- mar. 10 juil. 2018 07:20
#33166
Il gesticulait, les yeux exorbités, au milieu d’un trio de secouristes qui tentait vainement de l’apaiser pour que cessât l’écoulement du sang.
- « Je vais la tuer ! Je vais la buter, cette chienne ! »
Il se tourna subitement vers un bâtiment, portant le regard au-delà du parapet. Elle était là, il le savait. Se sachant vue, l’ombre disparut. Les premiers rayons du soleil poindraient bientôt.
Bien des jours auparavant.
Le petit haut-parleur grésillait, victime de la médiocre qualité de la communication. Malgré tout, le discours de l’interlocuteur demeurait intelligible.
- Le mieux serait de se croiser sur Ryloth. C’est là qu’on aura le plus de facilités. J’enverrai le point de rendez-vous la veille.
Puis silence radio pendant douze jours. Le Poing de l’Ombre fonçait alors vers Nar Shaddaa.
Le jour du rendez-vous.
L’Odonata était à quai depuis une paire de jours.
Il faisait nuit noire. Le rendez-vous allait avoir lieu bien avant le lever du soleil local, dans un coin crasseux d’une banlieue mal connue. Le cadre était incertain, mais les coordonnées précises. Cette histoire prenait une tournure ridicule. Si bien que la Sith avait déjà envisagé de tout annuler pour trouver un fournisseur moins frileux, mais en contrepartie moins discret. C’était également aujourd’hui que Marak devait retrouver Ranath, elle venait de lui préciser le lieu de leur rencontre, mais disposait encore de huit heures devant elle pour assurer la transaction pour laquelle elle était initialement venue sur Ryloth.
La Mirialan trouva l’endroit sans mal, situé dans un parc d’ateliers et de petites raffineries. Progressant dans la rue, elle concentrait son attention sur un exercice qui lui avait déjà donné du fil à retordre. Après des mois de pratique, elle se sentait prête à passer à une application sur le terrain. L’illusion avait intérêt à prendre.
En faction devant la porte à double battant, un lourdaud montait la garde, une main enfoncée dans la poche jusqu’à son arme. La Sith s’arrêta quand on lui fit signe, donna son nom quand on le lui demanda.
- « Jama, pour Priar. »
Et repoussa sa capuche. Elle devait rester concentrée. Le teint viridien avait laissé place à une peau satinée et lisse, dissimulant les traits tirés de Ranath. Ses cheveux ébènes noués en catogan s’accordaient à l’encre noire de ses iris factices. Le lourdaud la toisa un instant, puis la laissa passer.
À l’intérieur, un seul néon crépitant éclairait un recoin. Ils étaient quatre, l'un d’eux se leva. Aussi musclé que l'imbécile qui gardait la porte, il avait cependant l'air moins bête.
- « C'est à quel sujet ? »
Elle répéta l'opération.
- « Jama, pour Priar. »
Un sourire vide de sens se dessina sur le visage tanné du type.
- « C'est moi. »
Il n'était pas Humain. Il en avait l’apparence pourtant. Ranath se risqua à laisser promener un peu son esprit aux alentours. Il y avait, ici, quelque chose de déplaisant, une présence, ou une entrave. Le sourire de l’autre disparut. Sa prudence devint méfiance.
- « Où est ma commande ? »
Les trois autres larrons se levèrent. Chacun d'eux était armé.
- « Juste là. »
Le proche Humain fit ouvrir deux containers et recula d'un pas, laissant à son acheteuse tout le loisir d'admirer la marchandise. La Sith ne jeta qu'un coup d'oeil.
Se foutent de ma gueule.
- « Permettez ? »
L'autre hocha brièvement la tête. Elle préleva de la première caisse une vibrodague et l'examina. De l'acier. Du plastique. Pas la moindre trace de sa commande.
- « Où les avaient vous trouvé ?
Ah, ça ma belle, ça ne regarde que nous. »
Tournant autour du container, elle leva les yeux vers lui et d'une main tira de l’autre caisse un fusil.
- « J'ai déjà traité avec Kehera. »
Personne ne répondit. La Sith poursuivit.
- « La même commande. Je n'ai pas acheté ces m*rdes la première fois. Qu'est ce qui vous fait croire que je vais me laisser avoir aujourd'hui ? »
D'un imperceptible mouvement, le proche Humain resserra sa prise sur son arme.
- « On est juste là pour la livraison. Si ça te plait pas, casse toi. »
Tous désormais affirmaient leurs appuis. On ne sortait pas sans acheter. La première fois avait été un coup de poker. Ceux là avaient dû recevoir des ordres spécifiques.
- « Tu vas dire à Kehera qu’il me fait perdre mon temps. Je veux le rencontrer en personne. »
Ranath reposa le blaster dans sa boîte. L'autre s’avança.
