- jeu. 7 mars 2019 13:28
#35238
Il y avait l’appréhension, en tout premier lieu. La persuasion que l’avenir était funeste, noir. L’appréhension qu’il lui arrive quelque chose, que son identité soit touchée, qu’elle disparaisse. Cela était mêlé à l’excitation, l’adrénaline, qui offrait à son corps des capacités surhumaines. Qui donnait à ses muscles la force et à son cerveau la rapidité d’analyse. Cela contribuait à la garder toujours active, toujours prête à affronter le danger. Il y avait également la faim qui intervenait, comme une pression intérieure qu’elle s’infligeait et qui avait creusé en son sein le sillon de son existence. La faim qui l’avait poussé à dévorer tout le monde sur ce vaisseau. Les humains, les aliens, tout. Les morts vivaient des moments beaucoup plus doux que les vivants. Les vivants cultivaient leurs échecs passés et vivaient avec. Le flash qui s’était suivi était la dernière chose dont elle se souvenait. Une lumière incandescente, magnifique, attrayante. Une douce chaleur qui se répandait sur son corps, qui l’enveloppait. Quelques visages, des mèches blondes, une peau bleue et verte, des yeux océans. L’impression de déjà vu, les sentiments qui allaient avec. Amour, haine, passion. Tout ce qui régissait sa vie désormais. Tout ce qui comptait et qui constituait son moteur. Au-delà de cela, c’était le vide. Plus rien.
La lumière au bout du vaisseau qu’elle apercevait, étincelante mais pas aveuglante. Réconfortante. Elle voulut y aller, trouver le repos que cette étoile lui procurerait. Convaincue, persuadée que cela allait enfin finir. Que le calvaire prendrait la forme d’un songe et que sa vie consumée serait définitivement oublié. Du bout des doigts, elle put toucher sa splendeur, sa richesse géométrique, psychique. Du bout des doigts seulement. Le malaise qui s’installa coupa court à tous ses sentiments. L’étoile étincelante mourut lentement sur elle-même, pour ne laisser que le noir, le vide, métaphore de sa vie. De ce malaise qui avait pris naissance, il y eut la douleur. Intense douleur dans tous son corps. Pas un organe épargné, pas un seul centimètre de peau qui ne clamait pas le repos. Tout se passa de manière irréaliste, coupé du temps. Des bruits mécaniques, une visseuse, une scie. Des cris de douleur, des cris de clémence. L’augure du trépas qui se relevait, accompagnée par la mort elle-même. Par-dessus son épaule fictive, elle la sentit, toute proche, qui lui murmurait à l’oreille des paroles apocalyptiques, prémonitoire de son destin.
La haine et la colère prirent place dans cet enchaînement tempétueux. La douleur comme moteur, brûlure, fracture, ecchymose. Le souffle coupé. L’ombre qui à ses côtés l’enveloppait, chatoyante compagnon du malheur. Elle ouvrit les yeux subitement, son entourage se figea. La douleur, encore et toujours et cette fumée qui emplissait son esprit. Bras et jambe lié, incapables de bouger, brûlées, décharnée. Du sang, partout. Des corps qui gisaient là, d’autres qui se protégeaient de leurs mains. Et sa respiration, synthétique. Jeny ne comprit pas, se demanda. Son corps hurlait, son esprit pleurait. Tout son être semblait mort, seulement tenue par la haine et la colère en elle. L’ombre l’enveloppait toujours, la gardait, lui promulguant la négativité dont elle avait besoin. Il y avait en elle une sorte de deuxième cœur, une colère sourde, une haine profonde. Envers quoi ? Envers la vie. Une haine si intense et si générale qui faisait bouillir le sang si difficilement maintenu dans son corps. Envers tout et tous. Envers elle, envers l’ombre, envers la lumière. Cette haine si puissante, qu’elle avait interdiction de mourir.
