CHAPITRE I: Une jeunesse marquée par la perteHarlan est devenu malgré lui l'unique enfant du Duc de la Maison Citrine. Il est le fruit de nombreuses années d'effort et de tentative désespérée de procréation. Couvée d'une mère en mal de fertilité ayant perdu son premier-né une année seulement après sa naissance. La venue au monde d'Harlan fut un miracle aux yeux de ses géniteurs après plusieurs fausses couches. L'avènement du divin enfant fut la source de toutes les réjouissances, mais aussi de toutes les souffrances. Il n'y eut nulle chaleur, nulle tendresse maternelle pour l'accueillir en ce monde. Car tandis que le nourrisson poussait ses premiers cris dans les bras de sa mère, celle-ci rendait son dernier souffle. Donnant la vie, mais la perdante en retour. Un coup du sort, du destin qui marquera à jamais cette famille brisée par cet être tant espéré.
Désormais fils unique, il fut le centre de toutes les attentions de son paternel. Voyant en sa progéniture l'unique moyen de voir sa lignée perdurer dans la durée. Obsédé par le vide laissé par la perte de sa femme, le parent accablé par le mal qui le rongeait dévoua toute sa vie à son enfant. Faisant tout ce qui était en son pouvoir pour en faire le parfait successeur. Une vie, le jeune Harlan n'en eut guère. Affublé du second prénom que son frère mort, sa jeunesse se résuma à marcher dans ses pas. À vivre dans l'ombre d'un père qui ne voyait en lui qu'un moyen de faire survivre sa descendance. L'obsession maladive de son paternel fit de son enfance un calvaire. L'amour n'avait pas de place ici-bas, seul le talent martial et les compétences intellectuelles comptaient. Le jeune enfant fut formé par les plus grands sages de l'Astre Ardent. L'alcool était devenu la seconde compagne de ce père brisé n'étant devenu plus que l'ombre de lui-même. N'ayant jamais trouvé le réconfort dont il avait désespérément besoin. Lors de son adolescence, le jeune Harlan courtisa une fille de basse extraction. Bien que son père soit formellement contre une telle union, il était si peu présent à cette période qu'il ne représentait pas le moindre danger. Le jour vint où, âgé de 20 printemps, le fils demanda la bénédiction à son père. Qui la refusa sur le champ tout en étant pris d'un excès de fureur faisant frissonner d'effroi le plus téméraire des soldats de sa cour. Blessé et déçu, le fils vit une rancœur sans nom naître dans son cœur. Lui qui n'avait jamais connu l'amour d'un parent durant son enfance, voyait la seule preuve d'amour sur cette terre lui être refusée. Au plus profond de son esprit torturé naquit une sinistre pensée...Il y avait moult façons de mettre fin au jour de quelqu'un, mais faire croire aux yeux du monde que la mort était naturelle était une autre paire de manches. Le poison , arme redoutable pour qui savait s'en servir et qui voyait ses premiers effets se faire ressentir peu de temps après l'empoisonnement. Le pouvoir et la richesse octroyés par son rang lui permirent d'acheter les services d'un antiquaire lui permettant de mettre la main sur l'objet désiré. Pour peu que vous sachiez à laquelle frapper mais aussi le prix, il était possible d'acquérir une telle denrée. Le jour vint où la santé du vieux Duc déclina, malgré les soins prodigués par ses médecins son destin était scellé.
Accédant au trône de feu son père, il put enfin goûter à la toute-puissance octroyée par son nouveau titre durement acquis. Libre de faire ce que bon lui semble, il se marie enfin avec l'élu de son cœur coulant des jours heureux. Et voyant voir le jour de Lorent Citrine, futur hérité de sa Maison.
