- ven. 12 avr. 2019 09:35
#35359
- La Mirialan avait cessé de gigoter depuis déjà un moment. Elle avait suivi le processus contraignant de son incarcération en demi conscience, perdant parfois le fil, croyant souvent qu’elle se souviendrait de tout. Après plusieurs jours, elle ne se souvenait de rien. Elle avait constaté à son réveil être privée de ses effets personnels. Du moins de son sabre, car ses poches étaient vides depuis longtemps. Tout était sur Dargul. Le carnet, le stylo, le caillou, le sabre de son maître, l’holocron, tout. Elle n’avait rien d’autre que ce sabre à la lame rubis. Elle ne le reverrait jamais. Cette fatalité l'indifférait désormais. Au début, elle avait un peu gesticulé, joué des muscles pour comprendre ce qui la maintenait et comment. C’était au réveil. Puis cette désagréable sensation d’immobilisme forcé avait laissé place à quelque chose de plus … grave. Son esprit ankylosé peinait à sortir du brouillard. Il était aveugle et maladroit. Il était essoufflé. Ranath était essoufflée. Elle était sourde. Elle était muette. Et elle était aveugle.
La pensée de la Sith se précipita sur l’un de ses ancrages. Sabina. Varadesh. Le lien avec son apprentie était fort et constant. Le lien était toujours là, toujours aussi intense. Elle le remonta à toute vitesse, à la recherche de la Pantoran. Mais Sabina avait disparu. La pensée se perdit. Elle se heurta aux barreaux de la cage. Au-delà de cette barrière, ce n’était que néant. La Mirialan n’avait plus conscience que d’elle-même, et encore. À plusieurs reprises elle s’essaya à une exploration mentale des environs. C’était une habitude si naturelle. Mais elle ne pouvait voir que par ses yeux, et n’entendre qu’avec ses oreilles. Elle était seule. Seule et perdue dans le néant. Pire encore, elle était vide. Elle était faible. Ses forces l’avaient abandonnée. La … Force, oui, la Force s’était tue. Dès lors, ses pensées se cantonnèrent à de bêtes constats. Froid. Faim. Mal. Peur. Elle avait peur. Il ne restait que ça. À partir de cet instant, Ranath avait cessé de bouger. Et son regard était tombé à ses pieds.
Elle découvrit avec une surprise toute mesurée la présence de ce petit animal. Immobile dans sa cage, il se montrait patient, comme si toute sa vie se résumait à cette cage. Elle le voyait, mais ne pouvait ressentir sa présence. Pourquoi tu es là ? De temps en temps, le lézard agitait une patte, et la Mirialan l’observait sans intérêt. C’est à cause toi, n’est-ce pas ? C’est toi qui fait ça. C’était la seule explication qu’elle put trouver. C’était à cause du lézard. Elle ne lui en voulut pas. Les heures défilant, la Sith put prendre la mesure du silence qui régnait en elle. Les émotions ressenties étaient simples, presque binaires. Elle ressentait, ou ne ressentait pas. Mais ce vide, peu importait le temps qu’on passait avec lui, était toujours aussi terrifiant.
Il y eut un mouvement sur le côté, accompagné d’un grognement. John émergeait. À son tour, il observa sa condition. Il lui parla, l’interrogea. Elle ne lui répondit pas.
On vint finalement perturber le petit univers restreint de la Sith. Une porte s’ouvrit, laissant entrer plusieurs paires de bottes dont les talons claquaient par terre. Ils s’arrêtèrent au niveau de l’Humain, sans trop intéresser la Mirialan. Puis, après un certain temps, ils envahirent son champ visuel. Elle fut forcée, cette fois, de trouver à tout cela une forme d’intérêt. L’identité de l’illustre visiteur ferait l’affaire. Empereur. La Dame Sombre inspira lentement, ses côtes se soulevèrent dans le même temps, à mesure que ses poumons se gorgeaient d’air.
- « Puis-je savoir comment une sensitive s'associe à un Moff renégat recherché pour meurtres, sabotages, haute trahison et chasse illégale ? »
Elle relâcha doucement la pression alors que ses yeux, dont l’éclat d’or s’était éteint, observaient le visage à l’expression dure de son interlocuteur.
- « Une rencontre fortuite. »
Sa voix, qui n’avait pas servi depuis des jours, était rauque mais ne trahissait aucune forme de faiblesse. Le ton égal, bien que marqué par la privation d’optimisme, ne révélait pas d’arrogance. Darth Ranath, malgré bien des excès, savait se montrer raisonnable. Elle ne jouerait pas avec cet animal-là.
- « Et regrettable. »
Il était désormais question d’accepter la situation et d’y survivre. Dans le calme.
Le lézard à ses pieds se dandinait.
Des mois auparavant, et depuis la chute, la Sith s’était prise à réfléchir à la potentielle durabilité de son identité Jedi. Elle se demandait si on conservait les informations des disparus. Des déchus. Elle imaginait d’abord qu’on la rechercherait. Puis qu’on n’en ferait rien. Elle prenait peur de voir surgir un Maître Morelion enragé, puis découvrait la stupidité du Conseil en la personne de leur médiocre émissaire. En fin de compte, Mya Tellis avait peut-être un dossier à son nom sur Coruscant. Aujourd’hui, il était temps de se demander à quel point ce dossier était accessible, et qui pouvait se le procurer. L’éventualité d’être fichée comme Jedi existait. Le pourpre de sa lame racontait une autre histoire. Mais l’Empereur préférait-il rencontrer un Jedi ? Ou un Sith ?
En silence, elle attendait la suite.