« Madame, on veut vous soigner ! »
« Chef, réveillez-vous. Jeny ! »
Son regard écarlate se tourna vers le jeune garçon, vers l’homme en blouse. Pourquoi ne les voyait-elle pas convenablement ? Pourquoi sa vision était troublé, artificielle. Elle essaya de se relever, en vain. Son corps hurla de nouveau, elle hurla avec, d’une voix qui n’était pas la sienne. L’ombre se déversa dans la pièce, écrasèrent les derniers faisceaux lumineux, tapissèrent les murs de griffures, de sillons de colère. Les sangles lâchèrent sous ce déchainement, une à une. Tout redevint calme.
« Qu’est … qu’est ce que vous m’avez fait ?! »
« On vous a ramené, vous avez été prise dans une explosion. Le vaisseau républicain, vous vous en souvenez ? Il y a eu un accident, on n’est pas arrivé à ramener tout le monde. Vous avez été pris dans la déflagration mais on vous a quand même porté. »
Sa main, la sienne, tremblante, se releva doucement. Pourquoi avait-elle si mal ? Pourquoi la souffrance était si intense ? Calomnie ! Des fissures apparurent dans la salle, le métal grinça, le béton s’effrita. Lentement, sa main arriva devant sa vision. Une main noire, gantée. L’ombre transpirait par les pores, une fumée intense.
« Vous étiez morte. Mais vous êtes revenues. Votre corps est … »
« QUOI ?! PARLE ! »
« Regardez par vous-même. »
On approcha des lampes, et un miroir, que l’on disposa devant elle. Ce qu’elle y vit, ce n’était pas elle. Un casque recouvrait sa tête, une combinaison retenait la majeure partie de son corps. Par-dessus, comme un deuxième derme, l’ombre mouvante. Son visage n’était pas visible, caché derrière l’épaisse fumée. On pouvait à peine discerner les deux yeux rougeâtres. Par moment, on voyait des morceaux de son corps. Une partie de ses hanches n’existait plus, consumée sur plusieurs centimètres. Un abdominal était transpercée, avec à l’air libre une partie de l’intérieur de son corps. A plusieurs endroits, le corps était noirâtre, carbonisé, la peau fripée ou inexistante. A vif. Se voir ainsi raviva la douleur. Seule les jambes fonctionnaient encore, et mêmes elles étaient entièrement pourvu de la combinaison, avec autant de dommage probablement. Le miroir en face d’elle se brisa. Le porteur se recula. Malgré la vivifiante douleur, elle se sentit serrer les dents. Un pas en avant, un deuxième, elle se retrouva debout. La table de métal sur laquelle elle reposait vola en éclat, dispersé dans tous les sens. Le métal comme du beurre était découpé, scindé, plié. Ses doigts bougèrent, craquèrent. Les os dans son corps rugirent, elle prit la suite. Les deux seuls présents et encore vivants se mirent à genoux. Son torse se levait et s’abaissait à de trop fortes amplitudes, et elle posa son regard sur eux, dans la pénombre de la pièce.
La lumière au bout du vaisseau qu’elle apercevait, étincelante mais pas aveuglante. Réconfortante. Elle voulut y aller, trouver le repos que cette étoile lui procurerait. Convaincue, persuadée que cela allait enfin finir. Que le calvaire prendrait la forme d’un songe et que sa vie consumée serait définitivement oublié. Du bout des doigts, elle put toucher sa splendeur, sa richesse géométrique, psychique. Du bout des doigts seulement. Le malaise qui s’installa coupa court à tous ses sentiments. L’étoile étincelante mourut lentement sur elle-même, pour ne laisser que le noir, le vide, métaphore de sa vie. De ce malaise qui avait pris naissance, il y eut la douleur. Intense douleur dans tous son corps. Pas un organe épargné, pas un seul centimètre de peau qui ne clamait pas le repos. Tout se passa de manière irréaliste, coupé du temps. Des bruits mécaniques, une visseuse, une scie. Des cris de douleur, des cris de clémence. L’augure du trépas qui se relevait, accompagnée par la mort elle-même. Par-dessus son épaule fictive, elle la sentit, toute proche, qui lui murmurait à l’oreille des paroles apocalyptiques, prémonitoire de son destin.