Mais dans un monde aussi cruel, nul bonheur ne dure éternellement. Le Mal des Mines, véritable malédiction de l'Obscur balayant les espoirs de guérison. Maladie atteignant seulement les mineurs de longues dates. Pour une raison inconnue, l'Obscur vint réclamer son dû auprès du Citrine qui semblait passer des jours bien trop paisibles pour une telle période de trouble. C’est alors qu’il décida de faucher son premier et unique enfant. Faisant tomber ses géniteurs dans la tourmente comme les siens avant lui. Le destin venait de lui jouer un terrible tour. Endurci par une enfance solitaire et difficile, Harlan surmonta cette perte avec difficulté cependant. Il n’en était hélas pas le cas de son épouse. Qui, accablée par la perte tragique de son enfant. Se donna la mort la saison suivante. Désormais seul, il tomba à son tour dans les travers de ce paternel qu’il méprisait tant… Le destin s’était décidément joué de lui avec une ironie toute particulière.
Il n'y a plus guère de bon ou de mauvais. Plus maintenant.
Il ne reste plus qu'à être...Avant de disparaître…
Il serait. Cet personne qu’il n’avait pas su être pour sa femme, le mari qui n’avait pas su la rendre totalement heureuse. La protéger des désastres qui ravageait jadis Shu-Torun ainsi que l’instabilité toute relative qui secouait le Royaume. Dans leur jeunesse, ils s’étaient promis en toute ingénuité de faire de ce monde un lieu meilleur. Harlan se promit de rester en vie quoi qu’il en coûte et réaliser cet utopie insensé qui avait fait croire à sa défunte femme la possibilité d’un monde meilleur.
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CHAPITRE II: Une route sanglante vers le pouvoirHarlan s'arma de patience et usa de la tromperie et du mensonge pour monter marche après marche dans les hautes instances du pouvoir. Hélas pour lui, ici-bas le succès est source de jalousie et très bientôt il se fit un certain nombre d'ennemis. N’attendant que le moment propice pour faire chuter le lion endormi. D’une maîtrise remarquable, il ne rompit pas face aux nombreuses piques et injures lui étant destinées. Le lion gardant refoulée en lui cette rage sanglante, la réservant pour le moment opportune. Jouant de ses contacts et des possibilités qui lui étaient offertes au fur et à mesure de son ascension , il mit en place sa terrible vengeance. À l’aide d’émissaire, il acheta dans le plus parfait des anonymats les services d’hommes de main. Neutralisant un soir de beuverie, les gardes du corps de ses opposants. Acculés dans une ruelle sombre, ses adversaires virent l’artisan de leur chute se dévoiler au grand jour.
Pensiez-vous que je vous avais oublié ? Peut-être l'espériez-vous ?
Il n'y a plus qu'une règle... Chasser ou être chassé.
Mais voici la plus affreuse des vérités. Pour ceux qui aspirent aux sommets.
Aucune pitié n'est de mise.
Sous ses airs inoffensifs, sous ce pacifisme de notoriété officielle se cachait un être sans pitié. Il s’était délibérément marché dessus afin de mieux voir ses ennemis se fourvoyer. Qui viendrait à craindre Harlan Citrine le “lion endormi” de Shu-Torun ? Il s’était laissé chasser pour mieux les atteindre. Lorsqu’il ne resta d’eux plus que de silencieux râles d’agonie interrompus par le sang coulant abondamment de leur jugulaire sectionnée. Le noble sentit les ténèbres de son cœur prendre un peu plus le pas sur cette promesse qu’il avait faite. Cette promesse qui lui paraissait alors si lointaine. Il se sentait changé avec le temps. Le Harlan de jadis semblait se faire happer par ce cœur brisé qui n’avait jamais su trouver quelconque réconfort.
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CHAPITRE III: La cour Royale, le jeu suprêmeLa révolution des Ducs Minéraux Renégats déstabilisa une fois de plus la Couronne qui se trouva dans une situation fort précaire. Le droit, le passe-partout universel, le sacerdoce de son époque. Mais qui ? Qui avait ce droit ? Ce droit de trôner sur le trône Minéral ? La jeune Reine ? Ou dans l'un des Ducs se lançant dans une croisade contre la reine Trios ? Le pouvoir se retrouvait une nouvelle fois dans une position de faiblesse.
