- ven. 26 avr. 2019 09:18
#35416
- Devoir. Pouvoir. Quelle différence pour la louve, pour qui seul faire devait compter. Elle ne vivait qu’à travers ses besoins et ses envies. Ils étaient comme ça, tous. Pas un pour réfléchir deux minutes. Cette puissance brute, à portée de main, qui rongeait le cœur de Vkoh, n’était qu’une chaîne supplémentaire. Donne-moi ta main, pour une aliénation totale. Non. Trop facile d’y succomber. Trop facile de se laisser aller. Comment deviendrait-on absolu, si chacun perdait ainsi la raison. La Dame Sombre s’y refusait simplement, par raison. Et expliquer tout ceci à la louve n’était pas à l’ordre du jour. Elle ne comprendrait pas. Aucun de ces dégénérés ne comprendrait.
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Elles restèrent ainsi, un moment par terre. Il ne se passa rien. Pendant plusieurs minutes, il n’y eut que le silence. Il n’y avait plus rien à dire.
La Sith se passa une main sur le visage, chassant par ce geste quelques pensées parasites, quelques aigreurs. Elle restait persuadée que tous ses chiens ne comprenaient rien. Ils n’étaient bons qu’à obéir. Finalement, la Mirialan se remit sur pieds. Elle n’adressa qu’un regard bref à la louve, un regard sans signification. Sa voix brisa le lourd silence qui s’était installé dans la chambre.
- « On commence le travail demain. Je te retrouverai ici à la première heure du jour. »
Par chance, les levers des deux soleils de cette planète coïncidaient.
- « D’ici là, repose-toi. Si tu peux. »
Et la Sith s’en fut. Elle quitta la chambre et redescendit les escaliers. En bas, elle régla la note laissée impayée à l’initiative de Vkoh. Puis quitta la cantina.
Dehors, la nuit était tombée. La Mirialan s’arrêta un moment sur le seuil de la porte double, levant les yeux vers le ciel. Ici, dans la banlieue de Malcraan, l’éclairage très faible des lampadaires à néons laissait apercevoir quelques étoiles lointaines. La tête vide de pensées, Ranath poursuivit son chemin, sans trop savoir où aller. Le rythme soutenu de ses pas raviva sa réflexion. Lui revinrent les souvenirs de son échange avec Haarm, les informations données, les cibles. Elle détacha le petit datapad de sa ceinture, et amena de nouveau les coordonnées à portée de regard. Le premier mourrait dans trois jours. La Sith consulta encore la note lui étant associée. Elle rangea l’appareil et bifurqua au prochain carrefour.
Elle marcha longtemps, une paire d’heures. Une autre banlieue, quelques logements aux murs jaunâtres, quelques commerces fermés, une métallerie dont le fourneau était encore actif, si tard, ils ne devaient jamais l’éteindre. Et c’était là, cette petite maison. Il habitait là. Dans trois jours. Il ne pouvait pas mourir là. Il faudrait le suivre, le traquer, l’éloigner d’ici, et l’éliminer. La maison était vide. La pensée de la Sith avait sondé les deux petites pièces presque vides. L’endroit transpirait la misère. La contrebande et la piraterie devenaient des métiers comme les autres. Des métiers à risques. Des risques qu’il fallait accepter avant de signer. Ranath faisait partie de ces risques. Dans trois jours.
La Mirialan se détourna de son objectif prochain. Elle enverrait Vkoh égorger cette première victime. Il restait quelques préparatifs en perspective.
Tout était calme. Comme si la ville toute entière s’était endormie. Ce n’était qu’une illusion, car dans le lointain, on entendait distinctement le ronronnement des véhicules, parfois des éclats de voix. Cette planète ne comptait que peu d’habitants, mais ils s’étaient, pour bon nombre, rassemblés dans des villes comme celle-ci, poussiéreuse et miséreuse. Idéal pour les petits et grands brigands de ce monde. Longeant les rues sombres, la Sith sentait parfois un regard se poser sur elle, mais de ses yeux, ne voyait personne. Seule la Force lui soufflait, de ci de là, un indice. Elle poursuivait son chemin, sans s’arrêter, sans même songer à engager quelque conflit.
