlon dans le couloir partit tête penchée, l'air penaud et à s'imaginer leur renvoi prochain. Valeria soupira et ria un peu.
Du basejump...
Oui bah...
Vous, un empereur ? Vraiment ?
Je n'ai pas trouvé mieux ! Je me suis présenté à la porte et on m'a refoulé... je n'avais plus que ça !
Ca me paraît évident, je n'ai jamais demandé de maître d'arme... si vous aviez dit être l'Empereur Astellan et enlevé ce masque ridicule qui ne trompe personne, vous seriez rentré. Personne n'aurait parlé ici.
Personne n'aurait parlé ? Vos gardiens n'auraient pas fait fuiter ça en allant au bar peut-être ?
Vous avez vu quelqu'un entrer ou sortir depuis que vous êtes en planque, petit génie ? Ils habitent ici et se ravitaillent avec des potagers privatifs situés derrière mon logis.
Et en quoi je ne trompe personne ?
Ah, vous, si, vous trompez. Mais les deux agents des RI qui vous traquent depuis Commenor, eux, ne sont pas franchement discrets. D'ailleurs ils sont là où vous avez tenu votre planque le premier jour, près du lotissement. Vraiment pas discrets... comme si j'avais pas d'holocam de sécurité ! Franchement !
Valeria resta silencieuse un moment. Harlon se sentait un peu con maintenant, et dansait sur ses pieds en attendant l'occasion de passer à autre chose. Valeria soupira et vint vers lui, en lui prenant la main. Elle sentait bon la fleur d'oranger et l'écorce de rose.
Venez. Vous devez avoir faim.