La haine et la colère prirent place dans cet enchaînement tempétueux. La douleur comme moteur, brûlure, fracture, ecchymose. Le souffle coupé. L’ombre qui à ses côtés l’enveloppait, chatoyante compagnon du malheur. Elle ouvrit les yeux subitement, son entourage se figea. La douleur, encore et toujours et cette fumée qui emplissait son esprit. Bras et jambe lié, incapables de bouger, brûlées, décharnée. Du sang, partout. Des corps qui gisaient là, d’autres qui se protégeaient de leurs mains. Et sa respiration, synthétique. Jeny ne comprit pas, se demanda. Son corps hurlait, son esprit pleurait. Tout son être semblait mort, seulement tenue par la haine et la colère en elle. L’ombre l’enveloppait toujours, la gardait, lui promulguant la négativité dont elle avait besoin. Il y avait en elle une sorte de deuxième cœur, une colère sourde, une haine profonde. Envers quoi ? Envers la vie. Une haine si intense et si générale qui faisait bouillir le sang si difficilement maintenu dans son corps. Envers tout et tous. Envers elle, envers l’ombre, envers la lumière. Cette haine si puissante, qu’elle avait interdiction de mourir.
« Madame, on veut vous soigner ! »
« Chef, réveillez-vous. Jeny ! »
Son regard écarlate se tourna vers le jeune garçon, vers l’homme en blouse. Pourquoi ne les voyait-elle pas convenablement ? Pourquoi sa vision était troublé, artificielle. Elle essaya de se relever, en vain. Son corps hurla de nouveau, elle hurla avec, d’une voix qui n’était pas la sienne. L’ombre se déversa dans la pièce, écrasèrent les derniers faisceaux lumineux, tapissèrent les murs de griffures, de sillons de colère. Les sangles lâchèrent sous ce déchainement, une à une. Tout redevint calme.
« Qu’est … qu’est ce que vous m’avez fait ?! »
« On vous a ramené, vous avez été prise dans une explosion. Le vaisseau républicain, vous vous en souvenez ? Il y a eu un accident, on n’est pas arrivé à ramener tout le monde. Vous avez été pris dans la déflagration mais on vous a quand même porté. »
Sa main, la sienne, tremblante, se releva doucement. Pourquoi avait-elle si mal ? Pourquoi la souffrance était si intense ? Calomnie ! Des fissures apparurent dans la salle, le métal grinça, le béton s’effrita. Lentement, sa main arriva devant sa vision. Une main noire, gantée. L’ombre transpirait par les pores, une fumée intense.
« Vous étiez morte. Mais vous êtes revenues. Votre corps est … »
« QUOI ?! PARLE ! »
« Regardez par vous-même. »
On approcha des lampes, et un miroir, que l’on disposa devant elle. Ce qu’elle y vit, ce n’était pas elle. Un casque recouvrait sa tête, une combinaison retenait la majeure partie de son corps. Par-dessus, comme un deuxième derme, l’ombre mouvante. Son visage n’était pas visible, caché derrière l’épaisse fumée. On pouvait à peine discerner les deux yeux rougeâtres. Par moment, on voyait des morceaux de son corps. Une partie de ses hanches n’existait plus, consumée sur plusieurs centimètres. Un abdominal était transpercée, avec à l’air libre une partie de l’intérieur de son corps. A plusieurs endroits, le corps était noirâtre, carbonisé, la peau fripée ou inexistante. A vif. Se voir ainsi raviva la douleur. Seule les jambes fonctionnaient encore, et mêmes elles étaient entièrement pourvu de la combinaison, avec autant de dommage probablement. Le miroir en face d’elle se brisa. Le porteur se recula. Malgré la vivifiante douleur, elle se sentit serrer les dents. Un pas en avant, un deuxième, elle se retrouva debout. La table de métal sur laquelle elle reposait vola en éclat, dispersé dans tous les sens. Le métal comme du beurre était découpé, scindé, plié. Ses doigts bougèrent, craquèrent. Les os dans son corps rugirent, elle prit la suite. Les deux seuls présents et encore vivants se mirent à genoux. Son torse se levait et s’abaissait à de trop fortes amplitudes, et elle posa son regard sur eux, dans la pénombre de la pièce.