La sensitive passa aux abords d’une cantina qui ne fermait jamais. Quelques badauds y traînaient, dépensant leurs derniers deniers au profit d’un grand et maigre Molavarien accoudé au comptoir. Les quelques uns qui restaient dehors jetèrent un coup d’œil en direction de la peau verte. On distinguait mal les traits de son visage. Pour sûr, c’était une femme. Toute de noir vêtue, veste et pantalon, les cheveux tenus par une attache simple à l’arrière de son crâne. Elle passa son chemin, prenant la tangente dans une petite ruelle mal éclairée.
- « File-moi le reste. »
La Sith stoppa net. Ils étaient deux, l’un tenait l’autre. Le premier insistait.
- « T’as vendu que ça ? »
L’autre balbutiait, intimidé par l’arme à feu dont le canon lui titillait la peau du ventre.
- « Non, mais tu sais …
- Allez, ta gueule. Ça fait déjà deux fois, je t’avais prévenu.
- Non, non, non … »
Le premier arma à hauteur de front et tira. La détonation ne fit pratiquement aucun bruit. Il vida les poches du tout frais cadavre, se redressa en pivotant vers la sortie, et tomba nez à nez avec la Mirialan.
- « Ah. »
À nouveau, il arma. C’était lui. Fallait-il que la Force soit si facétieuse ? La dague d’acier quitta son refuge avec un sifflement métallique. Sans un détour, elle alla se ficher directement dans la gorge de sa victime. La prise de Ranath était ferme sur la poignée, son autre main attrapa le menton de l’homme qui avait lâché son arme, sans un bruit. La main glissa sur le visage du mourant. Elle n’avait pas réfléchi. Il devait mourir, de tout façon, dans trois jours. Quelle blague. Il tomba à genoux, elle accompagna le mouvement. Sa pensée vint se nicher au creux de la conscience vacillante de l’Humain. Elle voulait en savoir plus sur Eicall. Sur le réseau. À toute vitesse, jouant contre la montre, et la mort, elle s’introduisit en l’esprit de ce pauvre gars, soutirant des images, des émotions, des souvenirs de ce petit crâne mou. Mais c’était trop tard, il était parti. Ranath lâcha prise. Elle soupira doucement. Et finit de l’égorger pour de bon. Toujours avec ce calme malsain, elle traça sur le front du mort, de la pointe de son arme, la signature de son bouc émissaire. La Mirialan abandonna là son message.
La balade dura toute la nuit. Le Maître ne revint à la chambre qu’une heure avant le lever des soleils. Elle s’allongea, mais ne ferma pas les yeux, ne parvint pas à trouver le sommeil. Pourtant, son esprit était vide de réflexions. Ce qui était arrivé tout à l’heure ne lui inspirait que ce vide, ce silence. Il n’y avait pas de peur, pas de colère. Pas de regrets, non plus. Juste le silence.
Elle avait abattu leur première cible. Trois jours plus tôt que prévu. Elles allaient devoir trouver une occupation, outre la recherche des deux autres cibles. Aussi la Sith avait-elle demander à Iro de lui envoyer quelqu’un. Quelqu’un capable de gérer une affaire, et qui resterait sur Molavar. Le type en question partit dans la journée qui suivit la demande, et arriverait bientôt. Et tandis que le Maître chargeait Vkoh de trouver les deux autres cibles, sans les tuer, elle s’occupait de dénicher un investissement simple.
La Mirialan jeta son dévolu sur un garage qui se voulait également ferrailleur. Le propriétaire ayant trouvé plus alléchante opportunité, il souhaitait se débarrasser de cette affaire. Ce fut le tenancier de la cantina qui informa la Sith de cette occasion, et elle traita directement avec le propriétaire. Le petit atelier avait une surface de 400 m² et tournait avec 5 employés, ils avaient l’habitude de réparer les véhicules des particuliers locaux, mais également quelques engins agricoles, et se déplaçaient parfois dans les exploitations environnantes pour faire l’entretien de certains moteurs industriels. La vente de pièces détachées faisait partie des activités annexes de l’endroit.