- « Ça suffit. »
Le senseur crânien de la Mirialan envoyait des signaux contradictoires. La Force indiquait néanmoins du mouvement sur la droite. Un autre lourdaud s'approchait. La Sith serra le poing au creux duquel elle tenait toujours la vibrodague. D'un geste vif, accompagné d'un pas sur le côté, elle perfora la trachée de celui qui venait vers elle. Son comparse réagit aussitôt, braquant une arme sur elle. Il s'effondra, lame plantée dans la tempe, tout aussi brusquement que le premier. Entre temps, le colosse de la porte était entré. L’entrave devenait, avec le temps, plus oppressante.
Le troisième larron, effrayé par le sort de ses camarades, ouvrit le feu en direction de Ranath. Un bond, elle dégaina sa propre dague et lui creva un oeil. Le colosse était déjà à sa portée. Il lui asséna un coup de crosse violent qu'elle contra de justesse, sa dague se faufila jusqu'aux tripes du gars qui se mit à hurler comme un porc. Tous des idiots.
Une main se glissa sous la gorge de la Mirialan et tira sa tête en arrière. Elle ne put se dégager que par la toute relative précision d’un coup de coude dans le bas ventre. Elle fit volte-face, Priar avait disparu. Pesait sur elle un poids inhabituel. Le poids d'une chaîne mentale qui inhibait ses sens. Elle se trouvait alors incapable de détecter son ennemi. Il surgit de nulle part, la frappa au visage et l’envoya au sol d'une prise qu'elle ne sut identifier.
- « Ha, je peux enfin voir à quoi tu ressembles vraiment. »
Le masque était tombé. L'illusion n'avait pas tenu. Rien d'étonnant.
Tandis que la Mirialan se relevait, Priar la saisit par la gorge. Elle put alors constater que les brassards du proche Humain étaient ornés de lames brutes. Il allait frapper. Elle dégaina son sabre qui vrombit furieusement, tranchant l'air devant elle. L'autre l'avait déjà lâchée et se tenait à distance.
- « J'avais raison de me méfier. »
Il attrapa dans son dos ce qui semblait être un tube d’acier. De deux mouvements secs, il activa les lames métalliques de chaque côté du tube. Face à un Jedi, il paraissait confiant. La Sith attaqua, poussant son Djem So avec une agressivité rare. Le sabre laser s’abattit sur Priar qui para sans mal de sa simple lame métallique. Il la repoussa. Le métal rougeoyait mais n’avait pas rompu. Il retrouva rapidement sa couleur d'origine. Constatant la surprise de son adverse, le proche Humain laissa échapper un rire moqueur. Il attaqua à son tour, passant toutes les parades pour frapper encore et faire reculer la Mirialan.
L'autre, le colosse au sol, avait fini de geindre, il se tenait le ventre d'une main, et de l'autre, levait son arme en direction du combat.
- « PRIAR ! »
Il tira sans autre avertissement, laissant à peine le temps à son patron de s'écarter du champ. Mais la Sith n'était déjà plus là et les traits du blaster se fichèrent dans la paroi de bidons qui se mirent à fuir par les perforations toutes fraîches. Croyant, de ses yeux embués par la douleur, apercevoir l'ombre de son ennemi, il tira encore.
L’explosion souffla la moitié du contenu du local, laissant à ses occupants le loisir de se réfugier derrière un amoncellement de caisses métalliques. Ne restait que Priar et Ranath. Ils échangèrent encore quelques prises de fer. La lame de métal céda enfin sous les coups du laser qui entailla la chair de son ennemi. Il le rendit d’un autre coup brutal dont il avait le secret. Le dos de la Mirialan heurta le mur derrière elle. L'incendie se propageait à toute vitesse, un autre groupe de bidons explosa à son tour. Il était temps de partir. Priar était hors de vue. Ranath se précipita à la sortie la plus proche. Derrière elle, une autre explosion.
Le soleil se levait à peine. Les sirènes des secours retentissaient déjà. Avec bien peu d’adresse, la Sith se hissa sur le toit d'un bâtiment voisin et s’accroupit derrière le parapet. De là, elle observait les flammes dévorer la toiture synthétique au bout de la rue. Un premier speeder de lutte contre le feu arriva. Les drones se déployèrent, aspergeant le feu de poudre rougeâtre.
- « Il y a quelqu'un ! »
Il ne fallut que quelques minutes aux secours pour extraire un Priar à moitié carbonisé qui se mit à jurer et à gesticuler.
- « Je vais la buter … »
Il avait survécu. Elle l'avait laissé vivre. Sa résistance était hors norme.
Le proche Humain se tourna dans sa direction, la Sith se fondit dans le Voile et quitta sa cachette.
Au moins était elle à l'heure pour son rendez-vous avec le Zabrak. Elle avait malgré tout eu le temps de prendre une douche et de se débarrasser de cette odeur de sang et de cendre. Mais l'eau chaude n’avait pas eu raison de ses blessures superficielles, notamment une éraflure sur la joue qui lui donnait un air mauvais, plus mauvais que d’habitude. Assise seule à une table de la cantina, Ranath guettait l’arrivée du Général.