Il était là. Si proche du pouvoir qu’il convoitait depuis cette décennie d’effort. Une marche, plus qu’une dernière marche à gravir et il aurait enfin le pouvoir nécessaire pour mener à bien la quête de sa misérable existence. Mais sur cette place tant convoitée siégeait son plus fidèle ami. Celui qui avait su faire de lui le brillant homme qu’il était au sein de la Cour. Son mentor, ce père de substitution qu’il n’avait jamais eu. Mais Harlan était un être dévoré par la soif de pouvoir et par cette promesse, cette unique chose qui donnait un sens à son existence. Vautour n’hésitant pas à se repaître des restes putrides de ses opposants. Il usa de duperie, de malhonnêteté et de la fortune de sa famille pour destituer celui-ci . Lorsque le Grand Conseil eut lieu, il avait usé de ses plus vils mensonges afin de semer le doute dans le cœur des membres du Conseil. Discréditant aux yeux de ceux-ci le pauvre homme qui ne s’était pas attendu à une telle offensive de la part de l’homme qu’il considérait comme son ami.
Le temps des amitiés est terminé.
Je prendrai ce qui est mien… Je vous détruirai.
Guerre de pouvoir, peur, totale, brutale.
Faisant passer celui-ci comme un fervent défenseur des Ducs Renégats. Il se mit rapidement le Grand Conseil à dos. Bien qu’il ait essayé de clamer le contraire, la paranoïa des puissants fit s’échouer ses lamentations sur les rives du désespoir. Bientôt il se retrouva seul. Dans un ultime espoir de salvation, son mentor vint au chevet de son “ami”. S’échangeant autour d’une coupe de vin, commérage et projet d’avenir. C’est alors que la chute fut brutale pour celui-ci. Sans la moindre once de pitié, Harlan tourna le dos à ce noble en disgrâce. Cette nuit-là, la conversation entre les deux hommes fut mouvementée. Blessé et trahi, le père par procuration en fin de carrière affubla l’artisan de son malheur de bien des noms. Jurant de se venger pour une telle félonie.
En définitive, peu m'importe que vous m'aimiez ou que vous me haïssiez.
Vous pouvez affubler ma personne des sentiments que vous voulez, mais cela me passe au-dessus.
Qu'importe ce que je dis, qu'importe ce que je fais, dès lors que j'accomplis quelque chose.
Qui comble le peuple de Shu-Torun de bout en bout.
Vous vous faites vieux mon bon ami.
Le Grand Conseil ne voit pas d’un bon œil votre accointance avec les Ducs Renégats. Il pense que vous devriez être...remplacé. Vous ne pouvez pas gagner mon bon ami. La machine impériale est en marche… Les dissidents se feront écraser sous la poigne de fer du seigneur Vador.
Ils me veulent comme nouveau Membre du Conseil ? Je serai ce membre du conseil.
J'accomplirai mon devoir.
Faible de constitution après avoir livré une longue bataille dans le seul but de sauver son honneur ; le vieil homme sentit des étourdissements, des nausées et son nez saigner abondamment. S’écroulant au sol, il s'agrippa aux chevilles de son disciple. Réalisant avec effroi ce qu’il se passait. Trahi par celui même qui le considérait comme son père. Il avait fait son ultime erreur, celle de porter ses lèvres à une coupe dont le pourtour avait été saupoudré de poison. Ce même poison qu’Harlan avait utilisé sur son géniteur. Quelle ironie !
Le corps de feu son mentor disparu cette nuit-là. Le matin même les ragots avaient enflé à son sujet. Beaucoup pensaient qu’il avait pris la fuite, espérant ainsi ne pas tomber en disgrâce auprès de la reine qui avait pacifié son monde à l'aide de son allié impérial.
Dans la sueur, la solitude et le sang, Harlan atteignit enfin le poste tant désiré. Celui de Membre du Conseil Restreint. Une question demeure. Est-il devenu l’homme qu’il redoutait d’être ?